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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1785/2022

ATA/175/2023 du 28.02.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.04.2023, rendu le 11.10.2023, REJETE, 8D_3/2023, T 2018/2964
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;PROPORTIONNALITÉ;RÉPRIMANDE;DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LCR;VIOLATION DES RÈGLES DE LA CIRCULATION
Normes : Cst.29.al2; CEDH.6.par1; Cst.5.al3; Cst.9; LPol.36.al1; LPol.37.al1; LPol.36.al3; LPAC.29; LPol.36.al4; LPol.6.letb.ch8; LPol.37.al1; LPAC.20; LPAC.21; LPAC.22.al1; LPol.1.al2; Cst.5.al2; LPA.61.al2
Résumé : Blâme infligé à une inspectrice principale pour avoir circulé, de nuit lors d’une intervention, à une vitesse de 102 km/h, marge de sécurité déduite, dans une localité où la vitesse était limitée à 50 km/h, en violation de trois ordres de service. Elle a été condamnée, en dernier lieu par le Tribunal fédéral, pour cette infraction de moyenne gravité à la LCR. Question de la prescription de la sanction administrative examinée, notamment le dies a quo. Ni la prescription absolue ni la prescription relative n’étaient atteintes au moment où la sanction a été prononcée, en raison notamment de la suspension de la prescription liée à l’existence d’une procédure pénale ouverte pour les mêmes faits. La sanction, soit le blâme, est la plus faible possible et n’a pas d’impact sur le salaire ou sur le grade de la recourante. Proportionnalité de la sanction. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1785/2022-FPUBL ATA/175/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 février 2023

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Romain Jordan, avocat

contre

COMMANDANTE DE LA POLICE



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______1978, est inspectrice au sein de la police genevoise depuis 2002, affectée successivement à la brigade B______, à la brigade C______ et depuis 2016 à la brigade D______, rattachée structurellement à la police judiciaire.

2) Le 29 janvier 2017, après avoir reçu un appel de collègues l’informant de la présence d’un suspect dans le secteur où elle patrouillait, Mme A______ a emprunté la route de E______ à une vitesse de 102 km/h, marge de sécurité déduite, selon la mesure relevée par le radar placé route de E______, la vitesse sur ce tronçon étant limitée à 50 km/h.

3) Le 16 juin 2017, le procureur général a été saisi d’une note établie par le chef de la police judiciaire, concernant l’infraction à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) commise par Mme A______.

L’intervention avait eu lieu dans le cadre d’une enquête menée depuis octobre 2016 à l’encontre de « gens du voyage français, prêts à tout pour prendre la fuite, rompus aux actions et extrêmement déterminés ». Ces individus avaient « volontairement foncé sur des collègues dont faisait partie l’IP-e A______, manquant de peu de les percuter ». La note concluait en indiquant qu’il s’agissait d’une course officielle urgente, ayant pour but de sauver des vies humaines, écarter un danger pour la sécurité ou l’ordre public et préserver des choses de valeur importante. Le coefficient admis, soit x 2, impliquait que la vitesse constatée, de 102 km/h était légèrement supérieure (de 2 km/h) à la limite admise par les directives du procureur général.

4) Le 16 août 2017, le procureur général a communiqué à la commandante de la police ladite note, ainsi que les pièces transmises, en lui demandant de lui préciser si elle en validait la teneur, dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2017.

5) Par courriers des 28 septembre et 20 novembre 2017, la commandante de la police a répondu, précisant que « l’excès de vitesse était grossier », la vitesse constatée excédant de 32 km/h la vitesse tolérée en pareilles circonstances.

6) Le 8 mars 2018, l’inspection générale des services (ci-après : IGS) a établi un rapport à l’attention du Ministère public.

7) Par jugement du 6 décembre 2019, le Tribunal de police a déclaré Mme A______ coupable de violation grave des règles de la circulation routière au sens de l’art. 90 al. 2 LCR.

L’excès de vitesse avait eu lieu sur une courte distance, sur une route bordée de fermes, un dimanche soir à 22h30, sans autre usager sur la route, en plein hiver.

8) À la suite de l’appel formé par Mme A______, la chambre pénale d’appel et de révision (ci-après : CPAR) a, par arrêt du 1er juin 2021, annulé le jugement querellé et déclaré Mme A______ coupable de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière au sens de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR.

Il n’y avait pas eu de danger imminent pour la vie ou la sécurité d’autrui lors de l’excès de vitesse reproché. La présence de tiers ou de collègues sur place n’était qu’hypothétique et rien ne permettait de conclure que les personnes prises en chasse faisaient in concreto courir un danger à autrui. Les conditions de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR étaient clairement réalisées.

9) Par décision du 11 avril 2022, la commandante de la police a infligé un blâme à Mme A______, pour avoir circulé, sur la route de E______ en direction de la route de F______, feux bleus enclenchés uniquement, à la vitesse de 108 km/h selon la mesure relevée par le radar fixe placé à hauteur du no 43 de la route de E______, alors que la vitesse à cet endroit était limitée à 50 km/h, d’où un dépassement de 52 km/h, marge de sécurité déduite.

Son comportement contrevenait aux ordres de service OS DERS.01, OS PRS.17.01 et OS PRS.07.09. Sa faute revêtait une gravité modérée, dans la mesure où l’excès de vitesse retenu était de 27 km/h, qu’il s’agissait d’un cas isolé, qu’il y avait lieu de considérer qu’il n’allait pas se reproduire et que l’intéressée n’avait pas d’antécédent disciplinaire. Il n’y avait pas lieu de s’écarter de la sanction minimale.

10) Par acte du 24 mai 2022, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de la décision précitée, concluant principalement à son annulation. Il convenait à titre probatoire d’ordonner à l’autorité intimée de produire l’intégralité de son dossier, que cette dernière indique si d’autres autorités, notamment pénales, avaient été consultées dans le cadre de la procédure. Des enquêtes devaient être ouvertes et une audience de comparution personnelle répondant aux « réquisits de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) » tenue.

La cause devait être suspendue jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale. Son droit d’être entendue avait été violé, car il était vraisemblable que d’autres autorités, notamment pénales, avaient été consultées avant le traitement disciplinaire de son dossier.

Le revirement soudain de l’autorité intimée, qui avait décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire quatre ans après les faits était contraire au principe de la bonne foi.

L’art. 36 al. 3 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05) avait été violé. En effet, le dies a quo du 3 juin 2017 retenu par l’autorité intimée était contesté. L’autorité avait eu connaissances des faits dans les jours suivants le 29 janvier 2017, ce que les enquêtes devaient démontrer. La connaissance par son supérieur précédait largement d’un an l’ouverture de la procédure pénale. La prescription relative était donc déjà acquise pour ces motifs. La prescription absolue l’était également, dans la mesure où elle ne pouvait pas être suspendue ni interrompue ; il s’agissait d’un délai de péremption. Le recours au Tribunal fédéral ne pouvait pas suspendre le délai de prescription de l’art. 36 LPol, de telle sorte que cette dernière était acquise pour ce motif également.

La décision était contraire à l’art. 36 al. 1 LPol, les faits s’étant produits cinq ans auparavant. Plus rien ne justifiait l’ouverture d’une procédure disciplinaire. En outre, l’organisation de l’intervention par la hiérarchie de la recourante était « perfectible » et l’avait placée dans la situation qui lui était reprochée. Elle avait été confrontée à une situation dangereuse, qu’elle avait menée en « parfaite licéité et de manière exemplaire ». Aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre, et aucune sanction prononcée. La décision violait donc le principe de proportionnalité.

11) Le 4 juillet 2022, l’autorité intimée a conclu au rejet de la requête de suspension et du recours.

Les insinuations de la recourante s’agissant d’influences externes sur la procédure disciplinaire étaient inadéquates. Elle avait seulement attendu l’issue de la procédure pénale, au plan cantonal, avant « d’aller de l’avant d’un point de vue disciplinaire ». Ces explications figuraient dans la décision querellée. La sanction n’avait pas été prononcée de façon précipitée. En outre, à suivre le raisonnement de la recourante, à savoir qu’un recours au Tribunal fédéral ne suspendrait pas les délais de prescription, c’était à raison qu’elle n’avait pas attendu l’issue de la procédure pénale auprès de l’instance fédérale pour la sanctionner.

La chronologie pertinente était la suivante : selon la procédure prévue lorsqu’un véhicule de service était flashé lors d’une intervention, la brigade judiciaire et radar en informait son chef de brigade, ce qui avait été fait en l’espèce le 28 février 2017. Ensuite, le chef de brigade avisait la police judiciaire que le véhicule de service flashé appartenait à la brigade des stupéfiants, qui faisait partie de la police judiciaire. L’état-major en avait eu connaissance le 10 mars 2017.

À la suite de cette information, Mme A______, à la demande de sa hiérarchie, avait établi un projet de note de service, daté du 28 avril 2017. Ce document avait été transmis le 3 mai 2017 à l’état-major de la police judiciaire, qui avait rédigé le même jour une brève détermination à l’attention du chef de la police judiciaire. Ce dernier avait validé la note de service le 2 juin 2017 et l’avait transmise au chef d’état-major. Le 3 juin 2017, le secrétariat du commandement avait réceptionné cette note. Le 7 juin 2017, le chef d’état-major avait consigné une brève détermination et adressé la note au procureur général, à laquelle était jointe la note de service du 28 février 2017. Ces documents étaient parvenus au greffe du Ministère public le 16 juin 2017. Ces dates ressortaient des tampons apposés sur les documents en cause. La transmission des documents à l’interne respectait la voie de service.

L’action disciplinaire n’était donc pas prescrite. Le dies a quo, conformément à la loi, faisait référence à la connaissance des faits par la cheffe de la police, et avait débuté en l’espèce le 3 juin 2017. La procédure pénale avait été ouverte le 16 juin 2017, tandis que l’instruction pénale l’avait été le 27 mars 2018. Si par impossible il fallait considérer que le dies a quo était le 29 janvier 2017, seuls cinq mois s’étaient écoulés avant la suspension du délai de prescription par l’ouverture de la procédure pénale. Enfin, le délai de prescription absolu avait débuté le 30 janvier 2017 mais avait été suspendu dès l’ouverture de la procédure pénale le 16 juin 2017, et seuls cinq mois et dix-huit jours s’étaient ainsi écoulés.

Le délai de prescription relatif avait donc couru au total durant onze mois et
vingt-quatre jours et le délai de prescription absolu seulement durant dix-sept mois et onze jours. Aucun des délais de prescription n’était donc atteint au moment du prononcé de la sanction.

La décision était non seulement fondée mais également proportionnée. La recourante avait violé trois ordres de service différents : elle n’avait pas fait preuve de la prudence attendue dans de telles circonstances ; la vitesse adoptée, avec les seuls feux bleus enclenchés, était disproportionnée par rapport au but poursuivi ; elle n’avait pas adapté sa vitesse aux circonstances.

Elle n’avait pas d’antécédents disciplinaires. Inspectrice au moment des faits, elle disposait de très bons états de service. Au terme de la pesée des intérêts, la sanction infligée était la plus faible à sa disposition et n’avait d’effet ni sur le grade ni sur le salaire de Mme A______. Le principe de la proportionnalité avait été respecté. La sanction était propre à atteindre le but visé, soit lui faire comprendre que ce type de comportement ne devait pas se reproduire.

12) Dans sa réplique du 8 août 2022, Mme A______ a souligné que l’autorité intimée ne s’était pas prononcée sur la violation de son droit d’être entendue. Les calculs présentés par l’autorité intimée s’agissant du dies a quo, largement antérieur au 3 juin 2017, étaient erronés. La sanction était de la compétence du chef de service. La connaissance des faits par la commandante de la police n’était donc pas déterminante. Le chef de service avait été au courant des faits plus d’un an avant le 27 mars 2018, comme l’attestait la note de service du 28 février 2017. La prescription était donc atteinte au moment du prononcé de la sanction.

13) Le Tribunal fédéral a confirmé, le 16 août 2022, l’arrêt de la CPAR du 1er juin 2021 précité (arrêt 6B_1049/2021).

Mme A______ n’avait pas démontré de violation du droit fédéral par la cour cantonale qui avait admis la réalisation de la condition subjective de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR. Le danger qu’elle avait créé était d’autant moins justifiable qu’il pouvait au mieux, s’agissant d’une courte distance concernée par la limitation de vitesse à 50 km/h sur laquelle les risques de croiser un autre usager ou un piéton étaient accrus, lui faire gagner quelques instants pour se rendre sur les lieux où un suspect avait été repéré.

14) Par décision incidente du 19 août 2022, la chambre administrative a ordonné la suspension de la procédure jusqu’à ce que l’instance fédérale se soit prononcée sur le recours de Mme A______. Il appartenait aux parties de transmettre à la chambre de céans, dès réception, l’arrêt du Tribunal fédéral dans la cause 6B_1049/2021.

15) Le 28 novembre 2022, l’autorité intimée a conclu à la levée de la suspension de la procédure. Les faits commis par la recourante le 29 janvier 2017 étaient établis, le Tribunal fédéral ayant rejeté son recours au terme de l’arrêt qu’elle transmettait.

16) Par décision du 30 novembre 2022, la chambre administrative a prononcé la reprise de la procédure au sens de l’art. 79 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

17) Dans ses observations finales, Mme A______ a persisté dans ses conclusions, y compris probatoires. Elle a souligné avoir été surprise de la transmission rapide par le Ministère public de l’arrêt du Tribunal fédéral à l’autorité intimée. Selon elle, « il était fort probable que [le Ministère public] ait été consulté dans le cadre du dossier administratif ». Or, aucune trace ou procès-verbal de cette consultation ne figurant au dossier, ce point devait être clarifié.

18) L’autorité intimée a observé que les observations de la recourante s’agissant d’une « consultation » du Ministère public étaient déplacées. De tels propos ne visaient qu’à détourner l’attention de la chambre administrative sur la condamnation définitive de Mme A______. C’était à raison que son comportement dangereux avait été sanctionné disciplinairement par un blâme. Il était surprenant que la recourante n’ait pas transmis elle-même l’arrêt du Tribunal fédéral à la chambre de céans, alors qu’elle avait été invitée à le faire selon le dispositif de la décision de suspension du 19 août 2022, et que c’était elle qui avait conclu à la suspension de la procédure.

19) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 26 janvier 2023.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Le litige porte sur la conformité au droit du blâme infligé à la recourante le 11 avril 2022.

3) La recourante sollicite à titre probatoire que le dossier de l’autorité intimée soit produit, que celle-ci indique si d’autres autorités ont été consultées dans le cadre de la présente procédure et que la chambre administrative ordonne l’ouverture des enquêtes et tienne une audience de comparution personnelle conforme aux exigences de l’art. 6 CEDH.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1 ; ATA/631/2020 du 30 juin 2020 consid. 2a). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement ni celui d’entendre des témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. L'art. 6 § 1 CEDH donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Il peut être renoncé à une audience publique dans les cas prévus par l'art. 6 § 1 2ème phr. CEDH, lorsque la demande est abusive, chicanière, ou dilatoire, lorsqu'il apparaît clairement que le recours est infondé, irrecevable ou, au contraire, manifestement bienfondé ou encore lorsque l'objet du litige porte sur des questions hautement techniques (ATF 141 I 97 consid. 5.1 ; 136 I 279 consid. 1 ; 134 I 331 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2019 du 4 juin 2020 consid. 3.2.2). La Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CourEDH) a également rappelé que l'art. 6 CEDH en dehors des limitations expressément prévues par cette disposition n'exige pas nécessairement la tenue d'une audience dans toutes les procédures. Cela est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces. Partant, on ne saurait conclure, même dans l'hypothèse d'une juridiction investie de la plénitude de juridiction, que la disposition conventionnelle implique toujours le droit à une audience publique, indépendamment de la nature des questions à trancher. D'autres considérations, dont le droit à un jugement dans un délai raisonnable et la nécessité en découlant d'un traitement rapide des affaires inscrites au rôle, entrent en ligne de compte pour déterminer si des débats publics sont nécessaires. La CourEDH a ainsi déjà considéré que des procédures consacrées exclusivement à des points de droit ou hautement techniques pouvaient remplir les conditions de l'art. 6 CEDH même en l'absence de débats publics (arrêt de la CourEdH Mutu et Pechstein contre Suisse du 2 octobre 2018 § 177 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2019 précité consid. 3.2.2).

c. En l'espèce, l'objet du litige devant la chambre de céans porte sur une question de nature juridique, qui n'apparaît pas particulièrement complexe, dans une affaire ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits. La cause ne requiert pas la tenue d'une audience et la chambre administrative peut se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et les pièces. La recourante a d’ailleurs eu l'occasion, au cours de la présente procédure, de faire valoir ses arguments et de produire des pièces tant dans le cadre de son recours que de sa réplique. Partant, il n'y a pas lieu de procéder à son audition, dont elle n’explique au demeurant pas ce qu’elle apporterait de plus. Il ne sera ainsi pas donné suite à la demande d'audience de la recourante.

Pour le surplus, l’autorité intimée a produit un chargé de pièces, qui paraît complet, ce que la recourante ne critique pas. Cette dernière ne sollicite par ailleurs pas la production d’un document particulier, en sus, ni a fortiori n'étaie son utilité pour la résolution du litige. Le dossier soumis à la chambre de céans apparaît, au regard des pièces produites par les parties et des explications fournies par celles-ci, complet et lui permet de statuer en connaissance des éléments pertinents. La chambre administrative ne procédera pas à d’autres actes d'instruction, dans la mesure où ils ne sont pas de nature à influer sur l'issue du litige.

4) La recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue et du principe de la bonne foi, en lien avec « le revirement opéré soudainement dans le traitement disciplinaire du dossier ».

a. Comme déjà mentionné, le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

Le droit à la protection de la bonne foi peut être invoqué en présence simplement d'un comportement de l'administration, notamment en cas de silence de l'autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). Entre autres conditions, l'autorité doit être intervenue à l'égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2). La précision que l'attente ou l'espérance doit être « légitime » est une autre façon de dire que l'administré doit avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'il en a tirées. Tel n'est notamment pas le cas s'il apparaît, au vu des circonstances, qu'il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l'autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).

c. En l’espèce, la recourante ne peut être suivie quand elle estime que l’autorité intimée aurait violé le principe de la bonne foi en ne la sanctionnant disciplinairement qu’à l’issue de la procédure pénale. En effet, cette situation découle notamment de la loi, qui prévoit la suspension de la prescription durant la procédure pénale. En outre, il ne ressort pas du dossier que l’autorité intimée aurait donné à la recourante l’assurance de ne pas être sanctionnée au plan disciplinaire. Elle ne l’invoque d’ailleurs pas.

Enfin, les reproches de la recourante s’agissant des contacts entre l’autorité pénale et l’autorité intimée avant de prononcer la sanction querellée apparaissent comme de pures conjectures, à l’appui desquelles elle n’apporte ni preuve ni même des indices. À cet égard, l’autorité intimée a en outre expliqué de manière convaincante les raisons pour lesquelles la sanction n’avait pas été immédiatement prononcée. On ne distingue ainsi dans le cas d’espèce aucune violation ni du principe de la bonne foi, ni du droit d’être entendu.

Ces griefs doivent donc être écartés.

5) La recourante soutient que l'action disciplinaire serait prescrite, de sorte que la sanction devrait être annulée.

a. Fonctionnaire de police, la recourante est soumise, depuis le 1er mai 2016, à la LPol, dans sa version en vigueur au moment des faits, avant la modification de novembre 2022, entrée en vigueur le 24 décembre 2022, ainsi qu’à son règlement.

Aux termes de l'art. 36 al. 1 LPol, selon la gravité de la faute, diverses sanctions disciplinaires peuvent être infligées au personnel de la police dont le blâme (let. a) ou les services hors tour (let. b). Le chef du service concerné, au sens de l’art. 6 LPol, est compétent pour prononcer le blâme ; le commandant inflige les services hors tour (art. 37 al. 1 LPol).

La responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la connaissance de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue pendant la durée de l’enquête administrative, ou de l’éventuelle procédure pénale portant sur les mêmes faits (art. 36 al. 3 LPol).

S’agissant du dies a quo du délai d’un an, une abondante et constante jurisprudence de la chambre de céans rappelle qu’il court à compter de la connaissance des faits par l’autorité décisionnaire (ATA/508/2022 du 17 mai 2022 ; ATA/36/2022 du 18 janvier 2022 considérant 2c et les références citées).

L’art. 29 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) n’est pas applicable (art. 36 al. 4 LPol). Selon cette disposition, lorsque les faits reprochés à un membre du personnel relèvent également d’une autre autorité disciplinaire administrative, celle-ci est saisie préalablement (al. 1). Lorsque les faits reprochés à un membre du personnel peuvent faire l’objet d’une sanction civile ou pénale, l’autorité disciplinaire administrative applique, dans les meilleurs délais, les dispositions des art. 16, 21 et 27 LPAC, sans préjudice de la décision de l’autorité judiciaire civile ou pénale saisie (al. 2).

b. Dans l’arrêt ATA/36/2022 du 18 janvier 2022, la chambre de céans a procédé à l’interprétation de l’art. 36 al. 3 LPol retenant que dès lors qu’une ordonnance de non-entrée en matière avait été rendue sur les mêmes faits reprochés au recourant et lui ayant valu sanction disciplinaire que ceux visés dans un rapport de l'IGS, il était conforme à la volonté du législateur d'attendre l'issue de la procédure pénale pour ouvrir une enquête administrative, l'application de l'art. 29 al. 2 LPAC étant désormais expressément exclue en cette hypothèse.

c. Concernant le dies a quo du délai de prescription, la chambre de céans a jugé de manière constante, dans des affaires où un fonctionnaire de police avait été sanctionné d'un blâme ou de services hors tours, que l'art. 37 al. 6 aLPol faisait référence à la connaissance des faits par la cheffe de la police – la commandante –compétente, sous l'ancien droit, pour prononcer chacune de ces sanctions (art. 36 al. 2 aLPol ; ATA/244/2020 du 3 mars 2020 consid. 8c et les arrêts cités).

Le Tribunal fédéral a rappelé qu'il n'est pas insoutenable de considérer que le délai d'une année de l'art. 37 al. 6 aLPol commence à courir à partir seulement du moment où l'autorité compétente pour infliger la peine disciplinaire apprend elle-même l'existence d'une violation des devoirs de service. À la nécessité pour l'administration d'agir sans retard, on peut opposer, de manière défendable, que la prescription d'un an ne peut pas dépendre du seul comportement du supérieur hiérarchique, qui peut commettre une erreur d'appréciation sur la gravité des faits ou qui, pour d'autres motifs, tarderait à informer l'autorité compétente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 du 13 juin 2016 consid. 2.4, qui confirme l’ATA/652/2015 du 23 juin 2015). Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a en revanche précisé qu’il était insoutenable de considérer que l’action disciplinaire ne commencerait à courir que lorsque l’autorité compétente pour le prononcé de la sanction, qui avait connaissance de la violation des devoirs de service et des motifs d’une condamnation pénale, se ferait envoyer le dossier complet de l’intéressé. En effet, ces démarches dépendaient d’elle seule et cela lui permettrait de repousser à sa guise le dies a quo de la prescription de l’action disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8D_7/2021 du 5 septembre 2022 consid. 3.4).

d. À titre exemplatif, dans l’ATA/215/2017 du 21 février 2017, la chambre administrative a considéré qu’à teneur de l'art. 16 al. 1 let. c LPAC, dès lors que la compétence de prononcer la révocation d'un fonctionnaire appartenait au Conseil d’État, c'était le moment où celui-ci, en tant qu'autorité disciplinaire, avait eu connaissance de la violation des devoirs de service et qu'il avait pu décider de la suite à donner au dossier que le délai de prescription avait commencé à courir. Elle a ainsi retenu que le Conseil d’État, autorité compétente pour prononcer la révocation, avait eu connaissance au plus tard au jour de la demande de constitution de l'État de Genève en qualité de partie plaignante auprès du Ministère public, des différentes décisions rendues avant cette date et de l’échange de correspondance que le service ou le conseiller d'État en charge du département dont dépendait ce service avait eu avec l’employé (consid. 11e).

De même, elle a retenu qu'en cas de révocation ou de transfert dans un autre emploi, du ressort du Conseil d'État, le dies a quo était la date à laquelle ce dernier et non le conseiller ou la conseillère d'État en charge du département concerné seulement avait connaissance des faits (ATA/741/2021 du 13 juillet 2021 consid. 6).

Dans l’ATA/1235/2020 du 8 décembre 2020, la chambre administrative a considéré que le délai de prescription d'un an figurant aux art. 36 al. 3 LPol et
27 al. 7 LPAC ne pouvait, avant le prononcé de la sanction, pas être interrompu mais uniquement suspendu.

Par ailleurs, selon la jurisprudence, dans le cadre d'une action disciplinaire, le délai de prescription ne court pas pendant la procédure judiciaire (ATA/1048/2022 du 18 octobre 2022 ; ATA/36/2022 précité ; ATA/741/2021 précité consid. 9e).

e. La chambre de céans a déjà tranché que le délai de cinq ans devait être considéré comme un délai de prescription absolue, étant rappelé que la teneur de l’art. 37 al. 6 aLPol était identique à l’art. 27 al. 7 LPAC et était entrée en vigueur le 31 mai 2007. La modification intervenue ultérieurement avec l’entrée en vigueur au 1er mai 2016 de 36 al. 3 LPol était, en l’espèce, sans incidence. La chambre de céans a de même aussi déjà tranché le fait que le délai de prescription de cinq ans de l’art. 27 al. 7 LPAC pouvait être suspendu pendant la durée de l’enquête administrative (ATA/508/2022 du 27 mai 2022 consid.10 et références citées). À cette occasion, la volonté de permettre à l'État de sévir dans les cas où une procédure pénale est engagée parallèlement à la procédure administrative, sans risque de voir la prescription absolue de cette dernière atteinte, a été clairement exprimée par le législateur (ATA/860/2020 du 8 septembre 2020 consid. 4 ; MGC 2006-2007/VI D/29 - Séance 29 du 23 mars 2007).

f. Après l’échéance du délai de prescription, la sanction d’une faute professionnelle n’est plus possible, même lorsqu’elle serait utile à la sauvegarde de l’intérêt général (arrêt du Tribunal fédéral 8C_281/2017 du 26 janvier 2018 consid. 5.4.5 ; Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, in RJJ 1998 p. 26).

g. S’agissant de la compétence pour ordonner un blâme, sanction la plus légère de l’art. 36 LPol, celle-ci appartient en principe au chef du service concerné au sens de l’art. 6 LPol (art. 37 al. 1 LPol).

La police est organisée militairement (art. 4 al. 1 LPol). Elle est dirigée par un commandant de la police, nommé par le Conseil d’État (art. 4 al. 2 LPol). La police comprend les services d’appui et les services opérationnels, que sont notamment la police judiciaire (art. 6 let., b ch. 8 LPol).

Dans un arrêt récent (ATA/601/2021 du 8 juin 2021), il a été relevé que si le directeur de la prison de Champ-Dollon était compétent pour prononcer des services supplémentaires à l'encontre d’un détenu à teneur de la législation applicable, l'office cantonal de la détention, qui comprenait la prison de Champ-Dollon, l’était également selon le principe « qui peut le plus peut le moins ».

La même solution a été retenue dans le cadre universitaire : ainsi, si le président de la section de physique de la Faculté n’était pas le supérieur direct du recourant, un échelon de hiérarchie supplémentaire existant entre eux, il n’en restait pas moins un supérieur hiérarchique de ce dernier. Il en découlait que le blâme prononcé par ce dernier l’avait a fortiori été par une autorité compétente (ATA/739/2021 du 13 juillet 2021).

6) a. En l'espèce, l'approche des parties diverge s’agissant du dies a quo du délai de prescription d'un an de l'art. 36 al. 3 LPol, et de la durée de la suspension de la prescription en lien avec la procédure pénale.

Se pose à titre préalable la question de la compétence pour prononcer le blâme, qui permet, au vu de la jurisprudence et des normes précitées, de fixer adéquatement le dies a quo. En effet, le blâme n’a pas été infligé par le chef de la police judiciaire (au sens de l’art. 6 let. b ch. 8 LPol) mais par la commandante. Cette dernière dirige la police. Elle est, donc, même s’il existe des échelons de hiérarchie supplémentaires, la supérieure hiérarchique de la recourante. Il sera dès lors retenu que le blâme a été prononcé par une autorité compétente et que, conformément à la jurisprudence, la connaissance des faits par cette dernière est déterminante pour fixer le dies a quo.

Se pose ensuite la question de savoir si le législateur envisageait une suspension systématique de la prescription de l'action disciplinaire en cas de procédure pénale, respectivement ce qu’il entendait par procédure pénale.

Lors des travaux législatifs visant la modification de la LPol, le législateur a clairement exprimé sa volonté de simplifier la pratique en cours jusqu'alors, afin d'éviter qu'une enquête administrative ne soit ouverte uniquement pour suspendre le délai de prescription dans l'attente du résultat de la procédure pénale. L'exclusion de l'application de l'art. 29 al. 4 LPAC à l'art. 36 al. 4 LPol confirme cette volonté d'attendre le résultat de l'éventuelle procédure pénale diligentée avant l'ouverture d'une enquête administrative. Le terme « éventuelle » ne signifie pas que la suspension ne court pas jusqu'au terme de la procédure pénale dans l'hypothèse où une cause de responsabilité disciplinaire apparaîtrait avant son terme. Ledit mot fait davantage référence au fait qu'une action disciplinaire n'implique pas nécessairement l'ouverture d'une procédure pénale, dès lors qu'une violation des devoirs de service ne présuppose pas la réalisation d'une infraction pénale. Par conséquent, selon le législateur, ce n'est que dans le cas où les faits justifiant une sanction disciplinaire font également l'objet d'une procédure pénale, que l'action disciplinaire est suspendue (ATA/1048/2022 du 18 octobre 2022 ; ATA/36/2022 du 18 janvier 2022 précité et références citées).

In casu, la recourante a été condamnée définitivement par arrêt du Tribunal fédéral du 16 août 2022, pour les mêmes faits que ceux qui lui sont reprochés au plan disciplinaire. Compte tenu de cette procédure pénale portant sur les mêmes faits reprochés pénalement et disciplinairement à la recourante, ayant abouti à une condamnation pénale cantonale de dernière instance, à l’encontre de laquelle la recourante a interjeté recours auprès du Tribunal fédéral, il était conforme à la volonté du législateur d'attendre même l’arrêt du Tribunal fédéral le 16 août 2022 avant de la sanctionner, au demeurant le 11 avril 2022, au plan disciplinaire, l'application de l'art. 29 al. 2 LPAC étant désormais expressément exclue par la loi dans cette hypothèse.

b. S’agissant du dies a quo du délai de prescription relatif, la commandante de la police a eu connaissance de l’infraction commise par la recourante, selon les documents figurant au dossier, au plus tôt le 3 juin 2017, de sorte que le délai relatif d’un an est respecté, la suspension de la prescription étant intervenue à l’ouverture de la procédure pénale P/1______/2017, le 16 juin 2017. Cette procédure n’a été définitivement close qu’à l’issue de l’arrêt du Tribunal fédéral du 16 août 2022, et non par l’arrêt de la CPAR du 1er juin 2021.

Ainsi, la responsabilité disciplinaire de la recourante n'était pas prescrite au moment du prononcé de la sanction, le 11 avril 2022, moins d’un an s’étant écoulé entre la connaissance des faits reprochés à la recourante par la commandante et la suspension de la prescription en raison de l’ouvertrure de la procédure pénale.

La prescription quinquennale était, dans tous les cas, respectée au moment de la décision de sanction du 11 avril 2022, compte tenu de la suspension liée à la procédure pénale, du 16 juin 2017 (son ouverture) au 16 août 2022 (arrêt du Tribunal fédéral).

Ce grief doit donc être écarté.

7) La recourante conteste le principe et la quotité de la sanction.

a. Le personnel de la police est soumis à la LPAC et à ses dispositions d’application, en particulier son règlement d’application du 24 février 1999
(RPAC - B 5 05.01), sous réserve des dispositions particulières de la LPol (art. 18 al. 1 LPol ; art. 1 al. 1 let. b LPAC).

Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Ils se doivent, par leur attitude, notamment d’établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (art. 21 let. b RPAC), ainsi que de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 21 let. c RPAC). Ils se doivent également de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un fonctionnaire, pendant et hors de son travail, a l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État. Il doit en particulier s’abstenir de tout ce qui peut porter atteinte à la confiance du public dans l’intégrité de l’administration et de ses employés et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l’employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l’attention. Les exigences quant au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires. Sous peine de mettre en péril l’autorité de l’État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d’assurer le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du 9 juillet 2020 consid. 3.2.2 et les références citées).

b. Selon l’art. 1 al. 2 LPol, le personnel de la police, en tout temps, donne l’exemple de l’honneur, de l’impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens. Il manifeste envers ses interlocuteurs le respect et l’écoute qu’il est également en droit d’attendre de leur part.

Le code de déontologie de la police genevoise (OS DERS I 1.01) vise à arrêter les principes généraux dans lesquels s'inscrit l'action de la police et fixe le contexte éthique de l'activité de la police. En qualité de serviteur des lois et de l'État, le policier se doit d'avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens.

c. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/137/2020 du 11 février 2020 ; ATA/808/2015 du 11 août 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 55).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à résulter d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51).

d. L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). La nature et la quotité de la sanction doivent être appropriées au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/998/2019 du 11 juin 2019 consid. 6b ; ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public – (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre de céans se limite à l'excès ou à l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité consid. 3a ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 16 et les références citées).

8) En l’espèce, la recourante a contrevenu à trois ordres de service, et a été condamnée, en dernier lieu par le Tribunal fédéral, pour avoir circulé à 102 km/h, marge de sécurité déduite, à l’entrée d’une localité où la vitesse était limitée à 50 km/h. Elle se trouvait certes en course officielle nécessaire pour des raisons tactiques pour interpeller des individus suspectés de commettre des infractions contre le patrimoine, mais elle n’a pas fait preuve de toute la prudence nécessaire. Dans ces conditions, le principe d’une sanction est acquis.

Quant à sa proportionnalité, l’autorité intimée doit être suivie lorsqu’elle considère que les violations des devoirs de service en question revêtent une gravité modérée. La recourante était inspectrice principale. Ses très bons états de service et sa solide expérience auraient dû lui permettre, même sous pression, de se montrer adéquate. Il faut admettre qu'au vu de la faute commise par la recourante, la sanction prononcée est proportionnée aux buts d'intérêt public visés, soit la protection des personnes se trouvant sous l'autorité des policiers, dont les autres usagers de la voie publique, le bon fonctionnement du corps de police et la confiance que doivent pouvoir placer les citoyens dans les représentants de l'ordre.

La prise de conscience de la recourante est faible, dès lors qu’elle persiste à prétendre, devant la chambre de céans encore, que son excès de vitesse était imposé par un manque d’organisation dans le cadre de l’opération spéciale de surveillance en cause, minimisant ainsi son comportement. En outre, elle a déclaré, de manière contradictoire, que la dangerosité de la situation à laquelle elle devait faire face s’opposait à toute sanction, alors même qu’elle a reconnu devant le Tribunal de police que le danger était seulement « potentiel » et non « imminent ou concret ».

L’autorité intimée a tenu compte de l’absence d’antécédents disciplinaires, de ses très bons états de service et du fait qu’elle était inspectrice principale au moment des faits. La sanction, la plus faible possible, n’a en outre d’impact ni sur son grade ni sur son salaire.

Au vu de ces éléments, le prononcé de la sanction querellée est apte à faire prendre conscience à la recourante du caractère fautif de son comportement et respecte le principe de la proportionnalité.

Vu ce qui précède, la commandante de la police n’a pas violé la loi, ni abusé ou mésusé de son pouvoir en prononçant la sanction en cause.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 mai 2022 par Madame A______ contre la décision de la commandante de la police du 11 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat de la recourante, ainsi qu'à la commandante de la police.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, M. Mascotto, Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :