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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2258/2011

ATA/512/2011 du 16.08.2011 sur JTAPI/819/2011 ( MC ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.08.2011, rendu le 12.09.2011, REJETE, 2C_624/2011
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2258/2011-MC ATA/512/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 août 2011

en section

 

dans la cause

 

Monsieur P______
représenté par Me Andreas Von Flüe, avocat

contre

OFFICIER DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 juillet 2011 (JTAPI/819/2011)


EN FAIT

1. Monsieur P______, né le ______ 1982, ressortissant de la République démocratique du Congo (ci-après : RDC), est titulaire d’un passeport congolais venu à échéance le 15 février 2005.

2. Il est en Suisse depuis 2002, où il est arrivé avec un permis d’étudiant. Cette autorisation de séjour n’a pas été renouvelée en 2005.

3. Entre 2005 et 2010, l’intéressé a été condamné à six reprises pour des infractions à loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), la dernière fois à vingt jours de peine privative de liberté en date du 28 octobre 2010.

4. En outre, il a fait l’objet de la part de l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM) de deux mesures d’interdiction d’entrée en Suisse consécutives, l’une prononcée le 7 juillet 2006, notifiée le 22 juillet 2006, pour une durée de trois ans, l’autre le 29 octobre 2008 pour une durée similaire. Cette dernière lui a été notifiée le 4 décembre 2008 et elle est en force.

5. Le 27 octobre 2010, l’office cantonal de la population (ci-après : OCP) a prononcé le renvoi de Suisse de M. P______. Cette décision était exécutoire nonobstant recours. L’intéressé n’a pas interjeté recours contre cette décision.

6. M. P______ ayant déclaré à la police chargée de l’exécution son renvoi qu’il refuserait de rentrer volontairement dans son pays d’origine, il a été placé en détention administrative par l’officier de police pour une durée de trois mois dès sa sortie de prison le 27 janvier 2011. L’ordre de mise en détention était fondé sur l’art. 75 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. g LEtr, ainsi que l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr. Le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé le bien-fondé de cette mesure le 7 février 2011. Par arrêt du 16 février 2011, la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté un recours de l’intéressé (ATA/118/2011). Ce dernier a recouru auprès du Tribunal fédéral qui a déclaré ledit recours irrecevable par arrêt du 23 mars 2011 (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_256/2011).

7. Le 4 février 2011, l’intéressé a déposé une demande d’asile auprès de l’ODM. De ce fait, la chambre de céans avait, dans l’ATA/118/2011 précité, considéré que M. P______ pouvait également être détenu en vertu de l’art. 75 al. 1 let. f. LEtr.

8. Le 7 mars 2011, l’ODM a refusé d’entrer en matière sur la demande d’asile et a ordonné le renvoi de Suisse de l’intéressé, qui devait avoir quitté la Suisse le jour suivant l’entrée en force de cette décision. M. P______ n’a pas recouru contre cette dernière.

9. Le 9 mars 2011, M. P______ a formé auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) une demande de mise en liberté. Il craignait, s’il était renvoyé dans son pays, de subir des persécutions du fait de son origine et de la part de ses créanciers en raison de ses dettes. Le 10 mars 2011, le TAPI a rejeté cette requête. L’intéressé n’avait pas établi la réalité des persécutions qu’il alléguait, son renvoi était possible et il devait être maintenu en détention.

10. Le 19 avril 2011, l’OCP a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. P______ pour une durée de trois mois. Ce dernier avait été reconnu par une délégation des autorités de RDC comme ressortissant de ce pays mais elles avaient besoin d’un délai pour traiter le dossier et délivrer le laissez-passer. Les conditions qui permettaient le maintien de l’intéressé en détention administrative étaient réalisées.

11. M. P______ a été entendu par le TAPI le 21 avril 2011. Il a maintenu son refus de rentrer en RDC, craignant pour son intégrité corporelle. Il avait de plus un problème médical au genou qui nécessitait une prise en charge chirurgicale. Le TAPI a prolongé la détention administrative pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 26 juillet 2011. La chambre administrative a confirmé ce jugement par arrêt du 12 mai 2011 (ATA/296/2011).

12. Le 14 juin 2011, l’ambassade de la RDC a délivré un laissez-passer au nom de l’intéressé, valable trois mois après son entrée dans ce pays.

13. Le 28 juin 2011, l’ODM a informé les autorités cantonales de police des étrangers qu’en raison des élections prévues en RDC cet automne, il n’y aurait pas de vols spéciaux en direction de ce pays avant le printemps 2012.

14. Le 6 juillet 2011, M. P______ s’est opposé physiquement à monter dans l’avion en partance pour Kinshasa.

15. Le 26 juillet 2011, au terme de la période de détention en vue du renvoi autorisé, l’officier de police a avisé M. P______ qu’il entendait le placer en détention administrative pour insoumission pour une durée d’un mois en vertu de l’art. 78 al. 1 LEtr. L’intéressé a pris acte de ses droits et a confirmé qu’il refusait de rentrer en RDC.

16. Le 28 juillet 2011, M. P______ a été entendu par le TAPI pour le contrôle de l’ordre de mise en détention. Il a répété qu’il refusait de rentrer dans son pays d’origine en raison du danger qu’il y courait. Il devait USD 30'000.- à des tiers et craignait la réaction de ses créanciers. Il voulait rester en Suisse pour y poursuivre ses études.

17. Par jugement du même jour, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention pour insoumission. Les conditions de l’art. 78 al. 1 LEtr étaient réalisées. En effet, le but de la détention pour insoumission était de pousser un étranger tenu de quitter la Suisse à changer de comportement et à coopérer dès lors que cette coopération était nécessaire. En l’occurence, M. P______ avait fait l’objet d’une mesure de renvoi définitive et exécutoire. Il refusait d’obtempérer à l’injonction de quitter la Suisse et n’avait respecté aucune des mesures administratives qui lui avaient été notifiées depuis son arrivée en Suisse. Il avait refusé de coopérer avec les autorités suisses pour permettre l’exécution de la décision de renvoi. Le fait que les vols spéciaux à destination de RDC ne puissent être organisés en 2011 ne constituait pas un motif empêchant un maintien en détention fondé sur l’art. 78 al. 1 LEtr.

18. Par pli posté le 5 août et reçu le 8 août 2011, M. P______ a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité. Dès lors que le prochain vol spécial ne pourrait être mis sur pied avant neuf mois, il ne pouvait être maintenu en détention pour insoumission. Cela impliquerait que sa mise en détention administrative se poursuive pendant une durée de seize mois, ce qui était disproportionné et contraire au principe de subsidiarité inhérent à l’art. 78 LEtr. En effet, la détention pour insoumission ne devait être que l’ultima ratio. M. P______ demandait à être libéré et attribué à un foyer dans lequel les autorités en charge du renvoi pourraient aisément le retrouver le moment venu. Cela lui permettrait de résoudre également ses problèmes de santé.

19. Le 9 août 2011, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

20. Le 15 août 2011, l’autorité intimée a conclu au rejet du recours. Le recourant se méprenait en invoquant des principes tirés de la détention avant renvoi dans le cadre d’une mise en détention pour insoumission. Les conditions de l’art. 78 al. 1 LEtr étaient réalisées dès lors, qu’uniquement en raison de l’opposition manifestée par l’intéressé, l’officier de police avait été contraint de prendre la décision querellée. Quant à la durée de la mesure, elle était conforme à la loi et proportionnée.

21. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Posté le 5 août 2011 à l’attention de la chambre administrative contre un jugement du TAPI réceptionné le 28 juillet 2011, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative statue dans les dix jours suivant sa saisine. Ayant reçu le recours le 8 août 2011 et statuant ce jour, la chambre de céans a respecté ce délai.

3. a. Aux termes de l’art. 78 al. 1 LEtr, si l’étranger n’a pas obtempéré à l’injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision exécutoire de renvoi ou l’expulsion ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention afin de garantir qu’il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de sa détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ne soient pas remplies et qu’il n’existe pas d’autre mesure moins contraignante susceptible de conduire à l’objectif visé.

b. Selon la jurisprudence rendue en la matière, le but de la détention pour insoumission est de pousser un étranger tenu de quitter la Suisse à changer de comportement, lorsqu’à l’échéance du délai de départ, l’exécution de la décision de renvoi entrée en force ne peut être assurée sans la coopération de celui-ci malgré les efforts des autorités (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 106 et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_538/2010 du 19 juillet 2010). La détention pour insoumission constitue une ultima ratio, dans la mesure où il n’existe plus d’autres mesures permettant d’aboutir à ce que l’étranger se trouvant illégalement en Suisse puisse être renvoyé dans son pays. La prise d’une telle mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, ce qui suppose d’examiner l’ensemble des circonstances pour déterminer si elle apparaît appropriée et nécessaire. Le seul refus explicite de collaborer de la personne concernée ne constitue qu’un indice parmi d’autres éléments à prendre en considération dans cette appréciation (ATF 135 II 105 et la jurisprudence citée ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_538/2010 précité).

4. En l’occurrence, M. P______ fait l’objet d’une mesure de renvoi de Suisse exécutoire depuis le 27 octobre 2010, par deux fois confirmée par la chambre de céans. Depuis cette date, il refuse délibérément d’obtempérer à l’injonction qui lui est faite de quitter la Suisse, espérant pouvoir y rester par cette opposition, ce qui est vain. Malgré son manque total de coopération, les autorités de police des étrangers chargées du renvoi ont obtenu un laissez-passer lui permettant de rentrer dans son pays d’origine. Cela ne l’a pas empêché de maintenir son opposition et, le 6 juillet 2011 encore, il a délibérément refusé de prendre place à bord de l’avion qui devait lui permettre de rentrer dans son pays d’origine, seule destination où il peut se rendre.

Le 28 juin 2011, l’ODM a averti l’OCP qu’aucun vol spécial ne pourrait plus être organisé jusqu’au printemps 2012 à destination de la RDC et ce dernier a renoncé à maintenir le recourant en détention en vue du renvoi. Celui-ci ne peut cependant en tirer aucun motif pour obtenir la levée de la nouvelle mesure privative de liberté prise contre lui. En effet, cette circonstance - indépendante de la volonté des autorités suisses - ne signifie pas que le renvoi du recourant ne serait plus possible au sens de l’art. 80 al. 1 LEtr, mais qu’il ne l’est pas sans la coopération du recourant, puisqu’il lui serait loisible, étant au bénéfice d’un laissez-passer, de prendre volontairement un avion pour son pays d’origine. En refusant dans ce contexte d’obtempérer à la décision de renvoi de l’autorité administrative, le recourant s’est placé en situation d’insoumission au sens de l’art. 78 al. 1 LEtr. L’officier de police, dès lors qu’il y a lieu de tout entreprendre pour assurer l’exécution de l’ordre de départ de l’intéressé, était fondé, à l’issue de la période de détention en vue du renvoi, à placer celui-là en détention pour ce motif. Le délai maximal de dix-huit mois de détention prévu par l’art. 79 al. 1 et 2 let. a LEtr n’est en effet pas dépassé, la détention en vue du renvoi et celle pour insoumission étant à ce jour inférieure à sept mois.

5. Conformément aux art. 5 al. 2 et 36 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) la durée de la privation de liberté doit respecter le principe de la proportionnalité. Tel est le cas en l’espèce et il dépend de la volonté de l’intéressé d’y mettre fin en obtempérant à l’ordre de renvoi.

6. Le recours sera rejeté. La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 août 2011 par Monsieur P______ contre le jugement du 28 juillet 2011 du Tribunal administratif de première instance ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andreas Von Flüe, avocat du recourant, à l’officier de police, à l’office fédéral des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, MM. Thélin et Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste:

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :