Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4285/2017

ATA/1517/2017 du 21.11.2017 sur JTAPI/1145/2017 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4285/2017-MC ATA/1517/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 novembre 2017

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Yann Arnold, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 octobre 2017 (JTAPI/1145/2017)


EN FAIT

1) En date du 3 janvier 2013, Monsieur A______, né le ______ 1981, originaire d'Algérie, célibataire et sans domicile fixe, est entré illégalement en Suisse.

2) Le 15 septembre 2013, M. A______ a déposé une demande d'asile.

3) Par décision du 26 juin 2014, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une non-entrée en matière sur ladite demande, le renvoi de Suisse de l’intéressé et l’exécution de cette mesure.

4) Depuis 2013, M. A______ a fait l’objet des condamnations pénales suivantes par le Ministère public du canton de Genève :

- le 5 mars 2013, une peine pécuniaire de nonante jours-amende pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), ainsi que pour infraction à l’art. 186 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; violation de domicile), pour être entré le même jour dans un foyer de l’Hospice général malgré une interdiction d’entrée dans tous les foyers de ce dernier ;

- le 12 avril 2013, une peine privative de liberté de quatre mois pour vol
(art. 139 ch. 1 CP), dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), violation de domicile et infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEtr ;

- le 22 mai 2013, une peine privative de liberté de six mois pour vol, dommages à la propriété et violation de domicile ;

- le 1er juillet 2013, une peine privative de liberté de trente jours pour vol, dommages à la propriété et violation de domicile ;

- le 18 mars 2014, une peine privative de liberté de six mois pour dommages à la propriété et violation de domicile ;

- le 17 septembre 2014, une peine privative de liberté de six mois pour trois vols d’objet d’une valeur approximative de CHF 5'000.-, CHF 20'000.- et
CHF 10'000.-, dommages à la propriété, violation de domicile, infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr, avec révocation de la libération conditionnelle dont il avait précédemment bénéficié ;

- le 11 octobre 2015, une peine privative de liberté de soixante jours pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr ;

- le 20 janvier 2016, une peine privative de liberté de nonante jours pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr.

5) Le 23 juillet 2015, les autorités algériennes, ayant reconnu M. A______ comme étant un ressortissant algérien, lui ont délivré un laissez-passer limité au 13 août 2015.

6) Le 13 août 2015, à sa sortie de prison, M. A______ s'est opposé à son renvoi par avion à destination de l'Algérie.

Il a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public du
14 août 2015 à une peine privative de liberté de soixante jours pour empêchement d’accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP).

7) Le 6 juin 2016, M. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon aux fins d'y purger les peines privatives de liberté qui lui avaient été infligées par le Ministère public en date des 11 octobre 2015 et 20 janvier 2016.

8) Le 14 juillet 2016, l'OCPM a demandé à la police d'exécuter le renvoi de
M. A______ à destination de l'Algérie.

9) Le 31 octobre 2016, M. A______ a été libéré par les autorités judiciaires et mis à disposition des services de police en vue de l'exécution de son refoulement.

10) Le même jour, à 16h35, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois.

11) Entendu le 3 novembre 2016 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), M. A______ a déclaré qu'il n'était pas d'accord de retourner en Algérie, sauf si une solution pour payer ses dettes était trouvée. Il était en situation illégale en Suisse et estimait que c'était aux autorités suisses de payer ses dettes. Il n'avait pas de domicile à Genève, pas de sources de revenus et n'avait jamais entrepris la moindre démarche en vue de repartir en Algérie par ses propres moyens. Il craignait que les personnes à qui il devait de l'argent s'en prennent à lui s'il retournait en Algérie.

12) Par jugement du 3 novembre 2016, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative précité pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 12 décembre 2016, ordre confirmé par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 23 novembre 2016 (ATA/997/2016).

13) Le 21 novembre 2016, M. A______ a refusé de monter à bord du vol sur lequel une place lui était réservée avec escorte policière et s’est opposé physiquement à son renvoi à destination d’Alger.

14) Le 22 novembre 2016, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention pour insoumission à l’encontre de M. A______ pour une durée d’un mois, ordre confirmé par jugement du TAPI du 24 novembre 2016 et arrêt de la chambre administrative du 14 décembre 2016 (ATA/1053/2016).

15) La détention administrative pour insoumission a été prolongée jusqu’au 22 février 2017 selon jugement du 20 décembre 2016 du TAPI (JTAPI/1349/2016).

16) a. Le 11 janvier 2017, M. A______ a été placé en détention provisoire et écroué à la prison de Champ-Dollon après avoir mis le feu à sa cellule à l’établissement de Frambois et endommagé celle-ci.

b. Par arrêt du 5 juillet 2017, la chambre pénale d’appel et de révision a confirmé le jugement du Tribunal de police du 5 avril 2017, à savoir que M. A______ était reconnu coupable de dommages à la propriété et condamné à une peine privative de liberté de six mois, sous déduction de quatre-vingt-cinq jours de détention avant jugement. Il a ordonné l’expulsion de Suisse de M. A______ pour une durée de cinq ans.

17) Le 7 octobre 2017, M. A______ a été libéré par les autorités judiciaires et remis entre les mains des services de police.

18) Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative pour insoumission à l’encontre de M. A______ pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 7 novembre 2017, ordre confirmé par le TAPI par jugement du 9 octobre 2017.

19) Le 25 octobre 2017, M. A______ a refusé de quitter l’établissement de détention administrative pour se rendre à un entretien prévu au vieil hôtel de police (ci-après : VHP) avec un collaborateur de l’OCPM.

20) Le 26 octobre 2017, l’OCPM a saisi le TAPI d’une demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 7 janvier 2018.

21) Par jugement du 31 octobre 2017, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ jusqu’au 7 janvier 2018.

22) Par acte du 10 novembre 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre ledit jugement. Il a conclu à l’annulation de celui-ci et à sa mise en liberté immédiate sous suite de « frais et dépens ».

Depuis le 6 juin 2016, soit presque un an et demi, il était détenu sans discontinuité, certes pas exclusivement dans le cas d’une détention administrative. Ni la détention pénale, ni celle administrative, en particulier pour insoumission, ne l’avaient amené à dévier de sa position marquée de refuser son renvoi. Cela résultait en particulier des déclarations et/ou comportements suivants :

-          le 13 août 2015 : il s’opposait à son renvoi par un vol de ligne ;

-          le 31 octobre 2015 : il déclarait s’opposer à son renvoi ;

-          le 3 novembre 2016 : il déclarait s’opposer à son renvoi ;

-          le 21 novembre 2016 : il s’opposait à son renvoi par un vol avec escorte ;

-          le 22 novembre 2016 : il déclarait s’opposer à son renvoi ;

-          le 9 décembre 2016 : il déclarait s’opposer à son renvoi ;

-          le 7 octobre 2017 : il déclarait s’opposer à son renvoi ;

-          le 25 octobre 2017 : il refusait de se présenter à un entretien avec l’OCPM.

Selon l’art. 15 § 4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, reprise par la Suisse dans le cadre du développement de l’acquis de Schengen (Directive sur le retour - RO 2010 5925), lorsqu’il apparaissait qu’il n’existait plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordres juridiques ou autres, ou que les conditions énoncées au § 1 n’étaient plus réunies, la détention ne se justifiait plus et la personne concernée était immédiatement remise en liberté. Selon les garanties conventionnelles prévues par les art. 5 § 1 let. b et f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), la détention qui en découlait ne devait pas revêtir un caractère punitif vu que la durée de cette mesure ne devait pas excéder le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi. À cela s’ajoutaient les garanties de l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) selon lesquelles toute personne devait bénéficier de l’égalité de traitement et ne pas subir de discrimination du fait notamment de son origine.

Dans son arrêt du 14 décembre 2016, la chambre de céans avait considéré que la décision de renvoi le concernant ne pouvait pas être exécutée en raison de son comportement. Or, ledit comportement n’avait pas évolué.

Dès lors que la détention pour insoumission visait à faire changer d’attitude l’étranger non-collaborant, cette mesure, et plus singulièrement son but, avaient un caractère punitif, ce qui était en contradiction avec les garanties conventionnelles. La question se posait par ailleurs de savoir si la pression psychologique qui lui était imposée, dans le cadre d’une situation où l’État d’origine opposait un refus catégorique au renvoi par vol spécial, n’était pas contraire aux garanties conventionnelles. Par ailleurs, la détention pour insoumission des ressortissants algériens générait une inégalité de traitement par rapport à des étrangers ressortissants d’autres pays qui pouvaient néanmoins être renvoyés par vol spécial.

Même dans l’hypothèse qui confinait à l’inimaginable, à savoir qu’il change son comportement et accepte son renvoi, il n’était pas assuré que les autorités algériennes acceptent à nouveau de lui délivrer un laissez-passer, celui octroyé le 23 juillet 2015 ayant été assorti d’une durée temporelle limitée à trois semaines. Par ailleurs, l’examen de la proportionnalité sous l’angle du sous principe de l’aptitude, devait retenir que 78 % des cas la détention pour insoumission ne permettaient pas d’atteindre l’objectif fixé, à savoir le renvoi effectif de l’étranger. Enfin, sans nier la gravité des infractions commises jusqu’au 17 septembre 2014, seules des infractions de peu de gravité étaient intervenues depuis lors.

L’aspect punitif de la mesure de détention dont il faisait l’objet, l’absence de perspectives de renvoi et l’inadéquation en termes de statistiques de la détention pour insoumission au regard du but poursuivi l’amenaient à considérer que sa détention violait le principe de la proportionnalité.

23) Par observations du 16 novembre 2017, l’OCPM a conclu au rejet du recours. Ses arguments seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

Il produisait en annexe une confirmation du SEM selon laquelle M. A______ avait été reconnu par les autorités algériennes le 14 novembre 2014. Celles-ci étaient dès lors disposées à établir un document de voyage supplétif en tout temps moyennant un préavis de trois semaines.

24) Par réplique du 20 novembre 2017, le recourant a persisté dans ses conclusions.

25) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté le 10 novembre 2017 contre le jugement du TAPI prononcé et communiqué aux parties le 31 octobre 2017, le recours l'a été en temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 13 novembre 2017 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 107) et de l'art. 31 Cst., ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale.

5) a. Selon l'art. 78 al. 1 LEtr, si l'étranger n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision entrée en force de renvoi ou d'expulsion au sens de la LEtr ou la décision entrée en force d’expulsion au sens des art. 66 a ou 66abis CP ou 49a ou 49abis du code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM - RS 321.0) ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention afin de garantir qu'il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne soient pas remplies et qu'il n'existe pas d'autre mesure moins contraignante permettant d’atteindre l'objectif visé.

b. Selon la jurisprudence, le but de la détention pour insoumission est de pousser un étranger, tenu de quitter la Suisse, à changer de comportement, lorsqu’à l’échéance du délai de départ, l’exécution de la décision de renvoi, entrée en force, ne peut être assurée sans la coopération de celui-ci malgré les efforts des autorités (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 106 et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_538/2010 du 19 juillet 2010). La détention pour insoumission constitue une ultima ratio, dans la mesure où il n’existe plus d’autres mesures permettant d’aboutir à ce que l’étranger se trouvant illégalement en Suisse puisse être renvoyé dans son pays. La prise d’une telle mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, ce qui suppose d’examiner l’ensemble des circonstances pour déterminer si elle apparaît appropriée et nécessaire. Le seul refus explicite de collaborer de la personne concernée ne constitue qu’un indice parmi d’autres éléments à prendre en considération dans cette appréciation (ATF 135 II 105 et la jurisprudence citée ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 ; 2C_538/2010 précité ; ATA/349/2013 du 4 juin 2013 ; ATA/512/2011 du 16 août 2011, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_624/2011 du 12 septembre 2011). Ainsi, le comportement de l'intéressé, la possibilité qui lui est offerte de mettre concrètement lui-même fin à sa détention s'il coopère, ses relations familiales ou le fait qu'en raison de son âge, son état de santé ou son sexe, il mérite une protection particulière, peuvent aussi jouer un rôle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 consid. 3.1 ; 2C_624/2011 précité consid. 2.1).

c. La cause pour l'inexécution du renvoi ou de l'expulsion doit résider dans le comportement de l'étranger. Cela peut être son manque de collaboration ou son refus de quitter sans force le pays (Gregor CHATTON/Laurent MERZ in Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations – vol. II : LEtr, Berne, 2017, p. 834).

d. Conformément à l'art. 78 al. 6 LEtr, la détention pour insoumission est levée dans les cas suivants : un départ de Suisse volontaire et dans les délais prescrits n'est pas possible, bien que l'étranger se soit soumis à l'obligation de collaborer avec les autorités (let. a), le départ de Suisse a lieu dans les délais prescrits (let. b), la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion est ordonnée (let. c), une demande de levée de la détention est déposée et approuvée (let. d).

e. Contrairement à l’art. 76 LEtr et, partiellement, à l’art. 77 LEtr, il est nécessaire, pour la mise en détention en vertu de l’art. 78 LEtr, que la décision de renvoi ou d’expulsion soit entrée en force et pas seulement exécutoire (Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., p. 833).

6) En l’espèce, le TAPI et la chambre de céans ont déjà retenu que le recourant a fait l'objet d'une décision de renvoi le 26 juin 2014. Il n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit. Les autorités helvétiques ont, par deux fois, organisé des vols à destination d’Alger, les 13 août 2015 et 21 novembre 2016. L’intéressé s’est opposé physiquement à son renvoi. Compte tenu de l’impossibilité d’effectuer un vol spécial pour Alger, l'exécution de la décision de renvoi entrée en force ne peut être assurée qu’avec la coopération de l'étranger, malgré les efforts des autorités suisses. La décision exécutoire de renvoi du recourant ne peut en conséquence pas être exécutée en raison du comportement de celui-ci.

Le principe de la détention pour insoumission est conforme à la loi.

7) Le recourant se plaint de la durée de son incarcération, tout en admettant qu’elle n’est pas qu’administrative, ainsi que d’une violation du principe de la proportionnalité.

a. La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude – exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

À teneur de l’art. 76 al. 4 LEtr, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder.

Aux termes de l’art. 79 LEtr, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 ne peuvent excéder six mois au total (al. 1) ; la durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus et, pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans, de six mois au plus, dans les cas suivants : a. la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente ; b. l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (al. 2).

b. Effectivement détenu depuis le 6 juin 2016, seuls deux mois et demi, entre le 31 octobre 2016 et le 11 janvier 2017, puis un mois et demi, à savoir depuis le 7 octobre 2017, concernent de la détention administrative, soit environ quatre mois au total. Par ailleurs, le recourant n’a été placé en détention pour insoumission qu’à compter du 22 novembre 2016, après avoir refusé de prendre place sur un vol à destination d’Alger. En conséquence si l’intéressé se trouve depuis bientôt dix-huit mois en prison, il s’agit pour quatorze, de détention pénale et seulement pour trois mois environ de détention administrative au motif de l’insoumission.

Compte tenu de l’attitude du recourant, de ses déclarations constantes refusant son retour vers l’Algérie, de son obstruction physique à son renvoi, aucune mesure moins incisive n’est apte à l’inciter à partir de son propre gré. La détention pour insoumission respecte le principe de la proportionnalité. Le taux de 78% d’échec de la mesure dont le recourant tente de tirer argument, n’est pas pertinent. De surcroît, l’intimé, à juste titre, rappelle la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle « il apparaît paradoxal qu’un détenu puisse être libéré parce qu’il continue de remplir la condition justifiant sa détention sur la base de l’art. 78 LEtr » (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2013 du 14 novembre 2013, consid. 3.4.5).

En conséquence, au vu des principes rappelés ci-dessus, la détention pour insoumission reste proportionnée, respecte la durée admissible en vertu de l’art. 79 LEtr, et remplit par conséquent les conditions matérielles de l’art. 78 al. 1 LEtr.

8) Le recourant invoque une non-conformité de la détention pour insoumission à des normes conventionnelles.

Or, la LEtr a été adaptée pour tenir compte de la directive sur le retour. Aujourd’hui, « le texte de la loi suisse apparaît conforme à cette directive » (Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., p. 753).

Par ailleurs, le recourant se trompe lorsqu’il retient un caractère punitif à la détention pour insoumission. Celle-ci a un caractère incitatif pour faire changer le détenu de comportement. À juste titre, l’intimé relève que, soumise à des contrôles réguliers, elle s’oppose au prononcé d’une sanction, examinée une seule fois. La détention pour insoumission peut être levée par la collaboration du détenu. Elle n’est en conséquence pas contraire à l’art. 5 CEDH et à la CST.

Le grief tiré de la violation de dispositions conventionnelles est infondé.

9) Le recourant se plaint d’une inégalité de traitement.

a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 142 V 316 consid. 6.1.1 ; 138 V 176 consid. 8.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_774/2014 du 21 juillet 2017 consid. 9.1 ; 2C_66/2015 du 13 septembre 2016 consid. 6.1 ; 8C_779/2015 du 8 août 2016 consid. 9.2 ; 1C_564/2015 du 2 juin 2016 consid. 3.1 ; ATA/610/2017 du 30 mai 2017 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, 2003, p. 260 ss).

b. En l’espèce, on peine à comprendre de quelle inégalité de traitement le recourant entend se prévaloir, ce d’autant plus qu’il se trompe lorsqu’il affirme qu’aucun renvoi forcé n’est possible. Le Tribunal fédéral a récemment rappelé que si l'Algérie n'acceptait effectivement pas le rapatriement de ses ressortissants par des vols spéciaux, les renvois sous la contrainte à destination de ce pays pouvaient être effectués sur des vols de ligne (arrêt du Tribunal fédéral 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.4 et les références citées ; ATA/1174/2017 du 8 août 2017 consid. 8b).

Peu détaillé, ce grief sera écarté.

10) L’argument de l’absence de laissez-passer tombe à faux au vu de la pièce produite par l’intimé.

L’absence de commission de nouvelle infraction est sans pertinence, d’autant moins que le recourant a mis le feu, il y a moins d’une année, à sa cellule à Frambois.

11) Entièrement mal fondé, le recours sera donc rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 novembre 2017 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 octobre 2017 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yann Arnold, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :