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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1276/2020

ATA/1175/2021 du 02.11.2021 sur JTAPI/443/2021 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 10.12.2021, rendu le 13.12.2021, IRRECEVABLE, 2C_1001/2021
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1276/2020-PE ATA/1175/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 novembre 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______ et ses enfants B______ et C______
représentées par le Centre Social Protestant

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 mai 2021 (JTAPI/443/2021)


EN FAIT

1) Mme A______, née le ______1986, est ressortissante d’D______.

Elle a deux filles de pères différents : B______, née le ______ 2013 à Genève, et C______ née le ______ 2015 à Genève.

2) Le 1er octobre 2015, Mme A______ a déposé plainte à la police contre M. E______, père de C______, ressortissant T______ né le ______ 1984 et titulaire d’une autorisation d’établissement.

Il l’avait frappée à plusieurs reprises entre les mois de novembre 2014 et août 2015. Il l’avait menacée de mort verbalement et par SMS en août et septembre 2015. Il avait également frappé B______ en décembre 2014.

Elle était née en D______ où elle avait suivi l’école obligatoire et n’avait obtenu aucun diplôme. Elle avait quitté l’D______ en 2006 et séjourné un peu plus de deux ans à F______, en G______, où elle avait travaillé en qualité d’employée de maison. En 2009, elle avait suivi son employeur à Genève et n’avait plus quitté la Suisse depuis lors, sauf pour quelques déplacements en France au début de son séjour. Mis à part sa mère, qui vivait toujours en D______, elle n’avait plus de famille.

3) Le 2 octobre 2015, M. E______ a été entendu par la police.

Il n’avait pas commis les agissements dont Mme A______ l’accusait, mis à part les menaces par SMS. Il s’énervait parfois et haussait le ton, mais ne s’était jamais montré violent.

4) Le 6 octobre 2015, la police a établi un rapport d’où il ressort que M. E______ n’a pas été poursuivi pour « faits de lésions corporelles » faute de preuves corroborant les reproches de Mme A______.

5) Le 22 octobre 2015, Mme A______ a formé auprès de l’office cantonal de la population et de migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur pour elle et ses filles et, à défaut, d’admission provisoire.

Elle était arrivée en Suisse en juin 2009 avec la famille G______ au service de laquelle elle travaillait. Elle n’avait malheureusement que très peu de preuves de son séjour en Suisse depuis cette date. À son arrivée à Genève, elle avait travaillé en qualité de garde d’enfants pour différentes familles ainsi que dans un restaurant, pour des salaires mensuels de CHF 1’000.- à CHF 2'000.-.

En septembre 2013, à la naissance d’B______, elle avait perdu son emploi et avait été soutenue par le père de sa fille. Toutefois, celui-ci avait perdu son travail quelques mois plus tard et avait été contraint de quitter la Suisse.

Après le départ de son compagnon, elle avait été hébergée par une amie et avait trouvé un nouveau travail de baby-sitter qui lui procurait un revenu mensuel de CHF 800.-.

Elle avait fréquenté à cette période M. E______ avec lequel elle avait une relation conflictuelle. Il se montrait souvent violent et l’avait quittée quand il avait appris qu’elle était enceinte, fin 2014.

Durant les premiers mois de sa grossesse, elle avait travaillé dans des conditions proches de l’exploitation, soit cinq jours par semaine pour un salaire mensuel de CHF 800.-. Ses revenus ne lui permettaient pas de payer un loyer et elle avait été expulsée du logement qu’elle sous-louait.

Au milieu de l’hiver 2015, elle s’était retrouvée à la rue, enceinte de plusieurs mois et avec sa petite fille âgée d’un an, obligée de dormir dans des parcs. Après plusieurs nuits dans ces conditions, elle avait été accueillie à l’abri de la protection civile de Richemont, en février et mars 2015. Dès le 2 avril 2015, elle avait été admise au foyer « H______ ».

Le 12 juillet 2015, elle avait donné naissance à sa deuxième fille, prématurément. Aucun acte de naissance n’avait pu être établi car elle ne disposait d’aucun des documents nécessaires, en raison de leur coût.

Elle s’occupait de ses deux filles. Dès que l’âge de la plus jeune le permettrait, elle prendrait des cours de français et chercherait activement un emploi.

Elle était issue d’une famille pauvre. Sa mère était veuve et avait trois enfants à charge. Elle ne pourrait lui être d’aucun soutien si elle devait retourner en D______. Elle-même lui faisait parvenir de l’argent pour la soutenir financièrement. En D______, la situation des mères célibataires était très problématique et les enfants illégitimes n’avaient pas accès au système scolaire. En cas de renvoi, elle se trouverait en situation de très grande précarité.

6) Le 31 janvier et le 19 juin 2017, l’OCPM a sollicité de Mme A______ des renseignements complémentaires.

L’OCPM a également sollicité des informations de différents établissements et services.

Il ressort d’attestations établies par l’Hospice général (ci-après : l’hospice) les 27 octobre 2016, 2 février 2017, 2 mai et 27 novembre 2019 que Mme A______ était totalement aidée financièrement depuis le 1er août 2016.

La police a indiqué connaître Mme A______ pour un vol à l’étalage en date du 16 mars 2015, ainsi que suite à sa plainte pénale contre M. E______ du 1er octobre 2015.

Selon un extrait du registre des poursuites du 20 novembre 2017, Mme A______ ne faisait l’objet ni de poursuites ni d’actes de défaut de biens.

7) Le 19 octobre 2017, M. E______ a informé l’OCPM que Mme A______ et ses deux filles vivaient dans son logement.

8) Le 15 octobre 2018, M. E______ a reconnu sa fille C______.

9) Le 20 mai 2019, Mme A______ a déposé plainte contre M. E______.

Il proférait des injures et des menaces depuis 2017.

Elle vivait en couple avec lui depuis environ cinq ans. Ils n’étaient pas mariés mais vivaient ensemble depuis une année et demie au foyer K______ (centre d’hébergement collectif K______). Elle lui avait dit qu’elle voulait se séparer de lui mais il ne l’écoutait pas. Les responsables du foyer l’avaient placée dans une autre chambre, mais dans le même appartement, en attendant de lui trouver un autre établissement. Il était très jaloux, l’insultait et proférait toutes sortes de menaces. Elle craignait qu’il les mette à exécution et avait peur de rentrer au foyer. Elle aussi l’avait parfois insulté. Ses filles étaient parfois témoins des scènes de violences et en avaient peur. Lorsqu’il se fâchait avec elle, il menaçait également les filles. Il leur avait plusieurs fois donné des fessées et des claques. Il était plus « méchant » avec sa propre fille, dont il aurait étalé ses selles sur le visage.

10) Le même jour, M. E______ a été entendu par la police.

Il admettait avoir insulté et menacé Mme A______, car elle se prostituait et se faisait filmer lors de rapports sexuels avec d’autres hommes.

Il n’avait par contre jamais menacé les enfants et n’avait jamais souillé le visage de sa fille avec ses excréments.

Il consommait du haschisch et de la marijuana à raison de deux joints par jour environ.

À l’issue de l’audition, le commissaire de police a prononcé une mesure d’éloignement administratif pour une durée de vingt jours à l’encontre de M. E______.

11) Le 30 juillet 2019, répondant à une demande de renseignements de l’OCPM, Mme A______ a indiqué qu’elle avait commencé à chercher du travail dès lors que ses filles allaient bientôt être scolarisées.

12) Le 19 décembre 2019, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser délivrer l’autorisation de séjour sollicitée.

Sa situation ne représentait pas un cas de détresse personnelle au sens de la loi. Son intégration faisait défaut. Elle était totalement aidée par l’hospice. Elle n’avait pas le niveau de français requis. Selon les renseignements fournis par l’ambassade de Suisse en D______, il était inexact que les enfants illégitimes n’avaient pas accès au système scolaire D______.

13) Le 23 janvier 2020, Mme A______ a indiqué à l’OCPM que plusieurs raisons s’opposaient à son renvoi et à celui de ses filles en D______.

Elle vivait en Suisse depuis dix ans et y avait donné naissance à ses deux filles, âgées de six et quatre ans, toutes deux scolarisées. Elle avait travaillé les premières années mais suite à la naissance de ses filles, il lui avait été plus difficile de trouver un emploi. Depuis 2017, elles étaient hébergées au foyer K______ où elles manquaient grandement de stabilité. Il y avait régulièrement des bagarres et beaucoup de bruit. Des agents de sécurité étaient entrés dans leur chambre en pleine nuit. Les installations étaient insalubres et les espaces communs étaient sales. Elle ne s’y sentait pas en sécurité et dormait peu. Sa fille C______ tombait fréquemment malade, elle nécessitait un suivi orthopédique et devait être opérée des amygdales en février 2020. Il lui était très difficile dans ces conditions de trouver un emploi, mais elle en cherchait un activement, et son profil était intéressant car elle maîtrisait le français, l’arabe, l’anglais et l’D______.

M. E______ était très présent auprès de sa fille C______ et entretenait avec elle une relation étroite. Il avait vécu à différentes périodes avec ses filles, notamment au foyer K______ mais il avait mal supporté la vie dans ce lieu et avait dû être hospitalisé à la clinique psychiatrique de Belle-Idée en novembre 2019. Il était depuis lors hébergé à l’hôtel et la voyait régulièrement ainsi que ses filles.

Elle avait vécu plusieurs traumatismes en D______. Son oncle avait été assassiné sous ses yeux. Elle avait subi un mariage forcé à l’âge de 17 ans. Elle souffrait d’un état de stress post-traumatique et était suivie par la Dre I______, psychiatre et psychothérapeute, qui avait diagnostiqué un trouble dépressif récurrent et un trouble panique. Elle devait pouvoir continuer son traitement psychothérapeutique et médicamenteux.

Elle ne pouvait envisager de rentrer en D______ avec ses deux filles sans être mariée car cela était très mal vu. Elle ne pourrait en outre bénéficier de la protection d’aucun homme, son père, son oncle et ses frères étant décédés. Cette perspective générait une grande angoisse et réactivait son syndrome post traumatique.

14) Le 5 mars 2020, l’OCPM a refusé de délivrer des autorisations de séjour pour cas de rigueur à Mme A______ et à ses filles. Il a prononcé leur renvoi de Suisse et leur a imparti un délai au 5 juillet 2020 pour quitter le territoire.

La durée du séjour en Suisse de Mme A______, d’environ dix ans, ne constituait pas un élément déterminant susceptible de fonder sa requête. Elle était courte et devait être relativisée par rapport aux nombreuses années passées en D______, où elle avait vécu toute sa jeunesse et son adolescence, soit les années essentielles pour la formation de la personnalité et partant pour l’intégration sociale et culturelle.

Elle ne pouvait se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée au point qu’il faille admettre qu’elle ne pourrait quitter la Suisse sans être confrontée à des obstacles insurmontables. Elle n’avait pas créé en Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu’elle ne puisse envisager un retour en D______. Elle avait des contacts avec son entourage mais son intégration n’avait rien d’exceptionnel. Elle ne subvenait pas à ses besoins et à ceux de ses filles mais était entièrement assistée par l’hospice. Elle n’avait pas démontré avoir atteint le niveau de français requis. Ses filles étaient scolarisées mais leur intégration n’était pas à ce point poussée qu’elles ne pourraient se réadapter à leur patrie ou à un régime scolaire différent.

La relation entretenue par M. E______ avec sa fille C______ ne pouvait être considérés comme étroite et particulièrement forte. Il ne lui versait aucune contribution d’entretien.

15) Le 30 avril 2020, Mme A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à la constatation que ses filles et elle remplissaient les conditions de l’octroi d’une autorisation de séjour.

À l’âge de six ans, elle avait vu son oncle mourir, poignardé par quatre cambrioleurs. Suite à cet événement, elle s’était réfugiée chez sa tante à J______ durant quinze mois. À l’âge de seize ans, elle avait perdu son frère, décédé dans un accident de voiture. Son père était mort d’un infarctus du myocarde trois mois plus tard. Sa mère et ses oncles avaient arrangé son mariage religieux avec un homme de vingt et un ans, alors qu’elle était âgée de dix-sept ans. Après dix-huit mois de mariage houleux, elle avait quitté son époux et était allée vivre en G______ auprès de sa tante maternelle et y avait travaillé jusqu’en 2009 avant de venir s’établir à Genève.

Le père d’B______ était un compatriote. Depuis qu’il était retourné en D______, elle n’avait plus eu de contact avec lui et ignorait où il se trouvait.

La relation avec M. E______ avait évolué avec la naissance de C______. Il s’était impliqué dans sa prise en charge. Ils avaient décidé de faire ménage commun avec les deux enfants dès le mois de janvier 2016. Leur relation était toutefois conflictuelle et la vie commune avait été suspendue à plusieurs reprises. En décembre 2017, le bail de leur logement avait été résilié et ils avaient été hébergés dans le foyer K______, où la vie avait été difficile. Depuis le 1er avril 2020, elle était titulaire du bail d’un appartement à L______.

M. E______ avait toujours cherché à travailler. Il avait occupé plusieurs emplois de réinsertion et s’était investi dans de nombreuses activités du centre d’hébergement. En 2016, il avait travaillé en qualité de surveillant des expositions du M______. En novembre 2019, il avait été engagé comme employé polyvalent par l’entreprise N______. Il avait organisé des sorties avec les enfants du foyer et entrepris la création d’un spectacle mêlant des résidents et des personnes à mobilité réduite. Durant toute cette période, il avait pris soin d’B______ et de C______. Les conditions de vie en foyer avaient freiné ses recherches d’emploi et affecté sa santé et il avait dû être hospitalisé à la clinique psychiatrique de Belle-Idée en novembre 2019. Il avait par la suite été logé à l’hôtel par l’hospice pour se rétablir et se concentrer sur son insertion. Il devait signer à bref délai un contrat d’activité de réinsertion (ou AdR). Bien qu’il n’habitât pas avec elle et ses filles, il était très impliqué dans la prise en charge de C______.

B______ et C______ étaient scolarisées à l’école de O______ et étaient parfaitement intégrées. Elles ne parlaient et n’écrivaient que le français et n’étaient jamais allées en D______. Elles étaient extrêmement attachées à M. E______ qu’B______ considérait comme son père adoptif.

La décision querellée violait l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), et l’art. 9 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107). M. E______ était titulaire d’une autorisation d’établissement et avait fait ménage commun avec sa fille
C______ depuis janvier 2016, soit depuis que celle-ci était âgée de six mois. Même si leur vie commune avait parfois été suspendue, il avait toujours été très investi auprès d’elle. Il entretenait avec elle une relation étroite et effective. Pouvaient en attester l’assistant social, M. P______ et l’assistant du foyer, M. Q______. Il était par ailleurs ressortissant T______ et n’était pas marié à Mme A______, de sorte qu’il lui serait impossible d’aller vivre en D______ auprès de sa fille. Un renvoi de celle-ci en D______ aurait ainsi pour conséquence de la séparer de lui et porterait atteinte au respect de leur vie familiale.

M. E______ ne versait pas de contribution d’entretien à sa fille C______, non pas par désintérêt pour elle, mais par ce que toutes ses activités professionnelles depuis plusieurs années n’avaient eu pour rémunération que l’aide ordinaire versée par l’hospice pour une personne seule, laquelle aide ne lui permettait pas de verser à sa fille de contribution d’entretien. S’il faisait ménage commun avec Mme A______ et ses filles, l’aide perçue de l’hospice par ces dernières serait réduite. Cela étant, s’il ne versait pas chaque mois un montant fixe pour l’entretien de sa fille, il prenait en charge une partie de ses dépenses en contribuant notamment à l’achat de sa nourriture et de ses habits. Il faisait en effet régulièrement les courses pour elle et ses filles.

La décision querellée violait également l’art. 3 CDE. Un renvoi en D______ constituerait pour B______ et C______ un déracinement, dès lors qu’elles étaient nées et avaient grandi à Genève, ne parlaient et n’écrivaient que le français, n’étaient jamais allées en D______ et ne connaissaient pas leur famille, et avaient, après des années de vie difficiles, pu emménager avec leur mère dans un logement qui leur était propre et leur permettait de s’épanouir dans un environnement calme et sécurisant, et enfin elles avaient toutes deux des contacts étroits et réguliers avec M. E______, qu’B______ considérait comme son père. À cela s’ajoutait que les enfants illégitimes étaient très mal vus en D______ et qu’elle n’avait plus dans le pays aucun parent masculin qui pourrait leur apporter sa protection. B______ et C______ risqueraient dès lors d’être stigmatisées et mises à l’écart en cas de renvoi.

La décision violait enfin les art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 al. 1 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). La Suisse constituait pour elle son point d’ancrage, le lieu où elle avait trouvé refuge après son parcours migratoire et où elle souhaitait pouvoir continuer à vivre et éduquer ses deux filles. Elle n’avait plus pu travailler après la naissance de sa seconde fille et avait été contrainte de faire appel à l’aide sociale. Elle avait toujours été très active dans les lieux où elle avait vécu, contribuant au bien-être de tous. Elle avait pris des cours de français et parlait couramment la langue. Les conditions de vie au foyer avaient affecté sa santé psychique et ravivé les traumatismes subis en D______. Depuis le 1er avril 2020, elle avait emménagé avec ses filles dans un appartement. Celles-ci étaient scolarisées et elle pourrait investir son énergie dans la recherche d’un emploi. Elle continuait à suivre une thérapie pour surmonter les atteintes psychiques dont elle souffrait.

Le renvoi était inexigible. En cas de retour en D______, elle ne pourrait compter sur l’aide de sa famille, n’aurait aucun lieu pour vivre ni aucun moyen de subvenir à ses besoins et à ceux de ses filles. En raison de son statut de mère célibataire, elle et ses filles seraient stigmatisées et se trouveraient dans une situation d’extrême précarité.

Elle produisait un certificat médical du 30 octobre 2019 attestant que C______ nécessitait un suivi en orthopédie pédiatrique, deux attestations de scolarité, deux lettres de soutien de l’assistant social et de celui du foyer ainsi qu’un rapport médical établi le 20 décembre 2019 par la Dre I______, psychiatre et psychothérapeute.

Il ressortait de ce rapport qu’elle était la troisième d’une fratrie de huit enfants, soit trois frères et cinq sœurs, que son état psychique avait été très affecté et perturbé par les décès de son frère aîné et de son père, puis encore plus déstabilisé par son mariage religieux à l’âge de 17 ans avec un homme ayant une bonne situation financière mais qu’elle n’aimait pas. Elle avait voulu quitter l’G______ pour venir vivre en Europe car il n’y avait plus d’autorisation de séjour et il était difficile pour une femme d’y vivre toute seule. Elle avait un niveau de français B2. Elle évoquait une perturbation émotionnelle, des
flash-backs, d’importantes peurs et angoisses liées aux événements traumatiques subis dans le passé. Elle se disait distraite et sujette à des angoisses anticipatoires et des ruminations morbides. Elle souffrait de troubles du sommeil et se disait envahie par des cauchemars et des réviviscences d’événements traumatiques. Elle se sentait fatiguée et épuisée, sans force. Elle souffrait d’un trouble dépressif récurrent, avec un épisode en cours moyen, d’un trouble panique et d’un état de stress post-traumatique. Elle devait prendre des médicaments. L’évolution était favorable. Elle devait encore travailler sur la reconstruction identitaire par une psychothérapie approfondie. Malgré la prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique, il n’y avait pas d’amélioration de son état car les facteurs déclencheurs des problèmes ne changeaient pas. Les problèmes psychiques étaient liés en partie aux mauvaises conditions du lieu de vie et à la situation légale irrégulière. Dans l’optique d’une prise en charge biopsychosociale, il était indispensable qu’elle ait un statut légal en Suisse et qu’elle déménage rapidement dans un appartement convenable.

16) Le 1er juillet 2020, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Sous l’angle du cas de rigueur, même à admettre un séjour ininterrompu en Suisse depuis 2009, Mme A______ n’avait jamais été au bénéfice d’un permis quelconque et avait séjourné et travaillé sans les autorisations requises, en tout cas jusqu’au dépôt de sa demande de régularisation en octobre 2015, date à partir de laquelle elle avait bénéficié d’une simple tolérance. La durée de son séjour devait ainsi être relativisée.

À cela s’ajoutait l’absence d’intégration socioprofessionnelle, d’attaches significatives avec la Suisse et la dépendance à l’aide sociale depuis le 1er août 2016.

La situation ne répondait donc pas aux critères légaux stricts du cas de rigueur. En outre, les conditions de l’art. 8 CEDH n’étaient pas réalisées.

L’OCPM n’était pas opposé à l’audition de Mme A______, qui paraissait être encadrée en raison de sa situation précaire, y compris au plan psychique, au sujet entre autres de l’assistance socio-éducative prodiguée en faveur des enfants, de sa situation vis-à-vis de M. E______ et de l’organisation de son retour en D______.

17) Le 22 juillet 2020, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

La durée de sa présence en Suisse devait être prise en compte indépendamment de la légalité de son séjour. La prise en compte ne pouvait être conditionnée à la possession des autorisations requises.

Elle était arrivée en Suisse en 2009 et y vivait depuis plus de dix ans. Elle avait quitté l’D______ à l’âge de dix ans, de sorte qu’elle n’y avait vécu ni son adolescence ni le début de sa vie d’adulte. Ses filles avaient passé toute leur vie en Suisse, y avaient commencé leur scolarité obligatoire et ne pourraient en aucun cas s’adapter à un mode de vie à une culture que leur mère elle-même ne connaissait pas. Elle avait elle-même vécu plus de temps en Suisse que dans son propre pays, et son séjour avait été suffisamment long pour la rendre étrangère à l’D______.

C______ avait été reconnue par M. E______, son père, qui entretenait avec elle une relation affective réelle et quotidienne, ce dont l’OCPM convenait dans sa décision et ses observations. On peinait à comprendre que la décision retienne que cette relation filiale n’était pas digne de protection. Le seul motif retenu par l’OCPM était que M. E______ ne versait pas de contribution pour sa fille. Or, les tribunaux avaient admis l’indépendance entre le versement d’une contribution d’entretien et l’exercice effectif du droit aux relations personnelles entre un parent à son enfant. L’OCPM n’avait pas démontré que son ingérence dans un droit protégé par l’art. 8 CEDH était proportionnée au but poursuivi et correspondait à un besoin social majeur.

18) Le 3 août 2020, l’OCPM a indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

19) Le 16 décembre 2020, le TAPI a entendu M. E______ et Mme A______.

M. E______ a indiqué qu’il logeait seul dans un hôtel aux R______, en raison de sa santé psychique encore fragile. La situation était provisoire et il souhaitait pouvoir vivre à nouveau avec Mme A______ et ses filles. Lorsqu’ils habitaient S______ et que tout allait bien, ils avaient eu l’intention de régulariser leur situation en se mariant. Compte tenu des difficultés rencontrées par la suite, ils n’avaient plus été en mesure de poursuivre leurs démarches. Ils souhaitaient reprendre la procédure en vue du mariage, mais cela prendrait du temps, notamment pour obtenir des documents de T______ et d’D______. Il voyait tous les jours sa fille ainsi qu’B______, qu’il considérait comme sa propre fille dès lors qu’il la connaissait depuis qu’elle avait sept mois. Il allait les chercher le matin chez elles dans leur appartement à L______ et prenait souvent le petit déjeuner avec elles, après quoi lui ou leur mère les accompagnait à l’école et allait ensuite les rechercher. Il n’était pas rare qu’il soupe le soir chez elles. Durant les week-ends, ils allaient souvent se promener à la campagne, pique-niquer et parfois même camper. Ils se rendaient également ensemble à des fêtes culturelles, de quartier ou nationales dans le canton. Il les emmenait voir les projets artistiques sur lesquels il travaillait. Parfois elles y participaient et faisaient du dessin avec lui. Lui et leur mère partageaient leurs revenus et participaient ainsi à leur entretien. Il lui était inimaginable que ses filles quittent la Suisse pour vivre en D______, pays avec lequel elles n’avaient aucune attache.

Mme A______ a déclaré habiter avec ses filles depuis le 1er avril 2020 dans un appartement à L______ dont le loyer était payé par l’hospice, qui lui fournissait également une aide financière pour leur entretien. Elle ne travaillait plus depuis 2016 et ses recherches d’emploi étaient infructueuses faute pour elle de détenir un permis de travail. Elle souhaitait vraiment entreprendre une formation d’aide-soignante qui se déroulerait sur deux ans à raison de deux fois par semaine. Elle était aidée dans ses démarches par l’assistante sociale du Centre social protestant (ci-après : CSP). Le père d’B______ ne l’avait jamais aidée financièrement. Il ne l’avait jamais reconnue. Alors qu’elle était âgée de six mois, il était reparti vivre en D______ et n’avait plus donné de nouvelles depuis lors. Son séjour en foyer avait été très douloureux et elle en avait fait une dépression. Depuis qu’elle habitait dans l’appartement de L______, elle se sentait toutefois vraiment mieux. Ses filles ne faisaient pas l’objet de mesures de protection de la part du service de protection des mineurs (ci-après : SPMi). Un retour en D______ serait très difficile en raison de sa situation de mère célibataire. Elle avait encore sa mère et sa sœur, mais ces dernières ne seraient pas en mesure de l’aider.

20) Le 10 février 2021, l’OCPM a maintenu sa position et conclu au rejet du recours.

21) Le 11 février 2021, Mme A______ a informé le TAPI qu’elle s’était portée candidate pour suivre la formation d’auxiliaire de santé de U______ (ci-après : U______) auprès de V______. Les frais d’inscription étaient payés et le CSP prendrait en charge les coûts de la formation si sa candidature était retenue. La formation lui permettrait de rechercher un emploi dans le domaine des soins à la personne et faciliterait considérablement son insertion professionnelle. Elle produisait une copie de son dossier de candidature. Elle continuait par ailleurs à rechercher très activement un emploi mais la situation sanitaire compliquait ses démarches.

22) Le 7 mai 2021, le TAPI a rejeté le recours.

Mme A______ et ses deux filles ne satisfaisaient pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur.

Mme A______ résidait en Suisse depuis 2009, soit près de douze ans, une durée devant être relativisée dès lors que le séjour avait été effectué de manière illégale puis à la faveur d’une simple tolérance.

Malgré la durée du séjour, Mme A______ ne pouvait se prévaloir d’une bonne intégration. Au plan professionnel, elle était sans formation particulière et avait travaillé principalement dans le domaine de l’économie domestique. Elle n’avait plus d’emploi depuis la naissance de sa seconde fille et dépendait entièrement de l’aide sociale depuis août 2016. Le dossier ne montrait par ailleurs pas une intégration sociale particulièrement poussée.

Mme A______ était arrivé en Suisse à l’âge de 23 ans. Même si elle avait passé une quinzaine de mois chez sa tante à J______ lorsqu’elle avait environ 12 ans, puis avait quitté l’D______ à l’âge de 20 ans, il n’en demeurait pas moins qu’elle y avait passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte, soit des années cruciales pour l’intégration socioculturelle.

Contrairement à ses allégations, elle avait dû conserver des attaches dans son pays, où vivaient notamment sa mère ainsi que des frères et sœurs. S’il n’y avait pas lieu de nier ni de minimiser les difficultés socioculturelles auxquelles elle pourrait être confrontée en D______, en raison notamment de son statut de mère célibataire, ce seul fait et ses possibles conséquences n’étaient pas suffisants pour que sa situation relève du cas de rigueur.

Concernant les troubles anxio-dépressifs (fatigue psychique, peurs, angoisses anticipatoires, etc.) relevés par la Dre I______, s’il n’y avait pas lieu de sous-estimer les appréhensions que Mme A______ pourrait ressentir à l’idée de retourner en D______, il convenait de relever que, de façon générale, la péjoration de l’état psychique était une réaction qui n’était pas rare chez une personne dont la demande d’autorisation de séjour avait été rejetée, sans qu’il faille pour autant y voir un obstacle sérieux à l’exécution du renvoi. Il convenait par ailleurs de rappeler qu’on ne pouvait prolonger indéfiniment le séjour d’une personne en Suisse au motif que la perspective d’un retour exacerbait un état dépressif et réveillait des troubles sérieux subséquents, dans la mesure où des médicaments pouvaient être prescrits et un accompagnement par un psychiatre ou par tout autre personne susceptible d’apporter un soutien adéquat mis en place pour prévenir une atteinte concrète à la santé.

Hormis la mort violente de son oncle lorsqu’elle avait 10 ans, Mme A______ n’avait pas quitté l’D______ dans des circonstances traumatisantes. Malgré les moments difficiles qu’elle avait vécus et qui avaient pu l’atteindre psychiquement, elle demeurait en bonne santé et compte tenu de son âge elle pourrait se réinsérer en D______ sans être confrontée à d’insurmontables difficultés. Elle pourrait mettre en avant ses connaissances linguistiques pour trouver plus facilement un emploi. Un certain effort pouvait être exigé de personnes dont l’âge et l’état de santé permettait après leur retour de surmonter les difficultés initiales à trouver un logement ainsi qu’un emploi leur assurant un minimum vital.

Mis à part M. E______, père de C______, avec lequel Mme A______ avait vécu une relation tumultueuse, elle n’avait pas allégué laisser un proche parent en Suisse.

Ses filles, âgées de sept et cinq ans, étaient certes nées à Genève mais avaient à peine intégré l’école obligatoire. Elles n’acquéraient à ce stade que des connaissances d’ordre général qu’elles pourraient mettre à profit en D______. Sans minimiser les difficultés auxquelles elles seraient confrontées à leur retour, leur processus d’intégration n’était pas encore à ce point profond et irréversible qu’un retour ne puisse plus être envisagé. De par leur jeune âge et leur scolarisation, elles pourraient acquérir rapidement un niveau de langue leur permettant de s’intégrer, notamment avec l’aide de leur mère.

L’art. 8 CEDH ne pouvait être invoqué par le détenteur de l’autorité parentale que si son enfant avait avec le parent détenteur d’un droit de présence en Suisse une relation d’une intensité particulière du point de vue affectif et économique et que lui-même avait un comportement irréprochable. Or, M. E______ ne faisait pas ménage commun avec Mme A______ et ses filles. Il avait certes affirmé qu’il les voyait tous les jours et partageait des loisirs avec elles. Il ressortait toutefois des procès-verbaux de la police établis à la suite des plaintes de Mme A______ en 2015 et 2019 qu’il était jaloux, l’insultait et la menaçait, souvent en présence de ses filles, qu’il menaçait également, et avec lesquelles il avait été violent au point qu’elles avaient peur de lui. Les SMS qu’il avait adressés à Mme A______ témoignaient de la violence de ses menaces, de sorte que Mme A______ avait souhaité son éloignement. Enfin, il avait fait part de sa fragilité psychique et du fait qu’il était encore préférable qu’il n’habite pas avec ses filles.

S’il était vrai qu’en raison de la distance géographique le renvoi de Mme A______ et de ses filles empêcherait M. E______ d’être souvent auprès de ces dernières, il devrait néanmoins pouvoir les entendre et les voir grâce aux moyens de télécommunication modernes. S’il devait trouver un emploi stable, il pourrait par ailleurs contribuer financièrement à l’entretien de sa fille.

Si B______ et C______ avaient certes vécu en Suisse depuis leur naissance, elles restaient par leur jeune âge attachées à leur mère, dont elles partageaient le sort, et devaient être en mesure de s’adapter à un nouvel environnement dans leur pays d’origine. Mme A______ dépendait entièrement de l’assistance publique et cette dépendance constituait un motif d’ordre public à son éloignement, l’intérêt public économique suisse l’emportant dans un tel cas sur l’intérêt privé à demeurer en Suisse.

L’exécution du renvoi était, en l’état du dossier et à défaut d’éléments probants quant à des difficultés plus concrètes, possible, licite et exigible.

23) Par acte remis à la poste le 9 juin 2021, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté qu’elle et ses filles remplissaient les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour.

Elle avait atteint un niveau global de français B1. Sa candidature à la formation d’auxiliaire de santé dispensée par la V______ avait été retenue. Elle attendait la confirmation écrite et commencerait la formation en septembre 2021. B______ et C______ étaient scolarisées à l’école de W______ à L______.

Le jugement violait l’art. 8 CEDH. M. E______ faisait ménage commun avec sa fille C______ depuis janvier 2016. Même si la vie commune avait parfois été suspendue, il avait toujours été très investi auprès d’elle. S’il ne vivait pas avec B______ et C______ en raison de son état de santé psychique, afin d’éviter qu’en cas de conflit il ne perde le contrôle comme par le passé, il leur rendait visite tous les jours à leur domicile et s’occupait d’elles, les emmenant à l’école, mangeant avec elles et les accompagnant à toutes sortes d’activités. L’organisation actuelle fonctionnait bien et permettait aux membres de la famille de se voir régulièrement. Elle démontrait la préoccupation commune des parents de préserver au mieux le bien-être psychique et physique des filles en leur permettant de voir M. E______ tous les jours. Il fallait dès lors constater que père et filles entretenaient une relation étroite et effective, protégée par l’art. 8 CEDH.

Les communications électroniques entre M. E______ et les filles ne permettraient pas de combler la distance et de maintenir une relation affective telle que celle qui existait.

M. E______ prenait en charge une partie des dépenses de sa fille en contribuant notamment à l’achat de nourriture et d’habits, de sorte qu’il existait un lien économique effectif.

Mme A______ avait été indépendante financièrement jusqu’à la naissance de sa deuxième fille, puis dans l’incapacité de travailler et de subvenir à ses besoins. Les enfants étaient entre-temps scolarisées, elle avait pu stabiliser ses conditions de logement et sa relation avec M. E______, qui était devenue harmonieuse, et pouvait se projeter dans un travail de manière réaliste et effectuer une formation qui lui permettrait de trouver un emploi.

La pesée des intérêts démontrait que l’ingérence dans le droit à la vie familiale protégée par l’art. 8 CEDH ne répondait pas à un besoin social impérieux, ce qui la rendait disproportionnée.

Le jugement violait également les art. 3 et 9 CDE. B______ et C______ étaient parfaitement intégrées à Genève et n’avaient strictement aucun lien avec l’D______, de sorte qu’un renvoi dans ce pays constituerait un profond déracinement et les séparerait de leur père. En D______, elles risqueraient d’être stigmatisées et mises à l’écart en raison de leur statut d’enfants illégitimes, ce qui augmenterait encore le traumatisme lié à leur déracinement.

Le jugement violait enfin les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA ainsi que l’art. 2 let. d de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979 (CEDEF - RS 0.108), en ce qu’il reprochait à Mme A______ sa dépendance à l’aide sociale, alors que sa précarité était directement liée à sa condition de jeune mère et de femme assumant seule la prise en charge principale de ses enfants.

Sa seule famille en D______ était constituée de sa mère et de ses quatre sœurs qui avaient très peu de ressources et qui ne pourraient pas l’accueillir avec ses deux filles. Elle n’avait que des contacts téléphoniques avec elles et ne les avait pas revues depuis près de quatorze ans.

Selon le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, rattaché au Haut-Commissariat des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies, les États parties avaient l’obligation de veiller à ce qu’aucune femme ne soit expulsée ou renvoyée dans un autre État où sa vie, son intégrité physique, sa liberté et la sécurité de sa personne seraient mises en danger et où elle risquerait de subir des formes graves de discrimination, y compris des formes graves de persécutions ou de violences sexistes, ce qui pouvait constituer des formes graves de discrimination contre les femmes, y compris la violence sexiste, dépendant des circonstances propres à chaque cas (recommandation générale n° 32, § 3). Or, les mères célibataires étaient très mal vues en D______ et faisaient l’objet de discriminations de la part de la société, notamment dans la recherche d’emplois, et des autorités qui leur refusaient notamment certaines aides financières du fait de leur statut. La loi D______ ne reconnaissait par ailleurs pas la femme comme chef de famille, ce qui l’empêchait de faire certaines démarches, par exemple auprès des banques.

Le renvoi était enfin inexigible, car Mme A______ ne pourrait compter sur l’aide de sa famille en D______, n’aurait aucun lieu pour vivre et aucun moyen pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses filles, de sorte qu’elles se trouveraient toutes trois dans une situation d’extrême précarité.

24) Le 12 juillet 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Il s’est référé à sa décision et au jugement du TAPI, et a relevé que Mme A______ n’avait pas allégué avoir trouvé un emploi qui lui permettrait de subvenir à ses besoins ni que M. E______ serait en mesure de contribuer à l’entretien de sa fille. Aucun document n’attestait que des démarches auraient été entreprises pour concrétiser des projets de mariage, et il n’apparaissait pas non plus que les conditions ultérieures d’un regroupement familial en vertu de l’art. 43 LEI seraient réalisées.

25) Le 16 août 2021, Mme A______ a répliqué et persisté dans ses conclusions.

Elle avait déjà postulé pour un grand nombre d’emplois, ce qui attestait sa motivation à réintégrer le marché du travail, mais sans succès. Ses problèmes de santé l’empêchaient également de se consacrer totalement à la recherche d’emploi, car elle devait se rendre à un grand nombre de consultations médicales. Son médecin avait délivré un certificat médical mentionnant qu’elle était totalement incapable de travailler depuis le 9 août 2021 et en tout cas jusqu’au 22 août 2021.

M. E______ se portait mieux et avait repris contact avec une entreprise pour laquelle il avait travaillé. Il avait toutefois dû entreprendre les démarches pour le renouvellement de son permis d’établissement, mais il devait a priori reprendre dans un proche avenir une activité lucrative qui lui permettrait de contribuer à l’entretien de sa fille C______.

Le projet de mariage était toujours d’actualité et le couple envisageait d’emménager à nouveau sous le même toit lorsque chacun aurait retrouvé un emploi. Mme A______ et M. E______ avaient entrepris des démarches auprès de l’état civil afin d’obtenir la « lettre des 60 jours ». Les démarches n’avaient malheureusement pas encore abouti car Mme A______ devait faire légaliser des documents en D______ et cette formalité était devenue encore plus complexe avec la crise sanitaire. En outre, son nom de famille avait été modifié, ce qui compliquait encore les procédures. Elle se prénommait initialement X______ et avait pour nom de famille A______. Son passeport actuel indiquait néanmoins que son nom complet était X______. Toutefois, le 19 juillet 2018, l’ambassade D______ à Berne avait ajouté dans son passeport que son nom complet était X______.

26) Le 23 août 2021, Mme A______ a encore indiqué que M. E______ avait pu conclure un contrat de travail avec l’entreprise Y______, et qu’il pourrait dès lors « sortir prochainement » de l’hospice et contribuer à l’entretien de sa fille.

27) Le 25 août 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige a pour objet le bien-fondé de la décision de l’OCPM et du jugement du TAPI en tant qu’ils refusent à la recourante et à ses filles l’octroi d’autorisations de séjour pour cas individuels d’extrême gravité.

3) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario ; ATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3).

4) Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

En l'espèce, la demande d'autorisation de séjour a été formée le 22 octobre 2015, de sorte que le litige est soumis aux dispositions de la LEI dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, étant précisé que la plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques (art. 126 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_841/2019 du 11 octobre 2019 consid. 3 ; 2C_737/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.1).

5) La recourante se plaint de la violation des 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. OASA à la lumière de l’art. 2 let. d CEDEF. Sa condition de femme seule et de mère célibataire expliquait sa dépendance à l’aide sociale et commandait par ailleurs qu’elle ne soit pas renvoyée dans un pays où, dépourvues de tout appui masculin, ses filles et elle seraient victimes de discriminations.

a. La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissantes et ressortissants d’D______.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a
al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (Directives du SEM, domaine des étrangers, 2013, [ci-après : directives LEI], état au 1er janvier 2021, ch. 5.6).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

d. L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b.dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/828/2016 du 4 octobre 2016 consid. 6d).

La question est donc de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/353/2019 du 2 avril 2019 consid. 5d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

e. Selon la jurisprudence, le fait de renvoyer une femme seule dans son pays d'origine où elle n'a pas de famille n'est généralement pas propre à constituer un cas de rigueur, à moins que ne s'y ajoutent d'autres circonstances qui rendent le retour extrêmement difficile (arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.2, et la jurisprudence citée). Un cas de rigueur peut notamment être réalisé lorsque, aux difficultés de réintégration dues à l'absence de famille dans le pays d'origine, s'ajoute le fait que l'intéressée est affectée d'importants problèmes de santé qui ne pourraient pas être soignés dans sa patrie
(ATF 128 II 200 consid. 5.2 p. 209), le fait qu'elle serait contrainte de regagner un pays (sa patrie) qu'elle avait quitté dans des circonstances traumatisantes (arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 précité consid. 4.2.2 ; 2A.582/2003 du 14 avril 2004 consid. 3.1 et 2A.394/2003 du 16 janvier 2004 consid. 3.1), ou encore le fait qu'elle laisserait derrière elle une partie importante de sa proche parenté (parents, frères et sœurs) appelée à demeurer durablement en Suisse, avec qui elle a partagé pendant longtemps les mêmes vicissitudes de l'existence (arrêts du Tribunal fédéral 2A.92/2007 du 21 juin 2007 consid. 4.3 ; 2A.245/2004 précité consid. 4.2.2 et 2A.340/2001 du 13 novembre 2001 consid. 4c). Inversement, une telle séparation pourra d'autant mieux être exigée que les perspectives de réintégration dans le pays d'origine apparaîtront plus favorables (arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 précité consid. 4.2.2 et 2A.183/2002 du 4 juin 2002 consid. 3.2 et la jurisprudence citée).

f. Comme pour les adultes, il y a lieu de tenir compte des effets qu'entraînerait pour les enfants un retour forcé dans leur pays d'origine. Il faut prendre en considération qu'un tel renvoi pourrait selon les circonstances équivaloir à un véritable déracinement, constitutif d'un cas personnel d'extrême gravité. Pour déterminer si tel serait le cas, il faut examiner plusieurs critères. La situation des membres de la famille ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global, dès lors que le sort de la famille forme un tout ; il serait difficile d'admettre le cas d'extrême gravité, par exemple, uniquement pour les parents ou pour les enfants. Ainsi, le problème des enfants est un aspect, certes important, de l'examen de la situation de la famille, mais ce n'est pas le seul critère (ATF 123 II 125 consid. 4a ; ATA/434/2020 du 30 avril 2020 consid. 10a ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 6d).

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêts du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) F-3493/2017 du 12 septembre 2019 consid. 7.7.1 ; C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre douze et seize ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE (arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; ATA/434/2020 précité consid. 10a).

g. En l’espèce, la recourante réside certes à Genève depuis environ douze ans, mais cette durée est à relativiser dès lors que le séjour s’est déroulé dans l’illégalité puis, dès 2015, au bénéfice d’une seule tolérance.

La recourante n’établit pas qu’elle se serait bien intégrée en Suisse. Elle ne disposait d’aucune formation à son arrivée dans le pays et n’en a pas acquise depuis. Elle n’a travaillé que jusqu’à la naissance de sa seconde fille en 2015 dans l’économie domestique. Dès août 2016, elle a été entièrement dépendante de l’aide sociale.

La recourante fait valoir ses projets et démarches en vue de se former et de trouver un emploi. Ceux-ci n’ont toutefois pas abouti et promettent au mieux l’acquisition d’une formation et d’une indépendance financière dans le futur, une circonstance qui ne peut être prise en compte pour l’examen du cas de rigueur.

Pour le surplus, la recourante ne démontre pas avoir, en douze ans, réalisé en Suisse une intégration culturelle, sociale ou associative poussée.

La recourante est née en D______ et y a vécu son enfance, son adolescence et le début de l’âge adulte. Elle en parle la langue, en maîtrise la culture et y a développé sa personnalité durant les années de sa jeunesse. Elle a certes quitté le pays à la suite, selon ses dires, de l’assassinat de son oncle, pour se réfugier chez sa tante à J______ durant une quinzaine de mois. Il s’agissait toutefois d’un séjour temporaire : elle est ensuite revenue en D______ et n’a quitté le pays qu’à l’âge de vingt ans.

Elle a soutenu dans un premier temps n’avoir plus de parenté en D______ à part sa mère pour concéder ensuite dans son recours que ses deux sœurs y vivaient. Il ressort toutefois du dossier qu’elle est issue d’une fratrie de huit enfants comportant trois frères et cinq sœurs. Aussi, malgré les décès d’un de ses frères et de son père, elle conserve de la parenté en D______, avec laquelle elle a d’ailleurs indiqué être en contact téléphonique régulier.

La recourante a, certes, dit avoir assisté à l’assassinat de son oncle lorsqu’elle était âgée de dix ans et a quitté le pays durant plus d’un an, mais elle y est ensuite revenue. Elle dit, certes, avoir été mariée contre son gré, mais elle avait quitté son mari qu’elle n’aimait pas. Elle est ensuite partie travailler en G______. Elle ne soutient ainsi pas qu’elle aurait dû quitter l’D______ dans des circonstances traumatisantes.

Elle fait valoir que son état de santé psychique est atteint et se détériorerait si elle devait retourner en D______. Elle n’établit toutefois pas qu’elle ne pourrait continuer de bénéficier en D______ de soins et de médicament. Les souffrances qu’elle endure, si elles ne doivent pas être minimisées, ne revêtent toutefois pas une gravité telle qu’elles constitueraient un obstacle insurmontable à son renvoi. Encore jeune et en bonne santé pour le reste, la recourante pourra se réinsérer en D______ avec le soutien de sa famille et en faisant valoir les compétences linguistiques qu’elle a acquises en arabe, anglais et français.

Les filles de la recourante, âgées de huit et six ans, n’ont commencé que récemment leur scolarité et leur intégration en Suisse n’est, de ce point de vue, pas encore si profonde et irréversible qu’un départ et la réintégration dans une autre culture et un autre système scolaire équivaudraient à un déracinement et s’opposeraient à leur renvoi.

En outre, il ressort du dossier que, contrairement à ce qu’a soutenu la recourante, l’accès à l’enseignement n’est pas refusé en D______ aux enfants illégitimes.

Enfin, la recourante allègue, mais n’établit pas, que son renvoi l’exposerait à un risque réel, personnel et prévisible d’être victime de formes graves de discrimination, de persécution ou de violences sexistes. Bien que sa réintégration en D______ pourrait effectivement ne pas aller sans difficulté vu son statut, il ne ressort pas du dossier que son renvoi comporterait une violation de la CEDEF.

L’OCPM puis le TAPI ont ainsi retenu sans excès ni abus de leur pouvoir d’appréciation que la recourante ne remplissait pas les conditions du cas d’extrême gravité.

Le grief sera écarté.

6) La recourante se plaint d’une violation des art. 8 CEDH et 3 CDE. Le renvoi en D______ priverait sa fille C______ de sa relation avec son père, M. E______, alors qu’il ne peut être exigé de ce dernier qu’il la suive.

a. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 § 1 de la CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3 ; ATA/384/2016 du 3 mai 2016 consid. 4d).

Les relations familiales qui peuvent fonder, en vertu de l'art. 8 § 1 CEDH, un droit à une autorisation de police des étrangers sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_899/2014 du 3 avril 2015 consid. 3.1). La relation entre les parents et les enfants majeurs qui vivent encore au domicile peut être couverte par l'art. 8 CEDH, notamment lorsqu'ils n'ont pas encore 25 ans et n'ont pas eux-mêmes de conjoint ou d'enfants (ACEDH Bousarra c. France du 23 septembre 2010, req. 25672/07, § 38-39 ; A.A. c. Royaume-Uni du 20 septembre 2011, req. 8000/08, § 48-49 ; ATA/513/2017 du 9 mai 2017 consid. 7a).

Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH n'est toutefois pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est possible selon l'art. 8 § 2 CEDH, pour autant qu'elle soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le refus de prolonger une autorisation de séjour ou d'établissement fondé sur l'art. 8 § 2 CEDH suppose une pesée des intérêts en présence et l'examen de la proportionnalité de la mesure (ATF 139 I 145 consid. 2.2 ; 135 II 377 consid. 4.3). Pour apprécier ce qui est équitable, l'autorité doit – dans le cadre de la pesée des intérêts en jeu en application des art. 96 LEtr et 8 § 2 CEDH (ATF 135 II 377 consid. 4.3) – notamment tenir compte de la gravité de la faute commise par l'étranger, de la durée de son séjour en Suisse et du préjudice qu'il aurait à subir avec sa famille du fait de l'expulsion, respectivement du refus d'accorder ou de prolonger une autorisation de séjour.

b. Lorsque le détenteur de l'autorité parentale entend se prévaloir de la relation entre son enfant et son père (lequel a un droit de présence en Suisse) pour obtenir la prolongation de son permis de séjour, il est d'une part nécessaire qu'existe une relation d'une intensité particulière d'un point de vue affectif et économique entre le parent qui a le droit de visite (ainsi qu'un droit de présence en Suisse) et son enfant. D'autre part, le parent qui a l'autorité parentale doit avoir un comportement irréprochable. De plus, le Tribunal fédéral a précisé que, dans pareille hypothèse, il fallait faire preuve d'une grande retenue dans l'octroi d'une autorisation de séjour, plus encore que dans la situation où c'est le parent (sans droit de présence en Suisse) qui requiert, pour son propre compte, la délivrance d'une autorisation de séjour afin de sauvegarder son droit de visite sur son enfant. Dès lors, ce n'est que dans des circonstances tout à fait particulières que l'étranger qui a la garde de l'enfant, mais qui cherche avant tout à faciliter l'exercice du droit de visite entre son enfant et l'autre parent, se verra octroyer une autorisation de séjour (ATF 137 II 247 consid. 4.2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_163/2013 du 1er mai 2013 consid. 2 ; 2C_185/2007 du 12 juin 2007 consid. 3.3.4 ; arrêt du TAF C-3518/2009 du 20 mai 2010 consid. 9.5). Selon le TAF, ce « serait aller trop loin au regard de l'art. 8 CEDH » que d'étendre un droit de présence en Suisse à la mère d’un enfant extra-européen, dans le seul but de faciliter l'exercice du droit de visite de son père, au bénéfice d’un permis d’établissement (arrêt du TAF 
C-5517/2010 du 25 août 2011 consid. 8.3).

c. À la différence de ce qui se passe en cas de vie commune, il n’est pas indispensable que le père, dans l’hypothèse où il bénéficie d’un droit de visite, vive dans le même pays que son enfant, même si cela compliquerait assurément l’exercice du droit de visite, mais ce dernier pourrait être, en tout état, aménagé de manière à tenir compte de la distance géographique et de la compatibilité avec des séjours touristiques (ATA/426/2016 du 24 mai 2016 consid. 9e ; ATA/155/2011 du 8 mars 2011 et les références citées).

d. Ce qui est déterminant, sous l'angle de l'art. 8 § 1 CEDH, ce sont la réalité et le caractère effectif des liens qu'un étranger a tissés avec le membre de sa famille qui bénéficie d'un droit de résider en Suisse (ATF 135 I 143 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_644/2012 du 17 août 2012 consid. 2.4) au moment où le droit est invoqué, quand bien même, par définition, des liens familiaux particulièrement forts impliquent un rapport humain d'une certaine intensité, qui ne peut s'épanouir que par l'écoulement du temps (ATF 140 I 145 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_652/2013 du 17 décembre 2013 consid. 4.2 ; ATA/400/2016 du 10 mai 2016).

e. Selon la jurisprudence, le droit de visite d'un parent sur son enfant ne doit pas nécessairement s'exercer à un rythme bimensuel et peut également être organisé de manière à être compatible avec des séjours dans des pays différents (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1031/2011 du 22 mars 2012 consid. 4.2.3). Un droit plus étendu ne peut le cas échéant exister qu'en présence de liens familiaux particulièrement forts d'un point de vue affectif et économique, lorsque cette relation ne pourrait pratiquement pas être maintenue en raison de la distance qui sépare le pays de résidence de l'enfant du pays d'origine de son parent, et que l'étranger a fait preuve en Suisse d'un comportement irréprochable (ATF 139 I 315 consid. 2.2 et les arrêts cités).

7) En l’espèce, le TAPI a relevé à juste titre que la recourante et ses filles ne faisaient pas ménage commun avec M. E______, et que la relation entre la recourante et ce dernier avait été si houleuse qu’elle avait entraîné la fin de la vie commune et le dépôt par la recourante de deux plaintes pénales en raison de menaces et de violences que ses filles avaient également subies.

La recourante fait valoir que la relation se serait apaisée, et que M. E______ rencontrerait sa fille tous les jours. Elle n’a toutefois toujours pas repris la vie commune avec M. E______, dont la santé psychique fragile commande qu’il vive seul. Elle n’établit pas que les projets de mariage, évoqués par M. E______ en décembre 2020 devant le TAPI, et dont elle se prévaut dans ses écritures devant la chambre de céans, auraient abouti.

La recourante a soutenu que M. E______ participait aux courses et à l’achat d’habits. M. E______ a pour sa part déclaré au TAPI que la recourante et lui partageaient leurs revenus, ce qui faisait qu’il participait ainsi à l’entretien des enfants. Outre que ces affirmations ne sont pas établies, elles paraissent peu vraisemblables compte tenu que tant la recourante que M. E______ sont entièrement soutenus par l’hospice, aux conditions strictes du minimum vital, et qu’il n’est par ailleurs par certain que le partage des revenus évoqué par M. E______ puisse équivaloir à une contribution. Ainsi la condition de l’existence d’une relation économique étroite fait défaut.

Le renvoi de la recourante et de ses filles compliquera assurément l’exercice par M. E______ d’un droit de visite, du moins aussi longtemps qu’il resterait sans autres ressources que l’aide sociale. Cependant, le recours aux moyens de communication électronique modernes lui permettra de conserver le contact avec sa fille.

C’est ainsi sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que le TAPI a jugé que la recourante et ses filles ne pouvaient se prévaloir d’un droit de séjourner en Suisse fondé sur l’art. 8 CEDH.

Les griefs de violation des art. 8 CEDH et 3 CDE seront écartés.

 

8) La recourante soutient enfin que son renvoi serait inexigible et violerait l’art. 83 LEI.

a. Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 et les arrêts cités).

b. En l’espèce, dès lors qu’il a refusé l’octroi d’une autorisation de séjour à la recourante et à ses filles, l’OCPM devait prononcer son renvoi et celui de ses filles dont elle a la garde.

Pour les motifs évoqués plus haut, le renvoi de la recourante et de ses filles en D______ est possible, licite et exigible au sens de l’art. 83 LEI, et devra être confirmé.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

9) Nonobstant l'issue du litige, aucune aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante, dans la mesure où celle-ci plaide au bénéfice de l’assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 juin 2021 par Madame A______ et ses enfants B______ et C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 mai 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au Centre social protestant, mandataire de la recourante, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.