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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/107/2001

ATA/632/2001 du 09.10.2001 ( FIN ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 15.11.2001, rendu le 03.12.2001, RETIRE, 2A.493/01
Descripteurs : IMPOT; AMENDE; FIN
Normes : LCP.340 al.3
Résumé : Négligence grave. Amende fixée à une fois le montant de l'impôt éludé, compte tenu des circonstances du cas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 9 octobre 2001

 

 

 

dans la cause

 

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE GENEVOISE

 

 

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE D'IMPOTS

 

et

 

Monsieur M__________

représenté par F__________ S.A., mandataire

 



EN FAIT

 

 

1. De nationalité française, Monsieur M__________ est né en 1929. Pendant de nombreuses années, il a été actif dans plusieurs maisons d'édition. A l'époque des faits, son adresse professionnelle était située au_________ Petit-Lancy (Genève).

 

2. Par lettre du 9 juin 1997, l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC) a informé M. M__________ de l'ouverture d'une procédure de vérification portant sur les années 1992 à 1996. Plusieurs pièces et renseignements lui étaient demandés.

 

3. Par lettre du 20 juin 1997, l'intéressé a demandé des délais pour donner suite à la demande de l'AFC, selon les conseils reçus de sa fiduciaire (il s'agit de F__________, Société anonyme Fiduciaire et de Gestion, ci-après F__________).

 

A partir de cette date et pendant près d'une année, l'AFC et M. M__________ ont développé un volumineux échange de correspondance. Celle-là demandait des précisions, des documents supplémentaires, des pièces et autres attestations, tandis que celui-ci fournissait les éléments demandés, mais souvent avec retard et après avoir sollicité des délais pour s'exécuter.

 

Par lettre du 17 novembre 1997, l'AFC a demandé à M. M__________ qu'il renonce par avance à invoquer la prescription du droit de rectifier le bordereau d'impôts de l'année fiscale 1992, ce que le contribuable a accepté, tout en limitant sa renonciation au 30 juin 1998.

 

4. Il ressort du dossier et des renseignements recueillis par l'AFC que M. M__________ a travaillé jusqu'à sa mise à la retraite comme directeur auprès des F__________ S.A., dont il était salarié. Le revenu tiré de cette activité était régulièrement déclaré.

 

M. M__________ était en outre actionnaire à 30 % d'une société R__________ (Londres), laquelle était actionnaire de C__________ S.A., société suisse avec adresse au _________, dont il a été directeur entre 1979 et 1994. Le but social de cette dernière société était la prise et l'administration de participations dans toutes entreprises commerciales, financières, industrielles et immobilières. Elle pouvait aussi se livrer à toutes affaires d'édition, de publicité, de librairie, d'impression et de reliure. M. M__________ était également actionnaire à 50 % depuis septembre 1995 de la société F__________ S.A., société suisse ayant pour but la prise de participations, avec la même adresse à la route _________. Selon les déclarations de M. M__________, cette société était en sommeil et devait recueillir certains actifs immobiliers que son co-actionnaire, M. G__________, possédait en Espagne.

 

Depuis mars 1996, M. M__________ était en outre directeur général de la société E__________ FRANCE Sàrl, dont il était également actionnaire à 50 %. Avec un capital social de FF 1'000'000.-, cette société avait pour objet de développer un brevet d'additif pétrolier qui avait pour but de diminuer fortement la pollution du gasoil. Le développement de cette société, dans laquelle il était associé avec M. G__________, a conduit à plusieurs augmentations de capital, lequel s'est élevé finalement en 1996 à FF 6'500'000.-. En 1997, le brevet a été vendu avec profit à la compagnie x__________.

 

M. M__________ était encore actionnaire à 50 % d'une société espagnole L__________ S.A. depuis 1975. Le capital social de cette dernière s'élevait à CHF 450'000.-. Elle a été vendue en 1995 pour le prix de CHF 980'000.-. Cette société avait participé, selon M. M__________, "à la construction et à la vente d'une fraction de promotion à Madrid".

 

F__________ était l'organe de révision des sociétés F__________ S.A., F__________ S.A. et C__________ S.A.

 

5. Il ressort en outre du dossier que, selon l'administrateur unique de F__________ S.A., M. M__________ était créditeur d'un compte courant dans la société, au 31 décembre 1995, d'un montant de CHF 2'331'900,15. A la même date, il était débiteur dans les livres des F__________ S.A. d'un montant de CHF 216'974.-. R__________ était quant à elle créditrice d'un compte courant dans les livres de C__________ S.A. d'un montant de CHF 4'649'499.- en 1997. Cette créance n'était productrice d'aucun intérêt et son montant était resté identique de 1990 à 1996. M. M__________ lui-même était débiteur au 31 décembre 1995 de C__________ S.A. d'un montant de CHF 2'295'000.-.

 

6. Selon attestations signées des administrateurs des sociétés F__________ S.A., C__________ S.A., E__________ FRANCE Sàrl et F__________ S.A., M. M__________ n'avait jamais reçu de rémunération (en dehors du salaire versé par cette dernière). Quant à R__________, elle n'avait jamais reçu ni distribué aucun revenu attaché à la créance qu'elle possédait.

 

7. Selon publication dans la FOSC du 2 février 1998, M. M__________ était encore président du conseil d'administration de la société F__________ S.A., fondée peu auparavant. Etaient aussi administrateurs M. G__________ et Me D_________, alors directeur adjoint de F__________. D'un capital social de CHF 1'000'000.-, entièrement libéré le 27 mai 1998, cette société avait pour but : opération financière, notamment prise de participations dans des sociétés, à l'exclusion de participations immobilières en Suisse.

 

8. Après avoir entendu M. M__________ en présence de Me D__________, l'AFC a notifié au contribuable le 23 juin 1998 cinq bordereaux de rappel d'impôts pour un montant total de CHF 105'391,05. Elle a également notifié à l'intéressé un bordereau d'intérêts de retard s'élevant à CHF 8'545.- et lui a infligé une amende de CHF 158'086.-, correspondant à une fois et demie le montant de l'impôt éludé, en application de l'article 340 alinéa 3 de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05), en raison de sa négligence.

 

9. Par l'entremise de F__________, M. M__________ a élevé réclamation par acte du 22 juillet 1998. Il a insisté sur le fait qu'il avait collaboré à la procédure de vérification avec loyauté et une franchise totale, tout en relevant qu'il était dans l'ignorance que ses actifs et passifs à l'étranger relevaient de son imposition à Genève. L'essentiel de ses revenus non déclarés provenaient de la retraite qu'il recevait de France, au titre d'un emploi antérieur. Selon l'article 340 alinéa 3 LCP, l'amende ne devait pas dépasser le double de l'impôt éludé. Elle devait s'apprécier selon la gravité de la faute. Son attitude pendant la procédure de contrôle s'était révélée exemplaire et l'AFC aurait dû en tenir compte. Aussi M. M__________ a-t-il conclu à ce que l'amende fiscale soit fixée à un tiers au maximum de l'impôt éludé.

10. Par décision du 30 octobre 1998, l'AFC a rejeté la réclamation. M. M__________ ne pouvait raisonnablement prétendre à une absence de négligence. Par sa signature sur ses déclarations fiscales certifiées sincères, complètes et conformes à la réalité, il s'était abstenu de faire figurer des éléments dans la colonne réservée aux revenus, dans celle concernant la fortune et pas davantage dans la rubrique destinée aux observations. L'AFC a rendu M. M__________ attentif au fait qu'elle n'avait pas retenu la disposition de l'article 341 alinéa 1 LCP, qui traitait de la fraude fiscale, et dont l'amende pouvait s'élever jusqu'à dix fois le montant de l'impôt éludé.

 

11. M. M__________ a saisi la commission cantonale de recours en matière d'impôts par acte du 1er décembre 1998. Il a repris son argumentation précédente, insistant sur son ignorance que les éléments non déclarés étaient imposables en Suisse. Cette omission ne pouvait constituer qu'une négligence légère.

 

12. Par décision du 14 décembre 2000, la commission de recours a partiellement admis le recours. Elle a estimé qu'il fallait tenir compte du fait que M. M__________ avait coopéré "sans détour et avec sincérité avec l'administration, sans jamais se soustraire en répondant de manière circonstanciée aux nombreuses demandes de l'administration et en produisant les justificatifs et renseignements qu'il (avait) pu réunir". L'amende fixée par l'AFC était manifestement excessive par rapport au montant des reprises opérées et eu égard au fait que les éléments de revenus repris n'étaient pas de source helvétique (retraite française) et que les éléments de fortune repris consistaient en des participations dans des sociétés étrangères.

 

Compte tenu de la jurisprudence qu'elle a citée, la commission de recours a ramené l'amende à la moitié de l'impôt éludé, soit un montant de CHF 52'695.-.

 

13. L'AFC a recouru auprès du Tribunal administratif par acte du 30 janvier 2001. Seule était litigieuse la quotité de l'amende.

 

Pour fixer le montant de l'amende, les autorités fiscales devaient prendre en considération d'une façon convenable une série de circonstances personnelles au contribuable. Elles devaient tenir compte non seulement des montants soustraits et des circonstances d'espèce, mais encore de la personnalité du contribuable en cause, de sa situation, de ses capacités, de sa profession et de son âge.

 

L'AFC a relevé que l'intéressé n'avait pas déclaré des revenus s'élevant à CHF 54'278.- pour 1995, et à CHF 55'341.- pour 1996 (les montants étant plus faibles pour les trois années précédentes). S'agissant des montants de fortune non déclarés, ils se sont élevés à des montants supérieurs à CHF 1'000'000.- pour les années 1992, 1993 et 1994, et à CHF 2'129'000.- pour 1995 et CHF 2'694'000.- pour l'année fiscale 1996. Or, compte tenu des montants en jeu, il eût appartenu au contribuable de se renseigner. Ne l'ayant pas fait, l'administration a considéré que M. M__________, homme expérimenté et notoirement rompu aux affaires, ne pouvait se prévaloir de son ignorance et invoquer une erreur d'une gravité légère.

 

L'administration avait dès lors fait preuve d'une grande compréhension en considérant que la soustraction constatée relevait de la négligence et non pas de la faute intentionnelle.

 

L'AFC s'est fondée sur la jurisprudence du tribunal de céans rendue aussi bien en application des dispositions sur la négligence que sur celle de la faute intentionnelle (respectivement art. 340 al. 3 et 341 LCP).

 

Elle a conclu à la confirmation de sa décision du 30 octobre 1998.

 

14. L'intimé s'est opposé au recours. Il a souligné que les éléments de revenu repris étaient constitués pour l'essentiel d'une commission de fiducie qui variait suivant les années de CHF 978.- à CHF 3'358.- et que l'AFC avait calculée d'autorité, alors que le contribuable ne les avait ni touchés, ni convenus. Il a également relevé que les éléments de fortune repris consistaient en des participations minoritaires dans des sociétés étrangères (L__________ S.A. pour CHF 450'000.-) ou qui détenaient comme seul actif une créance non productive d'intérêts, élément actif partiellement compensé par des dettes (compte courant débiteur chez C__________ S.A.).

 

L'intimé s'est référé essentiellement à la décision de la commission de recours, dont il a fait siens les considérants. Dès l'ouverture de la procédure de contrôle en effet, il avait agi avec franchise et sans détour pour la détermination des éléments non déclarés.

 

Le Tribunal administratif devait également tenir compte du fait que M. M__________ était âgé de 72 ans, qu'il avait subi deux infarctus du myocarde et que sa situation financière actuelle était relativement modeste. Il avait quitté la Suisse le 1er janvier 2000, sa retraite française et les quelques autres ressources qui formaient l'essentiel de ses revenus ne lui permettaient pas de vivre en Suisse. Quant à la fortune déclarée au 1er janvier 1999, elle était composée de participations en Suisse et à l'étranger, dont l'évaluation était non seulement difficile, mais encore consistait en des actifs difficilement réalisables.

 

15. A l'appui de sa réponse, l'intimé a fourni copie de sa déclaration d'impôts 1999, signée le 28 janvier 2000. Il en ressort que le revenu imposable s'élevait à CHF 47'400.- et la fortune à CHF 1'565'000.- (chiffres arrondis). La fortune est composée essentiellement d'une participation de CHF 25'000.- dans F__________ S.A., d'une créance de CHF 1'500'000.- dans R__________, de CHF 176'000.- dans E__________ FRANCE Sàrl et de CHF 200'000.- consistant en divers prêts et avances.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. De nouvelles dispositions fiscales sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001 (loi sur l'imposition des personnes physiques - détermination du revenu net - calcul de l'impôt et du rabais d'impôt - compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 - LIPP V D 3 16). Toutefois, le cas d'espèce doit être réglé sous l'empire de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05), l'ensemble des faits déterminants s'étant déroulé sous l'empire de l'ancien droit (ATA R. du 28 août 2001).

 

3. L'AFC a envoyé au contribuable le 23 juin 1998 cinq bordereaux d'impôts supplémentaires pour les années fiscales 1992 à 1996 ainsi qu'un bordereau d'amende. S'agissant de l'année fiscale 1992, le contribuable ayant renoncé à invoquer la prescription, le droit de taxer n'est pas prescrit. S'agissant des années 1993 à 1996, la taxation est intervenue dans les cinq ans suivant la fin de la période fiscale la plus ancienne concernée par le rappel d'impôts, soit 1993. Depuis lors, la prescription a été régulièrement interrompue par la décision sur réclamation du 30 octobre 1998 et par la décision de la commission de recours du 14 décembre 2000.

 

Le droit fiscal genevois ne prévoyant pas de prescription absolue, la créance de l'AFC n'est pas prescrite (ATA AFC c/ M. du 28 août 2001).

 

4. Le litige ne porte que sur la quotité de l'amende, ce que les parties admettent.

 

Le Tribunal administratif relève tout d'abord que, au travers du dossier en sa possession, l'intimé apparaît comme un professionnel des affaires. Administrateur de plusieurs sociétés en Suisse et à l'étranger, il a été surtout versé dans l'édition et la publicité. Mais ses activités l'ont aussi amené à faire des investissements immobiliers et à commercialiser un brevet en matière pétrolière. Tantôt M. M__________ était administrateur de ces sociétés, tantôt il en était l'actionnaire, tantôt les deux à la fois. Le capital social d'entre elles atteignait des montants importants : FF 6,5 millions en 1996 pour E__________ FRANCE Sàrl; CHF 450'000.- pour L__________ S.A.

 

Dans ce contexte, les déclarations de l'intimé selon lesquelles il était dans l'ignorance que ses participations étrangères à la Suisse n'étaient pas imposables dans ce pays ne sont guère crédibles. D'autant plus qu'il a su s'entourer de tout temps des conseils d'une société fiduciaire, dont l'un des cadres est titulaire du brevet d'avocat. Dans ces circonstances, la négligence commise doit être qualifiée de grave et non pas de légère, comme semble l'admettre la commission de recours.

 

5. Lorsqu'un contribuable fait de fausses déclarations ou que celles-ci sont incomplètes, il peut être sanctionné de deux manières : en cas de négligence il peut être frappé d'une amende fiscale ne dépassant pas le double du montant de l'impôt éludé (art. 340 al. 3 LCP). S'il y a intention de frauder le fisc, de le tromper ou de chercher à le tromper relativement à des éléments d'imposition, l'amende fiscale peut s'élever jusqu'à dix fois le montant de l'impôt éludé (art. 341 al. 1 LCP). Dans le cas d'espèce, le Tribunal administratif se rangera à la qualification voulue par l'AFC et fera application de l'article 340 alinéa 3.

 

6. a. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA C. du 18 février 1997; P. MOOR, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, Berne 1991, ch. 1.4.5.5, p. 95-96; P. MOOR et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht: allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 5ème édition, Zurich 1998, p. 40). En vertu de l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1981 (LPG - E/3/1), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.O), sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l'article 24 LPG.

 

b. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp.646-648; ATA G. du 20 septembre 1994) et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA C. & H. du 27 avril 1999; G. du 20 septembre 1994; Régie C. du 8 septembre 1992). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA U. du 18 février 1997). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA P. du 5 août 1997).

 

c. L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues à l'article 63 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). En ce sens, le juge fixera la peine d'après la culpabilité du délinquant, en tenant compte des mobiles, des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier. Parmi ces circonstances intervient le comportement après la commission de l'infraction et au cours de la procédure (C. FAVRE, M. PELLET, P. STUDMANN, Code pénal annoté, 1997 ad. art. 63 ch. 1.3 p. 153).

 

7. La jurisprudence du tribunal de céans en matière d'amendes pour négligence est assez pauvre, le tribunal n'ayant eu à se prononcer le plus souvent que pour des infractions intentionnelles. Néanmoins, l'on peut dégager de quelques arrêts certains principes.

 

a. Dans la fixation du montant de l'amende, l'AFC jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATA F. S.A. du 9 août 2000 et jurisprudence citée).

 

b. Les autorités fiscales doivent prendre en considération d'une façon convenable les motifs et les circonstances personnelles du contribuable fautif. Elles devront tenir compte non seulement des montants soustraits et des circonstances du cas d'espèce, mais encore de la personnalité du contribuable en cause, de sa situation, de ses capacités, de sa profession, de son état de santé et de son âge (ATA J. du 13 février 2001; R. du 26 novembre 1996).

 

c. Dans un cas où un contribuable avait négligé de déclarer une indemnité unique de CHF 610'000.- reçue à l'occasion d'une convention extrajudiciaire, l'impôt éludé s'était élevé à CHF 125'000.- et l'AFC avait fixé l'amende à la moitié de ce montant. Le tribunal de céans a toutefois fixé à CHF 40'000.- le montant de l'amende en raison de la disproportion existant entre celui-ci et la faute commise (ATA C. du 19 septembre 1995).

 

d. Dans une affaire où un contribuable avait confié des fonds importants à un certain P__________, lequel avait grugé un très grand nombre d'investisseurs, une procédure de contrôle a été ouverte dont il est résulté que l'impôt éludé s'était élevé à CHF 222'000.-. L'administration avait fixé une amende s'élevant à 80 % de ce montant. Le Tribunal administratif a néanmoins réduit cette amende à la moitié de l'impôt éludé, au motif que le contribuable avait perdu la totalité de ses investissements dans l'affaire P__________ (ATA S. du 5 juin 1991).

e. A l'occasion d'un cas où le contribuable avait fait figurer des frais professionnels injustifiés, l'impôt éludé ayant été de CHF 7'800.-, le tribunal a ramené à un quart du maximum possible le montant de l'amende (ATA J. du 13 février 2000).

 

f. Dans un cas où un agent immobilier avait négligé de déclarer deux commissions reçues, l'impôt éludé s'était élevé à CHF 12'500.-. Le Tribunal administratif a réformé la décision de l'AFC et a fixé le montant de l'amende à un tiers du montant de l'impôt éludé, la négligence ayant été qualifiée de légère (ATA D. du 27 avril 1999).

 

8. Dans la présente affaire, il faut relever que la négligence de l'intimé doit être considérée comme grave, ce qui pourrait justifier le paiement d'une amende correspondant à deux fois le montant de l'impôt éludé, soit au maximum prévu par l'article 340 alinéa 3 LCP.

 

D'un autre côté, force est d'admettre que l'intimé a agi avec loyauté et sans détour dans toute la procédure de contrôle. Il a répondu à toutes les demandes de l'AFC, parfois avec retard, et il a fourni les explications et les justificatifs qu'il avait pu réunir. Ce comportement doit être apprécié à la décharge de l'intimé, de même le fait qu'il ait accepté à la demande de la recourante de ne pas invoquer la prescription du droit de rectifier un bordereau de taxation. Le Tribunal administratif tiendra également compte de l'âge de l'intimé - bientôt 73 ans -, de son état de santé, des montants soustraits, relativement peu importants, ainsi que du fait que l'AFC a retenu comme revenu des commissions de fiducie que l'intéressé n'avait jamais reçues.

 

Compte tenu de ce qui précède, le tribunal estime qu'une amende fixée à la moitié du maximum possible, soit à une fois le montant de l'impôt éludé tient compte de toutes les circonstances.

 

9. Le recours sera ainsi partiellement admis. La décision de la commission de recours sera annulée et la cause renvoyée à l'AFC afin qu'elle établisse un nouveau bordereau relatif à l'amende dans le sens des considérants.

 

Vu l'issue du présent litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de l'intimé.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 31 janvier 2001 par l'administration fiscale cantonale genevoise contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 14 décembre 2000;

 

au fond :

 

l'admet partiellement;

 

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 14 décembre 2000;

 

renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale genevoise dans le sens des considérants;

 

met à la charge de l'intimé un émolument de CHF 2'000.-;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale genevoise ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts, et à F__________ S.A., mandataire de l'intimé.

 


Siégeants : M. Thélin, président, M. Paychère, M. Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci