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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/398/1999

ATA/642/2000 du 24.10.2000 ( FIN ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : IMPOT; PROVISION(COMMISSION); DEDUCTION(SENS GENERAL); PREUVE; CONSTATATION DES FAITS; FIN
Normes : LCP.340; LCP.341A; LCP.23 litt.g
Résumé : Le contribuable doit démontrer la réalité et la régularité de la commission versée dont il réclame la déduction notamment par l'identité exacte du bénéficiaire de la commission. Les documents créés postérieurement aux années fiscales concernées et qui ne mentionnent pas que les bénéficiaires ont effectivement reçu les sommes annoncées ne suffisent pas à établir l'identité du bénéficiaire de la commission au sens de l'art. 23 litt. g LCP. En revanche, tel est le cas de "bordereaux de production" signés par les commissionnaires.
En fait
En droit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 24 octobre 2000

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur D__________

 

 

 

contre

 

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE D'IMPOTS

 

et

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 



EN FAIT

 

1. Monsieur D__________, né le __________ 1947, est négociant en vins. Il est domicilié au chemin __________ au Grand-Saconnex et exploite une entreprise en raison individuelle à l'enseigne "Etablissement D__________", inscrite au registre du commerce depuis le 30 mars 1977.

 

M. D__________ travaille avec des représentants avec lesquels il est lié par un contrat oral de commission prévoyant une commission entre 30 % et 50% sur le prix de vente des bouteilles.

 

Ces représentants, tous domiciliés en France, sont au bénéfice d'un permis de travail de 90 jours par an.

 

Entre 1989 et 1994, M. D__________ a travaillé avec les commissionnaires suivants :

 

- M. F.

- M. M.

- M. D.

- M. F.

- M. M.

- M. M.

- M. M.

- M. M.

- M. C.

- M. C.

- M. T..

 

2. a. M. D__________ a déclaré le versement à ses représentants des commissions suivantes entre 1989 et 1993 :

 


1989 : CHF 474'317,55 sur un chiffre d'affaire de 1'572'295,85

1990 : CHF 523'724,25 sur un chiffre d'affaire de 1'644'485,95

1991 : CHF 677'989.- sur un chiffre d'affaire de 1'911'567,70

1992 : CHF 628'101.- sur un chiffre d'affaire de 1'675'263,40

1993 : CHF 546'482,50 sur un chiffre d'affaire de 1'514'038,35


b. M. D__________ a prélevé entre 1989 et 1993 l'impôt à la source relatif à l'activité déployée par ses représentants dans le canton de Genève. Selon les listes récapitulatives, les prestations totales soumises à l'impôt s'élevaient à :

 

1989 : CHF 159'828.-

1990 : CHF 144'268.-

1991 : CHF 140'820.-

1992 : CHF 144'790.-

1993 : CHF 93'800.-

 

3. a. Le 4 mai 1995, l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC) a ouvert une procédure de vérification des déclarations fiscales de 1989 à 1994 de M. D__________, laquelle a donné lieu à la notification, le 12 décembre 1995, de cinq bordereaux rectificatifs totalisant un supplément d'impôt de CHF 711'591,20 ainsi que d'une amende de CHF 142'318.-. Il était reproché au contribuable de ne pas avoir justifié fiscalement les commissions qu'il alléguait avoir versées à ses représentants. Seules les commissions ressortant des listes récapitulatives pour l'impôt à la source sur les revenus des commissionnaires sur Genève avaient été admises.

 

b. Ainsi, les commissions non justifiées fiscalement s'élevaient, pour les années fiscales déterminantes, à :


1990 : CHF 314'489.-, soit un supp. d'impôt de CHF 104'065,75

1991 : CHF 379'456.-, soit un supp. d'impôt de CHF 128'375,80

1992 : CHF 537'619.-, soit un supp. d'impôt de CHF 180'327,85

1993 : CHF 483'311.-, soit un supp. d'impôt de CHF 151'528,80

1994 : CHF 452'682.-, soit un supp. d'impôt de CHF 147'293.-


 

4. Le 12 janvier 1996, M. D__________ s'est opposé aux cinq bordereaux rectificatifs, alléguant que les commissions avaient été effectivement payées et que l'activité des commissionnaires s'exerçait aussi dans d'autres cantons suisses.

 

Il a transmis à l'AFC un décompte daté du 25 avril 1996 intitulé "justification des commissions payées" et attestant du montant des commissions versées de 1990 à 1994, par canton (ci-après : la liste du 25 avril 1996). Pour certains cantons, le nom du ou des commissionnaires concernés apparaissait, avec le détail des montants versés. Le listing faisait référence aux "années fiscales".

 

Après plusieurs demandes de justificatifs des commission versées, émanant de l'AFC, M. D__________ a transmis le 18 octobre 1996 une liste dactylographiée intitulée "liste des chèques postaux", sur laquelle figurait un numéro de chèque, une date et un montant avec parfois le nom d'un commissionnaire en regard dudit montant. Cette liste concernait la période de 1990 à 1994.

 

5. Le 12 novembre 1996, l'AFC, statuant sur réclamation, a maintenu les taxations et l'amende.

 

Seuls les versement figurant sur les attestations - quittance des employés relatives à l'impôt à la source étaient justifiées. La preuve des montants versés n'avait pas été fournie et l'identité des bénéficiaires réels ainsi que la justification économique n'ayant pas été prouvée, ces montants ne pouvaient venir en déduction comme charge d'exploitation.

 

6. Le 13 décembre 1996, M. D__________ a recouru à la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : la commission de recours) à l'encontre de la décision de l'AFC du 12 novembre 1996, en concluant à son annulation.

 

De 1990 à 1994, il avait travaillé avec douze commissionnaires. MM. B., C. et C. ne travaillaient que dans le cadre de foires. Les familles F. et M. percevaient un montant global de commissions sans distinction de l'activité individuelle de chaque personne les composant. Dès avril 1993, deux groupes s'étaient formés, soit MM. __________ et __________F. et M. d'une part et les autres membres de la famille M. d'autre part. Ces derniers avaient cessé leur activité en septembre 1995.

 

A ce jour, seuls MM. _________ et __________ F., M. et D. travaillaient encore pour lui.

 

M. D__________ a versé au dossier cinq attestations, établies par ses soins et signées par MM. __________ F., __________ F., M., C. et D.. Aux termes de ces documents, les représentants précités attestaient que toutes les commissions dues au cours des années 1990 à 1994 leur avaient été payées durant cette période, par retenue des acomptes versés par les clients, par chèques postaux ou par des versements en espèces.

 

M. D__________ a précisé que certaines attestations n'avaient pas été signées par les commissionnaires en raison du fait qu'il n'avait plus leur adresse (pour MM. B. et C.) ou que les intéressés avaient refusé, étant en mauvais termes avec lui (pour la famille M.).

Le montant total des commissions versées de 1990 à 1994 correspondait au poste salaires/commissions du compte de pertes et profits des exercices 1990 à 1994. En outre, le rapport entre le poste salaires/commissions et le chiffre d'affaires s'élevait de 1990 à 1994 entre 31,8 % et 36,8 % ce qui était conforme au pourcentage moyen des commissions versées. Il n'était pas réaliste qu'un négociant en vins réalise à lui seul un chiffre d'affaires de l'ordre de CHF 1'700'000.- par an sans travailler en collaboration avec des commissionnaires ou que ceux-ci n'aient pas été rémunérés.

 

M. D__________ a versé au dossier des listings des commissions payées à chaque représentant de 1990 à 1994, établis par ses soins et datés de décembre 1996 (ci-après : la liste de décembre 1996) ainsi que des bordereaux de production de 1991 à 1994 sur lesquels figuraient un numéro de commande, le nom du client, le nombre de bouteilles, la facture, les commissions, les ristournes à charge du vendeur, les acomptes perçus des clients et le solde de la commission reçue par le vendeur. Une partie seulement de ces bordereaux était signée par le vendeur-commissionnaire. Les bordereaux signés attestaient des montants suivants, versés au titre de commission :

 

1991 : CHF 277'376.-

1992 : CHF 334'342.-

1993 : CHF 325'583.-

 

Aucun bordereau de production pour les années 1989 et 1990 n'était produit.

 

7. Le 4 juin 1997, l'AFC s'est opposée au recours.

 

C'était par erreur que la décision sur réclamation visait les années 1991 à 1994. L'année 1990 était également concernée.

 

Il n'existait aucune quittance chiffrée, signée par les commissionnaires et datée de l'époque où les commissions auraient été versées mais uniquement des listes récapitulatives. Dans sa liste du 25 avril 1996, le recourant faisait une confusion entre année fiscale et année de paiement des commissions.

 

On pouvait se demander comment le recourant pouvait établir les montants versés dès lors qu'il déclarait ne pouvoir vérifier les bordereaux pour chaque commissionnaire que par sondage en raison de l'ampleur du travail. Plusieurs exemples démontraient qu'il existait d'importantes différences de montants entre ceux déclarés dans la liste du 25 avril 1996 et ceux mentionnés dans celle de décembre 1996, ainsi que ceux apparaissant sur les bordereaux de production.

8. Le 25 mars 1999, la commission de recours a rejeté le recours.

 

Le rappel d'impôt afférent à l'exercice fiscal 1990 subsistait, la procédure de vérification ayant été ouverte le 4 mai 1995.

 

Les listes, transmises par le recourant et établies après la clôture de la procédure de vérification, étaient douteuses. Celle de décembre 1996 ne coïncidait pas avec celle du 25 avril 1996. Ainsi, les commissions versées à M. F. en 1994 s'élevaient respectivement à CHF 135'350.- et CHF 80'519.-, celles versées à M. B. en 1992 à CHF 7'670.- et CHF 21'596.-.

 

De même, dans la liste du 25 avril 1996, la justification des commissions payées, par exemple en 1992, ne correspondait pas avec celle pour l'année fiscale 1993.

Les attestations établies a posteriori par le recourant et signées par cinq représentants seulement ne chiffraient pas les montants exacts reçus par les représentants mais attestaient seulement que ceux-ci avaient reçu les commissions dues de 1990 à 1994.

 

Le recourant avait transmis des bordereaux de production pour les années 1991 à 1994. Le total de ces bordereaux pour 1994 faisait état de commissions pour CHF 440'751.- alors que le poste salaires/commissions du compte de pertes et profits 1994 ascendait à CHF 623'207,15 et la liste de décembre 1996 mentionnait CHF 623'205.- pour l'ensemble des commissions versées en 1994.

 

De même, le total des bordereaux de production pour 1991 faisait était de commissions pour CHF 613'056.- alors que le poste salaires/commissions du compte de pertes et profits 1991 s'élevait à CHF 677'989.- dont le salaire d'une employée du recourant, Mme C., en CHF 28'900.-. et le décompte de décembre 1996 pour les commissions payées en 1991 mentionnait CHF 649'092.-.

 

Le recourant n'avait pas pu justifier les commissions versées à ses représentants au moyen de quittances chiffrées et établies à la date où elles avaient été payées. De plus, aucune pièce n'avait été fournie pour les commissions versées en 1989.

 

Les montants de ces commissions versées variaient d'un décompte à l'autre et, sur la base des pièces fournies par le recourant, il était impossible de connaître le montant réel des commission versées. Ces pièces n'avaient aucune force probante.

 

Enfin, l'AFC avait fait preuve de mansuétude en fixant l'amende au cinquième de l'impôt éludé.

 

9. Le 30 avril 1999, M. D__________ a recouru au Tribunal administratif contre la décision du 25 mars 1999 de la commission de recours.

 

Il certifiait que les commissions avaient toutes été payées, les quittances étant les bordereaux de production qui indiquaient le numéro de la commande, le nom du client, le montant de la commande et le montant de la commission, datés et signés par les représentants. Les bordereaux pour 1989 étaient à disposition, ainsi que les commandes originales. Le 95 % du chiffre d'affaires était effectué par les représentants.

 

La liste du 25 avril 1996 comportait une erreur de terme, l'année fiscale se rapportant à l'année du versement des commissions.

 

10. Le 17 mai 1999, l'AFC s'est opposée au recours en relevant que le recourant n'apportait aucune pièces déterminante de nature à remettre en cause la décision de la commission de recours.

 

11. Les 2 juillet 1999 et 9 octobre 2000, le Tribunal administratif a entendu les parties, de même que MM. F. et M. à titre de renseignements.

 

a. M. D__________ a déclaré qu'il contestait avoir soustrait à l'AFC les montants d'impôts réclamés. La famille M. était en mauvais termes avec lui et c'était pour cela qu'elle n'avait pas signé l'attestation. Il était dans l'impossibilité de payer ce montant d'impôt, ayant déjà un découvert sur son compte-courant. Cette prétention le mettrait en faillite. Il établissait des bordereaux de production qui devaient en principe être signés par le vendeur, ce qui n'avait pas toujours été fait mais dans ce cas l'argent avait néanmoins été versé aux intéressés. Sa fiduciaire ne lui avait jamais demandé de produire d'autres documents pour ses déclarations fiscales. Il n'avait pas un train de vie pouvant donner à penser qu'il gagnait beaucoup.

 

L'essentiel des ventes se faisait en dehors de Genève où, renseignements pris, l'impôt à la source n'était pas dû. C'était pour cette raison qu'il n'avait déclaré que les gains réalisés à Genève pour ses représentants. Il n'avait pas d'autres éléments à apporter que ceux déjà avancés devant la commission de recours. C'était d'ailleurs pour cette raison que son avocat lui avait conseillé de ne pas recourir.

 

b. La représentante de l'AFC a déclaré que la contrôleuse avait fait tous les recoupements possibles entre les montants déclarés pour l'impôt à la source, les bordereaux de production, le compte de pertes et profits et les différentes listes produites sans parvenir à retomber sur les mêmes chiffres.

 

c. M. F. a déclaré qu'entre 1989 et 1994, il percevait une commission entre 35% et 50% sur la vente des vins. Les frais d'hébergement et de repas étaient à sa charge. Il travaillait dans la région genevoise qui allait selon lui jusqu'à Morges, voire Lausanne ou Fribourg, mais pas en Suisse-allemande. Il percevait les commissions jusqu'en 1991 de M. T. qui, lui-même, recevait un chèque de la part de M. D__________ pour l'équipe des représentants, soit de sept à neuf personnes. Par la suite, il recevait directement de M. D__________ les chèques postaux. De 1989 à 1992, il gagnait environ CHF 30'000.- par an et payait un impôt à la source sur la totalité des commissions qu'il percevait en Suisse. Dès 1993, il avait commencé à fréquenter les foires et gagné de CHF 35'000.- à CHF 38'000.-. Il reconnaissait sa signature sur certains bordereaux de production 1994 établis à son nom. Il recevait le chèque de M. D__________ et répartissait le montant en parts égales. En principe, chaque bordereau était signé par lui-même ou un autre représentant. Il avait signé un bordereau à chaque fois qu'il avait reçu un chèque.

 

d. M. M. a déclaré qu'il percevait une commission entre 35% et 40% sur la vente du vin. Il travaillait en équipe avec son frère, son neveu, M. T. et M. F.. Un représentant encaissait un chèque du montant global des commissions réalisées, lequel était ensuite réparti en parts égales. Il payait un impôt à la source à Genève mais pas dans les autres cantons. Il ne se souvenait pas du montant gagné entre 1989 et 1994. Actuellement, il gagnait CHF 3'800.- à CHF 4'000.- brut par semaine et travaillait 120 jours par an. Il avait des frais d'environ 50% de ses bénéfices. Il gagnait actuellement un peu mieux sa vie qu'en 1994. Il reconnaissait avoir signé certains bordereaux de production de 1994. M. D__________ lui remettait un chèque postal qu'il partageait avec M. F.. Les bordereaux étaient toujours signés lorsque l'un d'entre eux recevait un chèque postal. Si certains n'étaient pas signés, il s'agissait d'un oubli. Si M. D__________ attestait qu'il avait gagné, par exemple en 1994 CHF 135'330.- selon la liste de décembre 1996, cela était exact.

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOF - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Le contribuable est une personne physique. Il est domicilié dans le canton. La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05) est donc applicable au litige qui l'oppose à l'AFC (art. 1 let. a et 2 let. a LCP). Celui-ci a trait aux rappels d'impôts 1990 à 1994, assortis d'une amende, auxquels a procédé l'AFC à l'encontre du recourant, suite à une procédure de contrôle ouverte conformément aux articles 336 alinéa 1 et 340 LCP.

 

Le recourant ne conteste plus la régularité du contrôle de l'année fiscale 1990.

 

3. a. Lorsqu'un contribuable, par suite de déclarations inexactes ou incomplètes, n'a pas payé les impôts qu'il aurait dû payer ou les a payés d'une manière insuffisante, il est tenu, ou ses héritiers, à son défaut, sont tenus de payer les impôts arriérés pour les années pendant lesquelles ils n'ont pas été payés, jusqu'à cinq ans en arrière non compris l'année courante (art. 340 al. 1 LCP).

 

b. Tout contribuable qui, dans l'intention de frauder le fisc, le trompe ou cherche à le tromper relativement à ses éléments d'imposition, soit en faisant des déclarations volontairement inexactes, soit en produisant des pièces non conformes à la réalité, soit en dissimulant des pièces qui déterminent pour lui l'obligation de payer l'impôt, est frappé d'une amende fiscale pouvant s'élever jusqu'à 10 fois le montant de l'impôt éludé (art. 341 al. 1 LCP).

 

4. a. A teneur de l'article 341A LCP, la prescription des infractions visées aux articles 340 et 341 est de cinq ans, non compris l'année courante.

 

b. La prescription des créances fiscales est régie par l'article 369 LCP qui prévoit que les créances de l'Etat et des communes pour la perception des impôts se prescrivent par un délai de cinq ans dès le jour de l'entrée en force de la décision de taxation (al. 1). Les articles 129 et suivants du Code des obligations sont applicables par analogie (al. 2). Cette prescription n'est pas pertinente en l'espèce dès lors que les bordereaux rectificatifs ne sont pas encore entrés en force.

 

5. a. Le Tribunal administratif a jugé que l'article 341A LCP devait être interprété car il ne fixait pas le dies ad quem du délai de prescription. Ce faisant, il a considéré que ce dies ad quem devait correspondre à la date de la notification des bordereaux rectificatifs, faute de quoi l'administration ne pourrait jamais conduire avec quelque chance de succès une procédure de contrôle, car ses droits se prescriraient au fur et à mesure de l'écoulement du temps. De même, l'amende était soumise à ce délai de prescription de cinq ans.

Quant à la prescription absolue, il fallait admettre que, par renvoi des articles 1 alinéa 2, 17 1ère phrase et 37 alinéa 1 chiffre 49 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1981 (LPG - E/3/1), les articles 70 à 75 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.O) étaient applicables. En conséquence, la prescription absolue était de dix ans (ATA G. du 6 octobre 1992, résumé in SJ 1993 p. 569).

 

b. Il faut comprendre cet arrêt dans le sens que, dès la commission de l'infraction, soit dès l'établissement de la déclaration fiscale inexacte ou incomplète de la part du contribuable, le délai de prescription absolue de 10 ans applicable au rappel d'impôt et à l'amende commence à courir. A l'intérieur de ce délai agit celui de la prescription relative de cinq ans, lequel peut toutefois être interrompu selon les règles générales du CO.

 

6. a. En l'espèce, le délai de prescription a commencé à courir dès le 26 décembre 1990, date de l'établissement par M. D__________ de la déclaration pour l'impôt 1990. La prescription absolue du rappel d'impôt 1990 sera ainsi atteinte le 26 décembre 2000. La prescription suivante, soit celle du rappel d'impôt 1991, sera atteinte le 19 septembre 2001, date de l'établissement de la déclaration fiscale 1991. Quant à la prescription relative, elle a été valablement interrompue par la notification des bordereaux rectificatifs, puis par les actes de procédure qui ont eu lieu jusqu'à l'audience d'enquête du 9 octobre 2000. Elle n'a donc pas été atteinte.

 

b. Il en va de même pour la prescription de l'amende, qui sera atteinte le 26 décembre 2000, s'agissant de l'année fiscale 1990, et le 19 septembre 2001 en ce qui concerne l'année fiscale 1991, la prescription relative ayant été valablement interrompue par les actes de procédure précités.

 

7. a. L'article 21 lettre a et c LCP prévoit que les dépenses faites pour l'exploitation de leur entreprise et celles nécessaires pour l'exercice de leur profession et de leur métier ainsi que les traitements et salaires des employés et ouvriers peuvent être déduits de l'ensemble des revenus du contribuable.

 

b. L'article 23 lettre g LCP prévoit que les commissions non justifiées nominativement ainsi que celles qui, justifiées nominativement, ne sont pas conformes à l'usage commercial, ne peuvent pas être déduites des revenus bruts.

 

8. a. L'administration recherche en général d'office les faits déterminants. Mais on reconnaît que son devoir d'investigation n'est pas sans limite, qu'au delà, l'autorité peut s'en tenir aux règles sur la répartition du fardeau de la preuve et qu'en droit fiscal, il appartient dans ce cas à l'autorité fiscale d'établir les faits dont résulte l'obligation de payer une contribution alors qu'il appartient au contribuable d'établir les faits qui ont pour effet de supprimer ou de réduire cette obligation. Il appartient au contribuable de prouver les éléments qui l'autorisent à déduire certains montants de son revenu brut (RDAF 1995 p. 58, consid. 3 p. 59). Le contribuable doit prouver la nécessité des frais effectivement dépensés et liés à la réalisation du revenu taxé ainsi que leur montant (RDAF 1993 p. 115 et jurisprudence citée; ATA G. du 3 octobre 1995 et les références citées; ATA M. du 11 mars 1997).

b. Ainsi, le contribuable doit démontrer la réalité et la régularité de la commission versée dont il réclame la déduction (ATA F. S.A. du 28 mai 1980, in RDAF 1980, p. 397), notamment par l'identité exacte du bénéficiaire de la commission (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1963, p. 2484). La notion d'identité dont il est ici question doit être comprise au sens large : l'administration "doit être absolument certaine qu'une obligation du débiteur vis-à-vis d'un tiers existe réellement, tant juridiquement que fiscalement, car elle ne peut se contenter d'indices seulement. Pour elle, les rapports entre les parties doivent être complètement définis" (A. FORNEY, La défalcation des dettes en matière d'impôt fédéral direct pour la défense nationale, in RDAF 1962, p. 119). Enfin, lorsque la commission a été versée à l'étranger, l'administration est en droit de se montrer particulièrement exigeante (ATA du 30 octobre 1984 en la cause T.).

 

9. a. En l'espèce, les pièces fournies par le recourant, soit la liste du 25 avril 1996, celle de décembre 1996, celle des chèques postaux et les attestations signées par cinq représentants ne sont pas de nature à établir la réalité des commissions versées, dès lors qu'il s'agit de documents créés postérieurement aux années fiscales concernées et qui ne mentionnent pas que les bénéficiaires ont effectivement reçu les sommes annoncées. Ces documents ne suffisent pas à établir l'identité du bénéficiaire de la commission, au sens de l'article 23 lettre g LCP. Ainsi, les commissions, telles que déclarées par le recourant ne sont, faute de preuve (RDAF 1980, p. 402; ATA O. du 28 juin 1994), pas justifiées nominativement.

 

b. En revanche, les enquêtes ont permis d'établir que les bordereaux de production, dès lors qu'ils étaient signés par un représentant, attestaient que la somme apparaissant dans la colonne "total commissions" avait bien été versée audit représentant, par le recourant. Ce fait a été confirmé par MM. F. et M., lesquels ont déclaré que les bordereaux étaient signés lorsqu'ils recevaient un chèque postal et que certaines des signatures figurant sur les bordereaux étaient bien la leur. Ces bordereaux de production permettent d'identifier le bénéficiaire de la commission et attestent de la réalité du versement.

 

Par ailleurs, l'AFC n'a jamais allégué que les commissions n'étaient pas conformes à l'usage commercial. A cet égard, celles attestées par les bordereaux de production signés atteignent environ 20 % du chiffre d'affaires annuel, ce qui n'est manifestement pas contraire à l'usage commercial.

 

10. En conséquence, les bordereaux de production signés par les représentants et relatifs aux années 1991 à 1993, devront servir de base de calcul aux bordereaux rectificatifs d'impôt pour les années 1992 à 1994. En revanche, le recourant n'ayant pas jugé utile, malgré les demandes de l'AFC, de produire les pièces justificatives pour les années fiscales 1990 et 1991, les bordereaux rectificatifs relatifs à cette période devront être confirmés, faute de preuve établissant la réalité des commissions déclarées. A cet égard, le recourant ne peut se contenter de tenir à disposition du tribunal de céans les bordereaux 1989 et 1990 alors que toutes les pièces justificatives lui ont été demandées par l'AFC le 4 mai 1995 déjà, au moment de l'ouverture de la procédure de vérification.

 

11. En conséquence, il incombera à l'AFC d'établir de nouveaux bordereaux rectificatifs en prenant en compte les commissions suivantes pour les années fiscales 1992, 1993 et 1994 :

 

versées en 1991 : CHF 277'376.- au lieu de CHF 144'820.-

versées en 1992 : CHF 334'342.- au lieu de CHF 144'790.-

versées en 1993 : CHF 325'583.- au lieu de CHF 93'800.-

Il lui incombera également d'infliger une nouvelle amende, tenant compte des bordereaux rectificatifs confirmés pour les années fiscales 1990 et 1991 et des bordereaux rectificatifs à établir pour les années fiscales 1992 à 1994.

 

12. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision de la commission de recours annulée en tant qu'elle confirme les bordereaux rectificatifs pour les années fiscales 1992, 1993 et 1994 et l'amende de CHF 142'318.- et en tant qu'elle inflige au recourant un émolument de CHF 2'000.-. La décision de la commission de recours sera confirmée pour le surplus, la cause étant renvoyée à l'AFC pour qu'elle statue au sens des considérants.

 

13. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui obtient partiellement gain de cause (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 30 avril 1999 par Monsieur D__________ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 25 mars 1999;

 

au fond :

 

l'admet partiellement;

 

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 25 mars 1999 en tant qu'elle confirme les bordereaux rectificatifs 1992, 1993 et 1994 et l'amende de CHF 142'318.- et en tant qu'elle inflige au recourant un émolument de CHF 2'000.-;

 

la confirme pour le surplus;

 

renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale pour qu'elle statue au sens des considérants;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.-;

 

communique le présent arrêt à Monsieur D__________ ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts et à l'administration fiscale cantonale.

 


Siégeants : M. Schucani, président, M. Thélin, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj.: le vice-président :

 

C. Goette Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci