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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/164/2019

ATA/998/2019 du 11.06.2019 ( FPUBL ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/164/2019-FPUBL ATA/998/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 juin 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

ÉTAT-MAJOR DE POLICE-SECOURS



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1989, a été nommé gendarme le 1er septembre 2010. Depuis le 1er septembre 2015, il a le grade d'appointé.

2) Ses états de service sont bons.

À la suite de plusieurs interventions de sa part, sa réactivité, sa bravoure, son professionnalisme, son efficacité, l'excellence de son travail d'initiative, son sens aigu de l'observation et sa persévérance ont fait l'objet de courriers de félicitations datant des 24 juin 2015, 11 octobre, 24 octobre et 21 décembre 2016.

3) Le 11 octobre 2017, M. A______ a sollicité son transfert au poste de police de C______. Il souhaitait travailler dans un environnement plus sain ; l'urgence et les réquisitions auxquels était confronté le poste de police de B______ devenaient difficilement compatibles avec sa vie familiale. Son épouse, qui attendait des jumeaux, avait dû être alitée depuis le mois d'août 2017, et ils avaient déjà un enfant. Il avait ainsi dû assurer l'intégralité des tâches familiales en sus de son activité professionnelle. Il avait perdu du poids et présentait des éruptions cutanées liées au stress.

4) Le ______ 2018, les jumeaux sont nés. À la suite de l'accouchement, l'épouse de M. A______ a été hospitalisée à plusieurs reprises, pendant au total une dizaine de jours. Celui-ci a ainsi assumé seul le déménagement de la famille intervenu le 1er mars 2018 et la prise en charge des nouveau-nés.

5) Par courriel du 27 février 2018, le service des ressources humaines a refusé le congé spécial sollicité par M. A______ pour la période du 8 au 11 février 2018.

6) Le 7 mars 2018, M. A______ a terminé son service à 6h00 du matin. Selon son planning, il avait ensuite deux jours de congé et devait reprendre son service le 10 mars 2018.

7) Les 7 et 8 mars 2018, le poste de police de B______ a cherché à le joindre sur son téléphone de service pour l'informer d'une mobilisation le 8 mars 2018 à 21h00. Selon le SMS de M. A______ du 9 mars 2018, il venait de lire ce message. Avec les jumeaux qui pleuraient en permanence, il n'avait pas entendu ni regardé son téléphone. Il avait cherché en vain à joindre le poste de police de B______, de sorte qu'il répondait par SMS.

Ne parvenant pas à joindre M. A______, une patrouille avait été dépêchée à son domicile le 8 mars 2018, mais ne l'y avait pas trouvé.

8) Dans une note de service du 12 mars 2018, M. A______ a exposé qu'il avait lu le SMS le 7 mars 2018, mais oublié d'y répondre, car il avait été « pris par [s]es affaires familiales » (déménagement, anniversaire de sa fille aînée le ______ 2018, prise en charge de deux nouveau-nés).

9) Les 19, 20 et 21 mars 2018 à 17h00, le poste de police de B______ a adressé plusieurs messages à M. A______, qui était alors en congé, pour l'informer d'une mobilisation le 22 mars 2018 à 17h00. Celui-ci a répondu le 21 mars 2018 à 17h00 qu'il était disponible. Il lui a alors été indiqué que dès lors qu'il avait tardé à répondre, un autre collègue avait entretemps été mobilisé.

Une patrouille avait passé à son domicile le 21 mars 2018 à midi, mais ne l'y avait pas trouvé ; elle avait laissé un billet sur la porte d'entrée d'un appartement.

10) Dans une note de service rédigée le 16 avril 2018 par M. A______, celui-ci a expliqué qu'il venait de déménager, que l'un de ses jumeaux rencontrait d'importants problèmes de santé et pleurait beaucoup, de sorte qu'il n'avait pas entendu la sonnerie du téléphone, comme d'ailleurs la famille qui était venue l'aider. Il vivait une période familiale très difficile et n'arrivait pas à gérer tout. Il était navré de ce qui s'était produit.

11) Sur conseil de sa hiérarchie, M. A______ a consulté son médecin le 22 mars 2018, qui lui a prescrit un arrêt de travail d'un mois. M. A______ a repris son travail le 4 juin 2018.

12) Le 1er août 2018, la Commandante de la police a ouvert une procédure simplifiée à l'encontre de M. A______. Il lui était, notamment, reproché de ne pas avoir répondu à son téléphone les 7, 19, 20 et 21 mars 2018.

13) Lors de la procédure, instruite par le chef de l'État-major de police-secours, M. A______ a expliqué qu'il avait été « en descente de nuit » le 7 mars 2018, occupé par des obligations familiales le 8 mars 2018 (anniversaire de sa fille, suite du déménagement, problèmes de santé de son épouse et des jumeaux) et n'avait ainsi lu le SMS du 7 mars que le 9 mars 2018. La patrouille qui avait passé à son domicile s'était rendue chez ses voisins. Il avait dû organiser seul le déménagement de sa famille et s'était senti dépassé.

Les 19, 20 et 21 mars 2018, alors qu'il était en congé, il avait dû se rendre à plusieurs rendez-vous médicaux pour un de ses jumeaux. Il aurait été à même de répondre à la mobilisation du 22 mars 2018, dès 7h00, dès lors qu'il reprenait son service le même jour et consultait toujours son téléphone la veille de la reprise. La situation était difficile à gérer pour lui et il ne s'était pas senti soutenu par sa hiérarchie qui rigolait de la situation. La patrouille avait posté un mot sur la porte des voisins, de sorte qu'il n'en avait eu connaissance que le 4 avril 2018. Enfin, le numéro de téléphone privé utilisé par la police n'était plus actif depuis six ans.

L'enquêteur a vérifié les deux numéros de téléphone privé utilisés par la police et constaté que le numéro fixe était celui des parents de l'appointé et le numéro de téléphone portable était désactivé depuis six ans.

14) Par décision du 22 novembre 2018, notifiée le 29 novembre 2018, le chef de police-secours lui a infligé un blâme pour avoir contrevenu aux ordres de service (ci-après : OS) DERS I 1.01 « code de déontologie de la police genevoise », OS DERS I 1.02 « comportement des policiers » et OS APC.01 « ordre général d'alarme ».

15) Par acte expédié le 14 janvier 2019 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a recouru contre cette décision, dont il a demandé l'annulation. À titre préalable, il a demandé la tenue d'une audience de comparution personnelle ainsi que la production de son dossier.

Il a fait valoir que l'OS APC.01 « ordre général d'alarme », qui permettait de mobiliser les policiers en tout temps en les contraignant à consulter leur téléphone portable de service toutes les douze heures, était contraire aux dispositions de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11) relatives au temps de repos. Par ailleurs, ledit ordre de service ne concernait pas les appels et SMS provenant des postes de police, mais ceux en lien avec les alarmes émanant de la centrale d'engagement, de coordination et d'alarme (ci-après : CECAL) et de la centrale des opérations de la police internationale (ci-après : COPI), qui étaient déclenchées dans des circonstances exceptionnelles. La sanction ne reposait ainsi pas sur une base légale valable.

En outre, elle était disproportionnée. Sa hiérarchie savait qu'il traversait alors une période difficile, compte tenu de la naissance de ses jumeaux, de leurs problèmes de santé et de ceux rencontrés par son épouse ainsi que du déménagement qu'il avait dû assumer seul. Ses supérieurs l'avaient sollicité pendant ses périodes de repos, alors qu'il avait déjà fait part de problèmes de santé. Il arrivait fréquemment qu'il reçoive des SMS du poste de police sans lien avec une mobilisation et il était tout aussi fréquent que des collègues ne retournent pas les appels émanant du poste de police sans être sanctionnés. Si dans les deux situations, il avait tardé à répondre, il avait retourné les appels reçus. Il n'avait aucun antécédent disciplinaire. Un simple avertissement informel aurait ainsi été suffisant.

16) Le chef de police-secours a conclu au rejet du recours.

La LTr ne s'appliquait pas aux administrations cantonales.

En ne répondant pas aux SMS des 8 et 22 mars 2018, le recourant avait contrevenu aux OS APC.01, DERS I 1.01 et DERS I 1.02. Des collègues avaient ainsi dû être mobilisés en urgence pour le remplacer. Les manquements reprochés avaient donc eu des conséquences sur le bon fonctionnement de la police. Après l'épisode du 8 mars 2018, l'intéressé aurait dû être encore plus attentif à son téléphone portable. En tant que le recourant soutenait que d'autres collègues ne répondant pas aux SMS n'étaient pas sanctionnés, il essayait de minimiser sa faute. Le but de la sanction prononcée à son encontre était de lui faire comprendre que ce type de comportement ne devait plus se reproduire.

17) Dans sa réplique, le recourant a insisté sur le fait que, selon l'OS APC.01, il n'était tenu de répondre au SMS, pendant son congé, que lorsqu'ils provienanaient de la CECAL ou de la COPI.

18) Lors de l'audience, qui s'est tenue le 15 avril 2019 devant la chambre de céans, l'autorité intimée n'était ni présente ni représentée.

Le recourant a, notamment, expliqué les codes figurant sur son planning. Lorsqu'il avait deux jours de congé d'affilée, le premier portait le code « l » « liberté » et le second le code R « repos ». Pendant ces deux jours, il n'était pas de piquet. Les services de piquet étaient en effet signalés à l'avance. Les CECAL et COPI étaient habilitées à adresser des messages d'urgence à l'ensemble des collaborateurs. Il recevait fréquemment des appels ou des messages du poste de police de B______ sur son téléphone de service pendant ses jours de repos. Le poste de police de B______ s'occupait du suivi judiciaire des affaires, de sorte que les collègues avaient parfois besoin de vérifier des éléments avec lui lorsqu'ils reprenaient des dossiers qu'il suivait. Certains appels ou messages étaient sans lien avec son travail.

Il y avait trois appartements sur le même étage que le sien, dans lesquels le même week-end de nouveaux locataires s'étaient installés. Les noms n'avaient, début mars 2018, pas encore été fixés sur la sonnette. Personne n'était venu sonner à sa porte ; sa tante, présente les 7 et 8 mars 2018, n'avait rien entendu non plus. Après le second incident de mars 2018, l'ensemble du service avait reçu un message contenant un lien vers un document sur lequel les employés étaient invités à indiquer leur numéro de téléphone privé.

Depuis le mois de décembre 2018, il travaillait au poste de police de C______ où il avait retrouvé le plaisir au travail. Son état de santé s'était amélioré de même que sa situation privée. Lorsque l'un de ses anciens collègues lui avait demandé quand il reviendrait au poste de B______, il avait eu une éruption cutanée. Ce qui s'était passé, l'avait beaucoup marqué. Sa confiance dans la direction de ce service avait été ébranlée. Contrairement à ce que laissait entendre l'État de Genève, aucune mesure n'avait été prise lorsqu'il avait signalé ses difficultés privées, notamment lorsque son épouse avait été hospitalisée après la naissance des jumeaux. Sa demande de congé exceptionnel avait été refusée. Sa hiérarchie n'avait pas non plus pris de nouvelles de sa famille.

À l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

19) Par courrier du 30 avril 2019, le recourant a demandé à ce que le procès-verbal soit modifié en ce sens qu'il n'était pas de piquet lors de deux évènements litigieux et qu'il n'avait jamais eu à accomplir de jours de piquet dans sa carrière.

20) Ce courrier a été transmis à l'État-major de police-secours pour information et il a été rappelé que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L'autorité intimée ayant produit le dossier du recourant et ce dernier ayant été entendu en audience de comparution personnelle, les chefs de conclusions préalables sont devenus sans objet.

Par ailleurs, le procès-verbal de ladite audience a été dicté à haute voix en présence du recourant et de son conseil. Ceux-ci auraient ainsi dû immédiatement solliciter une modification ou apporter une explication complémentaire, s'ils le jugeaient nécessaire. En outre, le recourant a lu et signé le procès-verbal à l'issue de l'audience. Ce document ne sera donc pas modifié.

3) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du chef de police-secours infligeant un blâme au recourant.

4) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi
(art. 61 al. 2 LPA).

5) a. Fonctionnaire de police, le recourant a été soumis à la loi sur la police du 26 octobre 1957 (aLPol) et à son règlement d'application du 25 juin 2008 (aRPol). Depuis le 1er mai 2016, il est soumis à la LPol, qui a abrogé l'art. 65 LPol, au RoPol, lequel a abrogé l'aRPol (art. 21 let a RoPol) ainsi qu'au règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol - F 1 05.07). La loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) est également applicable, sous réserve des dispositions particulières de la LPol (art. 18 al. 1 LPol ; art. 1 al. 1 let. b LPAC).

Aux termes de l'art. 6 RPol, les droits et devoirs des fonctionnaires de police sont fixés par la loi et les règlements, ainsi que par le serment et les ordres de service.

b. L'OS DERS I 1.01 du 1er août 1997, mis à jour le 1er janvier 2013, a pour objet le code de déontologie de la police, qui vise à arrêter les principes généraux dans lesquels s'inscrit l'action de la police et fixe le contexte éthique de l'activité de la police. Bras armé de l'État, la police agit, soit en fonction de compétences originelles, soit en concours avec les autorités compétentes de par la loi. En axant son action sur le respect des normes juridiques démocratiquement acceptées, la police contribue à l'affirmation de la souveraineté de l'État et au respect des libertés et droits fondamentaux des citoyens. Par là même, elle est la gardienne des valeurs intemporelles et universelles de notre culture (art. 1).

L'OS DERS I 1.02 prévoit que les fonctionnaires de police doivent se comporter avec honneur, tact et honnêteté, non seulement dans l'exercice de leurs fonctions, mais aussi dans leur vie privée (art. 1) ; par ailleurs, lorsque les fonctionnaires de police interviennent en dehors de leur service, ils doivent le faire en conformité avec tous les ordres de service (art. 3).

Enfin, l'OS APC.01 prévoit que la CECAL et la COPI peuvent déclencher un système d'alarme par SMS pour mobiliser du personnel en congé (art. 2.2.1). Le personnel doté d'un téléphone mobile de service, qui est en congé, doit consulter régulièrement (au minimum toutes les 12 heures) son téléphone de service afin de s'assurer qu'il n'y a pas de message d'alarme émanant de la CECAL ou de la COPI. Dès réception, le personnel devra donner quittance en suivant les consignes particulières données par le message d'alarme (art. 2.2.2).

c. La LTr ne s'applique pas aux administrations fédérales, cantonales et communales, sous réserve des dispositions relatives à la protection de la santé, à savoir l'art. 6 qui décrit les conditions de travail, l'art. 35 applicables aux femmes enceintes et qui allaitent et l'art. 36 LTr qui s'appliquent aux travailleurs ayant des obligations familiales (art. 2 al. 1 let. a et art. 3a LTr).

Aux termes de l'art. 36 LTr, lorsqu'il fixe les heures de travail et de repos, l'employeur doit tenir compte notamment des responsabilités familiales des travailleurs. Sont réputées responsabilités familiales l'éducation des enfants jusqu'à l'âge de quinze ans ainsi que la prise en charge de membres de la parenté ou de proches exigeant des soins (al. 1). Ces travailleurs ne peuvent être affectés à un travail supplémentaire sans leur consentement. À leur demande, une pause de midi d'au moins une heure et demie doit leur être accordée (al. 2). L'employeur doit, sur présentation d'un certificat médical, donner congé aux travailleurs ayant des responsabilités familiales, pour le temps nécessaire à la garde d'un enfant malade, jusqu'à concurrence de trois jours (al. 3).

6) a. Le fonctionnaire de police qui manque à ses devoirs peut faire l'objet d'une sanction disciplinaire (art. 15 RPol).

Aux termes de l'art. 36 al. 1 LPol, selon la gravité de la faute, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent être infligées au personnel de la police : le blâme (let. a), les services hors tour (let. b), la réduction de traitement pour une durée déterminée (let. c), la dégradation pour une durée déterminée (let. d), et la révocation (let. e). Le chef de service est compétent pour prononcer le blâme (art. 37 al. 1 LPol).

b. L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée).

c. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre de céans se limite à l'excès ou à l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité consid. 3a ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 16 et les références citées).

d. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans s'est notamment prononcée comme suit s'agissant de blâmes :

- L'intéressé, déjà sanctionné d'un avertissement pour une arrivée tardive, n'avait pas annoncé en temps utile une absence à son poste de travail et à une formation. Le blâme prononcé respectait le principe de la proportionnalité (ATA/173/2019 du 26 février 2019) ;

- Le prononcé d'un blâme était adéquat à l'encontre d'un supérieur hiérarchique qui avait, sur une période de deux ans, adopté une attitude critiquable à l'égard de ses subordonnés, s'apparentant à du harcèlement psychologique (ATA/1328/2018 du 11 décembre 2018) ;

- Confirmation d'un blâme prononcé à l'encontre d'un enseignant ayant giflé un élève (ATA/888/2018 du 4 septembre 2018).

- Le blâme était considéré comme adéquat dans une situation où un sous-brigadier avait participé au réveil d'une collaboratrice endormie pendant son service au moyen d'une bande de pétards chinois. En sa qualité de gradé, il aurait dû être un exemple pour ses subordonnés et intervenir pour les empêcher de commettre cet acte, plutôt que d'y participer (ATA/747/2014 du 23 septembre 2014) ;

7) En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant se trouvait en congé, tant les 7/8 mars que les 19/20 et 21 mars 2018. Il n'était pas affecté pendant les jours en question à un service de piquet.

Il ressort des OS sur lesquels la sanction est fondée que le recourant, même en congé, devait consulter son téléphone portable de service au minimum toutes les douze heures pour s'assurer qu'il n'y avait pas de message d'alarme de la CECAL ou de la COPI et « donner quittance » dès réception d'un tel SMS. Aucun OS ne prescrit la même obligation en cas de messages provenant d'un poste de police et non du CECAL ou de la COPI. Il n'est cependant pas nécessaire d'examiner plus avant si le recourant devait pendant ses congés, de la même manière, donner suite aux appels et SMS provenant du poste de police auquel il était rattaché, compte tenu de ce qui suit.

La situation personnelle difficile du recourant était connue de sa hiérarchie ; il l'avait signalée lors de sa demande de transfert quelques mois plus tôt. Sa hiérarchie savait donc que son épouse avait rencontré des problèmes de santé ayant nécessité plusieurs hospitalisations, que la famille s'était agrandie de l'arrivée de jumeaux, dont l'un présentait des difficultés de santé, et que le recourant venait de déménager. Il avait d'ailleurs, pour ces motifs, sollicité en février 2018 un congé exceptionnel, qui lui avait cependant été refusé. En outre, sur conseil de son employeur, il avait consulté son médecin le 22 mars 2018, soit le lendemain du second épisode qui lui est reproché. Son médecin l'avait immédiatement mis en arrêt de travail pendant un mois.

Par ailleurs, les états de service du recourant étaient bons. Il avait fait l'objet de quatre courriers de félicitations, louant notamment sa réactivité, sa bravoure, son professionnalisme, son efficacité, son sens aigu de l'observation et sa persévérance. En outre, si les manquements reprochés auraient pu avoir un impact sur le bon fonctionnement du service, tel n'a concrètement pas été le cas, dès lors que le recourant a pu être remplacé par d'autres collègues. Enfin, il s'agit de deux manquements isolés.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, en particulier des difficultés de santé ayant nécessité un arrêt de travail immédiat le lendemain d'un des manquements reprochés, du fait que ceux-ci relèvent de deux épisodes isolés, de l'absence d'antécédents disciplinaires, des bons états de service du recourant et de la faute qui ne saurait être qualifiée de grave, le prononcé d'une sanction disciplinaire s'avère disproportionnée.

Partant, le recours sera admis et la décision querellée annulée.

8) Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu à perception d'un émolument (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 janvier 2019 par Monsieur A______ contre la décision de l'État-major de police-secours du 22 novembre 2018 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de l'État-major de police-secours du 22 novembre 2018 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur A______, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

 

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'à l'État-major de police-secours.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin et Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :