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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4714/2006

ATA/317/2007 du 12.06.2007 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : ; IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL ; REVENU ; FRAIS(EN GÉNÉRAL)
Résumé : Confirmation de redressements fiscaux portant sur des revenus correspondants à des frais remboursés par l'employeur - société dont le contribuable est administrateur - qui ne sont pas reconnus comme charges justifiées. Examen de la culpabilité du recourant et de la quotité de l'amende.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4714/2006-FIN ATA/317/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 12 juin 2007

 

dans la cause

 

Monsieur V_____
représenté par Me Michael Rudermann, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIèRE D'IMPÔTS


1. Monsieur V_____ est administrateur, avec signature individuelle, de la société A_____ S.A. Ltd. Londres - succursale, à Carouge (ci-après : la société).

Il a remis à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) une déclaration fiscale pour l'impôt cantonal et communal 1997 (ICC) datée du 3 novembre 1997.

2. Par courrier recommandé du 8 mai 2001, l'AFC a informé le contribuable de l'ouverture d'une procédure de vérification concernant les impôts cantonaux et communaux pour l'année fiscale 1997. Elle l'avertissait également qu'au vu des constatations faites lors du contrôle de la société, dont notamment un prélèvement de CHF 360'000.- en espèces, la reprise serait majorée d'une pénalité.

3. Les 15 et 21 mai 2001, M. V_____ a exposé à l'AFC que la somme de CHF 360'000.- avait été prélevée pour payer par virements postaux les honoraires des animatrices, travaillant pour la société mais domiciliées à l'étranger. La société exploitait un service de "téléphone rose"; il produisait copie des comptes courants de la société.

4. Par courrier du 13 août 2001, l'AFC a indiqué que les pièces remises ne prouvaient pas que les montants aient servi à régler les salaires des animatrices ou les frais généraux. Elle demandait la production de justificatifs.

5. Le 26 novembre 2001, l'AFC a informé M. V_____ de l'ouverture d'une procédure de vérification concernant les années fiscales 1998 à 2000.

6. Le 29 mai 2002, l'AFC a clôturé la procédure de contrôle pour les années 1997 à 2000 et a notifié quatre bordereaux de rappel d'impôts annuels avec le détail des reprises, correspondant à des prélèvements non justifiés faits à titre privé par M. V_____ sur les comptes de la société, pour un total de CHF 393'898.- pour 1997, CHF 1'199'593.- pour 1998, CHF 515'117.- pour 1999 et CHF 585'095.- pour 2000.

Les suppléments d'impôts avec intérêts étaient les suivants :

Année fiscale Supplément d'impôt Intérêts de retard
1997 139'596,35 21'567,65
1998 418'696,35 47'940,75
1999 169'593,10 13'906,65
2000 176'165,20 8'720,20

Le 29 mai 2002 également, l'AFC a infligé à M. V_____ une amende de CHF 904'051.-, égale à une fois l'impôt soustrait.

7. Par réclamation du 25 juin 2002, M. V_____ a conclu à l'annulation des reprises et de l'amende. Les prélèvements en espèce du compte de la société n'étaient pas conservés pour lui-même mais avaient été utilisés pour payer des charges de la société.

8. Par décision sur réclamation du 14 avril 2004, l'AFC a maintenu la taxation contestée. Selon les relevés bancaires de la société, le montant des prélèvements effectués par le contribuable n'avait été affecté que partiellement à des charges justifiées. La partie non justifiée était considérée comme une prestation à un proche de la société et faisait partie du revenu imposable du contribuable.

9. Le 11 mai 2004, M. V_____ a interjeté recours contre la décision sur réclamation auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : CCRMI).

Les redressements opérés devaient être annulés. Il n'était pas actionnaire de la société. Son salaire de directeur et sa gratification étaient ses seules sources de revenu. Les prélèvements en espèces avaient servi au règlement des charges de la société, comme le démontrait les huit classeurs de pièces justificatives concernant les paiements en espèces remis à l'AFC lors du contrôle. Si l'on comparait les entrées et les sorties pour l'année 1999, il apparaissait que les dépenses (espèces, virements, chèques) s'élevait à CHF 3'472'894.- et que les sorties bancaires (espèces et virements) étaient de CHF 3'414'625.-. Ceci démontrait qu'il n'y avait pas eu un avantage en espèces en sa faveur.

L'amende devait également être annulée car infondée. Il n'avait aucun pouvoir décisionnel dans le cadre de la gestion comptable, celle-ci étant totalement attribuée à la fiduciaire qui était proche des ayants droit de la société. Sa responsabilité de salarié, cadre de la société, se limitait à la gestion des affaires courantes et non aux aspects financiers découlant de cette gestion. Un simple employé ne pouvait être considéré coupable de malversation fiscale. Les comptes étaient signés par la fiduciaire, de même que les déclarations fiscales.

10. L'AFC a répondu le 18 juillet 2005. De jurisprudence constante, toute attribution faite par la société, sans contrepartie équivalente, à ses actionnaires ou à toute personne la ou les touchant de près et qu'elle n'aurait pas faite dans les mêmes circonstances à des tiers non participants est une prestation qui devait être qualifiée de prestation appréciable en argent, si le caractère insolite de cette prestation était reconnaissable par les organes de la société. Soit les prestations étaient justifiées par l'usage commercial, soit elles étaient justifiées par les étroites relations personnelles et économiques entre la société et le bénéficiaire.

La différence inexpliquée entre les prélèvements opérés par M. V_____ au sein de la société en sa qualité de directeur, d'administrateur avec signature individuelle et d'actionnaire et les charges de ladite société, devait être considérée comme étant un revenu, imposable en main du bénéficiaire.

Les charges commerciales de la société avaient été fixées comme suit :

CHF 1'756'099.- pour l'année civile 1996
CHF 1'438'255.- pour l'année civile 1997
CHF 1'941'035.- pour l'année civile 1998
CHF 2'737'907.- pour l'année civile 1999.

Les charges non admises étaient fixées comme suit :

CHF 680'063.- pour l'année civile 1996
CHF 68'463.- pour l'année civile 1997
CHF 228'832.- pour l'année civile 1998
CHF 0.- pour l'année civile 1999

Selon les relevés bancaires de la société les prélèvements effectués par M. V_____ s'étaient élevés à :

CHF 2'149'997.- pour l'année civile 1996
CHF 2'637'848.- pour l'année civile 1997
CHF 2'456'152.- pour l'année civile 1998
CHF 3'323'002.- pour l'année civile 1999.

Le contribuable n'avait pas été en mesure de justifier la différence entre ces prélèvements et les charges admises.

S'agissant de l'amende, elle se justifiait en raison de la soustraction d'impôt commise intentionnellement. Les déclarations d'impôts de la société étaient incomplètes, voire fausses. En produisant des états financiers contraires à la vérité, la société avait obtenu des taxations tant sur le capital que sur le bénéfice, nettement insuffisantes. De nombreuses distributions de bénéfice dissimulées, aisément reconnaissables par les bénéficiaires et organes de la société, diminuaient de manière illicite le bénéfice imposable. En ne déclarant pas les prélèvements qu'il avait opérés à titre privé, le contribuable avait obtenu des taxations insuffisantes.

11. Dans sa réplique du 15 septembre 2005, M. V_____ a exposé que l'AFC s'obstinait à ne pas comprendre que les redressements opérés étaient erronés en raison du fait que ce qui était comparé n'était pas comparable. Il fallait comparer les prélèvements en espèces et les dépenses en espèces afin de voir s'il y avait des prélèvements non justifiés. Ce qui n'était pas le cas, bien au contraire, comme le prouvait les pièces déjà déposées. M. V_____ possédait une seule action à titre fiduciaire en tant qu'administrateur. Il n'y avait pas de lien d'actionnariat.

12. Par décision du 6 novembre 2006, la CCRMI a rejeté le recours.

Seule une partie des prélèvements effectués par le contribuable sur les comptes de la société trouvait sa contrepartie dans des charges justifiées. La société n'avait pas fait valoir à l'encontre du contribuable une prétention à hauteur des retraits non justifiés. Ces derniers devaient dès lors être considérés comme des prestations appréciables en argent faites au bénéfice du contribuable.

Le contribuable n'avait pas rempli de manière exacte et complète ses déclarations afférentes aux exercices fiscaux 1997 à 2000. Vu leur ampleur et leur répétition sur plusieurs années, de telles omissions étaient forcément connues du recourant. Il avait agi avec l'intention de tromper le fisc ou pour le moins avait envisagé de le faire. Le principe de l'amende devait être confirmé et sa quotité également, compte tenu de l'absence de circonstances atténuantes.

13. Le 15 décembre 2006, M. V_____ a recouru au Tribunal administratif contre la décision de la CCRMI, sous la plume d'un nouveau mandataire. Il conclut principalement à l'annulation de la décision, y compris à celle de l'amende et le renvoi du dossier à l'AFC pour une nouvelle évaluation de la situation et subsidiairement à une réduction de l'amende et au renvoi du dossier à l'AFC.

La CCRMI n'avait pas tenu compte de sa situation personnelle. Il avait été mal conseillé par ses précédents mandataires, experts-comptables qui avaient signés ses différentes déclarations fiscales et celles de la société. Lui-même ne savait pas lire un bilan ni l'établir et ignorait tout du droit fiscal. Ces mêmes mandataires avaient rédigés les différentes écritures de la procédure avec la même incompétence. De ce fait, on ne pouvait lui imputer une quelconque responsabilité dans le travail comptable, négligemment, voire même fautivement exécuté. Il avait exercé tour à tour les métiers de pucier, déménageur et vendeur dans un vidéo club. Il avait exploité un vidéo club en raison individuelle puis par l'intermédiaire de la société.

Il admettait la justification des reprises portant sur les frais forfaitaires dépassant le 5% admissible, les 2/5 des frais de véhicule représentant la part privée et les charges liées au vidéo club puisqu'aucun chiffre d'affaires n'avait été enregistré dans les comptes de la société. Il admettait également la reprise d'une différence inexpliquée entre un montant de CHF 47'427.- porté dans le compte du Grand-livre de la société et un montant de CHF 547'427.- figurant dans le compte de pertes et profits. Néanmoins, à la lecture du bilan et des comptes de pertes et profits originaux de la société, il apparaissait que la différence était de CHF 300'000.- et non CHF 500'000.- comme retenu par l'AFC et la CCRMCI. Il produisait à cet effet un original du compte de pertes et profits daté du 23 juin 1997, signé par le mandataire de l'époque.

Les prélèvements totaux faits pour les années fiscales concernées étaient de CHF 2'362'151.82 alors que les justificatifs de paiement produits étaient de CHF 2'508'722.10. Il n'y avait donc pas de prélèvements non justifiés, mais une différence en sa faveur de CHF 146'570.28 de paiements effectués pour le compte de la société et qu'elle était en principe tenue de lui rembourser. Toutes ces pièces justificatives avaient déjà été fournies à l'AFC qui n'en avait pas tenu compte de même que la CCRMI.

Même si les charges inscrites par la société dans ses comptes, justifiées par pièces pour CHF 2'510'999.20, n'avaient pas toutes été admises par l'AFC, il n'en demeurait pas moins qu'elles avaient été dûment déclarées et payées. Elles avaient été faites pour le compte de la société et il ne s'était pas enrichi personnellement.

Si la fiduciaire de l'époque avait fait correctement son travail, la société aurait dû mentionner un compte courant V_____ pour la différence. L'AFC aurait également dû procéder à cette correction. Il n'avait pas profité personnellement de la différence. Les reprises d'impôts devaient être effectuées dans le seul chef de la société et non pas également contre lui-même, sous peine de procéder à une double imposition prohibée.

L'amende était injustifiée. Il n'avait pas réellement de formation professionnelle mais s'était entouré de conseils d'experts. Sa bonne foi devait être présumée. On ne pouvait pas lui reprocher les erreurs faites par sa fiduciaire qui, de fait, était devenu l'administrateur de la société en reprenant la responsabilité de l'ensemble de la gestion de la société et établissait les comptes et les déclarations fiscales. On ne pouvait lui reprocher d'avoir, intentionnellement ou par négligence, voulu tromper le fisc. A titre subsidiaire, si le principe de l'amende devait être confirmé, seule la négligence légère pouvait être retenue et une amende fortement diminuée être infligée.

Il a complété son recours le 18 décembre 2006 en concluant à l'octroi de dépens.

14. Le 31 janvier 2007, la CCRMI a persisté dans les considérants et le dispositif de sa décision.

15. L'AFC a répondu le 1er février 2007 au recours en concluant à son rejet. Elle persistait entièrement dans l'argumentation et les conclusions prises par devant la CCRMI.

16. Le 9 mars 2007, le Tribunal administratif a informé les parties que la cause était gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur des redressements d'impôts cantonaux de 1997 à 2000.

De nouvelles normes fiscales sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001, en application de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, du 14 décembre 1990 (LHID ; RS 642.14). Elles ont abrogé, à partir de cette date, la plupart des dispositions de la LCP. Ces dispositions demeurent cependant applicables, notamment en ce qui concerne l'imposition des personnes physiques, pour les périodes fiscales antérieures à l'année 2001. L'adaptation de la législation fiscale genevoise aux exigences de la LHID est en effet dépourvue d'effet rétroactif, comme l'a relevé le Tribunal administratif selon une jurisprudence constante (ATA/93/2005 du 1er mars 2005 ; ATA/373/2004 du 11 mai 2004 et références citées).

3. Le recours porte, en premier lieu, sur une reprise de CHF 500'000.- opérée par l'AFC concernant la taxation ICC 1997.

Cette reprise correspond à la différence inexpliquée entre le montant de CHF 47'427.- figurant dans le compte "sous-traitants" du Grand-livre et le montant figurant dans le compte pertes et profits 1996 de la société. L'AFC, suivie par la CCRMI, a retenu un montant de CHF 547'427.20 figurant sur le compte de pertes et profit daté du 17 septembre 1997, signé par la fiduciaire du contribuable. Cette pièce du dossier de taxation de la société a également été remise en copie par le recourant à la CCRMI et figure dans le dossier. Or, à l'appui de son recours au Tribunal administratif, le recourant a produit une autre version du compte de pertes et profits 1996, antérieure à celle remise à l'AFC, datée du 23 juin 1997, également signée par la fiduciaire, sur laquelle un montant de CHF 347'427.20 figure à la rubrique "sous-traitants". De ce fait, dans cette version du compte, le bénéfice net est de CHF 260'134.55 au lieu des CHF 50'134.55 figurant sur le compte établi le 17 septembre 1997.

Le droit fiscal renvoie aux règles du droit commercial, plus précisément au droit comptable, s'agissant de l'établissement des comptes. On distingue deux types de changements des éléments du bilan, selon qu'il s'agisse de remplacer un élément conforme au droit commercial par un autre tout autant admissible (modification) ou qu'il s'agisse de remplacer un élément non conforme au droit commercial par une indication conforme (correction). Dans ce dernier cas, la correction peut être faite d'office par l'administration fiscale ou par le contribuable jusqu'à l'entrée en force de la taxation. Les autres changements ne peuvent être effectués que jusqu'au moment où le bilan est porté à la connaissance des autorités fiscales (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 3e éd., 2007, p. 188).

En l'espèce, les modifications que le recourant souhaiterait voir apporter aux comptes de la société ne peuvent être prises en compte. En effet, il ne peut y avoir de modification ultérieure à la remise des comptes à l'AFC et le recourant n'allègue pas qu'il s'agisse d'une correction au sens défini plus haut. Aussi, c'est à bon droit que le montant de CHF 547'427.20 a été retenu par l'AFC pour le calcul de la reprise.

4. Le recours porte également sur la reprise, au titre de revenu, des différences entre les charges retenues par l'AFC et les prélèvements effectués sur les comptes de la société par le contribuable.

A cet égard, le recourant indique qu'il existe bel et bien une différence mais qu'elle est en sa faveur. Les pièces justificatives qu'il avait remises prouvaient que les charges inscrites par la société dans ses comptes correspondaient à des dépenses effectives faites pour le compte de la société.

a. L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus sous la forme de prestations périodiques ou de versements en capital, tant en argent qu'en nature, et qu'elle qu'en soit l'origine (art. 16 al. 1 aLCP). L’impôt est ainsi perçu sur l’ensemble des revenus nets du contribuable, quelle qu’en soit la source, les modalités d’acquisition et la forme (Mémorial des séances du Grand Conseil 1986 p. 1366).

b. Le bénéfice net imposable est constitué par le bénéfice net tel qu'il résulte du compte de profits et pertes ainsi que des allocations volontaires à des tiers et les prestations de toute nature fournies gratuitement à des tiers ou à des actionnaires de la société (art. 12 lettres a et h de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 - LIPM - D 3 15).

c. Le droit fiscal suisse prévoit ainsi la double imposition économique des bénéfices d'une société de capitaux. Les profits générés par la société sont frappés de l'impôt sur les bénéfices puis lors de la distribution, sous forme de dividendes, parts de bénéfices ou tout autre avantage appréciable en argent, au titre de revenu en main du particulier (X. OBERSON, op. cit. p. 194 et 197).

d. Selon le Tribunal fédéral, l’existence d’une prestation appréciable en argent suppose la réalisation de quatre conditions cumulatives : la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le touchant de près ; elle n’aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l’avantage qu’ils accordaient (X. OBERSON, op.cit. p. 197; ATA/792/2003 du 28 octobre 2003, consid. 4). L'étalon de mesure usuel de la présence et de l'étendue d'une telle prestation est la comparaison avec les termes que la société aurait vraisemblablement consentis - sous l'égide d'un gérant diligent et soucieux des intérêts de la société - à un tiers indépendant, toutes autres circonstances étant par ailleurs égales (W. RYSER et B. ROLLI, Précis de droit fiscal suisse, Berne 2002, p. 285).

e. Sont considérées comme des personnes proches de l’actionnaire, celles avec lesquelles existent des relations économiques ou personnelles qui, d’après l’ensemble des circonstances, doivent être vues comme la cause véritable des prestations qu’il s’agit d’imposer. Sont également des personnes proches, celles auxquelles l’actionnaire permet de disposer de sa société comme si elle leur appartenait en propre (RDAF 2000 II p 52 consid. 2a p. 54-55 et les arrêts cités). Il incombe à la société contribuable de prouver que les prestations en cause sont commercialement justifiées, de sorte que le fisc puisse s’assurer que seuls des motifs commerciaux et non d’étroites relations personnelles et économiques entre la société et le bénéficiaire des dites prestations ont été décisifs (ATF 119 Ib 431 consid 2c p. 435 ; RDAF 2000 2e partie p. 52 consid. 2b p. 55; RDAF 1999 2e partie p. 449 consid.3b p. 453).

f. Selon la jurisprudence constante en la matière, le contribuable qui mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôt n'est pas pour autant libéré de ses obligations fiscales. Il doit, le cas échéant, supporter les inconvénients d'une telle intervention et répond de l'erreur de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité (RDAF 2003 II 632, 637; RDAF 1999 II 535; ATA/927/2004 du 30 novembre 2004 et les références citées; X. OBERSON, op. cit., p. 510).

En l'espèce, le contribuable a fourni un grand nombre de pièces comptables attestant des dépenses faites avec les prélèvements en espèce sur les comptes de la société. Il en déduit que l'argent ayant été dépensé pour des frais comptabilisés par la société, il ne se serait pas enrichi. Ce raisonnement ne saurait être suivi, compte tenu du fait qu'une partie de ces dépenses ne peuvent être considérées comme des charges commerciales, ce que le recourant ne conteste plus. Il conteste uniquement s'être enrichi. Or, seule une partie des retraits faits par le contribuable sur les comptes de la société trouve sa contrepartie dans des charges justifiées et la société n'a pas fait valoir à l'encontre du contribuable une prétention à hauteur du solde. Aussi, la différence doit être considérée comme prestation appréciable en argent effectuée au bénéfice du contribuable. Peu importe, en effet, que l'argent ait finalement été dépensé par le contribuable dans le cadre très large de son activité professionnelle pour des frais de déplacements et de représentation notamment, du moment que ces derniers ne sont pas reconnus comme étant nécessaires à la marche de l'entreprise. Peu importe également que le contribuable n'ait pas été informé par les mandataires successifs de la société, chargés de la comptabilité et des déclarations fiscales, des conséquences de la comptabilisation erronée de ces dépenses et des effets prévisibles sur ses taxations fiscales.

En conséquence, c'est à juste titre que les montants correspondant à la différence entre les charges justifiées du point de vue commercial et les montants prélevés sur les comptes de la société ont été qualifiés de prestations appréciables en argent et ajoutés au revenu du contribuable.

Le recours sera rejeté sur ce point.

5. Reste à examiner le principe et cas échéant la quotité de l'amende.

a. L’article 84 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) prévoit que les sanctions pénales afférentes à des infractions réalisées avant l’entrée en vigueur de la présente loi sont prononcées conformément à l’ancien droit, dans la mesure où le nouveau droit n’est pas plus favorable.

b. Depuis le 1er janvier 2002, les articles topiques de l’aLCP ont été remplacés par l’article 69 LPFisc, qui prévoit une amende pouvant aller jusqu’au triple de l’impôt éludé en cas de soustraction intentionnelle ou par négligence. En règle générale, l’amende est fixée au montant de l’impôt soustrait et si la faute est légère, l’amende peut être réduite au tiers de ce montant.

c. S'agissant de la soustraction d'impôts commise par négligence, l'ancien droit est plus favorable puisqu'il prévoit une amende maximale correspondant au double de l'impôt soustrait (art. 340 al. 3 aLCP). Dans les cas de soustraction intentionnelle par contre, le nouveau droit prévoyant une amende maximale correspondant au triple de l'impôt soustrait (art. 69 al. 2 LPFisc) est plus favorable que l'ancien droit qui prévoyait un maximum de dix fois l'impôt soustrait (art. 341 al. 1 aLPC).

6. Il convient donc d'examiner d'abord la question de la culpabilité du recourant.

a. En matière de soustraction intentionnelle, selon la jurisprudence, la preuve d'un comportement intentionnel doit être considérée comme rapportée, lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que le contribuable était conscient que les informations qu'il a données étaient incorrectes ou incomplètes. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a volontairement voulu tromper les autorités fiscales, ou du moins qu'il a agi par dol éventuel afin d'obtenir une taxation moins élevée; cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on a peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.351/2002 du 5 novembre 2002; ATA/496/2003 du 17 juin 2003).

b. En matière de soustraction par négligence, l'auteur de la soustraction a agi soit sans se rendre compte (négligence inconsciente), soit sans tenir compte des conséquences de ses actes ou omissions (négligence consciente). Pour que l'imprévoyance soit coupable, il faut en premier lieu, objectivement, que l'auteur n'ait pas usé des précautions qui étaient commandées par les circonstances. Il faut en outre que, subjectivement, l'auteur de l'acte incriminé ait omis d'user des précautions commandées par sa situation personnelle. Pour apprécier celle-ci, l'administration, le cas échéant, le juge devront donc tenir compte non seulement des circonstances objectives du cas d'espèce, mais aussi de tout ce qui, in concreto, constitue la situation personnelle du contribuable ; par exemple l'intelligence et les connaissances de celui-ci, sa formation personnelle, sa situation économique et sociale et naturellement sa profession (J.-M. RIVIER, Droit fiscal suisse, 2e éd. 1998, p. 271ss).

c. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, lorsque c'est le représentant qui a porté dans la déclaration d'impôt des indications inexactes et, par ce biais, obtenu une taxation insuffisante, le contribuable doit se laisser imputer à faute cet acte dans la mesure où il aurait été en mesure de reconnaître les erreurs (Archives 57 consid. 4c, p. 223).

d. L'AFC et la CCRMI ont qualifié d'intentionnelle la faute du recourant.

L'AFC a retenu à cet égard l'importance des montants non déclarés et la profession de directeur exercée par le contribuable, ce qui impliquait nécessairement une expérience du monde des affaires et une connaissance, même limitée, en matière de fiscalité. La CCRMI quant à elle a estimé que vu l'ampleur et la répétition des omissions, elles étaient forcément connues du recourant. Il avait ainsi agi avec l'intention de tromper le fisc ou pour le moins avait envisagé de la faire. Le recourant quant à lui se prévaut de son ignorance en matière fiscale et des erreurs commises par son mandataire.

En l'espèce, les reprises effectuées par l'AFC portent sur des charges qui ne sont pas commercialement justifiées. Conformément à la jurisprudence, les charges commercialement justifiées correspondent à des frais effectivement dépensés, naturellement et logiquement liés à la réalisation du revenu taxé; il ne peut s'agir ni de dépenses plus ou moins en corrélation avec l'exercice d'une profession lucrative, ni de frais de convenance personnelle ou destinés à rendre le travail plus facile et plus agréable, tout en étant plus ou moins en rapport avec l'activité exercée. La preuve de leur nécessité et leur montant est indispensable et elle incombe au contribuable (RDAF 1993 p. 115; ATA/621/2002 du 29 octobre 2002).

Compte tenu de cette définition et de celle des prestations appréciables en argent susmentionnées, le contribuable ne rend pas crédible l'absence d'intention de sa part, ni même de négligence. En effet, il doit se laisser imputer à faute le fait d'avoir accepté de voir comptabilisé par son mandataire, dans les comptes de la société dont il est directeur et administrateur avec signature individuelle plutôt que dans son revenu, des charges telles que l'achat de cassettes vidéo et le loyer d'une arcade, utilisés dans le cadre d'une activité commerciale de location de vidéo, alors qu'aucun chiffre d'affaire correspondant n'a été enregistré. Il en va de même s'agissant notamment de la comptabilisation des frais forfaitaires payés en plus du remboursement des frais effectifs et de l'entier des frais de véhicule comprenant la part d'utilisation privée. Ces "erreurs" sont aisément identifiables même sans connaissances particulières en matière commerciale ou fiscale.

Au vu de ce qui précède, il ne fait aucun doute que le comportement du recourant ne peut être qualifié que d'intentionnel.

Le principe d’une amende pour soustraction intentionnelle est ainsi acquis.

7. Il convient de déterminer la quotité de l’amende.

Selon des principes qui n’ont pas été remis en cause, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende et pour fixer son montant (A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, p. 646-648 ; ATA/632/2001 du 9 octobre 2001). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/518/2004 du 8 juin 2004). Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/518/2004 du 8 juin 2004; ATA P. du 5 août 1997).

Il sera fait application de l’article 69 al. 2 LPFisc, celui-ci étant plus favorable que l’ancienne disposition. L’amende maximale peut atteindre le triple du montant de l’impôt soustrait en cas de faute grave, la règle générale prévoyant une amende correspondant au montant de l’impôt soustrait.

Le recourant fait valoir qu'il a été abusé par sa fiduciaire et que de ce fait, sa faute ne peut être considérée que comme légère. Dans le cas d'espèce, comme vu ci-dessus, le contribuable pouvait très bien se rendre compte des erreurs commises par sa fiduciaire. Aussi, le recourant ne fait valoir aucun argument qui permettrait de remettre en cause l’appréciation faite par la commission de recours pour fixer l’amende à une fois l’impôt soustrait, retenant ainsi une faute de gravité moyenne. Aussi, la quotité de l’amende sera confirmée.

8. Le bien-fondé des reprises fiscales et de l'amende étant acquis, le Tribunal administratif doit encore examiner si ces dernières ne sont pas prescrites. Cette question doit être examinée d'office lorsqu'un particulier est débiteur de l'Etat (ATF 106 Ib 364; ATA/21/2005 du 18 janvier 2005).

a. Les concepts de prescription et de péremption relèvent du droit de fond (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.227/2002 du 19 juin 2003, RDAF 2002 II 89 p. 94 et les arrêts cités). En vertu du principe de la non-rétroactivité des lois, la prescription de taxations effectuées avant l’entrée en vigueur du nouveau droit doit être examinée selon l’ancien droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/547/2001 du 28 août 2001 et les références citées).

b. La limitation dans le temps du droit de taxer est régie par l'article 368 aLCP qui définit la période durant laquelle l'autorité fiscale doit envoyer le bordereau de taxation. Il s'agit en réalité d'un délai de péremption dont le dies a quo est fixé au 1er janvier de l'année suivant l'objet de la taxation. La procédure de taxation est dès lors valablement introduite par le premier acte de l'AFC déployant ses effets sur le plan externe et portant sur la taxation du contribuable (v. RDAF 1989, p. 352), tel un bordereau rectificatif comme en l'espèce. Si ce dernier acte est intervenu avant l'échéance du délai de cinq ans imparti par la loi, le droit de procéder à la taxation n'est plus limité, le LCP n'instituant pas de prescription absolue du droit de taxer (ATA/547/2001 du 28 août 2001).

En l'espèce, l'envoi du bordereau rectificatif le 29 mai 2002 est intervenu dans les cinq ans suivant la fin de la période fiscale concernée par le rappel d'impôt, soit le 31 décembre 1997. Le droit de taxer n'est ainsi pas prescrit.

c. La prescription de la créance fiscale est de cinq ans dès le jour où le bordereau de perception est adressé au contribuable, selon l'article 369 aLCP. Ce délai peut être interrompu par toute mesure de l'autorité tendant à la taxation, cette dernière faisant repartir un nouveau délai de prescription de même durée.

Depuis la remise du bordereau rectificatif, la prescription a été interrompue à plusieurs reprises, chaque fois avant la fin du délai de prescription découlant de la précédente interruption par les différents actes de procédure.

d. L’ancien droit ne prévoyait pas de prescription absolue de la créance fiscale. Dans ces cas, les délais instaurés par la nouvelle loi commencent à courir dès l’entrée en vigueur de celle-ci, le 1er janvier 2002 (ATF 126 II 1 p. 6 ; ATA/547/2001 du 28 août 2001). Le délai instauré par la LPFisc est de dix ans à compter de la fin de l’année au cours de laquelle la taxation est entrée en force. Ce délai n'est pas non plus pas échu.

En conséquence, les reprises effectuées par l'AFC par décision du 29 mai 2002, ne sont pas prescrites.

9. Il convient également d’examiner la prescription relative et absolue de l’action pénale visant à sanctionner les infractions commises.

a. La LPFisc règle ces questions dès le 1er janvier 2002. S’agissant toutefois de questions de droit de fond, la LPFisc ne sera applicable, selon le principe de la lex mitior, que si elle prévoit des délais plus favorables que ceux prévus par l’ancien droit (art. 84 LPFisc).

b. L’article 77 LPFisc stipule que l’action pénale se prescrit, en cas de soustraction d’impôt consommée, par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée (art. 77 a. 1 lit. b LPFisc). Cette prescription est interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite du contribuable. Un nouveau délai commence à courir à chaque interruption ; la prescription ne peut toutefois être prolongée de plus de la moitié de sa durée initiale (art. 77 al. 2 LPFisc). La prescription absolue est donc de quinze ans s’agissant d’une soustraction d’impôt.

c. Selon le droit en vigueur à l'époque des faits, à teneur de l’article 341A aLCP, la prescription des infractions visées aux articles 340 et 341 aLCP est de cinq ans, non compris l’année courante. Ce délai commence à courir dès la commission de l’infraction, soit en cas d’absence de déclaration dès la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée et est interrompu par tout acte tendant à la poursuite de l’infraction (ATA/642/2000 ; ATA G. du 6 octobre 1992 résumé dans SJ 1993 p. 569).

d. S’agissant de la prescription absolue, la loi en vigueur à l’époque des faits n’en prévoyait pas et les travaux préparatoires ne l’évoquaient pas. Le tribunal de céans a toujours fait application d’un délai de prescription absolue de dix ans selon un raisonnement analogue à celui fait par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 1P.288/1990 du 26 février 1991 (ATA/265/2007 du 22 mai 2007 et les références citées). L'amende réprimant la soustraction fiscale constituant une sanction de caractère pénal (ATF 121 II 257). Ce délai commence à courir dès la commission de l’infraction, soit dès la remise de la déclaration fiscale incomplète le 3 novembre 1997 (ATA/346/2006 du 20 juin 2006; ATA/642/2000 du 24 octobre 2000)

e. Le nouveau droit n’étant pas plus favorable, il sera fait application d’une prescription relative de 5 ans et absolue de 10 ans.

En l’espèce, le délai de prescription relative concernant les infractions réalisées pendant la période fiscale 1997 a commencé à courir le 3 novembre 1997 pour l'année la plus ancienne. Valablement interrompu, notamment par l'envoi de la décision litigieuse, le 29 mai 2002 et par les différents actes de la procédure, ce délai n'est ainsi pas échu. S’agissant des infractions touchant l’ICC 1997, commises par la déclaration du 3 novembre 1997, le délai absolu n'est pas non plus échu.

10. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté et un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 décembre 2006 par Monsieur V_____ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d’impôts du 6 novembre 2006.

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt (la présente décision) et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michael Rudermann, avocat du recourant ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d’impôts et à l’administration fiscale cantonale.

Siégeants : Mme Bovy présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i.:

 

 

P. Pensa

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :