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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2342/2003

ATA/518/2004 du 08.06.2004 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : FIN
En fait
En droit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 8 juin 2004

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur D.__________

 

 

 

 

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPÔTS

 

et

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 



EN FAIT

 

 

1. Le 27 février 2001, le Juge de paix a commis M. D.__________, notaire (ci-après : le notaire ou le recourant) aux fins de dresser l'inventaire des biens dépendant de la succession de M.C.__________, abbé de son état, décédé le 24 décembre 2000.

 

2. Le défunt avait laissé des dispositions testamentaires, datées du 18 décembre 1983, selon lesquelles il destinait le montant de son avoir auprès de la Caisse d'épargne du canton de Genève aux buts suivants : a) des messes pour les défunts de sa propre famille, b) des messes pour les prêtres défunts du diocèse, c) un don aux missions des diocèses de Kaolack et Tambacounda au Sénégal, d) un don aux entités "Caritas Genève" et "Terre des Hommes Suisse" et enfin e) un dernier don aux oeuvres de Raoul Follereau, destiné aux lépreux, le tout à raison d'un cinquième pour chacun de ces buts. Les quelques objets que possédait encore ce prêtre, soit notamment un fauteuil et des chaises, deux radiateurs électriques, trois couvre-lits africains et des livres, devaient être répartis entre ses propres neveux et nièces.

 

3. Le 15 mars 2001, un procès-verbal d'inventaire au décès a été établi sur formulaire du service des successions de l'administration fiscale cantonale (ci-après : le service des successions). Il comportait déjà la mention des comptes d'épargne du défunt, tenus désormais par la Banque cantonale de Genève et la mention selon laquelle divers legs à l'Église catholique formaient les 3/5ème de la succession.

 

4. Le 5 mars 2002, le notaire a établi l'inventaire de la succession, comportant à l'actif quatre postes, soit le mobilier pour mémoire, un compte d'épargne, un compte privé aîné et une créance contre l'administration chargée du recouvrement de l'impôt fédéral direct. C'est le lieu de noter que la mention du total de l'actif telle qu'elle figure en lettres, est erronée.

 

5. À une date inconnue, le notaire s'est adressé aux évêques des diocèses de Kaolack et de Tambacounda, au Sénégal, pour leur demander à chacun une procuration. Ces deux documents ont été établis par les évêques concernés les 14 et 22 mars 2002 respectivement.

 

6. Le décompte mensuel, pour la période du 1er au 31 mars 2002, du notaire concerné auprès de l'AFC comporte un montant de CHF 16,80 à titre d'amende avec la mention : "inventaire succession C.__________ ". Établi au mois d'avril, ce décompte a été contesté le 18 du même mois par le notaire, s'agissant de l'amende de CHF 16,80.

 

7. Le 30 mai 2002, l'AFC a rejeté la réclamation, recevable au vu de l'article 178 de la loi sur les droits d'enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE - D 3 30). En application de l'article 154 LDE, les notaires devaient déposer les inventaires dans les trois mois dès la date de leur ouverture. En l'espèce, l'inventaire avait été ouvert le 15 mars 2001 et clos le 5 mars 2002.

 

8. Le 28 juin 2002, le notaire a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : CCRMI; recours n° R 233/2002). Sa faute était "dérisoire et volontairement commise dans l'intérêt et de l'administration et des clients, qui ont en mains un document crédible". Le notaire a conclu à l'annulation de l'amende.

 

9. Le 25 avril 2003, l'AFC a répondu au recours et a conclu à son rejet.

 

10. Le 16 juin 2003, le notaire a répliqué.

 

Le 14 octobre 2003, il a encore déposé, sous le numéro de procédure n° R 233/2002 un inventaire concernant une tierce personne, nullement anonymisé et comportant un actif total de CHF 4'106'421,20, ainsi que d'autres pièces nominatives, dans le but de démontrer que l'AFC lui avait accordé des délais dans d'autres cas.

 

11. Le 30 octobre 2003, la CCRMI a rejeté le recours, considérant que le notaire avait mis près d'un an pour établir l'inventaire alors que ce dernier était particulièrement simple et que les arguments soulevés étaient sans pertinence en l'espèce. L'amende, d'un montant de CHF 16,80, égale au double des droits d'enregistrement, devait donc être confirmée tant dans son principe que dans sa quotité.

 

12. Le 5 décembre 2003, le notaire a déposé un acte de recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif. Il était exact que la détermination des actifs était aisée, puisque ce poste ne comportait que deux comptes bancaires et une créance contre l'AFC. En revanche, il avait été difficile de déterminer la dévolution successorale, le testament ne prévoit aucune institution d'héritiers. Le notaire faisait l'objet d'une sanction alors qu'il avait exécuté un travail précis, utile et efficace. Il conclut dès lors à l'annulation de la sanction entreprise.

 

13. Le 19 décembre 2003, la CCRMI a exposé que l'accusé de réception de la décision entreprise avait été signé par le recourant le 5 novembre 2003. Elle persiste dans les termes de sa décision.

 

14. Le 15 janvier 2004, l'AFC a répondu au recours et conclut à son rejet.

 

15. Le 16 janvier 2004, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté le vendredi 5 décembre 2003 contre une décision notifiée le jeudi 5 novembre de la même année, le recours a été déposé en temps utile, soit le dernier jour du délai, par-devant la juridiction compétente (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. L'unique objet du litige est une amende d'un montant de CHF 16,80.

 

Pétris de philosophie grecque, les grands jurisconsultes romains ont bâti la charpente de notre droit (sur ces questions: Michel VILLEY, Leçons d'histoire de la philosophie du droit, Paris 1962, p. 30 et suivantes).

 

Si certains principes de la morale stoïcienne comme la maxime "pacta sunt servanda" n'ont pas été oubliés, il n'en est pas de même d'autres comme le suivant : "de minimis non curat praetor", qui signifie à peu près en langue vernaculaire que le juge n'a pas à s'occuper de broutilles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances Philos c. P. du 22 avril 2003 K 78/02; ATA P. du 7 septembre 1999). Quant à la doctrine contemporaine, elle a posé la question de l'intérêt digne de protection lorsque l'objet du litige était insignifiant (Augustin MACHERET, La recevabilité du recours de droit administratif au Tribunal fédéral, in RDAF 1974 p.1 et suivantes, 188 et les arrêts cités).

 

Le législateur moderne s'étant considérablement éloigné de la sagesse antique, il faut considérer que le recours est également recevable au regard de l'article 180 LDE.

 

3. a. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister (ATA Sch. du 4 décembre 2001; P. MOOR, Droit administratif : Les actes et leur contrôle, tome 2, Berne 2002, ch. 1.4.5.5 pp. 139-141; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht: allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 5ème édition, Zurich 1998, p. 40). C'est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA C. du 18 février 1997). En vertu de l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1981 (LPG - E/3/1), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.O), sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l'article 24 LPG.

 

b. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (André GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel 1984, pp. 646-648; ATA G. du 20 septembre 1994) et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA C. & H. du 27 avril 1999; G. du 20 septembre 1994; Régie C. du 8 septembre 1992). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA U. du 18 février 1997). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA P. du 5 août 1997).

 

c. Il est incontestable que l'article 154 LDE prescrit le dépôt des inventaires dans les trois mois dès leur ouverture. Selon l'article 174 alinéas 1 et 2 LDE, est passible d'une amende notamment celui qui n'accomplit pas une formalité dans les délais prescrits, la sanction pouvant s'élever au double du droit s'il s'agit de droits fixes.

 

Le notaire a été commis pour liquider une succession pour laquelle un procès-verbal d'inventaire a été établi le 15 mars 2001. Quant à l'inventaire lui-même, il ne l'a déposé que le 5 mars 2002, soit avec près de neuf mois de retard sur les délais légaux, alors même que l'actif ne comportait que deux comptes auprès de l'établissement bancaire cantonal ainsi qu'un crédit d'impôts. Les héritiers institués étaient les entités suivantes : "Caritas Genève", "Terre des Hommes" ainsi que "l'Association catholique romaine de Genève" et "l'Association Raoul Follereau à Lausanne" et enfin les diocèses de Kaolack et de Tambacounda au Sénégal devaient également recevoir à eux deux un cinquième de l'actif successoral. On ne saurait sérieusement soutenir que la recherche des adresses des entités ou associations précitées, même étrangères, devait prendre un an.

 

À titre d'exemple, la recherche de l'adresse Internet de la commune de Tambacounda : http://www.siup.sn/Tambacounda/ (selon consultation le 21 mai 2004; temps de recherche du site Google : 0,49 secondes) est instantanée : il est alors possible de s'adresser par courriel à l'administration municipale pour obtenir l'adresse de l'évêché local.

 

4. Malgré le long temps écoulé, le notaire n'a pas établi un inventaire comportant des mentions correctes des montants, exprimés en toutes lettres.

 

5. Les arguments qu'il a développés devant l'autorité intimée sont dénués de toute pertinence, car les recherches mentionnées n'avaient pas à être effectuées en l'espèce. Quant au dépôt le 14 octobre 2003 de l'inventaire concernant la succession d'un tiers défunt, il pourrait constituer le cas échéant une violation de l'article 7 alinéa premier de la loi sur le notariat du 25 novembre 1988 (E 6 05), de même que du secret fiscal (art. 11 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - D 3 17), car il entraîne la communication d'informations concernant des personnes étrangères à la procédure n° R 233/2002 devant la CCRMI.

 

6. La sanction, parfaitement conforme aux règles légales, satisfait de surcroît le principe de la proportionnalité. Malgré ses nombreuses écritures à la CCRMI et le dépôt d'un acte de recours par-devant le tribunal de céans, le recourant n'a jamais soutenu que le paiement de la somme de CHF 16,80 le placerait dans des difficultés particulières, de sorte qu'il convient d'admettre que ce montant est également, d'un point de vue subjectif, adapté à ses moyens.

 

7. Entièrement mal fondé, le recours est rejeté. Son auteur, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure, arrêtés en l'espèce à CHF 1'000.-.

 

Le présent arrêt sera communiqué pour information à la commission de surveillance des notaires, en application des articles 51 et 52 de la loi cantonale sur le notariat.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 5 décembre 2003 par Monsieur D.__________ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 30 octobre 2003;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.-;

communique le présent arrêt à Monsieur D.__________ ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts, à l'administration fiscale cantonale et pour information à la commission de surveillance des notaires.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bovy et Hurni, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega