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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3165/2015

ATA/165/2016 du 23.02.2016 ( LAVI ) , REJETE

Descripteurs : POLICE ; MISE EN DANGER DE LA VIE D'AUTRUI(ART. 129 CP) ; LOI FÉDÉRALE SUR L'AIDE AUX VICTIMES D'INFRACTIONS ; AIDE AUX VICTIMES ; VICTIME ; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL) ; TORT MORAL ; AFFECTION PSYCHIQUE ; ATTEINTE À LA SANTÉ PHYSIQUE
Normes : LAVI.48.leta; LAVI.1.al1; LAVI.22.al1; CO.47; CO.49; CP.129
Résumé : Policier dont la vie a été mise en danger en cours d'une intervention. Les faits établis et confirmés par les jugements pénaux ne permettent pas de reconnaître la qualité de victime, au sens de la LAVI, au recourant. De plus, les attestations médicales figurant au dossier sont très imprécises et très lacunaires. Elles ne permettent pas de retenir que le recourant a été en état de stress post-traumatique. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3165/2015-LAVI ATA/165/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 février 2016

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

INSTANCE D'INDEMNISATION LAVI



EN FAIT

1. Monsieur A______, de nationalité suisse, né le ______1986, exerce la profession d'agent de police au sein de la gendarmerie du canton de Genève.

2. Le 26 décembre 2011 à 5h18, Monsieur B______, au volant d'un véhicule signalé comme étant volé, circulait sur la route de Meyrin. Il a été pris en chasse par la police.

Informée de la course poursuite par les ondes de la police et se trouvant à proximité, une patrouille composée d'un policier, au volant d'un véhicule, et de M. A______, passager, a décidé de remonter l'avenue______, afin d'intercepter M. B______.

M. A______ et son collègue ont aperçu leurs collègues arrivant dans leur direction, répartis dans plusieurs voitures, feux bleus enclenchés, suivant M. B______. Ils ont décidé de créer un barrage routier au moyen de leur véhicule, feux bleus enclenchés et phares allumés.

En dépit de la présence de la voiture de police sur sa route, M. B______, qui roulait sur la voie de gauche, n'a ni ralenti, ni changé de voie, et a foncé droit sur eux à une vitesse estimée à 150-160 km/h.

Face au danger, M. A______ a tiré un coup de feu en direction du véhicule conduit par M. B______, dans le but de le faire dévier de sa trajectoire. In extremis, le précité a fait un écart et a évité la voiture de police par la droite, avant de poursuivre sa route.

M. A______ a déposé plainte pour ces faits et une procédure pénale à l'encontre de M. B______ a été ouverte dans le canton de Vaud (cause n° 1______).

3. Par jugement du 12 juin 2012, le Tribunal des mineurs du canton de Vaud (ci-après : le Tribunal des mineurs) a déclaré M. B______ coupable notamment de mise en danger de la vie d'autrui, et l'a condamné sur le plan civil au paiement à M. A______ d'une somme de CHF 3'000.- à titre d’indemnité pour tort moral.

Ce jugement a été confirmé le 30 octobre 2012 par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après : la Cour d'appel pénale) sur ces deux points.

4. Le 29 octobre 2012, Monsieur C______, exerçant dans le domaine de la kinésiologie et réflexologie, a attesté suivre M. A______ à sa consultation depuis mai 2012, à raison d'une fois par mois. M. A______ avait pris contact avec lui en raison des événements professionnels survenus.

M. C______ a également attesté le caractère tout à fait adéquat, dans ces circonstances, de la réaction de M. A______.

5. Le 9 juillet 2013, M. A______, par l'intermédiaire de son avocat, a présenté auprès de l'instance d'indemnisation au sens de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 23 mars 2007 (LAVI – RS 312.5 ; ci-après : l'instance LAVI) une requête en indemnisation, concluant à la condamnation de l'État de Genève à lui verser la somme de CHF 3'000.-, avec intérêts à 5 % l'an dès le 25 décembre 2011, à titre de tort moral.

Il avait vu la voiture de M. B______ lui foncer dessus et avait craint pour sa vie. Suite à cet incident, il avait eu des séquelles psychologiques. Il n'avait pas dormi pendant une semaine après cette affaire et avait « la chair de poule » lorsqu'il voyait des véhicules arriver dans sa direction. Il avait dû faire appel à la cellule de débriefing de la police. Il avait vu la mort de près, et cela l'avait beaucoup secoué, sa femme et ses parents également. Il avait eu des maux de ventre et son médecin l'avait mis en arrêt pendant dix jours. Il avait subi un stress post-traumatique. Enfin, il ne pouvait plus passer là où l'intervention s'était déroulée.

Au vu des conséquences importantes de l'acte de M. B______ sur lui, la somme de CHF 3'000.- à titre de tort moral était justifiée.

À l'appui de sa requête, il a produit notamment les jugements précités, ainsi que le procès-verbal d'une audience d'instruction par-devant le Tribunal des mineurs dans la cause n° 1______ s'étant déroulée le 13 mars 2012.

6. Le 19 septembre 2013, M. A______ a été auditionné par l'instance LAVI.

Il est revenu sur les circonstances du 26 décembre 2011, précisant qu'il avait été en arrêt de travail pendant une dizaine de jours.

À l'époque, son enfant était âgée de 7 mois. De plus, avec la médiatisation de l'affaire, cela n'avait pas été facile à gérer. Trois ou quatre mois après les faits, il avait dû faire un exercice de tir et à ce moment-là, il avait « pété un câble » en vidant son chargeur. Il avait fait appel au service psychologique de la police pour évaluer son état, lequel avait estimé qu'il était apte à continuer à travailler.

En avril 2012, il avait commencé un traitement en médecine douce avec un réflexologue. Il poursuivait d'ailleurs ce suivi, le voyant une fois par mois. Celui-ci lui avait diagnostiqué, en accord avec son médecin traitant, un état de stress post-traumatique. Il ne prenait pas de médicaments, mais en avait pris dans un premier temps pour dormir. Il n'était pas pour les médicaments.

Il avait quitté son poste à D______ en partie à cause de ces faits et travaillait actuellement à la brigade de la sécurité routière. Si un événement se déroulait à l'avenue______, il était obligé de s'y rendre, il n'avait pas le choix.

Les faits avaient eu des effets catastrophiques sur sa vie privée, son couple avait été mis en péril. Il était devenu éteint, au « bout du rouleau ».

7. Le 28 novembre 2013, M. A______ a remis à l'instance LAVI une attestation médicale actualisée du 18 novembre 2013 signée par M. C______, laquelle reprenait les éléments de l'attestation du 29 octobre 2012.

8. Par décision du 13 août 2015, l'instance LAVI a rejeté la requête en indemnisation.

Il n'apparaissait pas que M. A______ ait été blessé lors de l'intervention du 26 décembre 2011.

Sur le plan psychologique, le service spécialisé de la police avait estimé qu'il était apte à travailler, il avait également eu recours depuis le mois de mai 2012 à des séances chez un réflexologue qui l'avaient beaucoup aidé. Le Tribunal des mineurs avait statué que si les craintes de M. A______ et de son collègue étaient parfaitement justifiées et que leur vie avait bel et bien été mise en danger, occasionnant de séquelles psychologiques indéniables, il ne disposait d'aucune pièce justificative telle que certificat ou attestation médicale lui permettant de se déterminer quant à l'ampleur de l'atteinte subie.

Devant l'instance LAVI, M. A______ n'avait pas davantage étayé – par des pièces médicales – l'ampleur de l'atteinte psychologique subie. On ne pouvait dès lors retenir ici une atteinte psychologique suffisamment importante et durable nécessitant d'allouer une somme au titre de la réparation morale. Par ailleurs, le seuil de gravité relativement élevé exigé par la LAVI avait été rappelé récemment par le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence. Enfin, sans nier la peur qu'avait pu ressentir l'intéressé au moment des faits, l'intervention à laquelle il avait participé faisait partie des tâches inhérentes à sa fonction de gendarme et comportait inévitablement une part de risque, ce que la jurisprudence cantonale confirmait. Enfin, cette prise de risque était couverte par une indemnité pour risques inhérents à la fonction de fonctionnaire de police.

9. Par acte du 14 septembre 2015, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant principalement à son annulation et à l'admission des conclusions présentées devant l'instance LAVI « sous suite de frais et dépens ».

L'instance LAVI avait substitué son appréciation à celle du Tribunal des mineurs et de la Cour d'appel pénale qui, dans son jugement du 30 octobre 2012, avait pourtant confirmé que les conditions d'octroi d'une indemnité pour tort moral étaient remplies, allouant un montant de CHF 3'000.-. Elle avait retenu que l'intéressé avait été mis en danger de mort, ainsi que l'existence de séquelles psychologiques indéniables. L'instance LAVI ne pouvait pas s'écarter de ces constatations.

Le montant de l'indemnité était par ailleurs en adéquation avec les souffrances subies, puisque depuis le mois d'avril 2012, il était suivi pour un état de stress post-traumatique, diagnostiqué par son médecin traitant et son kinésiologue. Ce suivi, dont la nécessité subsistait à ce jour, était appelé à durer. L'instance LAVI ne pouvait dès lors pas appuyer son argumentation sur la jurisprudence récente du Tribunal fédéral. Il avait été profondément ébranlé par la violence des événements, tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie privée ; son couple et sa vie de famille avaient été durement touchés, notamment en raison de son changement de personnalité suite aux faits. Une indemnité pour tort moral lui était donc due.

S'agissant de l'argument portant sur l'indemnité pour risques liés à la fonction de policier, les conséquences des événements excédaient celles prévisibles et inhérentes à sa fonction, de sorte qu'il avait droit à une indemnisation pour tort moral. De plus, l'indemnité allouée au titre de risques liés à la fonction de policier ne comprenait plus, depuis la révision de la loi cantonale genevoise sur la police du 26 octobre 1957 (LPol - F 1 05), d'éléments en rapport direct avec le tort moral, de sorte que son droit à voir ce tort moral réparé par la LAVI subsistait.

Comme nouvelle pièce, M. A______ a produit une nouvelle attestation signée par M. C______ le 10 septembre 2015 ayant le même contenu que les deux précédentes.

10. Le 6 octobre 2015, l'instance LAVI a persisté intégralement dans les termes de sa décision, y compris en ce qui concernait l'indemnité pour risques inhérents à la fonction.

L'agression qu'avait subie M. A______ n'avait entraîné ni invalidité, ni perte d'un organe. Faute de pièces médicales, l'atteinte subie devait être considérée comme plutôt faible et passagère.

Sur le plan psychologique, les attestations signées par M. C______ n'émanaient pas d'un médecin et ne faisaient pas état de l'existence d'un syndrome de stress post-traumatique. Le Tribunal des mineurs, dans son jugement du 12 juin 2012, avait relevé également ne disposer d'aucune pièce justificative telle que certificat ou attestation médicale lui permettant de se déterminer sur l'ampleur de l'atteinte subie. Or, dans son recours, M. A______ n'apportait pas plus d'éléments à ce propos.

11. Le 8 octobre 2015, le juge délégué a transmis à M. A______ l'écriture de l'instance LAVI précitée en lui fixant un délai au 9 novembre 2015 pour formuler toute requête complémentaire et/ou exercer son droit à la réplique, ensuite de quoi la cause serait gardée à juger.

12. Le 9 novembre 2015, M. A______ a relevé que l'instance LAVI ne répondait en réalité pas à ses griefs portant notamment sur les raisons avancées qui imposaient de se distancer de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral.

13. Le 10 novembre 2015, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. La LAVI est entrée en vigueur le 1er janvier 2009, abrogeant la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 4 octobre 1991 (aLAVI).

Selon l’art. 48 let. a LAVI, le droit d’obtenir une indemnité et une réparation morale pour des faits qui se sont déroulés avant l’entrée en vigueur de cette loi, est régi par l’ancien droit. Les délais prévus à l’art. 25 LAVI sont applicables à ce droit pour des faits qui se sont produits moins de deux ans avant l’entrée en vigueur de cette loi.

b. En l’espèce, les événements vécus par le recourant et fondant sa requête auprès de l'instance LAVI se sont produits en décembre 2011. Le nouveau droit est, par conséquent, applicable.

3. a. La LAVI révisée poursuit le même objectif que l'aLAVI, à savoir assurer aux victimes une réparation effective et suffisante dans un délai raisonnable (Message du Conseil fédéral concernant l’aLAVI du 25 avril 1990, FF 1990 V II p. 909 ss, not. 923 ss ; ATF 134 II 308 consid. 5.5 p. 313 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_571/2011 du 26 juin 2012 consid. 4.2). Elle maintient notamment les trois « piliers » de l'aide aux victimes, soit les conseils, les droits dans la procédure pénale et l'indemnisation, y compris la réparation morale (Message du Conseil fédéral du 9 novembre 2005, FF 2005 6701).

b. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVI, toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle a droit au soutien prévu par la loi. Le troisième alinéa de cette disposition précise que le droit à l'aide aux victimes existe, que l'auteur de l'infraction ait été découvert ou non (let. a), ait eu un comportement fautif ou non (let. b), ait agi intentionnellement ou par négligence (let. c).

c. La reconnaissance de la qualité de victime au sens de la LAVI dépend de savoir, d’une part, si la personne concernée a subi une atteinte à son intégrité physique, psychique ou sexuelle et, d’autre part, si cette atteinte a été directement causée par une infraction au sens du droit pénal suisse. La qualité de victime au sens de la LAVI ne se confond donc pas avec celle de lésé, dès lors que certaines infractions n’entraînent pas d’atteintes – ou pas d'atteintes suffisamment importantes – à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle (ATF 120 Ia 157 consid. 2d ; ATA/973/2015 du 22 septembre 2015 consid. 3c ; ATA/699/2014 du 2 septembre 2014 consid. 3c).

4. a. Selon l'art. 22 al. 1 LAVI, la victime et ses proches ont droit à une réparation morale lorsque la gravité de l'atteinte le justifie ; les art. 47 et 49 de la loi fédérale complétant le code civil suisse du 30 mars 1911 (livre cinquième : droit des obligations – CO – RS 220) s'appliquent par analogie. La réparation morale constitue désormais un droit (Message du Conseil fédéral du 9 novembre 2005, FF 2005 6742).

b. Le système d'indemnisation instauré par la LAVI et financé par la collectivité publique n'en demeure pas moins subsidiaire par rapport aux autres possibilités d'obtenir réparation que la victime possède déjà (art. 4 LAVI ; ATF 131 II 121 consid. 2 p. 124 ; 123 II 425 consid. 4b/bb p. 430). Les prestations versées par des tiers à titre de réparation morale doivent être déduites du montant alloué par l’instance LAVI (art. 23 al. 3 LAVI). La victime doit ainsi rendre vraisemblable qu’elle ne peut rien recevoir de tiers ou qu’elle ne peut en recevoir que des montants insuffisants (ATF 125 II 169 consid. 2cc p. 175).

c. La LAVI prévoit un montant maximum pour les indemnités, arrêté à CHF 70'000.- pour la réparation morale à la victime elle-même (art. 23 al. 2 let. a LAVI). Le législateur n'a pas voulu assurer à la victime une réparation pleine, entière et inconditionnelle du dommage qu'elle a subi (ATF 131 II 121 consid. 2.2 p. 125 ; 129 II 312 consid. 2.3 p. 315 ; 125 II 169 consid. 2b/aa p. 173). Ce caractère incomplet est particulièrement marqué en ce qui concerne la réparation du tort moral, qui se rapproche d'une allocation ex aequo et bono (arrêt du Tribunal fédéral 1C_48/2011 du 15 juin 2011 consid. 3 ; ATA/973/2015 précité consid. 4c ; ATA/699/2014 précité consid. 4c).

5. a. En tant que telle l'infraction de mise en danger de la vie d'autrui, réprimée par l'art. 129 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), ne constitue par une infraction de lésion, mais de mise en danger. Elle doit cependant être qualifiée d'infraction de résultat en ce sens que le comportement de l'auteur doit causer un danger concret pour la vie d'autrui (Bernard CORBOZ, Les infractions en droit suisse, 3ème éd., 2010, vol. 1, n. 4 ad art. 129 CP, p. 189).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous l'empire de l'ancien droit (aLAVI) et dont il n'y a pas lieu de s'écarter à l'aune de la LAVI, l'infraction de mise en danger de la vie d'autrui est susceptible de fonder la qualité de victime au sens de la LAVI pour autant que la personne dont la vie a été mise en danger souffre de troubles psychologiques en relation directe avec l'acte du délinquant (arrêt du Tribunal fédéral 1A.272/2004 du 31 mars 2005 consid. 4.1 ; arrêt 6S.729/2001 du 25 février 2002 in SJ 2002 I 397 consid. 1a).

D'une manière plus générale, la notion de victime ne dépend toutefois pas de la qualification de l'infraction, mais exclusivement de ses effets sur le lésé (ATF 129 IV 216 consid. 1.2.1). Toutefois, l'atteinte subie ne confère la qualité de victime au sens de l'art. 1 LAVI que lorsqu'elle présente une certaine gravité (ATF 129 IV 95 consid. 3.1 ; 129 IV 216 consid. 1.2.1 ; 125 II 265 consid. 2a/aa), par exemple lorsqu'elle entraîne une altération profonde ou prolongée du bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 1P.147/2003 du 19 mars 2003). Il ne suffit donc pas que la victime ait subi des désagréments, qu'elle ait eu peur ou qu'elle ait eu quelque mal (ATF 129 IV 216 consid. 1.2.1). L'intensité de l'atteinte se détermine suivant l'ensemble des circonstances de l'espèce (ATF 129 IV 95 consid. 3.1). S'agissant d'une atteinte psychique, elle se mesure d'un point de vue objectif, non pas en fonction de la sensibilité personnelle et subjective du lésé (131 IV 78 consid. 1.2 ; ATF 120 Ia 157 consid. 2d/cc p. 164 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.272/2004 précité consid. 4.1).

b. Il découle par ailleurs d'une interprétation grammaticale et téléologique de l'art. 22 LAVI que le seuil de gravité de l'infraction justifiant une réparation morale est en principe supérieur à celui permettant d'admettre qu'un lésé est une victime. Admettre le contraire reviendrait en effet à vider de tout sens le membre de phrase « lorsque la gravité de l'atteinte le justifie », puisque dans ce cas toute victime aurait nécessairement droit à une réparation morale. Ce point de vue a été adopté par le Tribunal cantonal vaudois et n'a à tout le moins pas été censuré par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_296/2012 du 6 novembre 2012 consid. 3.2 ; ATA/973/2015 précité consid. 5b ; ATA/699/2014 précité consid. 5b).

c. L’ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité de l’atteinte - ou plus exactement de la gravité de la souffrance ayant résulté de cette atteinte, car celle-ci, quoique grave, peut n’avoir que des répercussions psychiques modestes, suivant les circonstances - et de la possibilité d’adoucir la douleur morale de manière sensible, par le versement d’une somme d’argent (ATF 137 III 303 consid. 2.2.2 ; 129 IV 22 consid. 7.2 ; 115 II 158 consid. 2 et les références citées ; Heinz REY, Ausservertragliches Haftpflichtrecht, 4ème éd., 2008, n. 442 ss). Sa détermination relève du pouvoir d’appréciation du juge (ATF 137 III 303 consid. 2.2.2 ; 117 II 60 ; 116 II 299 consid. 5a). Le fait que la victime ne se soit pas soumise à un traitement médical ne veut pas dire que l'agression n'a pas eu de conséquences importantes pour elle (ATA M. du 30 mai 1995, cité in Valérie MONTANI/Olivier BINDSCHEDLER, La jurisprudence rendue en 1995 par le Tribunal administratif et le Conseil d'État genevois, SJ 1997 17-45, p. 22 s. n. 23). Il est nécessaire de préciser l'ensemble des circonstances et de s'attacher surtout aux souffrances ayant résulté de l'atteinte. Les souffrances psychologiques résultant de l'agression, tel le sentiment d'insécurité ou la perte de confiance en soi, ne doivent pas être négligées (ATA/973/2015 précité consid. 5d ; ATA/699/2014 précité consid. 5d ; ATA/118/2002 du 26 février 2002 consid. 7).

d. Dans une jurisprudence récente du Tribunal fédéral (1C_509/2014 du 1er mai 2015 consid. 2.1), celui-ci a précisé qu'en cas d'atteinte passagère, d'autres circonstances peuvent ouvrir le droit à une réparation morale fondée sur l'art. 22 al. 1 LAVI, parmi lesquelles figurent par exemple une longue période de souffrance et d'incapacité de travail, une période d'hospitalisation de plusieurs mois, de même qu'un préjudice psychique important tel qu'un état de stress post-traumatique conduisant à un changement durable de la personnalité (arrêts du Tribunal fédéral 1C_296/2012 du 6 novembre 2012 consid. 3.2.2 ; 1A.235/2000 du 21 février 2001 consid. 5b/aa ; voir également Peter GOMM/Dominik ZEHNTNER, Opferhilfegesetz, 2009, n. 9 ad art. 22 LAVI ; Alexandre GUYAZ, Le tort moral en cas d'accident: une mise à jour in SJ 2013 II p. 230).

e. En l'espèce, le recourant entend établir sa qualité de victime au sens des art.  1 al. 1 et 22 al. 1 LAVI sur la base des jugements du Tribunal des mineurs du 12 juin 2012 et de la Cour d'appel pénale du 30 octobre 2012.

Or, à eux seuls, ces jugements ne permettent à l'instance LAVI de reconnaître la qualité de victime que si les faits établis et confirmés par ces arrêts conduisent à retenir, en droit, une atteinte psychique d'une certaine gravité, conformément à la jurisprudence précitée.

S'il est vrai que Tribunal des mineurs a considéré, dans son jugement du 12 juin 2012, que les craintes du recourant étaient parfaitement justifiées, et que sa vie avait bel et bien été mise en danger, occasionnant ainsi des séquelles psychologiques indéniables, il a également noté qu'il ne disposait d'aucune pièce justificative telle que certificat ou attestation médicale lui permettant de se déterminer quant à l'ampleur de l'atteinte subie. Il s'est ainsi référé à l'audition du recourant par-devant lui, selon laquelle le recourant avait bénéficié d'un soutien psychologique auprès de la cellule de débriefing et d'un arrêt de travail. Il avait aussi des craintes en voyant les phares des voitures arriver dans sa direction.

Toutefois, force est de constater que le dossier ne contient aucun certificat médical attestant que le recourant aurait bel et bien bénéficié de ce soutien psychologique et qu'il aurait bénéficié d'un arrêt de travail suite aux faits survenus le 26 décembre 2011. Au surplus, les éléments retenus par les juridictions pénales ne lient pas la juridiction administrative pour déterminer la qualité de victime au sens de la LAVI.

Dans ces conditions, le prononcé pénal ne permet pas de retenir une atteinte psychique suffisamment significative pour conférer au recourant, sur ce plan, la qualité de victime au sens de la jurisprudence précitée.

De plus, les trois attestations des 29 octobre 2012, 18 novembre 2013 et 10 septembre 2015, signées par M. C______, kinésiologue, figurant au dossier, ne sont clairement pas suffisantes pour retenir que le recourant aurait subi un préjudice psychique tel qu'il lui permettrait de revêtir la qualité de victime au sens des art. 1 al. 1 et 22 al. 1 LAVI.

En effet, ces attestations sont imprécises et lacunaires. Elles se limitent à attester que le recourant a pris contact avec M. C______ suite aux « événements professionnels survenus », sans que l'on sache à quels événements il est fait référence, et les motifs qui l'ont conduit à le contacter. En outre, le recourant a commencé son traitement auprès de M. C______ dès le mois de mai 2012, soit près de quatre mois – au mieux – après les faits intervenus le 21 décembre 2011. Il ne le voit d'ailleurs qu'une fois par mois, ce qui dénote que ses besoins en la matière ne sont pas particulièrement grands. Enfin et surtout, elles ne précisent aucunement que M. C______ aurait diagnostiqué, en accord avec le médecin traitant du recourant, un état de stress post-traumatique. Elles se contentent uniquement d'attester du « caractère tout à fait adéquat, dans ces circonstances de la réaction » du recourant.

Au surplus, lors de son audition par l'instance LAVI, le recourant a expliqué qu'après avoir « pété un câble », trois ou quatre mois après les faits lors d'un exercice de tir, le service psychologique de la police l'avait évalué et l'avait jugé apte à continuer à travailler.

Ainsi et compte tenu de la jurisprudence précitée, il convient de retenir qu'il s'agit d'un cas d'atteinte passagère et que les circonstances ouvrant droit à une réparation morale fondée sur la LAVI ne sont pas réunies.

La médiatisation de l'affaire n'est pas de nature à modifier cette conclusion, n'ayant pas d'incidences déterminantes sur la gravité de l'atteinte subie (ATA/973/2015 précité consid. 6).

Sans nier le caractère déplorable des événements vécus et les angoisses et souffrances ressenties par le recourant, les conséquences de ceux-ci sur l'intéressé apparaissent insuffisantes à fonder le droit à une réparation morale au sens de la LAVI.

C'est dès lors à bon droit que, dans les circonstances d'espèce, l'instance LAVI a dénié au recourant la qualité de victime sous l'angle des 1 al. 1 et 22 al. 1 LAVI, et qu'elle a refusé de l'indemniser.

Point n'est en conséquence besoin d'analyser le rôle de l'indemnité pour les risques inhérents à la fonction de policier perçue mensuellement par le recourant en sus de son salaire.

Dans la mesure où le recourant ne revêt pas la qualité de victime au sens de la LAVI, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de la subsidiarité prévue par l’art. 4 LAVI.

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

7. Vu la matière concernée, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 30 al. 1 LAVI pour les litiges soumis au nouveau droit). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2015 par Monsieur A______ contre la décision de l'instance d'indemnisation LAVI du 13 août 2015 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat du recourant, à l'instance d'indemnisation LAVI, ainsi qu’à l’office fédéral de la justice.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :