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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1841/2015

ATA/1281/2015 du 01.12.2015 ( PRISON ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1841/2015-PRISON ATA/1281/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er décembre 2015

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON

 



EN FAIT

1. M. A______ est incarcéré à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le 12 avril 2015 pour consommation de stupéfiants, conversion d’amendes et violation de domicile.

2. Le 8 mai 2015, une fouille complète et minutieuse a été effectuée dans sa cellule par cinq gardiens.

Selon rapport établi le même jour par le sous-chef et photographies annexées, un appareil aux rayons X a révélé l’existence de quatre boulettes d’une substance illicite (produits stupéfiants) cachées dans un pain. Le gardien-chef adjoint a alors décidé la mise en cellule forte des trois détenus logeant dans la cellule fouillée.

3. Après avoir été entendu le même jour à 18h05 sur sa version des faits par le gardien-chef, M. A______ s’est vu signifier en mains propres, à 18h20, la décision, signée par une personne excusant le directeur de la prison et par le gardien-chef adjoint, consistant à le punir par quatre jours de cellule forte – du
8 mai 2015 à 17h10 au 12 mai 2015 à la même heure – pour possession d’objets prohibés.

4. Par acte reçu le 18 mai 2015 par le directeur de la prison et transmis le
2 juin 2015 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre cette décision.

Il ne savait pas qu’il y avait des objets prohibés dans la cellule où il se trouvait. Devant être transféré le 28 avril 2015 de son ancienne cellule dans une nouvelle cellule, il avait choisi la cellule se trouvant en face, soit la cellule en cause. Il n’avait jamais été en possession d’objet prohibé. Cette situation n’était pas favorable pour la mise au bénéfice d’une libération conditionnelle.

5. Dans sa réponse du 1er juillet 2015, la prison a conclu au rejet du recours « avec suite de frais ».

6. Le recourant ne s’étant pas manifesté dans le délai au 7 août 2015 que la chambre administrative lui avait imparti par courrier du 7 juillet 2015, celle-ci a, par lettre du 20 août 2015, informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

7. Suite à la demande formulée le 27 octobre 2015 par la chambre administrative, la prison l’a informée, le 2 novembre 2015, que la sanction litigieuse avait été communiquée oralement à l’intéressé et signée par le gardien-chef, sur la base d’une délégation de compétence découlant notamment de pièces produites.

8. Par courrier du 4 novembre 2015, la chambre administrative a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

9. À la demande du juge délégué du 11 novembre 2015, la procureure en charge de la procédure pénale P/8137/2015 a, le 13 novembre 2015, transmis à celui-ci son ordonnance du 4 novembre 2015 ordonnant le classement de ladite procédure à l’égard de M. A______ sur la base de l’art. 319 al. 1 let. a du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0).

À teneur de cette ordonnance, les reproches faits à celui-ci d’avoir, à une date indéterminée entre le 22 et le 30 avril 2015, pris un ovule contenant de la cocaïne à l’un de ses deux codétenus, dans le but de vendre cette drogue à d’autre détenus, n’étaient pas établis.

10. Par courrier du 16 novembre 2015 faisant suite à une demande du juge délégué, la prison a indiqué que le recourant allait être libéré le 17 novembre 2015, date de l’exécution du dernier jour de la totalité de sa peine.

11. Pour le reste, les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 60 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 - RRIP - F 1 50.04 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1
let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA -
E 5 10).

2. a. En vertu des art. 47 al. 3 RRIP, le directeur est compétent pour prononcer les sanctions suivantes a) suppression de visite pour quinze jours au plus ;
b) suppression des promenades collectives ; c) suppression d’achat pour quinze jours au plus ; d) suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus ; e) privation de travail ; f) placement en cellule forte pour dix jours au plus, étant précisé que ces sanctions peuvent se cumuler (art. 47 al. 4 RRIP).

Conformément à l’art. 47 RRIP toujours, le directeur peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions prévues à l'al. 3 à d'autres fonctionnaires gradés de la prison jusqu'au grade de sous-chef ; les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service (al. 5) ; le placement d'un détenu en cellule forte pour une durée supérieure à cinq jours est impérativement prononcé par le directeur ou, en son absence, par le directeur adjoint (al. 6) ; l'art. 15 LPA est réservé s'agissant des cas de récusation lors du prononcé de sanctions ; les modalités de récusation sont prévues dans un ordre de service (al. 7).

b. Selon le ch. 3.2.1 de l’ordre de service A 12 du 8 juin 2015 intitulé « Consigne des membres du conseil de direction », le directeur, le directeur adjoint, le gardien-chef principal et les gardiens-chefs assurent, à tour de rôle une consigne hebdomadaire allant du lundi à 7h00 au lundi suivant 7h00. L’annexe 4.1 let. f de l’ordre de service B 24 du 31 juillet 2014 délègue au membre consigné de la direction la compétence du directeur pour prononcer une sanction disciplinaire de placement en cellule forte pour cinq jours au plus.

c. Dans ces conditions, la décision de mise en cellule forte, pour une durée inférieure à cinq jours, rendue par un gardien-chef, a été prononcée par une autorité compétente.

3. a. Aux termes de l'art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39
consid. 2 c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3 ; ATA/759/2012 du 6 novembre 2012 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/146/2009 du 24 mars 2009).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 128 II 34
consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; Hansjörg SEILER, Handkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2007,
n. 33 ad art. 89 LTF p. 365 ; Karl SPUHLER/Annette DOLGE/Dominik VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2006, n. 5 ad art. 89 LTF
p. 167). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 ; 118 Ib 1 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/640/2005 du
27 septembre 2005).

Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 135 I 79 précité ; 131 II 361
consid. 1.2 ; 128 II 34 précité ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/418/2012 du 3 juillet 2012 consid. 2d ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009). Cela étant, l’obligation d’entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l’absence d’un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal
(ATF 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ;
128 II 34 consid. 1b p. 36 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; 6B_34/2009 précité
consid. 1.3).

c. Concernant le placement d'un prisonnier en cellule forte, compte tenu de la brièveté de la sanction, lorsque le recourant est encore en détention au moment du prononcé de l'arrêt, la chambre administrative fait en principe abstraction de l'exigence de l'intérêt actuel, faute de quoi une telle mesure échapperait systématiquement à son contrôle (ATA/510/2014 précité ; ATA/183/2013 du
19 mars 2013 ; ATA/775/2012 du 13 novembre 2012 ; ATA/134/2009 du 17 mars 2009).

4. En l'espèce, le 8 mai 2015, le recourant, alors détenu à la prison, a fait l'objet d'une sanction sous forme d'un placement en cellule forte pour une durée de quatre jours. Cette punition a été immédiatement exécutée.

Il ressort de la procédure que le recourant a été mis en liberté le
17 novembre 2015, après exécution complète de sa sanction. Aucun élément du dossier ne laisse à penser qu'il est susceptible d'être incarcéré à nouveau, et par voie de conséquence d'être encore une fois sanctionné par un placement en cellule forte.

Il n'y a dès lors aucune raison de passer outre l'exigence de l'intérêt actuel (ATA/510/2014 précité ; ATA/441/2013 du 30 juillet 2013 ; ATA/775/2012 précité ; ATA/541/2010 du 4 août 2010, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1B_295/2010 du 14 septembre 2010).

5. Vu ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable.

Vu la nature du litige et son issue, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 18 mai 2015 par M. A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 8 mai 2015 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :