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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1248/2003

ATA/792/2003 du 28.10.2003 ( FIN ) , ADMIS

Descripteurs : IMPOT FEDERAL DIRECT; DEPENSE NECESSAIRE; FRAIS PROFESSIONNELS; PRESTATION APPRECIABLE EN ARGENT; FIN
Normes : LIFD.58 al. 1 let b; LIFD.62 al. 1; LIFD.151 al. 1
Résumé : Conditions du rappel d'impôt. Notion de charges justifiée par l'usage commercial et de la prestation appréciable en argent, fardeau de la preuve. Le fait de ne pas avoir comptabilisé l'intégralité des frais afférents au véhicule de la société, notamment les frais d'essence, apparaît contradictoire avec l'allégation selon laquelle ce dernier n'était utilisé qu'à des fins strictement professionnelles. Le fait d'avoir comptabilisé le produit de la vente de la voiture n'est, en l'espèce, pas déterminant. Partant, l'AFC a valablement procédé au rappel d'impôt.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 28 octobre 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

 

ADMINISTRATION FEDERALE DES CONTRIBUTIONS

 

 

et

 

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE GENEVOISE

 

 

contre

 

 

T & T S.A.

représentée par Berney & Associés S.A., société fiduciaire

 

et

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS DE L'IMPOT FEDERAL DIRECT

 




EN FAIT

 

 

1. T & T S.A. (ci-après: TTC ou la société) est une société ayant pour but de fournir des services et des conseils dans les domaines financier, commercial et industriel, notamment en ce qui concerne tous investissements dans ces domaines.

 

2. Par lettre datée du 21 mai 2001, l'administration fiscale cantonale (ci-après: AFC) a indiqué à TTC avoir été informée par la division d'inspection de la taxe sur la valeur ajoutée de l'administration fédérale des contributions du fait que la société avait accordé des prestations appréciables en argent sous forme d'une mise à disposition d'un ou de plusieurs véhicules de la société à des membres de la direction et/ou du personnel, et ce pour des besoins privés. Ces prestations n'apparaissaient cependant pas dans la comptabilité de TTC.

 

Dans la mesure où ces dernières entraient en ligne de compte pour le calcul du rendement net imposable, l'AFC a décidé d'ouvrir une procédure en rappel d'impôt pour les périodes fiscales 1996/1997/1998 et 1999. Elle a en conséquence invité TTC à lui indiquer avant le 12 juin 2001 dans quelle rubrique étaient comptabilisées lesdites prestations et pour quelle somme, ainsi que les coordonnées du ou des bénéficiaires de ces avantages.

 

Passé ce délai et sauf avis contraire ou remarques de la part de la société, l'AFC allait procéder, sur la base des constatations faites, à la modification des taxations de TTC en prenant en compte une "part privée frais véhicule" de CHF 6'240.- pour chacune des périodes fiscales susmentionnées.

 

3. Par courrier daté du 21 juin 2001, TTC a indiqué que tous les frais et amortissements relatifs aux véhicules comptabilisés dans les comptes clôturés au 31 décembre des années concernées étaient exclusivement des charges commerciales. Sa comptabilité contenait les postes "frais de véhicule" et "amortissement de véhicule", lequel était dégressif au taux de 35%, sans déduction d'une part privée.

 

Les frais du véhicule, une Jeep Grand Cherokee Boston bleue, comprenaient essentiellement des frais d'assurances et d'immatriculation, à l'exclusion notamment des coûts relatifs à l'essence.

 

Ainsi, les montants comptabilisés pour les années 1996 à 1999 se composaient comme suit:

 

Exercice comptable 1996: CHF 1'053.- Frais de véhicules

CHF 17'221.- Amortissement

CHF 18'274.- Total

 

Exercice comptable 1997 CHF 6'319.- Frais de véhicules

CHF 11'194.- Amortissement

CHF 17'513.- Total

 

Exercice comptable 1998 CHF 6'033.- Frais de véhicules

CHF 7'276.- Amortissement

CHF 13'309.- Total

 

Exercice comptable 1999 CHF 5'352.- Frais de véhicules

CHF 4'729.- Amortissement

CHF 10'081.- Total

 

Le véhicule en question avait en outre été vendu durant l'exercice 2000 avec un bénéfice enregistré en totalité dans les comptes de la société.

 

4. Le 27 août 2001, l'AFC a notifié à TTC les bordereaux rectificatifs pour les périodes en cause.

 

Les impôts supplémentaires, issus de la prise en compte d'une part privée des frais et amortissements de véhicule de 2/5ème (soit une somme différente de celle annoncée dans la lettre du 21 mai 2001), assorties des intérêts de retard, se composaient comme suit:

 

- Année fiscale: 1996

- Frais de véhicule et

amortissements comptabilisés: CHF 18'274.-

- Part privée aux frais du

véhicule ajoutée au bénéfice net: CHF 7'310.-

- Rappel d'impôt: CHF 725.20

- Intérêts de retard: CHF 118.70

- Montant supplémentaire à payer: CHF 843.90

 

- Année fiscale: 1997

- Frais de véhicule et

amortissements comptabilisés: CHF 17'513.-

- Part privée aux frais du

véhicule ajoutée au bénéfice net: CHF 7'005.-

- Rappel d'impôt: CHF 758.80

- Intérêts de retard: CHF 81.60

- Montant supplémentaire à payer: CHF 840.40

 

- Année fiscale: 1998

- Frais de véhicule et

amortissements comptabilisés: CHF 13'309.-

- Part privée aux frais du

véhicule ajoutée au bénéfice net: CHF 5'324.-

- Rappel d'impôt: CHF 459.-

- Intérêts de retard: CHF 30.90

- Montant supplémentaire à payer: CHF 489.90

 

- Année fiscale: 1999

- Frais de véhicule et

amortissements comptabilisés: CHF 10'081.-

- Part privée aux frais du

véhicule ajoutée au bénéfice net: CHF 4'032.-

- Rappel d'impôt: CHF 340.-

- Intérêts de retard: CHF 13.40

- Montant supplémentaire à payer: CHF 353.40

 

5. TTC a formé une réclamation à l'encontre de ces bordereaux rectificatifs le 19 septembre 2001.

 

Elle a en substance rappelé les termes de sa lettre du 21 juin 2001 en joignant une copie du bon de vente du véhicule en cause sur lequel il était indiqué un kilométrage de km 33'000.

 

Ce véhicule avait parcouru une moyenne d'environ km 6'000 par an. Ce faible kilométrage s'expliquait par l'emploi strictement professionnel qui en avait été fait.

 

Les relevés des comptes "Frais de véhicule" pour les années 1996 à 1999 annexés démontraient que seuls les frais d'assurances, de garage et d'immatriculation avaient été comptabilisés.

 

Chaque employé de la société possédait en outre son propre véhicule privé et aucun n'avait utilisé la voiture de société à des fins privées.

 

6. Par courrier du 24 octobre 2001, l'AFC a convoqué TTC en l'invitant à se munir d'une copie de l'acte d'achat et de vente du véhicule, d'un plan d'amortissement du véhicule depuis son acquisition, lequel mentionnerait le taux et la méthode utilisée, ainsi que les justificatifs relatifs aux frais du véhicule.

 

Il ressort des pièces produites par l'AFC que la société a fourni les documents demandés.

 

7. Par décision du 26 avril 2002, l'AFC a maintenu les taxations rectifiées, au motif que les charges reprises revêtaient manifestement un caractère de frais et charges de pure convenance personnelle, lesdits frais et charges ne pouvant aucunement se concilier avec une gestion objective des affaires. En conséquence, les prescriptions des articles 12 lettre h de la loi cantonale sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15) et 58 alinéa 1 lettre b de la loi sur l'impôt fédéral direct du 14 mai 1990 (LIFD - RS 642.11) s'appliquaient.

 

8. Par actes des 8 et 27 mai 2002, TTC a recouru à l'encontre de la décision précitée auprès de la commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct (ci-après: la commission).

 

Elle a repris l'argumentation développée dans sa réclamation du 19 septembre 2001.

 

L'animateur de la société avait pris les frais d'essence du véhicule à sa charge afin d'"objecter" (sic) sur le fait que les autorités fiscales pourraient arguer qu'aucune part privée n'était enregistrée en comptabilité.

 

En regard des kilomètres parcourus, ce geste correspondait plus que largement à la part privée à laquelle pourrait prétendre l'AFC.

 

9. Dans sa réponse du 23 août 2002, l'AFC a conclu au rejet du recours.

 

TTC n'apportait pas le moindre justificatif permettant de prouver la nature professionnelle des frais de son véhicule. En l'absence de telles pièces, l'AFC avait refusé d'admettre la totalité des frais de véhicule en tant que charges justifiées commercialement. Elle avait ainsi retranché des frais déclarés une part privée de deux cinquièmes et admis les frais restants.

 

Le véhicule de la société était assez luxueux et doté de nombreuses options, ce qui permettait de douter fortement, au vu du but social de TTC, d'un usage strictement professionnel.

 

Rien n'indiquait qu'il n'était pas utilisé à des fins privées. TTC n'avait en outre produit aucun document, tel qu'un carnet de route, susceptible de justifier le kilométrage parcouru à titre professionnel. Le faible nombre de kilomètres parcourus ne permettait pas à ce propos de prouver un usage commercial. Il apparaissait par ailleurs curieux que les frais d'essence n'aient pas été comptabilisés dans les charges s'agissant d'une voiture de société.

 

10. Par lettre datée du 20 septembre 2002, TTC a déclaré maintenir son recours.

 

La société n'avait en effet pas tenu de carnet de route concernant le véhicule en cause, mais elle fournissait à la commission un tableau estimatif des kilomètres parcourus annuellement.

 

11. Par décision du 18 juin 2003, la commission a admis le recours de TTC et annulé les bordereaux rectificatifs susmentionnés.

 

Compte tenu du faible kilométrage du véhicule, il n'était pas légitime d'exiger de la société un véritable carnet de route. La liste fournie par TTC devait être considérée comme étant une approximation suffisante.

 

En outre, ce faible kilométrage, mis en perspective avec le caractère luxueux et les dimensions du véhicule, constituait un des indices aptes à démontrer un usage exclusivement professionnel. En effet, compte tenu du modèle très confortable pour des longues distances, mais peu pratique pour se parquer en ville, il semblait logique que s'il y avait eu utilisation privée, le kilométrage aurait été nettement supérieur. Le prix relativement modeste de la voiture, au regard du chiffre d'affaires de la société, permettait également de penser qu'il ne s'agissait pas d'une dépense somptuaire motivée par le seul but de faire plaisir à l'animateur de la société.

 

Enfin, le fait que le bénéfice de la vente du véhicule ait été comptabilisé dans sa totalité constituait un indice supplémentaire plaidant en faveur d'un usage strictement professionnel. L'AFC ne pouvait, à cet égard, refuser, d'un côté, d'admettre tous les frais professionnels et les provisions, et, de l'autre, taxer l'intégralité du bénéfice comme étant commercial.

 

Il fallait en conséquence admettre que les frais de véhicules déduits par la société étaient uniquement nécessités par la bonne marche de la société.

 

12. Par acte déposé au greffe du tribunal de céans le 21 juillet 2003, l'AFC a recouru contre la décision de la commission du 18 juin 2003, reçue le 27 juin 2003, et ce pour les mêmes motifs que ceux invoqués dans sa réponse du 23 août 2002.

 

La commission s'était pour le surplus fondée sur des éléments non pertinents.

 

Son argumentation était en outre contradictoire. En effet, si un véhicule n'était pas pratique pour se parquer en ville mais qu'il était confortable pour effectuer de longues distances, l'on ne comprenait pas comment la commission en déduisait qu'il était utilisé exclusivement pour les besoins de la société. Au contraire, celui-ci pouvait tout à fait être utilisé pour partir en week-end, à la montagne notamment. Un moyenne de km 6'600 par année ne contredisait pas cette conclusion. Au contraire, compte tenu du but de la société, il était fortement improbable que celle-ci effectue 6'600 kilomètres par année avec une Jeep Grand Cherokee dans un but purement professionnel.

 

On ne voyait enfin pas en quoi le fait que le bénéfice retiré de la vente du véhicule ait été comptabilisé entièrement par la société empêcherait que celui-ci ait été utilisé à des fins privées par le personnel.

 

13. Dans sa réponse du 30 septembre 2003, TTC conclut au rejet du recours:

 

Le fait de n'avoir pas mentionné en comptabilité tous les frais du véhicule démontrait bien que TTC considérait déjà qu'il pouvait y avoir une utilisation privée.

 

En d'autres termes, si une part privée devait être dégagée, il y aurait lieu de la calculer sur la totalité des frais du véhicule, les 60% restants devant être admis à titre de charges dans la société (pratique en usage).

 

Si l'on admettait qu'il y avait une part privée sur les charges, on devrait également prendre en compte une part privée sur le produit de la vente du véhicule, surtout si l'amortissement avait été partagé.

 

Le reproche quant au caractère confortable du véhicule n'était pas pertinent.

 

La commission avait jugé ce cas dans un souci évident de proportionnalité.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. a. En vertu de l'article 151 alinéa 1 LIFD, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l'autorité fiscale lui permettent d'établir qu'une taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou qu'une taxation entrée en force est incomplète ou qu'une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l'autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l'impôt qui n'a pas été perçu, y compris les intérêts. Ainsi, la collectivité publique doit avoir subi une perte fiscale (H. Casanova, Le rappel d'impôt, RDAF 1999, vol. II, p.10).

 

b. Sont considérés comme inconnus les faits ou moyens de preuve qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l'autorité fiscale. Est déterminant l'état du dossier au moment de la taxation. L'autorité de taxation est en principe en droit de se fonder sur les déclarations de fait du contribuable, sans les vérifier, et d'en présumer l'exactitude. L'autorité doit cependant assumer une éventuelle négligence grave dans le traitement du dossier. Lorsqu'elle aurait dû se rendre compte d'un élément de fait essentiel à la lecture des indications contenues dans la déclaration ou des pièces déposées par le contribuable ou un tiers, celui-ci n'est plus censé inconnu (ibid., p.11; W. Ryser/B. Rolli, Précis de droit fiscal suisse, Berne 2002, p. 485). A titre d'exemple, un rappel d'impôt est justifié par la découverte du caractère privé de dépenses comptabilisées comme charges commerciales (H. Casanova, op. cit., p. 12; W. Ryser/B. Rolli, op. cit., p. 286).

 

c. L'impôt sur le bénéfice des personnes morales a pour objet le bénéfice net (art. 57 LIFD). Le bénéfice net imposable comprend tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat et qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial (art. 58 al. 1 let. b LIFD).

 

3. a. En l'espèce, l'AFC a entamé une procédure de rappel d'impôt suite à la communication effectuée le 6 avril 2001 par la division d'inspection de la taxe sur la valeur ajoutée l'informant que le véhicule commercial de la société était également utilisé à des fins privées.

 

Cet élément ne ressortait pas des différentes déclarations fiscales de la société intimée, de telle sorte que l'AFC pouvait légitimement penser que les frais et amortissements du véhicule étaient de nature professionnelle.

 

En outre, dans l'hypothèse où une part privée n'avait pas été comptabilisée par la société, cela pouvait effectivement engendrer un manque à gagner pour les autorités fiscales du fait de la non-augmentation du bénéfice net imposable.

 

Les conditions préalables à l'ouverture d'une procédure de rappel d'impôt étaient ainsi réunies.

 

b. Ladite procédure de rappel a pour le surplus été ouverte le 21 mai 2001 pour les périodes fiscales allant de 1996 à 1999. Les délais de prescription et de péremption prévus à l'article 152 alinéas 1 et 3 LIFD sont dès lors respectés.

 

4. Parmi les charges qui sont justifiées par l'usage commercial, et à ce titre immédiatement déductibles, figurent les frais généraux. Ces derniers correspondent aux dépenses rendues nécessaires par la marche des affaires de la société et qui ne trouvent pas leur contrepartie dans un nouvel élément porté à l'actif du bilan (J.-M. Rivier, La fiscalité de l'entreprise constituée sous forme de société anonyme, Lausanne 1994, pp. 208-209; X. Oberson, Droit fiscal suisse, Bâle 2002, p. 184; ATF 115 Ib 117, consid. 5b).

 

Les amortissements sont également des déductions admises s'ils sont justifiés par l'usage commercial (art. 58 al. 1 let. b et 62 al. 1 LIFD; X. Oberson, op. cit., pp. 137 et 185).

Ne sont en revanche pas déductibles les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial (art. 58 al.1 let. b LIFD).

 

Ainsi, toute attribution faite par la société, sans contre-prestation équivalente, à ses actionnaires ou à toute personne la ou les touchant de près et qu'elle n'aurait pas faite dans les mêmes circonstances à des tiers non participants sont des prestations appréciables en argent qui ne sont pas justifiées par l'usage commercial et, partant, qui doivent être ajoutées à son rendement net imposable (SJ 1994 288, consid. 2b; ATF 115 Ib 116, consid. 5a; RDAF 1997, vo. II, p.167, consid. 4a). Encore faut-il que le caractère insolite de cette prestation soit reconnaissable pour les organes de la société (SJ 1994 288 et les références citées).

 

5. L'administration recherche en général d'office les faits déterminants. Mais on reconnaît que son devoir d'investigation n'est pas sans limite, qu'au delà, l'autorité peut s'en tenir aux règles sur la répartition du fardeau de la preuve et qu'en droit fiscal, il appartient à l'autorité fiscale d'établir les faits dont résulte l'obligation de payer une contribution, alors qu'il appartient au contribuable d'établir les faits qui ont pour effet de supprimer ou de réduire cette obligation (notamment ATA AFC du 3 avril 2001).

 

Il appartient au contribuable de prouver que les prestations en cause sont justifiées par l'usage commercial, afin que les autorités fiscales puissent s'assurer que seules des raisons commerciales, et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et le bénéficiaire de la prestation, ont conduit à la prestation insolite (SJ 1994 288, consid. 2c et les références citées).

 

6. En l'espèce, plusieurs éléments plaident en défaveur de la thèse de la société intimée.

 

Cette dernière n'apporte en premier lieu aucune preuve concrète permettant d'admettre l'usage strictement commercial du véhicule. En particulier, le tableau estimatif produit, établi par la société elle-même, n'est pas pertinent.

 

En second lieu, si ce véhicule n'a effectivement été utilisé qu'à des fins professionnelles, il apparaît pour le moins contradictoire de ne pas avoir comptabilisé les frais d'essence, lesquels devaient au demeurant être relativement élevés compte tenu du modèle choisi. Sur ce point, il n'est pas sans intérêt de relever que l'entreprise intimée a admis devant le tribunal de céans du reste que "le fait de n'avoir pas mentionné en comptabilité tous les frais du véhicule démontre bien que la contribuable considérait déjà qu'il pouvait y avoir une utilisation privée".

 

Les frais non comptabilisés, en particulier ceux relatifs à l'essence (dont le montant est inconnu), correspondaient visiblement, aux yeux de la société intimée, à l'impôt dû à l'administration fiscale sur la part privée de l'utilisation du véhicule, comme cela ressort d'ailleurs des écritures de la société produites en première et deuxième instance.

 

Enfin, la comptabilisation intégrale du produit de la vente du véhicule n'est pas déterminante. En effet, il ne ressort pas du dossier que l'achat dudit véhicule n'avait pas été comptabilisé par la société intimée, et partant déduit de son bénéfice imposable.

 

7. Pour le surplus, le taux de la part privée d'utilisation du véhicule adoptée par l'AFC (2/5ème) n'ayant pas été contesté, il n'est pas utile d'entrer en matière sur ce point.

 

8. Le recours sera dès lors admis.

Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la société intimée.

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 18 juillet 2003 par l'administration fiscale cantonale genevoise contre la décision de la commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct du 18 juin 2003;

 

au fond :

 

l'admet;

 

annule la décision du 18 juin 2003 de la commission cantonale de recours de l'impôt fédéral;

 

met à la charge de la société intimée un émolument de CHF 500.-;

 

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

communique le présent arrêt à l'administration fédérale des contributions, à l'administration fiscale cantonale genevoise ainsi qu'à Berney & Associés S.A., mandataire de T & T S.A., et à la commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci