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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/111/2004

ATA/927/2004 du 30.11.2004 ( FIN ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/111/2004-FIN ATA/927/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 30 novembre 2004

 

dans la cause

 

Monsieur A_______

représenté par la Fiduciaire Patrick Tritten, mandataire

 

 

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE D'IMPOTS

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE


 


EN FAIT

1. Monsieur A_______, domicilié à Genève, est un professionnel de l’immobilier. Il est administrateur unique de C_______ Holding S.A. en liquidation. Le 2 novembre 1998, il a rempli une déclaration provisoire pour l’impôt cantonal et communal 1998.

2. Le 10 décembre 1998, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) lui a notifié un bordereau de taxation provisoire 1998. Le montant total de l’impôt dû s’élevait à CHF 14'304,65.

3. En mars 1999, M. A_______ a renvoyé à l’AFC les éléments définitifs de sa déclaration ICC 1998. Celle-ci laissait apparaître qu’il n’avait aucun revenu ni fortune imposables. Sous la rubrique « intérêts et dettes chirographaires » il a mentionné une dette de CHF 6'000'000.- en faveur de sa mère, Madame A_______ domiciliée en France.

4. Par pli recommandé du 8 octobre 1999, l’AFC a informé le contribuable de l’ouverture d’une procédure en vérification de ses déclarations d’impôts ICC 1994 à 1997. Elle a également demandé à l’intéressé des renseignements concernant la dette de CHF 6'000'000.- précitée.

La fiduciaire alors mandatée par M. A_______ a répondu à l’AFC le 9 novembre 1999 que celui-ci avait prêté à C_______ Holding S.A. la somme de CHF 6'396'543,50 sur laquelle aucun intérêt n’avait été réclamé. Ce prêt avait pu être effectué grâce à un autre prêt émanant de Mme A_______, sa mère, déclaré sous la rubrique précitée.

5. Le 10 décembre 1999, l’AFC a notifié au contribuable un bordereau rectificatif 1998 ne comportant aucun revenu ni fortune imposables. En revanche, l’impôt immobilier complémentaire concernant des biens situés sur la commune de Corsier se montait à CHF 14'341,85.

6. Le 6 juin 2000, l’AFC a informé le contribuable qu’elle étendait la procédure en vérification aux périodes fiscales 1998 et 1999 pour l’ICC et l’impôt fédéral direct (ci-près : IFD).

7. M. A_______ a été entendu par les contrôleurs de l’AFC le 21 juin 2000 et un procès-verbal de cet entretien a été établi. A cette occasion, M. A_______ a déclaré, au sujet du prêt de CHF 6'000'000.- de sa mère, qu’il n’existait aucun contrat entre eux. L’argent avait été donné de la main à la main. Sa mère vivait alors en France mais avait un compte à Genève. Ce montant ne figurait pas dans l’inventaire successoral de Mme A_______.

Au terme de cet entretien, M. A_______ a été invité à fournir au fisc toutes explications utiles relatives à sa dette envers C_______ Holding S.A. et tous documents propres à justifier le versement de CHF 6'000'000.- effectué par sa mère en ses mains.

8. Par courrier recommandé du 18 janvier 2002, l’AFC a imparti au contribuable un ultime délai au 31 janvier 2002 pour fournir les renseignements désirés. Passé ce délai, la somme de CHF 6'000'000.- serait considérée comme un revenu imposable pour l’année fiscale 1998.

9. Après avoir obtenu de l’AFC un nouveau délai, le mandataire de la contribuable a répondu le 18 février 2002 que Mme A_______, décédée depuis, jouissait d’une situation matérielle confortable. Arrivée en France en provenance du Liban, elle n’avait pu sortir des fonds d’une manière officielle. Selon les us et coutumes de leur pays, les relations financières entre parents et enfants se faisaient toujours sans justificatif. D’ailleurs, les avances faites par Mme A_______ à son fils avaient servi exclusivement à la réalisation d’opérations immobilières sur le canton de Genève, toutes déclarées. De plus, ce prêt de Mme A_______ avait été évoqué pour la première fois dans le cadre de la procédure de divorce opposant le contribuable à son épouse. Il n’était en conséquence pas possible de considérer ce prêt comme un revenu dont on ne saurait expliquer l’origine.

10. Par pli recommandé du 14 mai 2002, l’AFC a informé le contribuable qu’au terme de la procédure de vérification, un rappel d’impôt lui était notifié. Pour l’année fiscale 1998, un supplément d’impôt de CHF 1'885'889.-, lui était réclamé de même que des intérêts de retard de CHF 212'473,05. L’AFC infligeait enfin à M. A_______ une amende de CHF 628'000.- en application de l’article 69 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001, entrée en vigueur le 1er janvier 2002 (LPFisc – D 3 17).

11. En temps utile, le contribuable a élevé réclamation.

Il a conclu à l’annulation de ce dernier bordereau car l’AFC ne pouvait pas revenir sur une taxation définitive sauf en cas de déclaration inexacte ou incomplète, ce qui n’était pas le cas.

Il avait déclaré ce prêt de manière précise sans que l’AFC ne réagisse avant juin 2000.

Enfin, si l’AFC niait qu’il s’agit d’un prêt, elle devait considérer ce montant comme constitutif d’une donation et ne pouvait en aucun cas l’inclure dans les éléments imposables.

12. Le 21 juin 2002, l’AFC a rejeté la réclamation en qualifiant ces CHF 6'000'000.- de prêt fictif qu’aucune pièce ne prouvait. Ce n’était qu’après l’ouverture de la procédure en soustraction d’impôts que l’AFC avait constaté l’inexistence de ce prêt et procédé à un redressement fiscal comme la loi l’autorisait à la faire. De plus, le fardeau de la preuve incombait au contribuable et cette somme de CHF 6'000'000.- constituait un revenu au sens de l’article 16 alinéa 1 LCP.

13. Le 19 juillet 2002, M. A_______ a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôts (ci-après : CCRMI). Il a conclu à l’annulation de la décision attaquée en reprenant ses explications et conclusions.

14. L’AFC a conclu au rejet du recours le 24 février 2003 en contestant avoir fait preuve de négligence.

Elle avait fixé l’amende au tiers du montant de l’impôt soustrait, considérant que la faute commise était légère.

15. Par lettre signature du 5 novembre 2003, la CCRMI a informé le mandataire du contribuable qu’elle envisageait d’augmenter l’amende infligée par l’AFC au motif que la faute de M. A_______ relèverait non de la négligence mais de l’intention. En application de l’article 51 alinéa 1 LPFisc, un délai au 22 novembre 2003 lui était imparti pour se déterminer par écrit.

16. Le 22 novembre 2003, le mandataire de M. A_______ a répondu qu’il maintenait intégralement les termes de son recours. La situation financière du contribuable n’était pas resplendissante et il avait deux enfants de 11 et 14 ans à charge. De plus, il approchait la soixantaine et souffrait notamment d’insuffisance cardiaque.

L’amende prononcée de CHF 628'000.- était déjà excessive au regard des critères de l’article 48 du Code pénal suisse et il en serait a fortiori de même si ladite amende devait être augmentée.

17. Par décision du 18 décembre 2003, la CCRMI a rejeté le recours, confirmant ainsi la reprise de CHF 6'000'000.- opérée par l’AFC. Le contribuable n’établissait pas la réalité du prêt et ces CHF 6'000'000.- ne pouvait être considérés comme une donation faute d’éléments probants.

S’agissant de l’amende, la CCRMI a retenu que le contribuable, avait pour le moins fait preuve de négligence. Elle a cependant renoncé à augmenter le montant de l’amende, cette dernière étant déjà élevée.

18. Par acte posté le 16 janvier 2004, M. A_______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif en sollicitant la suspension du recours jusqu’à la révision complète de son dossier. C’était le 20 novembre 2003 qu’il avait contacté une personne neutre dans cette affaire, soit sa nouvelle fiduciaire, et ce mandataire avait constaté « que toute cette histoire résulte d’une simple erreur comptable qui a tourné en une rocambolesque histoire sans fin ».

19. L’AFC s’est opposée à la suspension de la cause.

Sur le fond, elle a relevé que le contribuable n’apportait aucune pièce probante à l’appui de son recours ni aucun élément nouveau. Elle concluait donc au rejet du recours et la confirmation de la décision attaquée.

20. Le 7 mars 2004, la nouvelle fiduciaire de M. A_______ a répliqué et produit les états financiers de C_______ Holding S.A. pour les exercices 1996 et 1997. Etait joint également un tableau synoptique de l’évolution des bilans de C_______ Holding S.A.. Il était évident que cette créance existait depuis plusieurs années avant l’exercice comptable 1996 et l’entêtement de l’AFC était difficile à comprendre. Cette erreur, trouvée fortuitement, constituait bien un fait nouveau et le maintien de ce redressement, de même que celui de l’amende étaient infondés.

21. Le 31 mars 2004, l’AFC a déposé une duplique en persistant dans ses conclusions. Le contribuable devait se laisser imputer les éventuelles erreurs de son mandataire, raison pour laquelle le recours de l’intéressé devait être rejeté.

22. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID – RS 642.14) est entrée en vigueur le 1er janvier 1993 et elle est d’application directe dès le 1er janvier 2001 (art. 72 al. 1 et 2 LHID ; ATA/877/2004 du 9 novembre 2004).

a. De nouvelles normes de droit fiscal matériel sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001, en application de la LHID. Elles ont abrogé ou modifié, à partir de cette date, la plupart des dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP – D 3 05), ces dispositions demeurant cependant applicables pour les périodes fiscales antérieures à l’année 2001. L’adaptation de la législation fiscale genevoise aux exigences de la LHID est en effet dépourvue d’effet rétroactif, comme l’a relevé le Tribunal administratif dans une jurisprudence constante (ATA/182/2004 du 2 mars 2004 ; ATA/101/2004 du 27 janvier 2004 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. I, 1994 p. 170 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd. 1991, p. 116).

b. Le 1er janvier 2002, est entrée en vigueur la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc – D 3 17) qui a également modifié ou abrogé les dispositions de la LCP. La LPFisc prévoit notamment à son article 86 que les règles de procédure s’appliquent dès l’entrée en vigueur de cette loi aux causes encore pendantes. Il s’ensuit qu’en matière de procédure, la loi de procédure fiscale s’applique à tous les cas. Cependant, cette loi ne contient pas uniquement des règles de procédure, mais également des règles matérielles qui y ont été intégrées pour des raisons de politique législative.

3. En l’espèce, le contribuable conteste le bordereau d’ICC 1998 que lui a adressé l’AFC le 14 mai 2002 et comportant la taxation, au titre du revenu imposable au sens de l’article 16 aLCP, de la somme de CHF 6'000'000.- entraînant un supplément d’impôts de CHF 1'885'889.- et des intérêts de retard à hauteur de CHF 212'473,05. A ce montant s’ajoutait une amende de CHF 628'000.- égale au tiers de l’impôt éludé, fixée par application de l’article 69 alinéa 2 LPFisc à teneur duquel « en règle générale,  l’amende est fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée ».

4. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (Arrêts du Tribunal fédéral 2P.411/1998 et 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 ; ATA/368/2001 du 29 mai 2001).

C’est ainsi en application de l’article 16 aLCP que l’AFC a imposé la somme de CHF 6'000'000.- qualifiée de prêt fictif.

L’article 16 alinéa 1 aLCP prévoit en effet que « l’impôt sur le revenu est perçu sur l’ensemble des revenus nets annuels des contribuables sous la forme de prestations périodiques ou de versements en capital, tant en argent qu’en nature, et quelle qu’en soit l’origine ».

5. Même si le recourant avait déclaré pour l’année en cause, la dette de CHF 6'000'000.- en faveur de sa mère sous la rubrique « intérêts et dettes chirographaires », rien n’empêchait l’AFC, au terme de la procédure de vérification, d’enquêter sur ce montant. Force est d’admettre que le recourant qui supporte le fardeau de la preuve (ATF 121 II 257 consid. 4 c/aa p. 266 et les arrêts cités) n’a jamais à ce jour pu produire le moindre document attestant de la réalité de ce prêt et il est malvenu de prétendre que cette somme devrait être considérée par l’AFC comme une donation, ce qu’il est également dans l’incapacité de justifier par pièces d’une part, et ce qui est en contradiction complète avec ses déclarations provisoires et définitives pour l’ICC 1998 d’autre part.

Soutenir maintenant que son précédent mandataire aurait commis une faute et que cette erreur aurait été décelée tout récemment par sa nouvelle fiduciaire ne résiste pas à l’examen. D’une part, il appartenait au contribuable, rompu aux affaires, de vérifier les déclarations de ses mandataires successifs. Non seulement le recourant est un homme averti qui suit ses affaires mais, de jurisprudence constante, le contribuable qui mandate une fiduciaire n’est pas déchargé de ses obligations et répond en particulier des erreurs de l’auxiliaire qu’il n’instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l’activité, du moins s’il était, comme on l’espèce, en mesure de reconnaître ces erreurs (arrêt du Tribunal fédéral 2A.351/2002 du 5 novembre 2002, consid. 4.2). D’autre part, il ne s’agit en aucun cas d’un fait nouveau qui pourrait ouvrir la voie d’une reconsidération ou d’une révision de sorte que l’AFC était fondée à procéder à la reprise de cette somme et à la taxer comme revenu.

6. S’agissant de l’amende, l’article 69 alinéa 1 LPFisc applicable à la procédure en cours par renvoi de l’article 75 LPFisc prévoit que

« le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force soit incomplète,

celui qui, intentionnellement ou par négligence, obtient une restitution d’impôts illégale ou une remise d’impôts injustifiée est puni d’une amende ».

Comme indiqué ci-dessus, l’AFC a considéré que le contribuable avait commis une faute légère raison pour laquelle l’amende était fixée au tiers de l’impôt soustrait, soit en l’espèce CHF 628'000.-. La CCRMI a renoncé à juste titre à procéder à une reformatio in peius, comme le lui permet dorénavant l’article 51 LPFisc.

7. En conséquence, le recours ne peut qu’être rejeté et la décision attaquée confirmée. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2’500.- sera mis à la charge du recourant. Il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 janvier 2004 par Monsieur A_______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 18 décembre 2003 ;

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 2’500.- ;

communique le présent arrêt à la Fiduciaire Patrick Tritten, mandataire de Monsieur A_______, à la commission cantonale de recours en matière d'impôts ainsi qu’à l'administration fiscale cantonale.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy, Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :