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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1633/2015

ATA/973/2015 du 22.09.2015 ( LAVI ) , REJETE

Descripteurs : GARDIEN DE PRISON ; AGRESSION ; MUTINERIE DE DÉTENUS ; LÉSION CORPORELLE SIMPLE ; VIOLENCE CONTRE LES AUTORITÉS ; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL) ; ACTION EN RÉPARATION DU TORT MORAL ; AFFECTION PSYCHIQUE ; ATTEINTE À LA SANTÉ PHYSIQUE ; VICTIME
Normes : CO.47; CO.49 ; CP.123 ; LAVI.22
Résumé : En 2013, le recourant exerçant la profession de gardien de prison a été violemment agressé par un détenu. En 2014, il a sollicité l'instance d'indemnisation LAVI afin d'être reconnu comme victime et d'obtenir une réparation au titre de tort moral. Toutefois, compte tenu de la jurisprudence, l'atteinte subie par le recourant doit être qualifiée de passagère et n'atteignait pas le seuil de gravité requis par l'art. 22 LAVI pour fonder un droit à une indemnité LAVI. Ni la violence de l'agression alléguée par le recourant, ni la médiatisation de l'affaire ne sont de nature à modifier cette conclusion, n'ayant pas d'incidences déterminantes sur la gravité de l'atteinte subie.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1633/2015-LAVI ATA/973/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 septembre 2015

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

INSTANCE D'INDEMNISATION LAVI

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ exerce la profession de gardien de prison au sein de l'établissement pénitentiaire de Champ-Dollon.

2) Le 2 mars 2013, M. A______ a été violemment agressé par un détenu.

Trois occupants de la même cellule ont fait un esclandre afin de recevoir du thé. Bien qu'invités à rejoindre leur cellule, ils ont catégoriquement refusé d'obtempérer. Quatre gardiens étaient présents et deux autres les ont rejoints. L'un des détenus, soit Monsieur B______, a tenté de frapper l’un des gardiens. Il a immédiatement été maîtrisé par M. A______. Le détenu s'est alors violemment débattu et a donné un violent coup de tête au niveau de la mâchoire de M. A______.

3) Il ressort du certificat médical établi le 4 mars 2013 par le docteur C______, spécialiste en médecine générale, que suite à cette agression, M. A______ présentait des nombreuses contusions, des douleurs à la base du premier doigt droit, au coude gauche et que trois de ses incisives s'étaient déchaussées.

4) Par ordonnance pénale du 11 juin 2013, le Ministère public a déclaré M. B______ coupable de tentative de lésions corporelles simples, de lésions corporelles simples et de violence ou menace contre les autorités et ses fonctionnaires.

5) Le 8 juillet 2013, Madame D______, psychologue pour le personnel de l'Office cantonal de la détention a attesté s'être entretenue avec M. A______ directement après son agression.

M. A______ avait été fortement choqué par cet évènement. Il présentait encore un certain nombre de troubles et, malgré la reprise de ses fonctions, un suivi psychologique était nécessaire tant l'agression avait été violente.

6) Par jugement du 16 juillet 2013, le Tribunal de police a confirmé ladite ordonnance pénale en ce qu'il a reconnu M. B______ coupable de lésions corporelles simples et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, le condamnant à une peine privative de liberté de quatre mois ainsi qu'à verser à M. A______ la somme de CHF 800.- plus intérêts à 5 % dès le 2 mars 2013 au titre de tort moral.

7) Par requête du 28 janvier 2014, M. A______, sous la plume de son mandataire, a saisi l'instance d'indemnisation de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 23 mars 2007 (loi sur l’aide aux victimes,
LAVI – RS 312.5; ci-après : l'instance LAVI) concluant à ce qu'une indemnité pour tort moral d'un montant de CHF 800.-, avec intérêts à 5 % dès le 2 mars 2013, lui soit allouée.

En subissant une atteinte directe à son intégrité physique et psychique, M. A______ avait dès lors droit au soutien prévu par la LAVI. Le Tribunal de police avait condamné son agresseur au versement de CHF 800.-, plus intérêts à 5 % dès le 2 mars 2013 au titre d'indemnité pour tort moral. Nonobstant diverses relances, l'intéressé n'avait rien reçu à ce jour ni de la part de l'auteur de son agression, ni de la part d'un tiers.

8) Le 15 janvier 2015, M. A______ a été entendu par l’instance LAVI.

L'état de ses dents n'était pas encore stabilisé. Il venait d'en perdre une. Il n'avait pas eu d'autres séquelles physiques, mais avait été suivi par une psychologue durant trois mois et avait eu un arrêt de travail d'une semaine. Suite à l'agression, il s'était beaucoup renfermé sur lui-même, il faisait des cauchemars et malgré l'amour qu'il portait à son métier de gardien de prison, il lui avait été difficile de reprendre son travail. Ses amis avaient constaté un changement de comportement et il n'était plus le même avec ses enfants. Il avait déjà été bousculé dans le cadre de ses fonctions, mais c'était la première fois qu'il avait été victime d'une agression aussi violente. Il ne considérait pas que ce type d'agression faisait partie des risques de son métier. L'indemnité mensuelle pour risques inhérents à la fonction était une prime pour les inconvénients de services tels que les horaires irréguliers et le port de l'uniforme. Enfin, il avait précisé qu'il allait mieux maintenant mais qu'il souhaitait être reconnu comme victime aussi rapidement que possible.

9) Par ordonnance du 14 avril 2015, l'instance LAVI a rejeté la requête d'indemnisation.

L'atteinte subie par le requérant ne présentait pas un caractère de gravité suffisant pour justifier une indemnisation LAVI. Il apparaissait qu'il avait pu reprendre assez vite son travail malgré un retour difficile. Ayant certes été suivi psychologiquement, il ne pouvait pas prétendre à l'allocation d'une somme au titre de réparation morale, faute d'une atteinte psychique durable. Enfin, en qualité de gardien de prison, il devait maîtriser les détenus et gérer des situations de crise. Ces tâches comportaient inévitablement une part de risque et, à cet effet, il percevait en sus de son traitement une indemnité mensuelle pour risques inhérents à la fonction.

10) Par acte du 18 mai 2015, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci- après: chambre administrative) concluant « sous suite de frais et dépens », à l'annulation de l'ordonnance du 14 avril 2015 rendue par l'instance LAVI et à l'octroi d'une indemnité pour tort moral de CHF 800.- avec intérêts à 5 % dès le 2 mars 2013.

La violence de son agression ressortait aussi bien de l'ordonnance du Ministère public que du jugement du Tribunal de police. L'attestation de la psychologue en faisait également état et cet évènement avait fait l'objet de deux articles dans la presse. Le recourant souffrait encore de graves problèmes dentaires et, au niveau psychologique, avait été très perturbé suite au choc de l'agression. La reprise de son travail au bout d'une semaine ne minimisait en rien l'impact qu'avait eu cet évènement sur lui, contrairement à ce que semblait soutenir l'instance LAVI, en témoignait notamment la nécessité d'un suivi psychologique de plus de trois mois. Sa vie privée et professionnelle en avait été profondément affectée. L'atteinte à son intégrité physique et psychique présentant une gravité considérable devait être qualifiée de durable.

L'indemnité requise était justifiée par un jugement du Tribunal de police et limitée à un montant raisonnable. Toutefois, la prime de risque qu'il percevait en sus de son salaire ne saurait couvrir une agression aussi violente. Cet évènement avait par ailleurs été médiatisé, de sorte qu'il semblait incontestablement dépasser les petits accrochages réguliers et inhérents à la fonction qu'il occupait.

11) Dans ses observations du 18 juin 2015, l'instance LAVI a conclu au rejet du recours. Les arguments de l'intimée seront repris en tant que besoin dans la partie en droit.

12) Le recourant n'ayant pas exercé son droit à la réplique dans le délai qui lui était imparti, la cause a été gardée à juger le 11 août 2015.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. La LAVI est entrée en vigueur le 1er janvier 2009, abrogeant la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 4 octobre 1991 (aLAVI). Selon l’art. 48 let. a LAVI, le droit d’obtenir une indemnité et une réparation morale pour des faits qui se sont déroulés avant l’entrée en vigueur de cette loi, est régi par l’ancien droit. Les délais prévus à l’art. 25 LAVI sont applicables à ce droit pour des faits qui se sont produits moins de deux ans avant l’entrée en vigueur de cette loi.

b. En l’espèce, l'incident litigieux s'est produit en mars 2013. Le nouveau droit est, par conséquent, applicable.

3) a. La LAVI révisée poursuit le même objectif que l'aLAVI, à savoir assurer aux victimes une réparation effective et suffisante dans un délai raisonnable (Message du Conseil fédéral concernant l’aLAVI du 25 avril 1990, FF 1990, Vol. II pp. 909 ss, not. 923 ss ; ATF 134 II 308 consid. 5.5 p. 313 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_571/2011 du 26 juin 2012 consid. 4.2). Elle maintient notamment les trois « piliers » de l'aide aux victimes, soit les conseils, les droits dans la procédure pénale et l'indemnisation, y compris la réparation morale (Message du Conseil fédéral du 9 novembre 2005, FF 2005 6701).

b. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVI, toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle a droit au soutien prévu par la loi. Le troisième alinéa de cette disposition précise que le droit à l'aide aux victimes existe, que l'auteur de l'infraction ait été découvert ou non (let. a), ait eu un comportement fautif ou non (let. b), ait agi intentionnellement ou par négligence (let. c).

c. La reconnaissance de la qualité de victime au sens de la LAVI dépend de savoir, d’une part, si la personne concernée a subi une atteinte à son intégrité physique, psychique ou sexuelle et, d’autre part, si cette atteinte a été directement causée par une infraction au sens du droit pénal suisse. La qualité de victime au sens de la LAVI ne se confond donc pas avec celle de lésé, dès lors que certaines infractions n’entraînent pas d’atteintes - ou pas d'atteintes suffisamment importantes - à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle (ATF 120 Ia 157 consid. 2d).

4) a. Selon l'art. 22 al. 1 LAVI, la victime et ses proches ont droit à une réparation morale lorsque la gravité de l'atteinte le justifie ; les art. 47 et 49 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) s'appliquent par analogie. La réparation morale constitue désormais un droit (Message du Conseil fédéral du 9 novembre 2005, FF 2005 6742).

b. Le système d'indemnisation instauré par la LAVI et financé par la collectivité publique n'en demeure pas moins subsidiaire par rapport aux autres possibilités d'obtenir réparation que la victime possède déjà (art. 4 LAVI ; ATF 131 II 121 consid. 2 p. 124 ; 123 II 425 consid. 4b/bb p. 430). Les prestations versées par des tiers à titre de réparation morale doivent être déduites du montant alloué par l’instance LAVI (art. 23 al. 2 LAVI). La victime doit ainsi rendre vraisemblable qu’elle ne peut rien recevoir de tiers ou qu’elle ne peut en recevoir que des montants insuffisants (ATF 125 II 169 consid. 2cc p. 175).

c. La LAVI prévoit un montant maximum pour les indemnités, arrêté à CHF 70'000.- pour la réparation morale à la victime elle-même (art. 23 let. a LAVI). Le législateur n'a pas voulu assurer à la victime une réparation pleine, entière et inconditionnelle du dommage qu'elle a subi (ATF 131 II 121 consid. 2.2 p. 125 ; 129 II 312 consid. 2.3 p. 315 ; 125 II 169 consid. 2b/aa p. 173). Ce caractère incomplet est particulièrement marqué en ce qui concerne la réparation du tort moral, qui se rapproche d'une allocation ex aequo et bono (arrêt du Tribunal fédéral 1C_48/2011 du 15 juin 2011 consid. 3).

5) a. En tant que telle, l'infraction de lésions corporelles simples, réprimée par l'art. 123 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), est susceptible de fonder la qualité de victime au sens de la LAVI, pour autant que l'atteinte soit d'une certaine gravité (arrêts du Tribunal fédéral 6B_973/2010 du 26 avril 2011 consid. 1.2 ; 6B_149/2009 du 28 mai 2009 consid. 2.2). Il ne suffit ainsi pas que la victime ait subi des désagréments, qu'elle ait eu peur ou qu'elle ait eu quelque mal. La notion de victime ne dépend toutefois pas de la qualification de l'infraction, mais exclusivement de ses effets sur le lésé. Des voies de fait peuvent ainsi suffire à fonder la qualité de victime si elles causent une atteinte notable à l'intégrité psychique du lésé, mais il est aussi possible que des lésions corporelles simples n'entraînent, au contraire, qu'une altération insignifiante de l'intégrité physique et psychique. En définitive, il faut déterminer si, au regard des conséquences de l'infraction en cause, le lésé pouvait légitimement invoquer le besoin de la protection prévue par la loi fédérale (ATF 129 IV 216 consid. 1.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_973/2010 précité consid. 1.2).

b. Il découle par ailleurs d'une interprétation grammaticale et téléologique de l'art. 22 LAVI que le seuil de gravité de l'infraction justifiant une réparation morale est en principe supérieur à celui permettant d'admettre qu'un lésé est une victime. Admettre le contraire reviendrait en effet à vider de tout sens le membre de phrase « lorsque la gravité de l'atteinte le justifie », puisque dans ce cas toute victime aurait nécessairement droit à une réparation morale. Ce point de vue a été adopté par le Tribunal cantonal vaudois et n'a à tout le moins pas été censuré par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_296/2012 du 6 novembre 2012 consid. 3.2).

c. Comme déjà mentionné, l'art. 22 al. 1 LAVI renvoie expressément à l'art. 47 CO. Dans ce cadre, les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent toutefois en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé pour donner droit à une indemnité équitable à titre de réparation morale. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de l'art. 47 CO, figurent une longue période de souffrance et d'incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants (ATF 132 II 117 consid. 2.2.2 p. 119 ;
127 IV 215 consid. 2a p. 216 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.1.1 ; 6B_970/2010 du 23 mai 2011 consid. 1.1.2 ; 4A_373/2007 du 8 janvier 2008 consid. 3.2 non publié in ATF 134 III 97).

d. L’ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité de l’atteinte - ou plus exactement de la gravité de la souffrance ayant résulté de cette atteinte, car celle-ci, quoique grave, peut n’avoir que des répercussions psychiques modestes, suivant les circonstances - et de la possibilité d’adoucir la douleur morale de manière sensible, par le versement d’une somme d’argent (ATF 137 III 303 consid. 2.2.2 ; 129 IV 22 consid. 7.2 ; 115 II 158 consid. 2 et les références citées ; Heinz REY, Ausservertragliches Haftpflichtrecht, 4ème éd., 2008, n. 442 ss). Sa détermination relève du pouvoir d’appréciation du juge
(ATF 137 III 303 consid. 2.2.2 ; 117 II 60 ; 116 II 299 consid. 5a). Le fait que la victime ne se soit pas soumise à un traitement médical ne veut pas dire que l'agression n'a pas eu de conséquences importantes pour elle (ATA M. du 30 mai 1995, cité in Valérie MONTANI/Olivier BINDSCHEDLER, La jurisprudence rendue en 1995 par le Tribunal administratif et le Conseil d'État genevois, SJ 1997 17-45, p. 22 s. n. 23). Il est nécessaire de préciser l'ensemble des circonstances et de s'attacher surtout aux souffrances ayant résulté de l'atteinte. Les souffrances psychologiques résultant de l'agression, tel le sentiment d'insécurité ou la perte de confiance en soi, ne doivent pas être négligées (ATA/118/2002 du 26 février 2002 consid. 7).

e. Cependant, le Tribunal fédéral a récemment confirmé (arrêt non publié 1C_509/2014 du 1er mai 2015) une ordonnance d'indemnisation LAVI refusant l'octroi d'une indemnité pour tort moral à un fonctionnaire de police qui avait été violemment attaqué par une quarantaine de personnes. Frappé au visage et marqué de manière permanente par une cicatrice au-dessus de la lèvre supérieure, l'atteinte qu'il avait subie n'atteignait toutefois pas le seuil de gravité relativement élevé exigé par l'art. 22 LAVI.

Ainsi, toute lésion corporelle n'ouvre pas le droit à la réparation morale, encore faut-il qu'elle revête une certaine gravité (ATF 125 III 70 consid. 3a p. 74 s. ; 110 II 163 consid. 2c ; arrêt 1A.235/2000 du 21 février 2001 consid. 5b/aa ; également Peter GOMM/Dominik ZEHNTNER, Opferhilfegesetz, Berne 2009, n. 9 art. 22 LAVI ; Alexandre GUYAZ, Le Tort moral en cas d'accident: une mise à jour, in SJ 2013 II p. 215, p. 230; Franz WERRO, Commentaire romand, Code des obligations I [art. 1-529], 2012, n. 2 ad art. 47 CO). Cette exigence est notamment réalisée en cas d'invalidité ou de perte définitive de la fonction d'un organe. En cas d'atteinte passagère, d'autres circonstances peuvent ouvrir le droit à une réparation morale fondée sur l'art. 22 al. 1 LAVI, parmi lesquelles figurent par exemple une longue période de souffrance et d'incapacité de travail, une période d'hospitalisation de plusieurs mois, de même qu'un préjudice psychique important tel qu'un état de stress post-traumatique conduisant à un changement durable de la personnalité (arrêt du tribunal fédéral 1C_509/2014 du 1er mai 2015 précité, consid. 2.1, cf. arrêts 1A.235/2000 précité consid. 5b/aa ; 1C_296/2012 précité consid. 3.2.2 ; voir également Peter GOMM/Dominik ZEHNTNER, op. cit., n. 9 art. 22 LAVI; Alexandre GUYAZ, op. cit., p. 230).

6) En l'espèce, le recourant se prévaut d'une atteinte grave et durable justifiant l'octroi d'une indemnité pour tort moral.

D'après le certificat médical du Dr C______ et l'attestation de Mme D______, M. A______ a subi une atteinte à son intégrité physique et morale, fait d'ailleurs non contesté par l'instance LAVI.

Au vu des principes jurisprudentiels développés ci-dessus, il s'agit dès lors de déterminer si la gravité de l'atteinte subie justifiait l'octroi d'une indemnité pour tort moral.

Il ressort des éléments du dossier et notamment de l'audition du recourant devant l'instance LAVI, que vingt-deux mois après son agression, M. A______ souffrait encore de l'état de ses dents, mais qu'il n'avait aucune autre séquelle physique. En conséquence, l'atteinte à son intégrité physique n'étant pas comparable à une invalidité ou à la perte définitive d'un organe, elle n'atteint pas le seuil de gravité requis par l'art. 22 LAVI.

Sur le plan psychologique, il a été suivi par une psychologue pendant trois mois et a eu une semaine d'arrêt de travail. Il lui a été difficile de reprendre ses fonctions. Il a déclaré que ses relations familiales, amicales et professionnelles avaient été profondément affectées pendant plusieurs mois. Par ailleurs, il a également ajouté qu'il allait mieux maintenant et qu'il souhaitait être reconnu comme victime LAVI afin d'être indemnisé pour tort moral le plus rapidement possible.

Compte tenu de la jurisprudence précitée, il convient d'admettre qu'il s'agit d'un cas d'atteinte passagère et que les circonstances ouvrant droit à une réparation morale fondée sur la LAVI ne sont pas réunies, en ce que le recourant ne justifie notamment pas d’une atteinte comparable à une longue période de souffrance avec incapacité de travail, une période d'hospitalisation de plusieurs mois ou d'un préjudice psychique caractérisé par un changement durable de la personnalité.

Ni la violence de l'agression alléguée par le recourant, ni la médiatisation de l'affaire ne sont de nature à modifier cette conclusion, n'ayant pas d'incidences déterminantes sur la gravité de l'atteinte subie.

En conclusion, force est de constater que la gravité de l'atteinte à l'intégrité psychique et physique du recourant n'était pas suffisante pour fonder un droit à une indemnité en application de la LAVI. C'est donc à juste titre que l'intimée a refusé le droit à la réparation morale au sens de la LAVI.

Point n'est en conséquence besoin d'analyser le rôle de l'indemnité mensuelle perçue par le recourant en sus de son salaire.

7) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision de refus d'indemnisation de l'instance LAVI du 14 avril 2015 confirmée.

Aucun émolument ne sera mis à charge du recourant, la procédure étant gratuite (art. 30 al. 1 LAVI). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 mai 2015 par Monsieur A______ contre la décision de l'instance d'indemnisation LAVI du 14 avril 2015 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'à l'instance d'indemnisation LAVI et à l’office fédéral de la justice.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :