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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4764/2006

ATA/265/2007 du 22.05.2007 ( FIN ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4764/2006-FIN ATA/265/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 22 mai 2007

dans la cause

 

B______ S.A.
représentée par Me Claude Ulmann, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÊRE D’IMPÔTS


 


1. Par courrier du 20 juin 2003, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a informé la société B______ S.A. (ci-après : la société ou la contribuable), dont le président du conseil d’administration est Monsieur G______, de l’ouverture d’une procédure en vérification portant sur les périodes fiscales 1998 à 2001, au motif que certains éléments de bénéfice et de capital semblaient ne pas avoir été déclarés.

2. Le 10 décembre 2003, l’AFC a notifié à la société un bordereau de rappel d’impôts, dont il résulte, pour la période fiscale 1998, un supplément d’impôts de CHF 37’710,40 et des intérêts moratoires de CHF 6’630,75. Le droit d’infliger une amende portant sur les périodes fiscales de l’impôt cantonal 1998 à 2001 était réservé.

3. Par courrier du 29 décembre 2003, la société a élevé réclamation contre ce bordereau.

4. a. A la suite d’une nouvelle vérification sur place les 14 et 15 avril 2004, l’AFC a demandé à la société de produire des justificatifs et explications pour les écritures passées dans le compte « Créanciers divers » au cours de l’année 1998.

Ce compte se présentait ainsi  :

Contre-partie

Date Document

Per. Cont

Type Doc.

No. Document

C

Débit

Crédit

Solde

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2650

CHF

01.01.98

1.98

BO

 

4

2’086.40

 

2086.4

 

BILAN
OUVERTURE

1230

CHF

02.02.98

2.98

PC

101292

 

2’000.00

 

4086.4

 

PROVISION
VOYAGE

4900

CHF

28.02.98

2.98

DI

101938

 

 

1’454.05

2632.35

 

DEPLACEMENT
Espagne

1699

CHF

02.03.98

4.98

DI

100972/1

 

3’000.00

 

5632.35

 

PROVISION
M. G______

1699

CHF

13.03.98

4.98

DI

100938/1

 

2’000.00

 

7632.35

 

PROVISION
M. G______

1230

CHF

02.04.98

4.98

PC

101290

 

2’500.00

 

10132.35

 

PROVISION

1230

CHF

11.05.98

5.98

PC

101832

 

6’000.00

 

16132.35

 

VIREMENT A
M. G______

1000

CHF

31.07.98

7.98

PTV

1098860

 

 

753.40

15378.95

 

PRELEVEMENT
M. G______

1000

CHF

31.07.98

7.98

PTV

1098860

 

753.40

 

16132.35

 


EXTOURNE

1000

CHF

31.07.98

7.98

PTV

1098860

 

753.40

 

16885.75

 

PRELEVEMENT
M. G______

1000

CHF

31.08.98

8.98

PTV

110337Z

 

2’412.50

 

19298.25

 

PRELEVEMENT
M. G______

1000

CHF

30.09.98

9.98

PTV

1107130

 

2’412.50

 

21710.75

 

PRELEVEMENT
M. G______

1000

CHF

31.10.98

10.98

PTV

111601A8

 

2’412.50

 

24123.25

 

PRELEVEMENT
M. G______

1000

CHF

20.11.98

11.98

PTV

150276Z

 

2’412.50

 

26535.75

 

PRELEVEMENT
M. G______

3040

CHF

31.12.98

12.98

DI

111670

 

 

30’210.00

3674.25

 


PROVISION

 

b. Le 2 juin 2004, la société a indiqué que les justificatifs concernant un montant de CHF 30’000.-, comptabilisé sous la rubrique « Prélèvements », avaient disparu lors de ses divers déménagements. Cette somme représentait des factures payées par la société pour le compte de tiers, à l’occasion d’une reprise d’activité.

5. Par décision du 9 juillet 2004, l’AFC a partiellement dégrevé le bordereau de l’impôt cantonal et communal 1998 daté du 10 décembre 2003. Le nouveau bordereau s’élevait à CHF 17’239,55. Les prélèvements, comptabilisés comme charges, n’étaient pas justifiés par pièces et ne pouvaient être admis au regard de l’usage commercial.

Le même jour, l’AFC a informé la société que les contrôles pour la période fiscale 1999 à 2001 étaient clos. Un bordereau d’amende en CHF 4’887.-, fondé sur l’article 340 de la loi générale sur les contributions publiques publiques du 9 novembre l887 (aLCP - D 3 05) en vigueur au moment des faits, était annexé.

6. Le 3 août 2004, la société a élevé réclamation contre l’amende. Elle a souligné que seules l’intention et la négligence étaient punissables et elle n’avait commis ni l’une ni l’autre. Le doute devait lui profiter.

7. Le 20 août 2004, l’AFC a maintenu la quotité de l’amende. Cette dernière avait été fixée au tiers de l’impôt soustrait. Le caractère commercial des montants prélevés par l’actionnaire n’avait pas été justifié.

8. Le 30 août 2004, la société a saisi la commission cantonale de recours en matière d’impôts (ci-après : la commission) en reprenant l’argumentation qu’elle avait développée devant l’AFC.

9. L’AFC s’est opposée au recours le 30 mars 2005.

En vertu du principe de la lex mitior, le litige devait être examiné sous l’angle de l’article 341 alinéa 3 aLCP. La déclaration déposée par la société à l’époque était inexacte, puisqu’elle mentionnait, au débit du compte d’exploitation, des charges qui n’étaient pas justifiées commercialement. Il s’agissait d’une négligence. Le fardeau de la preuve incombait à la contribuable et elle avait échoué dans cet exercice. La perte des justificatifs constituait une imprévoyance coupable. En fixant le montant de l’amende à CHF 4’887.-, l’AFC avait tenu compte de la bonne collaboration de la société au cours de la procédure de contrôle.

10. Par décision du 6 novembre 2006, la commission a rejeté le recours. Selon la nouvelle loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) entrée en vigueur le 1er janvier 2002, l’action pénale se prescrivait par dix ans à compter de la fin de la période fiscale où la taxation n’avait pas été effectuée. La prescription absolue selon cette loi était de quinze ans pour une soustraction d’impôts.

L’aLCP prévoyait, quant à elle, une prescription relative de cinq ans ; une prescription absolue de dix ans était admise par la jurisprudence. Sous l’angle des anciennes normes, plus favorables, la prescription relative avait été interrompue par le courrier du 20 juin 2003 de sorte que l’amende n’était pas prescrite.

Les éléments constitutifs de l’amende devaient aussi être analysés sous l’angle de l’ancien droit, plus favorable. La société n’avait été en mesure ni de prouver l’affectation des dépenses litigieuses ni de démontrer qu’elles avaient été nécessaires à son activité commerciale. Compte tenu de la faute de la société et de sa négligence, le montant de l’amende était aussi confirmé.

11. La société a saisi le Tribunal administratif d’un recours le 19 décembre 2006. Contrairement à ce qu’avait retenu la commission, le courrier du 20 juin 2003 - qui ne faisait pas référence à une éventuelle sanction pénale - n’avait pas interrompu la prescription. Selon l’article 72 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) en vigueur à l’époque, la prescription absolue était de sept ans et demi. La société n’avait pas agi par négligence et encore moins intentionnellement. L’AFC n’avait pas démontré que la somme de CHF 30’000.- ne représentait pas des frais de l’entreprise. Lorsqu’elle avait rempli sa déclaration, la société était sûre d’être en mesure de produire les pièces justificatives. Malheureusement, elles ne les avait pas retrouvées.

12. L’AFC s’est opposée au recours le 18 janvier 2007 pour des motifs similaires à ceux figurant dans la décision litigieuse. Toutefois, elle a souligné que, selon la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral, la prescription absolue, sous l’ancien droit, était de quinze ans et non de dix, ainsi que l’avait retenu la commission. Elle a maintenu le fait que son courrier du 20 juin 2003 annonçait une procédure de rappel et de soustraction d’impôts et qu’il constituait un acte interruptif de la prescription.

13. Le 9 février 2007, la société a encore souligné que, selon la Feuille d’Avis Officielle du 26 janvier 2007, la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05) était entrée en vigueur et qu’elle était applicable rétroactivement en vertu du principe de la lex mitior. Elle prévoyait un renvoi, à titre supplétif, aux articles 1 à 110 CP. Selon l’article 97 alinéa 1 lettre c de cette loi, la prescription était de sept ans ; la notion d’interruption de prescription avait disparu du droit pénal fédéral. L’action pénale était dès lors prescrite depuis le 1er janvier 2004.

Ce pli a été transmis à l’AFC.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. En ce qui concerne la prescription, les parties s’accordent, à juste titre, pour admettre que cette problématique doit être tranchée en application de l’ancien droit, en vertu du principe de la lex mitior (ATA/346/2006 du 20 juin 2006 et la jurisprudence citée). Elles divergent en revanche sur le point de savoir si la prescription relative prévue par l’article 341 aLCP a été interrompue ou non, en particulier par la lettre adressée par l’AFC à la société le 20 juin 2003.

Selon la jurisprudence, l’envoi d’un bordereau, la réclamation, la décision sur réclamation, le recours et la décision sur recours sont considérés comme des actes tendant au recouvrement de la créance fiscale qui interrompent la prescription (ATA/66/2005 du 18 janvier 2005 ; ATA V. du 20 décembre 1994, consid. 7b et les références citées).

En l’espèce, le bordereau de rappel d’impôts adressé à la société le 10 décembre 2003 est manifestement un acte interruptif de la prescription, ce d’autant que le courrier accompagnant ce bordereau réservait expressément le droit d’infliger une amende pour la période fiscale concernée.

Dès lors que cet acte a eu lieu moins de cinq ans après la date déterminante, soit le 1er janvier 1999, la prescription relative a été interrompue.

3. La recourante soutient ensuite que la prescription absolue serait de sept ans et demi, selon son recours, ou de sept ans, en application de la modification de l’article 1 LPG qui renvoie aux articles 1 à 110 CP.

Le Tribunal administratif a déjà jugé que l’amende réprimant la soustraction fiscale constituait une sanction de caractère pénal, et qu’elle devait, à ce titre, être soumise au délai de prescription applicable en la matière. Les anciens textes légaux, dont il a déjà été dit qu’ils étaient plus favorables à la société, ne prévoyaient pas de délai de prescription absolue (ATA/346/2006 précité ainsi que la jurisprudence citée). Selon la jurisprudence du Tribunal administratif (ATA/346/2006 précité ; ATA/547/2001 du 28 août 2001) il doit être fait application des articles 70 à 75 du code pénal alors en vigueur, par renvoi des articles 1 alinéa 2, 17 1ère phrase et 37 alinéa 3 chiffre 49 de l’ancienne loi pénale genevoise du 20 septembre 1941 (aLPG - E 4 05). La soustraction fiscale est dès lors soumise à une prescription absolue de dix ans (ATA/440/2005 du 21 juin 2005), ce qui est plus favorable à la société que celle de quinze ans prévue aux articles 59 et suivants LPFisc.

Le fait que la LPG ait été modifiée depuis lors ne change en rien cette appréciation. En effet, l’article 1 LPG ne prévoit un renvoi aux articles 1 à 110 CP que dans l’hypothèse où il n’existe pas de prescription contraire de la loi. Or, la LPFisc fixe un délai de prescription absolue plus long que celui de l’article 97 alinéa 1 lettre c CP. Cette disposition ne peut dès lors être appliquée en l’espèce.

Le Tribunal administratif relèvera encore que c’est en vain que l’AFC soutient que la prescription absolue est de quinze ans. Les jurisprudences qu’elle cite ont été rendues en matière d’impôt fédéral direct et ne sont pas applicables en matière d’impôt cantonal.

4. En dernier lieu, la société conteste le principe même de l’amende, en vertu du principe « in dubio pro reo ».

Cet argument ne peut toutefois pas être suivi.

L’auteur d’une soustraction d’impôt par négligence doit avoir agi soit sans se rendre compte (négligence inconsciente) ou sans tenir compte des conséquences de ses actes ou omissions (négligence consciente). Pour que l’imprévoyance soit coupable, il faut, objectivement, que l’auteur n’ait pas usé des précautions commandées par les circonstances. Il faut en outre que, subjectivement, l’auteur de l’acte incriminé ait omis d’user des précautions commandées par sa situation personnelle (ATA/21/2005 du 18 janvier 2005, consid. 46 et la doctrine citée).

De plus, l’autorité établit d’office les faits déterminants. Son devoir d’investigation n’est toutefois pas sans limite et elle peut s’en tenir aux règles sur la répartition du fardeau de la preuve. Il appartient dans ce cas à l’autorité fiscale d’établir les faits dont résulte l’obligation de payer une contravention et au contribuable d’établir les faits qui ont pour effet de supprimer ou de réduire cette obligation. De plus, le contribuable doit prouver des éléments qui l’autorisent à déduire certains montants de son revenu, ainsi que la nécessité des frais effectivement encourus et liés à la réalisation du revenu taxé et à leur montant (ATA/967/2005 du 25 octobre 2005 et la jurisprudence citée).

En l’espèce, la société admet que la somme de CHF 30’000.- a été prélevée, sans être en mesure d’en justifier la destination. Or, les intitulés des mouvements dans le compte « Créanciers divers » démontrent qu’il s’agit de prélèvements du président du conseil d’administration. Au cours de la procédure, la recourante ou son président s’est limité à indiquer qu’il ne s’agissait pas de prélèvements, mais de factures payées pour le compte de tiers à l’occasion d’une reprise d’activité, sans toutefois fournir d’indications ou de pièces permettant d’asseoir cette affirmation.

Dès lors, ce grief doit aussi être écarté.

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge de la société, qui succombe (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 décembre 2006 par B______ S.A. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d’impôts du 6 novembre 2006 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 2’000.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Claude Ulmann, avocat de la recourante ainsi qu’à l’administration fiscale cantonale et à la commission cantonale de recours en matière d’impôts.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges, M. Grant, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :