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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3985/2016

ATA/1053/2016 du 14.12.2016 sur JTAPI/1221/2016 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3985/2016-MC ATA/1053/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 décembre 2016

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Anna Sergueeva, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 novembre 2016 (JTAPI/1221/2016)


EN FAIT

1. En date du 3 janvier 2013, Monsieur A______, né le ______ 1981, originaire d'Algérie, célibataire et sans domicile fixe, est entré illégalement en Suisse.

2. Le 15 septembre 2013, M. A______ a déposé une demande d'asile.

3. Par décision du 26 juin 2014, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une non-entrée en matière sur ladite demande, le renvoi de Suisse de l’intéressé et l’exécution de cette mesure.

4. Depuis 2013, M. A______ a fait l’objet des condamnations pénales suivantes par le Ministère public du canton de Genève :

- le 5 mars 2013, une peine pécuniaire de nonante jours-amende pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), ainsi que pour infraction à l’art. 186 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; violation de domicile), pour être entré le même jour dans un foyer de l’hospice général malgré une interdiction d’entrée dans tous les foyers de ce dernier ;

- le 12 avril 2013, une peine privative de liberté de quatre mois pour vol
(art. 139 ch. 1 CP), dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), violation de domicile et infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEtr ;

- le 22 mai 2013, une peine privative de liberté de six mois pour vol, dommages à la propriété et violation de domicile ;

- le 1er juillet 2013, une peine privative de liberté de trente jours pour vol, dommages à la propriété et violation de domicile ;

- le 18 mars 2014, une peine privative de liberté de six mois pour dommages à la propriété et violation de domicile ;

- le 17 septembre 2014, une peine privative de liberté de six mois pour trois vols d’objet d’une valeur approximative de CHF 5'000.-, CHF 20'000.- et
CHF 10'000.-, dommages à la propriété, violation de domicile, infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr, avec révocation de la libération conditionnelle dont il avait précédemment bénéficié ;

- le 11 octobre 2015, une peine privative de liberté de soixante jours pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr ;

- le 20 janvier 2016, une peine privative de liberté de nonante jours pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr.

5. Le 23 juillet 2015, les autorités algériennes ayant reconnu M. A______ comme étant un ressortissant algérien, lui ont délivré un laissez-passer limité au 13 août 2015.

6. Le 13 août 2015, à sa sortie de prison, M. A______ s'est opposé à son renvoi à destination de l'Algérie.

Il a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public du
14 août 2015 à une peine privative de liberté de soixante jours pour empêchement d’accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP).

7. Le 6 juin 2016, M. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon aux fins d'y purger les peines privatives de liberté qui lui avaient été infligées par le Ministère public en date des 11 octobre 2015 et 20 janvier 2016.

8. Le 14 juillet 2016, l'OCPM a demandé à la police d'exécuter le renvoi de
M. A______ à destination de l'Algérie.

9. Le 31 octobre 2016, M. A______ a été libéré par les autorités judiciaires et mis à disposition des services de police en vue de l'exécution de son refoulement.

10. Le même jour, à 16h35, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois.

Lors de son audition du même jour par le commissaire de police, dont il a refusé de signer le procès-verbal, M. A______ a déclaré qu’il n’était pas en bonne santé car sortant de prison, mais sans traitement médical, et qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie, sauf si ses dettes étaient payées.

11. Entendu le 3 novembre 2016 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), M. A______ a déclaré qu'il n'était pas d'accord de retourner en Algérie, sauf si une solution pour payer ses dettes était trouvée. Il était en situation illégale en Suisse et estimait que c'était aux autorités suisses de payer ses dettes. Il n'avait pas de domicile à Genève, pas de sources de revenus et n'avait jamais entrepris la moindre démarche en vue de repartir en Algérie par ses propres moyens. Il craignait que les personnes à qui il devait de l'argent s'en prennent à lui s'il retournait en Algérie.

12. Par jugement du 3 novembre 2016, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative précité pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 12 décembre 2016.

13. Un vol, avec escorte policière, pour le refoulement de M. A______ à destination d’Alger était réservé pour le 21 novembre 2016, à 14h, au départ de Genève. Il n’a pas pu se concrétiser, l’intéressé s’étant opposé physiquement à son renvoi.

14. Le 22 novembre 2016, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention pour insoumission à l’encontre de M. A______ pour une durée d’un mois.

15. Par arrêt du 23 novembre 2016, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté par M. A______ (ATA/997/2016) contre le jugement du TAPI du 3 novembre 2016.

16. Par jugement du 24 novembre 2016, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention pour insoumission.

17. Par acte du 5 décembre 2016, M. A______ a interjeté recours contre le jugement précité devant la chambre administrative.

Il a conclu à l’annulation du jugement entrepris, à ce qu’une violation de l’art. 78 LEtr soit constatée et à sa libération immédiate. Subsidiairement, une assignation dans un lieu de résidence, établie en accord avec les parties, pouvait être prononcée à son encontre.

Un retour en Algérie par vol spécial était exclu par l’accord conclu le 3 juin 2006 et entré en vigueur le 26 novembre 2007 entre le Conseil fédéral de la Confédération suisse et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la circulation des personnes. Il était dans l’incapacité de retourner pour l’heure en Algérie dans la mesure où il craignait pour sa sécurité personnelle en raison de dettes. Il était néanmoins désireux de quitter le territoire helvétique dès qu’il aurait la possibilité de recouvrer sa liberté.

Le principe de la proportionnalité était violé. Il n’était pas adéquat qu’il soit placé en détention pour favoriser son départ du territoire suisse. Il ne pouvait entreprendre de démarches pour organiser son départ. D’autres mesures moins incisives étaient envisageables, notamment l’interdiction de pénétrer dans une région déterminée. Enfin, l’intérêt public ne pouvait primer son intérêt à recouvrer la liberté. Sa détention engendrait des coûts étatiques considérables alors même qu’aucun renvoi forcé n’était possible.

18. Par réponse du 8 décembre 2016, le commissaire de police a fait siens les arguments développés dans le jugement querellé et conclu au rejet du recours.

19. Par courrier du 9 décembre 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté le lundi 5 décembre 2016 contre le jugement du TAPI prononcé et communiqué aux parties le 24 novembre 2016, le recours l'a été en temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 6 décembre 2016 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3. La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 107) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012, consid. 2.1).

5. a. Selon l'art. 78 al. 1 LEtr, si l'étranger n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision exécutoire de renvoi ou d'expulsion ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention afin de garantir qu'il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne soient pas remplies et qu'il n'existe pas d'autre mesure moins contraignante susceptible de conduire à l'objectif visé.

b. Selon la jurisprudence, le but de la détention pour insoumission est de pousser un étranger, tenu de quitter la Suisse, à changer de comportement, lorsqu’à l’échéance du délai de départ, l’exécution de la décision de renvoi, entrée en force, ne peut être assurée sans la coopération de celui-ci malgré les efforts des autorités (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 106 et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_538/2010 du 19 juillet 2010). La détention pour insoumission constitue une ultima ratio, dans la mesure où il n’existe plus d’autres mesures permettant d’aboutir à ce que l’étranger se trouvant illégalement en Suisse puisse être renvoyé dans son pays. La prise d’une telle mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, ce qui suppose d’examiner l’ensemble des circonstances pour déterminer si elle apparaît appropriée et nécessaire. Le seul refus explicite de collaborer de la personne concernée ne constitue qu’un indice parmi d’autres éléments à prendre en considération dans cette appréciation (ATF 135 II 105 et la jurisprudence citée ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 ; 2C_538/2010 précité ; ATA/349/2013 du 4 juin 2013 ; ATA/512/2011 du 16 août 2011, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_624/2011 du 12 septembre 2011).

6. La détention peut être ordonnée pour une période d’un mois et prolongée de deux mois en deux mois (art. 78 al. 2 LEtr). Elle doit être levée notamment lorsqu’un départ de Suisse, volontaire et dans le délai prescrit, n’est pas possible malgré la collaboration de l’intéressé (art. 78 al. 6 let. a LEtr ; ATA/581/2011 du 7 septembre 2011).

Aux termes de l'art. 79 al. 1 et al. 2 let. a LEtr, si la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente, la durée maximale de la détention, qui comprend notamment la détention en vue du renvoi et la détention pour insoumission, ne peut excéder au total dix-huit mois.

7. Selon l’Accord entre le Conseil fédéral de la Confédération suisse et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la circulation des personnes conclu le 3 juin 2006, approuvé par l'Assemblée fédérale le 22 juin 2007 et entré en vigueur par échange de notes le 26 novembre 2007 (RS 0.142.111.279), le renvoi de ressortissants algériens par vol spécial n’est pas possible (art. 4 al. 3 et 4).

8. En l'espèce, le recourant a fait l'objet d'une décision de renvoi le 26 juin 2014. Il n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit. Les autorités helvétiques ont, par deux fois, organisé des vols à destination d’Alger, les 13 août 2015 et 21 novembre 2016, auxquels l’intéressé s’est opposé physiquement. Compte tenu de l’impossibilité d’effectuer un vol spécial pour Alger, l'exécution de la décision de renvoi entrée en force ne peut être assurée qu’avec la coopération de l'étranger, malgré les efforts des autorités suisses. La décision exécutoire de renvoi du recourant ne peut en conséquence pas être exécutée en raison du comportement de celui-ci.

Le recourant ayant été placé en détention administrative le 31 octobre 2016 et se trouvant en détention pour insoumission depuis le 22 novembre 2016, la détention pour insoumission prononcée respecte la durée admissible en vertu de l’art. 79 LEtr, et remplit par conséquent les conditions matérielles de l’art. 78 al. 1 LEtr.

9. Le recourant allègue que sa détention viole le principe de la proportionnalité.

Le recourant se plaint notamment d’être empêché d’entreprendre des démarches en vue d’organiser son départ. Toutefois, en l’absence de toute indication sur lesdites démarches et les obstacles rencontrés, cet argument sera écarté. Le recourant n’étant pas en possession de papiers d’identité nationaux et surtout n’étant au bénéfice d’aucune autorisation de résider dans un pays tiers, seul un renvoi vers l’Algérie est possible. Contrairement à ce que soutient le recourant, aucun moyen moins incisif ne permet d’atteindre le but visé, à savoir le respect par l’intéressé de la décision de renvoi et son départ effectif du territoire, celui-ci ayant, à de multiples reprises, affirmé sa volonté de ne pas partir. À ce titre, l’intérêt public au respect de la législation et des décisions de justice prime l’intérêt du recourant à pouvoir conserver sa liberté de mouvement.

Le maintien en détention administrative est dès lors conforme au principe de proportionnalité.

10. Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 décembre 2016 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 novembre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas prélevé d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Anna Sergueeva, avocate du recourant, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : M. Dumartheray, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

D. Dumartheray

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :