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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2201/2019

ATA/1174/2021 du 02.11.2021 sur JTAPI/1140/2019 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 25.11.2021, rendu le 29.11.2021, IRRECEVABLE, 2C_956/2021
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2201/2019-PE ATA/1174/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 novembre 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Maxime Clivaz, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2019 (JTAPI/1140/2019)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1969, est ressortissant tunisien.

2) Le 13 novembre 2000, il a été condamné à une peine d’emprisonnement de vingt jours, assortie d’un sursis de cinq ans, ainsi qu’à une expulsion judiciaire de cinq ans, pour infraction à l’ancienne loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE).

3) Par ordonnance de condamnation du 12 juin 2001, il a été condamné à une peine d’emprisonnement de trente jours pour rupture de ban. Dépourvu de papiers d’identité, son refoulement n’a pas pu être effectué après qu’il eut purgé sa peine.

4) Le 2 août 2005, M. A______ a fait l’objet d’un rapport de gendarmerie pour avoir giflé, le 20 juillet 2005, son amie – avec laquelle il avait auparavant vécu pendant plusieurs mois –, Madame B______, ressortissante tunisienne née en 1977 et résidant à Genève sans titre de séjour.

5) Le 21 septembre 2005, l’enfant C______, issue de la relation de M. A______ avec Mme B______, est née à Genève.

6) Le 4 janvier 2006, l’intéressé a été entendu par la gendarmerie D______ suite aux doléances de Mme B______, qui n’avait cependant pas souhaité déposer plainte à son encontre.

M. A______ a déclaré avoir travaillé depuis son arrivée en Suisse pour divers employeurs, sans les autorisations nécessaires. Il refusait de nommer le restaurant à Genève pour lequel il travaillait alors pour un salaire mensuel net de CHF 1’800.-. Ses parents, ses trois sœurs ainsi que son frère vivaient en Tunisie, où il avait effectué sa scolarité obligatoire et obtenu un diplôme en menuiserie. En Suisse, il avait une fille qui vivait avec sa mère ; il ne l’avait pas reconnue officiellement. Il s’était séparé de sa compagne, ne voulant pas de cette enfant avec elle.

7) Par lettre du 25 avril 2009, non signée, portant l’adresse chemin E______, M. A______ a demandé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la régularisation de son séjour. Il avait quitté son pays natal pour Genève en mai 1999, avait exercé plusieurs activités professionnelles (hôtellerie, agriculture, sécurité et déménagements) et jouissait d’un emploi stable.

8) Le 15 juillet 2009, la personne habitant à cette adresse, Madame F______, a informé l’OCPM que l’intéressé n’y résidait plus depuis plusieurs années et qu’elle était sans nouvelles de sa part.

9) Le 20 juillet 2009, M. A______ s’est présenté aux guichets de l’OCPM. Il a reconnu ne pas vivre chez Mme F______, mais a précisé que celle-ci l’aurait précédemment autorisé à utiliser son adresse. Il a indiqué qu’il souhaitait que son courrier lui soit adressé chez Mme B______. L’OCPM lui a alors demandé d’apporter une confirmation écrite de cette dernière l’autorisant à utiliser son adresse, ce qu’il n’a pas souhaité faire.

10) Par décision du 30 juillet 2009, l’OCPM, considérant que M. A______ ne se trouvait pas dans un cas individuel d’extrême gravité au sens de la législation, a rejeté sa requête de régularisation et lui a imparti un délai au 30 octobre 2009 pour quitter la Suisse, le dossier ne faisant pas apparaître que l’exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou pas raisonnablement exigible.

11) Par lettre portant l’adresse rue G______, chez Monsieur H______, non datée et reçue le 6 octobre 2009 par l’OCPM, l’intéressé a à nouveau sollicité une autorisation de séjour en sa faveur.

12) Selon le rapport de l’enquête domiciliaire du 11 janvier 2010 menée par l’OCPM à l’adresse susmentionnée, M. H______ avait indiqué que l’intéressé ne résidait pas chez lui ; il ne s’agissait que d’une adresse de correspondance, et il ignorait où se trouvait son domicile.

13) Par lettres des 14 janvier et 16 mars 2010 adressées à la rue G______, l’OCPM a invité l’intéressé à compléter sa requête par l’apport de plusieurs documents.

Ces lettres sont demeurées sans réponse.

14) Par décision du 27 avril 2010, l’OCPM a refusé d’octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur à M. A______ et lui a ordonné de quitter le territoire d’ici au 31 juillet 2010, l’exécution du renvoi apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

Même si l’intéressé résidait effectivement à Genève depuis mai 1999, la durée de son séjour ne constituait pas un élément justifiant de donner une suite favorable à sa demande. En effet, cette durée devait être relativisée par rapport aux années qu’il avait passées en Tunisie et du fait qu’il était déjà âgé de 30 ans à son arrivée en Suisse. Par ailleurs, il ne pouvait se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée. Son comportement n’était pas exempt de tout reproche, puisqu’il avait été condamné à deux reprises, qu’il avait occupé à plusieurs reprises les services de police, notamment pour des faits de violences verbales ou physiques, et qu’il ne collaborait pas avec l’OCPM. Enfin, sa situation personnelle ne se distinguait guère de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités en Tunisie.

15) Par acte du 31 mai 2010, M. A______ a, par l’intermédiaire de son conseil, interjeté recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI ; auparavant commission cantonale de recours en matière administrative).

Depuis le 19 février 2002, il avait travaillé successivement au service de trois établissements de restauration – dont le premier avait établi le 27 août 2010 une attestation de travail en sa faveur mentionnant qu’il avait toujours donné entière satisfaction dans son travail –, et il avait été actif en qualité d’agent de sécurité au sein de divers établissements et sur le site I______, durant une période d’environ quatre ans. Résidant en Suisse depuis mai 1999, la durée de son séjour constituait un élément extrêmement important susceptible de justifier une suite favorable à sa demande. De plus, il pouvait se prévaloir d’une intégration professionnelle et sociale relativement marquée au point de devoir admettre qu’il ne pouvait quitter la Suisse sans devoir être confronté à des obstacles insurmontables.

À l’appui de ses allégations, il a produit un chargé de douze pièces, dont un curriculum vitae et trois lettres de soutien au texte similaire et à l’écriture manuscrite identique.

16) Le 19 novembre 2010, M. A______ a reconnu C______ auprès de l’office de l’état civil de la commune de Genève.

17) Par ordonnance pénale du 1er février 2011, l’intéressé a été condamné à une peine pécuniaire de quarante jours-amende ainsi qu’à une amende de CHF 300.- pour lésions corporelles simples (coup de poing au visage le soir du 21 octobre 2010) à l’encontre de Mme B______.

18) Le 22 mars 2011, lors d’une audience de comparution devant le TAPI, M. A______ s’est plaint d’être dans l’impossibilité de trouver du travail depuis environ deux ans à cause de la formulation de l’attestation de résidence fournie par l’OCPM. Aucun employeur ne l’engageait du fait qu’il était en procédure. Il n’avait alors pas de travail régulier, mais se débrouillait avec de petits emplois. Il s’occupait de sa fille de la sortie de l’école en fin d’après-midi jusqu’à 20h00 ou 21h00, sa mère travaillant tous les soirs de la semaine dans le secteur du nettoyage. Il n’avait aucune intention de retourner en Tunisie et n’avait pas discuté avec la mère de son enfant de la façon dont ils vivraient s’il devait quitter la Suisse. Il habitait en colocation avec d’autres personnes et avait appris qu’il ne pourrait pas exercer un droit de visite sur sa fille sans un logement approprié.

19) Par jugement du même 22 mars 2011, le TAPI a rejeté le recours de M. A______ à l’encontre de la décision de refus d’autorisation de séjour du 27 avril 2010.

L’intéressé ne remplissait pas les conditions d’un cas de rigueur et il ne pouvait pas se prévaloir de ses relations avec sa fille, la mère de celle-ci ayant fait l’objet d’une décision de renvoi définitive.

20) Le recours interjeté contre ce jugement a été déclaré irrecevable par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour défaut de signature valable, le recours ayant été signé par la secrétaire du conseil de M. A______ (ATA/396/2011du 21 juin 2011).

21) Selon un rapport de police du 19 avril 2011, Mme B______ avait adressé une plainte au Ministère public contre M. A______ en date du 18 février 2011 pour l’avoir menacée de mort le 14 février 2011.

22) Mme B______ a déposé à l’encontre de M. A______, auprès du Tribunal de première instance (ci-après : TPI), une requête en interdiction d’approcher et de prendre contact, avec demande de mesures superprovisionnelles. Parallèlement, une procédure pénale a été ouverte.

23) Par lettre d’un mandataire du 23 décembre 2011, M. A______ a sollicité de l’OCPM le réexamen de son dossier notamment sous l’angle de l’inexigibilité de l’exécution de son renvoi (nécessité médicale), vu son état anxio-dépressif.

Selon le certificat établi le 8 décembre 2011 par une psychiatre et psychothérapeute, il était déprimé, angoissé et avait des idées noires ; il était capable de passer à l’acte – se suicider – car les autorités avaient mis fin à son autorisation de séjour, et il ne pouvait pas se séparer de sa fille et de la mère de cette dernière ; il était tendu, irritable, se plaignait de troubles de la concentration, de l’appétit et du sommeil ainsi que d’une difficulté à faire face à la vie depuis qu’il était arrivé en Suisse ; il avait des sentiments d’injustice et de non-reconnaissance de son droit d’être humain.

24) Le 6 janvier 2012, l’OCPM a refusé de faire droit à cette demande.

25) Par requête adressée à l’OCPM le 26 janvier 2012, M. A______ a réitéré sa demande de reconsidération pour les mêmes motifs que celle du 23 décembre 2011, sans toutefois obtenir de réponse de l’OCPM.

26) Le 4 octobre 2012, M. A______ a été mis en détention administrative puis renvoyé en Tunisie le jour même.

27) Il serait revenu en Suisse à la fin de l’année 2013.

28) Le 10 novembre 2014, M. A______ a encore une fois déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité.

Il était bien intégré en Suisse, pays dans lequel il résidait depuis environ quinze ans. Il respectait l’ordre juridique, n’ayant jamais été condamné pour des infractions importantes. Il voyait régulièrement sa fille et s’en occupait le mieux possible. Il avait exercé divers emplois depuis son arrivée en Suisse, notamment en qualité d’aide-cuisinier. Il avait également travaillé comme agent de sécurité pour des lieux culturels alternatifs. Il était en bonne santé. Il aurait beaucoup de difficultés à se réintégrer à la Tunisie. En cas d’obtention d’une autorisation de séjour, il aurait la possibilité de parfaire ses connaissances professionnelles ainsi que de trouver un emploi plus intéressant sur les plans social et financier.

29) Par courrier de son nouveau conseil du 18 juin 2015, M. A______ a, en réponse à des questions de l’OCPM, informé celui-ci qu’il n’avait, malgré de nombreuses recherches, trouvé aucun employeur acceptant de signer le formulaire M, étant donné qu’il était sans autorisation de séjour. Il poursuivait ses recherches. Il n’avait pas de domicile fixe, la conclusion d’un bail n’étant pas possible dans sa situation.

30) Par décision du 29 juillet 2015, considérant la requête du 10 novembre 2014 comme une demande de reconsidération de la décision du 27 avril 2010, l’OCPM a refusé d’entrer en matière, retenant que les conditions de l’art. 48 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n’étaient pas remplies.

Partant, l’autorité précitée a imparti à l’intéressé un délai au 28 octobre 2015 pour quitter la Suisse.

31) Par acte du 14 septembre 2015, M. A______ a recouru auprès du TAPI contre cette décision, concluant, préalablement, à ce que l’effet suspensif soit accordé, principalement, à l’annulation de la décision et au renvoi du dossier à cette autorité pour l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Il avait sollicité les droits parentaux sur sa fille. Dans un rapport du 20 septembre 2012, le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi), qui avait été chargé par le Tribunal tutélaire (actuel Tribunal de protection de l’enfant et de l’adulte, ci-après : TPAE), en date du 28 mars 2012, de procéder à une évaluation, avait préavisé favorablement l’octroi d’un droit de visite.

En octobre 2012, alors qu’il n’avait pas connaissance de ce rapport, il avait été expulsé vers la Tunisie. Sa mère était décédée d’un arrêt cardiaque trois mois après son renvoi de Suisse. Sans aucun lien avec son pays natal, il était revenu en Suisse à la fin de l’année 2013.

Avant son renvoi, il avait travaillé pour différents employeurs. Depuis son retour, il n’avait ni domicile ni travail fixes et survivait grâce à de « petits boulots ». Il gardait quotidiennement sa fille, de 18h00 à 20h30, lorsque sa mère travaillait, excepté le week-end. Il entretenait ainsi une relation régulière avec son enfant. Sa présence au domicile de la mère de sa fille pouvait être attestée par divers témoins, dont il sollicitait l’audition au besoin.

Par lettre au TPAE du 26 juin 2015, il avait persisté dans sa requête en octroi des droits parentaux sur sa fille. Par courrier du 26 août 2015, le TPAE avait demandé au SPMi d’évaluer la situation et d’émettre un préavis.

Aux alentours du 10 août 2015, la police s’était rendue au domicile de Mme B______, à la demande de celle-ci. Il avait ensuite été entendu au poste de police. Il restait dans l’attente de la main courante sollicitée le 18 août 2015 à la cheffe de la police.

C’était à tort que l’OCPM avait refusé d’entrer en matière sur le cas de rigueur. En effet, les circonstances s’étaient modifiées de manière notable compte tenu tout particulièrement des relations qu’il entretenait avec sa fille. Celles-ci étaient relevées dans le rapport du SPMi du 20 septembre 2012, dont l’OCPM n’avait apparemment pas eu connaissance avant de procéder à son expulsion. En outre, sa requête en octroi des droits parentaux était en cours. Il remplissait partant les conditions du cas de rigueur.

32) Le 28 septembre 2015, l’OCPM a conclu au rejet du recours. Dans ses écritures du 10 novembre 2014, M. A______ avait invoqué les mêmes faits que ceux déjà connus de l’autorité lors de sa décision en 2010. Par ailleurs, B______ et sa fille étaient dépourvues d’autorisation de séjour en Suisse. Elles n’en avaient jamais eues.

Sur le fond, le recourant n’alléguait pas de faits nouveaux importants susceptibles de justifier l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Les relations du recourant avec sa fille étaient connues de l’OCPM, mais n’étaient d’aucun secours dans la mesure où cette enfant était dépourvue de titre de séjour.

33) Le 15 octobre 2015, l’OCPM a informé le TAPI qu’il était saisi d’une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur en faveur de Mme B______ et de sa fille.

34) Le 19 octobre 2015, M. A______, par l’intermédiaire de son conseil, a versé au dossier un courrier du SPMi du 16 octobre 2015, adressé à lui-même et à Mme B______.

Le SPMi informait les intéressés qu’après avoir discuté avec eux, et compte tenu de leur accord, il paraissait important que des visites entre le recourant et C______ puissent être mises en place à raison d’un week-end sur deux, sans les nuits. M. A______ devrait venir chercher l’enfant à son domicile à 10h00 et la ramener à 18h00. L’enfant serait sous la responsabilité de son père durant les périodes définies par le planning de visites.

35) Par jugement du 10 décembre 2015, le TAPI a rejeté le recours interjeté contre la décision de l’OCPM du 29 juillet 2015.

Tant l’OCPM dans sa décision initiale du 27 avril 2010 que le TAPI dans son jugement du 22 mars 2011 avaient déjà examiné les éléments invoqués par M. A______, à savoir qu’il était selon lui bien intégré en Suisse où il résidait depuis environ quinze ans, qu’il respectait l’ordre juridique, n’ayant jamais été condamné pour des infractions importantes, qu’il voyait régulièrement sa fille et s’en occupait, qu’il avait exercé divers emplois depuis son arrivée en Suisse et qu’il aurait beaucoup de difficultés à se réintégrer à la Tunisie. Ils avaient retenu que la durée de son séjour ne constituait pas un élément justifiant de donner une suite favorable à sa demande, qu’il ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée, que son comportement n’était pas exempt de tout reproche, puisqu’il avait été condamné à deux reprises, et qu’il ne pouvait non plus pas se prévaloir de ses relations avec sa fille.

C______ n’était au bénéfice d’aucune autorisation de séjour. M. A______ ne pouvait dès lors pas invoquer la protection de la vie familiale découlant de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Il ressortait toutefois du dossier qu’une demande d’autorisation de séjour en faveur de C______ était en cours d’examen auprès de l’OCPM. Cela étant et même dans l’hypothèse où l’OCPM accorderait un droit de séjour à l’enfant, M. A______ ne pourrait être mis au bénéfice de la protection de la vie familiale au sens de l’art. 8 CEDH. Aucune des trois conditions résultant de la jurisprudence du Tribunal fédéral afférente à cette disposition conventionnelle n’était remplie. En effet, premièrement, il ne pouvait pas se prévaloir de liens affectifs particulièrement forts avec sa fille, puisqu’il ne disposait pas d’un droit de visite usuel selon les standards définis ; deuxièmement, il n’entretenait avec son enfant aucune relation économique, dès lors qu’au vu du dossier, il ne versait aucune contribution pour son entretien ; troisièmement, il ne pouvait pas non plus faire valoir un comportement irréprochable en Suisse, ayant été condamné à deux reprises.

En conclusion, la relation avec C______ invoquée par M. A______ dans son recours ne constituait pas non plus une modification importante de l’état de fait, au sens de l’art. 48 LPA, de sorte qu’une reconsidération de la décision de l’OCPM du 27 avril 2010 pour ce motif était exclue.

36) Par acte du 19 janvier 2016, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant principalement à son annulation, au renvoi de son dossier à l’OCPM pour que celui-ci lui octroie un titre de séjour pour cas de rigueur.

En date du 22 décembre 2015, le TPAE lui avait imparti un délai au 19 janvier 2016 pour se déterminer sur les conclusions du rapport d’évaluation sociale du SPMi du 17 décembre 2015, à savoir l’octroi de l’autorité parentale conjointe à l’égard de C______, l’attribution de la garde de fait à Mme B______ et la fixation d’un droit de visite en sa faveur d’accord entre les parties, mais à défaut deux après-midis par semaine, dès la sortie de l’école jusqu’à 20h30, et un dimanche à quinzaine, de 14h00 à 18h00 ; dès qu’il aurait un logement pour accueillir C______, le droit de visite pourrait alors s’exercer à raison d’un week-end sur deux, du samedi 10h00 au dimanche 18h00 ainsi que durant la moitié des vacances scolaires.

À teneur du rapport d’évaluation sociale précitée, la communication entre Mme B______ et M. A______ était tendue et difficile, et ils se disputaient parfois, hors de la présence de leur fille. Mme B______, qui était « fatiguée » de voir M. A______ tous les jours et peinait à le faire sortir lorsqu’il essayait d’installer ses affaires chez elle, reprochait à celui-ci de ne pas contribuer à l’entretien de leur enfant ; celui-ci la suivait parfois dans la rue pour lui demander un peu d’argent, afin de pouvoir acheter un café. Pour l’instant, selon ses déclarations, M. A______ n’avait pas de permis de travail, ce qui l’empêchait de trouver un emploi plus stable et un domicile à Genève ; il faisait donc des « extras » dans des restaurants, des déménagements et « se débrouillait » comme il pouvait, avec de « petits boulots » occasionnels ; il dormait généralement chez Mme B______ ou chez un ami, et n’avait pas de domicile fixe, donc pas de lieu où recevoir C______. Selon cette dernière, entendue le 17 décembre 2015 par le SPMi, sa mère travaillait autant qu’elle le pouvait et son père n’amenait jamais d’argent ; elle aimait bien le voir en semaine, même si elle estimait que sa mère l’encourageait mieux pour ses études ; le week-end, elle préférait rester avec sa mère, pouvant faire avec celle-ci des activités alors que son père ne lui achetait rien et ne lui proposait aucune sortie intéressante ou de son âge ; elle souhaitait qu’il trouve un travail et qu’il aide financièrement sa mère, de sorte que cela se passerait mieux entre ses parents et qu’ils pourraient alors « se remettre ensemble ». Pour le SPMi, M. A______ était l’une des figures d’attachement principales de C______ et ils partageaient ensemble une relation affective proche, qui peinait à se développer – étant donné que les visites se faisaient au domicile de Mme B______ ou en sa présence – et qu’il convenait de renforcer par le droit de visite.

En outre, un restaurant avait, le 16 décembre 2015, déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour à Genève pour ressortissant étranger avec activité lucrative en sa faveur, pour un travail de plongeur à raison de vingt-quatre heures par semaine moyennant un salaire annuel brut (13ème salaire inclus) de CHF 29’289.-.

Le 1er avril 2016, M. A______ a produit une ordonnance rendue le 25 février 2016 par le TPAE, laquelle reprenait dans son dispositif les conclusions du SPMi du 17 décembre 2015. Selon le TPAE, il n’existait aucun indice concret ni élément objectif conduisant à considérer que M. A______ ne serait pas en mesure d’exercer l’autorité parentale, ni qu’il ne se serait pas soucié sérieusement de la mineure ou aurait gravement manqué à ses devoirs envers elle ; au contraire, il s’investissait dans l’éducation de sa fille, se montrait présent et attentif à ses besoins et ce en dépit de ses difficultés personnelles.

37) Le 12 septembre 2016, sur question de la chambre administrative, l’OCPM a indiqué que la demande d’autorisation de séjour de Mme B______ et de sa fille était toujours en cours d’instruction ; celles-ci devaient fournir différents documents d’ici au 19 septembre 2016.

38) Par arrêt du 4 octobre 2016 (ATA/830/2016), la chambre administrative a admis partiellement le recours du 19 janvier 2016.

S’agissant du cas individuel d’extrême gravité, la non-entrée en matière de l’OCPM était justifiée. En revanche, sous l’angle de la protection de la vie familiale, deux nouvelles circonstances étaient apparues : premièrement, Mme B______ et C______ avaient déposé, à fin 2015, une demande d’autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité et, deuxièmement, le TPAE avait institué l’autorité parentale conjointe entre le recourant et Mme B______ à l’égard de C______, maintenu la garde de cette dernière par sa mère et réservé au père un droit de visite usuel dès qu’il aurait un logement approprié, plus restreint dans cette attente.

La cause a été renvoyée à l’OCPM pour qu’il entre en matière sur la demande, instruise et statue sur le fond, en tenant compte du statut futur de sa fille et du fait que M. A______ s’était vu attribuer l’autorité parentale conjointe.

39) Le 2 mars 2017, Mme B______ et sa fille C______ ont été mises au bénéfice d’autorisations de séjour durables à Genève.

40) Le 17 mars 2017, M. A______ s’est à nouveau plaint auprès de l’OCPM du fait que celui-ci lui délivrait des attestations indiquant que sa situation était en examen, ce qui ne lui permettait pas d’obtenir un emploi ou un logement.

41) Le 24 avril 2017, le conseil de l’intéressé a informé l’OCPM qu’il ne défendait plus les intérêts de M. A______.

42) Le 22 juin 2017, l’Hospice général (ci-après : l'hospice) a confirmé à M. A______ l’impossibilité de le loger dans une chambre individuelle, tout en confirmant qu’il pouvait utiliser l’une des chambres réservées à l’exercice du droit de visite des parents.

43) Le 19 septembre 2017, faisant suite à une demande de renseignements de l’OCPM, Mme B______ a indiqué que M. A______ n’avait jamais gardé un contact régulier avec C______, qu’il avait toujours voulu « faire les choses à sa manière », sans respecter ni le calendrier et les dates organisées par le SPMi ni les décisions judiciaires. Il ne contribuait en outre « presque à rien » à l’entretien de sa fille, n’ayant jamais versé de pension.

44) Le 27 septembre 2017, l’hospice a chiffré l’aide mensuelle perçue par l’intéressé à CHF 1’332.20. Selon une attestation du 4 octobre 2017, M. A______ percevait une aide financière complète ainsi qu’une aide en nature depuis le 1er janvier 2016.

45) Le 2 octobre 2017, faisant suite à une demande de renseignements de l’OCPM, M. A______ a indiqué qu’il voyait sa fille régulièrement, trois ou quatre fois par semaine. Il aurait aimé pouvoir lui verser une pension alimentaire, mais cela ne lui était pas possible compte tenu de sa situation administrative qui l’empêchait d’obtenir un emploi.

46) Le 3 octobre 2017, M. A______ a été condamné par la chambre pénale d’appel et de révision de la cour de justice à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, assortie d’un sursis de trois ans, pour injure et menaces.

47) Le 10 octobre 2017, la commune J______ (ci-après : la commune) a déposé une demande de prise d’emploi en faveur de M. A______, pour une période déterminée du 15 décembre 2017 au 2 mars 2018, activité rémunérée à raison de CHF 600.- maximum par mois ; il s’agissait d’un stage ayant pour objectif de l’insérer dans le monde professionnel.

Une autorisation révocable jusqu’à droit connu a été accordée par l’OCPM.

48) Par ordonnance du 4 décembre 2017, le TPAE a limité le droit de visite de M. A______ sur sa fille, à raison de deux heures à quinzaine, les samedis, avec passage de l’enfant au L______.

49) Le 26 mars 2018, le SPMi a informé l’OCPM, à la demande de celui-ci, que l’intéressé semblait être attaché à sa fille, laquelle souhaitait conserver des liens avec son père. Il lui avait téléphoné une fois en janvier et une fois en février 2018. À ce stade, un calendrier des visites n’avait pas encore été établi.

50) Le 11 avril 2018, à teneur du registre de la population de l’autorité intimée, l’enfant C______ a été naturalisée et a obtenu la nationalité suisse.

51) Le 28 janvier 2019, M. A______ a été engagé en tant que stagiaire pompiste auprès de la commune, moyennant un salaire mensuel brut de CHF 600.- ; ce stage a été prolongé jusqu’au 29 mars 2019. Il s’agissait à nouveau d’un stage de réinsertion.

52) Le 1er mars 2019, le SPMi a informé l’OCPM, à la demande de celui-ci, que des visites avaient été organisées au L______ afin que M. A______ puisse exercer son droit aux relations personnelles avec sa fille, mais que celui-ci ne s’y était pas rendu. M. A______ ne respectait pas les visites mises en place dans un cadre protégé, ne collaborait pas avec le SPMi et refusait de se conformer aux décisions judiciaires.

53) Le 11 mars 2019, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser de lui octroyer une autorisation de séjour et lui a accordé un délai de trente jours pour faire valoir, par écrit, son droit d’être entendu.

54) M. A______ a exercé son droit d’être entendu par lettre du 20 mars 2019 indiquant notamment qu’il mettait tout en œuvre pour maintenir un lien affectif étroit avec sa fille et assumer son rôle de père. Il souhaitait avoir la possibilité d’être présent pour elle.

55) Le 27 mars 2019, le TPAE a rendu une ordonnance réglant les rapports entre M. A______ et sa fille. Les relations personnelles entre eux s'exerceraient auprès d'un thérapeute. Le TPAE exhortait M. A______ à entreprendre, de façon sérieuse, approfondie et régulière, un suivi thérapeutique pour lui-même, et à fournir aux curateurs une attestation mensuelle de son suivi. Il a maintenu la curatelle existante, interdit tout autre contact que ce soit entre la mineure et son père, notamment téléphonique, et fait interdiction au père d'approcher la mineure dans un périmètre de moins de 200 m, ou encore de pénétrer dans un périmètre de 200 m autour de son domicile et de son école, prononçant cette interdiction sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

56) Le 11 avril 2019, M. A______ a complété sa réponse du 20 mars 2019, indiquant que la fille de son mandant avait obtenu la nationalité suisse et que celui-ci la verrait de manière régulière au L______, un terrain d’entente ayant été trouvé par-devant le TPAE.

57) Par décision du 9 mai 2019, l’OCPM a refusé de reconsidérer sa décision du 27 avril 2010 et a imparti à M. A______ un nouveau délai de départ au 9 juin 2019 pour quitter la Suisse.

La demande de reconsidération était basée sur le fait que, depuis la décision du 27 avril 2010, M. A______ avait reconnu C______ et avait obtenu l’autorité parentale conjointe sur son enfant, laquelle avait été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour en date du 8 décembre 2016.

Il résultait du dossier que M. A______ bénéficiait depuis plusieurs années de l’aide d’urgence de l’hospice qui le logeait dans un centre d’hébergement collectif. À ce jour, il n’exerçait aucune activité lucrative. Il serait arrivé en Suisse à l’âge de 30 ans et vivait depuis bientôt vingt ans à Genève, dont de nombreuses années de manière illégale. Il avait des attaches avec son pays d’origine, dans la mesure où il avait demandé à y retourner à diverses reprises depuis sa venue ; des visas de retour lui avaient notamment été accordés en 2010, en 2016 et en 2018.

Bien qu’il eût obtenu l’autorité parentale conjointe sur son enfant, le SPMi avait confirmé qu’il n’avait pas respecté les visites programmées en cadre protégé et avait refusé de se conformer aux décisions judiciaires. Mme B______ avait indiqué qu’il n’avait jamais contribué financièrement à l’entretien de C______ et que ses contacts avec elle étaient pour le moins irréguliers. Partant, l’intensité de la relation affective entre l’intéressé et sa fille n’avait pas pu être démontrée. Si par impossible une relation affective intense devait être démontrée, le recourant ne disposait pas de moyens financiers personnels pour pouvoir entretenir sa fille ; le lien économique entre eux faisait ainsi défaut. Son comportement en Suisse n’avait enfin pas été irréprochable, ayant été condamné pénalement. Il n’y avait donc aucune raison majeure justifiant la poursuite de son séjour en Suisse. Sa réintégration en Tunisie ne semblait pas fortement compromise dans la mesure où il y avait maintenu des contacts tout au long de ces années.

Enfin, les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur en application de l’art. 8 CEDH n’étaient pas remplies, et un motif de révocation était en outre réalisé compte tenu de la dépendance conséquente et durable à l’aide sociale du recourant ainsi que l’absence de perspectives concrètes d’amélioration de sa situation.

58) Par acte du 7 juin 2019, M. A______ – représenté par Me K______, avec élection de domicile – a interjeté recours auprès du TAPI contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur.

Il essayait de régulariser sa situation en Suisse en raison de la présence de sa fille, de nationalité suisse. Il l’avait reconnue en novembre 2010 et exerçait l’autorité parentale conjointe sur elle. Le 27 mars 2019, lors d’une audience par-devant le TPAE, il s’était engagé à respecter les modalités d’exercice des relations personnelles avec sa fille et de se soumettre aux conseils d’un thérapeute afin de permettre un suivi desdites relations.

La chambre administrative avait renvoyé la cause à l’OCPM afin que celui-ci statue à nouveau sur le fond, mais il n’avait pas tenu compte de tous les nouveaux éléments, en particulier le fait que sa fille était désormais suisse. Ensuite, s’agissant de ses relations personnelles avec sa fille, l’OCPM s’était basé sur d’anciens documents, soit un courrier du 1er mars 2019 du SPMi et sur un courrier de Mme B______ du mois de septembre 2017, pour considérer que ces relations étaient dénuées d’intensité. Il n’avait ainsi pas pris en compte les changements intervenus dans ces relations ; à ce jour, il avait accepté l’intervention d’un thérapeute et de suivre le programme du L______. Les rencontres se passaient bien et autant sa fille que lui-même en étaient satisfaits. En outre, le non-respect du programme de visites au L______ n’indiquait en aucun cas le manque d’intensité des relations ; ce non-respect tenait en effet du fait qu’il rendait visite à sa fille plus souvent que le prévoyait le programme et non l’inverse. Malgré les allégations de l’OCPM, ses relations avec C______ étaient d’une grande intensité. Par ailleurs, C______ n’avait cessé de pleurer à l’annonce de l’intention des autorités de le renvoyer.

Il n’avait plus d’attaches avec la Tunisie. Il s’y était certes rendu, mais les deux derniers visas avaient été demandés afin qu’il puisse se rendre aux obsèques de ses parents, tandis que le premier visa avait été utilisé pour rendre une dernière visite à l’un de ses parents.

La décision entreprise nuisait aux droits de l’enfant, tant au niveau économique, puisqu’un salaire tunisien ne suffirait pas à payer les frais d’avion ainsi que les frais de base permettant de couvrir les besoins de C______, qu’au niveau moral et de la personnalité de cette dernière. Son départ priverait sa fille, en pleine adolescence, d’un repère important.

59) Par jugement du 18 décembre 2019, le TAPI a rejeté le recours.

M. A______ ne vivait pas avec sa fille et n’en avait pas la garde exclusive, mais disposait de l’autorité parentale conjointe sur son enfant. Faute d’autorisation de séjour préalablement à la présente procédure, il lui était impossible de revendiquer l’application des critères jurisprudentiels plus favorables, étant noté qu’il n’avait jamais été question que sa fille quitte la Suisse pour le suivre en Tunisie.

S’agissant de ses relations avec sa fille, il ressortait du dossier que des visites avaient été organisées au L______, mais que M. A______ ne s’y était pas rendu, qu’il ne respectait pas les visites mises en place dans un cadre protégé, ne collaborait pas avec le SPMi et refusait de se conformer aux décisions judiciaires. Il contestait certes ces points, alléguant qu’un accord avait été conclu par-devant le TPAE en date du 7 mars 2019 et que les visites avaient ainsi été reprises. Ces allégations n'étaient toutefois étayées par aucune pièce probante, le procès-verbal de l’audience tenue par devant le TPAE n’ayant pas été produit. Force était dès lors de constater que M. A______, qui pouvait certes voir sa fille régulièrement, n’entretenait pas une relation personnelle d’une intensité particulière avec elle.

En ce qui concernait le lien économique avec son enfant, M. A______ n’avait jamais versé de contribution d’entretien ni participé d’une autre manière à la prise en charge de son enfant. Certes, ce manque résultait en partie de sa situation économique, car il était sans emploi. Cela étant, même dans une situation telle que la sienne, il pouvait être attendu qu’il soutienne financièrement sa fille, même de manière symbolique pour montrer son engagement envers elle.

On devait ainsi retenir que M. A______ avait développé une relation avec sa fille et que des liens affectifs existaient bien entre eux, mais qu'ils ne pouvaient pas être qualifiés de liens familiaux particulièrement forts d’un point de vue affectif. L’absence d’un lien économique particulièrement fort entre le recourant et sa fille était de plus avéré. Ainsi, M. A______ ne pouvait pas se prévaloir d’entretenir une relation étroite et effective avec son enfant au sens de la jurisprudence, que ce soit d’un point de vue affectif ou économique. Il ne pouvait pas non plus se prévaloir d’un comportement irréprochable, dès lors qu’il avait fait l’objet de plusieurs condamnations pénales au cours de son séjour en Suisse, dont la dernière date du 3 octobre 2017.

En outre, M. A______ émargeait à l’assistance publique depuis le 1er janvier 2016 et, s’agissant de ses liens avec la Suisse, hormis la présence de sa fille, il ne ressortait pas du dossier qu’il se soit créé des attaches sociales particulièrement étroites durant ses séjours. Enfin, il avait passé les trente premières années de sa vie en Tunisie et avait conservé des liens avec sa patrie, où vivaient ses trois sœurs ainsi que son frère et probablement d’autres membres de sa famille. Âgé de près de 49 ans, il était en bonne santé.

60) Le jugement précité a été notifié par pli recommandé à l'avocat de M. A______. Selon le suivi des envois de la poste, il a été réceptionné par le cabinet de l'avocat précité le 20 décembre 2019.

61) Le 8 octobre 2020, M. A______, représenté par un autre avocat, a interjeté auprès de la chambre administrative un recours contre le jugement précité, concluant préalablement à la restitution du délai de recours et à l'octroi d'un délai pour compléter ledit recours, et principalement à l'annulation du jugement attaqué et à l'octroi d'une autorisation de séjour.

Le fond du dossier ne pouvait encore être abordé, car il ne disposait pas des documents de la procédure. Le suppléant de Me K______, nommé le 31 août 2020, avait remis à M. A______ un exemplaire du jugement attaqué le 11 septembre 2020 seulement. L'avocat avait été nommé d'office le 1er octobre 2020, et déposait le recours en demandant qu'il soit constaté que M. A______ avait été empêché d'agir sans faute de sa part.

62) Le 13 novembre 2020, M. A______ a complété son recours, en persistant dans ses conclusions.

Il persistait à invoquer le droit au respect de sa vie familiale, car il était présent auprès de sa fille depuis dix ans et assumait pleinement son rôle de père. Il n'avait plus de lien avec la Tunisie, et ne pourrait poursuivre sa relation avec sa fille depuis ce pays, où les moyens de communication modernes étaient dispendieux et où seule une minorité de la population y avait accès.

63) Le 9 décembre 2020, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés n'étant pas fondamentalement différents de ceux invoqués en première instance, et n'étant pas de nature à modifier sa position.

64) Le 10 février 2021, M. A______ a persisté dans ses conclusions. Il joignait des échanges de messages avec sa fille, qu'il voyait régulièrement en dépit des rapports tendus avec la mère de cette dernière. Malgré ses faibles revenus, il essayait d'offrir à sa fille un peu d'argent de poche ou des cadeaux. Il produisait également un extrait de son casier judiciaire, qui était vierge. Il poursuivait son intégration par des stages. Ces efforts d'intégration étaient soulignés dans une attestation émanant de l'Association Agora.

65) Le 8 juin 2021, M. A______ a fait parvenir à la chambre administrative des pièces complémentaires, soit un avenant à son contrat de stage et un certificat de stage, ainsi que le rapport du SPMi pour la période du 28 mars 2019 au 28 mars 2021.

Selon ce dernier, dans sa décision valant autorisation du 30 mars 2020, le TPAE avait pris acte du fait que l'organisation des visites père-fille n'était pas conforme à l'ordonnance du 27 mars 2019. C______ ne souhaitait pas renouveler l'expérience des visites « médiatisées » à M______. Le TPAE avait maintenu la curatelle. Après deux rendez-vous organisés par la thérapeute, la mineure avait exprimé sa souffrance et son envie temporaire de suspendre les rencontres avec son père. Elle n'arrivait pas à surmonter l'attitude inadéquate de ce dernier. Au vu des difficultés de M. A______ à comprendre sa fille, elle était soutenue dans ce sens par sa psychologue. M. A______ ne suivait pas la recommandation d'entreprendre un suivi thérapeutique pour lui-même, ni de fournir d'attestations aux curateurs. Il ne répondait pas aux courriers qui lui étaient adressés par le SPMi. M. A______ avait repris contact avec sa fille après le confinement, et lui adressait des messages sur son portable. Il demandait à voir sa fille en dehors du centre M______ et sans l'accord de la mère. C______ acceptait de voir son père à l'extérieur. Ils se voyaient le temps d'un repas. Dans ces moment-là, M. A______ était plus calme et se sentait libre de parler avec sa fille, sans une tierce personne pour le contrôler. Mme B______ était régulièrement informée par sa fille de ses contacts avec son père, la mineure lui demandant l'autorisation de le rejoindre. Les apprentissages scolaires et sociaux de la mineure étaient préservés.

La situation n'évoluait guère dans le cadre thérapeutique. M. A______ ne répondait pas au téléphone ni ne sollicitait le SPMi pour réclamer ses droits de visite. Les curateurs n'avaient aucune indication sur le suivi thérapeutique qu'il était censé suivre. Les protagonistes contournaient le dispositif de protection et trouvaient des solutions pour se rencontrer. Si la mineure ressentait de la gêne au contact de son père, elle ne semblait en revanche pas en danger avec lui. Les dernières rencontres s'étaient déroulées de manière satisfaisante. Il apparaissait dans cette situation que forcer les rencontres en milieu protégé, quel qu'il fût, était contreproductif et pas viable. Aussi, la mineure avait pris du recul et s'adaptait à la problématique de son père. Le désir de la rencontre semblait réciproque. À ce stade du développement de l'adolescente et du soutien dont elle disposait autour d'elle, il ne semblait plus opportun de maintenir un cadre judiciaire. En cas de difficultés, Madame B______ saurait alerter, ou saisir le Tribunal, et C______ saurait réagir.

66) Le 5 août 2021, le juge délégué a demandé à la commission du barreau si, au 20 décembre 2019, l'autorisation de pratiquer de Me K______ était suspendue ou retirée, s'il avait le cas échéant un avocat désigné à titre de suppléant, et si à cette date il était ou non dans l'incapacité d'exercer sa fonction pour toute cause indépendante de sa volonté.

67) Le 24 août 2021, la commission du barreau a indiqué qu'en date du 20 décembre 2019, Me K______ était dûment inscrit au registre cantonal des avocats. Toutefois, la commission avait prononcé à son encontre, le 9 décembre 2019, une interdiction de pratiquer de trois mois, prenant effet dès le 23 mars 2020. Elle avait par la suite interpellé l'intéressé en juillet 2020 pour savoir s'il avait repris son activité professionnelle et, en l'absence de réponse, avait prononcé sa radiation par décision du 31 août 2020.

68) Le 15 septembre 2021, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 1er octobre 2021 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

69) Le 21 septembre 2021, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.

70) M. A______ n'a pas donné suite à cette invite.

EN DROIT

1) Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Le jugement attaqué a été communiqué au domicile élu du recourant le 20 décembre 2019, et le présent recours n'a été interjeté que le 8 octobre 2020. Se pose dès lors la question de la recevabilité du recours sous l'angle du respect du délai, dont le recourant demande la restitution.

3) a. Selon l’art. 62 al. 1 let. a LPA, le délai de recours contre une décision finale ou une décision en matière de compétence est de trente jours. Il court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 1ère phr. LPA). Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 17 al. 3 LPA).

b. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 consid. 2 p. 24 ; ATA/1157/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2a ; ATA/1595/2017 du 12 décembre 2017 consid. 3a). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine ; ATA/717/2021 du 6 juillet 2021 consid. 2a).

c. S’agissant d’un acte soumis à réception, telle une décision ou une communication de procédure, la notification est réputée faite au moment où l’envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (Pierre MOOR/ Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 302-303 n. 2.2.8.3). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 118 II 42 consid. 3b p. 44 ; 115 Ia 12 consid. 3b p. 17 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 ; 2A.54/2000 du 23 juin 2000 consid. 2a et les références citées).

d. Les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 LPA).

e. Selon la jurisprudence, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres, principe qui vaut également en droit public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/823/2021 du 10 août 2021 consid. 4c ; ATA/89/2018 du 30 janvier 2018 consid. 2).

4) Aux termes de l'art. 16 al. 1 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé ; les cas de force majeure sont réservés.

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/848/2021 du 24 août 2021 consid. 4a ; ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/1028/2016 du 6 décembre 2016 ; ATA/916/2015 précité consid. 2c ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013 ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9 ; Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, ad art. 133, n. 14 et 15 p. 1283).

A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai le fait qu'un détenu, qui disposait d'un délai de recours de trois jours, n'ait pu expédier son recours dans ce délai, du fait qu'il ne pouvait le poster lui-même et qu'en outre ce pli avait été soumis à la censure de l'autorité (ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 6). Il en allait de même du recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s'acquitter d'une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de sept jours, de sorte qu'il ne restait qu'une semaine au justiciable pour s'exécuter (ATA/477/2009 du 20 septembre 2009 consid. 5).

En revanche, n'ont pas été considérés comme des cas de force majeure une panne du système informatique du mandataire du recourant l'ayant empêché de déposer un acte de recours dans le délai légal (ATA/222/2007 du 8 mai 2007 consid. 3b), le fait qu'un avocat ait transmis à son client la demande d'avance de frais par pli simple en prenant le risque que celui-ci ne reçoive pas ce courrier (ATA/596/2009 du 17 novembre 2009 consid. 6), pas plus que la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c).

5) a. La LPA – pas plus du reste que la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) – ne consacre pas expressément le droit à une défense effective (ou efficace).

b. Un tel principe existe en revanche en procédure pénale. Selon le Tribunal fédéral, un prévenu doit bénéficier d'une défense compétente, assidue et efficace. Lorsque les autorités tolèrent à tort que le défenseur néglige gravement les devoirs que lui imposent sa profession et sa fonction au détriment de l'accusé, une violation des devoirs de la défense peut être retenue (ATF 138 IV 161 consid. 2.4 ; ATF 126 I 194 c. 3d). Seuls des comportements matériellement injustifiables ou manifestement fautifs du mandataire, tels que l'inobservation flagrante d'un délai ou d'un terme, sont constitutifs de violations graves, dans la mesure où ils portent atteinte de manière substantielle aux droits de la défense du prévenu (ATF 120 Ia 48 consid. 2b/bb). Ainsi, lorsque l'autorité permet que l'inobservation d'un délai ou d'un terme par le mandataire cause un sérieux préjudice au prévenu dans un cas de défense obligatoire, il peut en découler une atteinte aux droits de la défense.

Le Tribunal fédéral a ainsi considéré qu'il y avait lieu de faire exception au principe selon lequel la faute de l'avocat est imputable à son client aux conditions suivantes : il doit s'agir d'un cas de défense obligatoire, le comportement de l'avocat relève de la négligence grave, est complètement faux, ou encore totalement contraire aux règles de l'art, et le préjudice subi ne peut pas être réparé par une action en dommages-intérêts, ce qui n'est pas le cas lorsque le prévenu encourt une simple amende ou peine pécuniaire et qu'il ne s'ensuit aucune inscription dans le casier judiciaire, étant précisé que l'exigence d'un préjudice important et irréparable ressort déjà expressément de l'art. 94 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0 ; le mandant doit également rendre vraisemblable qu'il n'a commis aucune faute propre, sans laquelle le défaut ne serait pas survenu ; en effet, lorsque le mandant est lui-même fautif, la question de savoir si la faute de son défenseur lui est imputable est sans objet (ATF 143 IV 284 consid. 2.2).

6) En l'espèce, le recourant ne conteste pas que le jugement attaqué ait été régulièrement notifié, ni que son recours ait été déposé très largement hors délai. On peut par ailleurs se poser la question de savoir si le recourant n'aurait pas dû tenter d'avoir des nouvelles de son recours entre les mois de décembre 2019 et de septembre 2020.

Quoi qu'il en soit, la question de la restitution du délai, tout comme celle de l'opportunité de reprendre mutatis mutandis en procédure administrative genevoise la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière pénale, peut souffrir de demeurer ouverte, dès lors que même au cas où le délai de recours serait restitué et le recours déclaré recevable, il y aurait lieu de rejeter celui-ci, ainsi qu'il découle de l'analyse qui suit.

7) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20, intitulée avant le 1er janvier 2019 : loi fédérale sur les étrangers [LEtr]) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 - OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEtr permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEtr, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 aOASA, qui fixe en l'espèce les critères déterminants pour la reconnaissance d’un cas individuel d’extrême gravité au sens de la disposition légale précitée, prévoit que lors de l’appréciation d’un cas d’extrême gravité, il convient de tenir notamment compte de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse.

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 aOASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; Directives et commentaires du SEM, domaine des étrangers, 2013, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6 [ci-après : directives LEI]).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

8) En l'espèce, le présent arrêt fait suite à l'arrêt de renvoi de la chambre de céans du 4 octobre 2016 (ATA/830/2016), lequel avait rejeté le recours sous l'angle du cas d'extrême gravité, en précisant que la non-entrée en matière sur ce point était justifiée.

Cela étant, même à reprendre l'examen de la situation sous cet angle, il ne peut être reconnu que le recourant pourrait désormais bénéficier des dispositions dérogatoires précitées.

En effet, si la durée de son séjour en Suisse – toujours illégal ou au bénéfice d'une tolérance pendant les diverses procédures – a encore augmenté, et s'élève désormais à plus de vingt ans, les différents éléments pertinents n'ont pas évolué en faveur du recourant. Ce dernier émarge depuis plusieurs années au budget de l'assistance publique, quand bien même il effectue des stages faiblement rémunérés pour rester en contact avec le monde du travail. Depuis l'arrêt de renvoi précité, le recourant a été condamné pour injures et menaces, quand bien même son casier judiciaire est désormais vierge. Il n'existe donc pas d'éléments qui permettent de revenir sur l'appréciation posée à cet égard tant par la chambre de céans en 2016 que par l'intimé et le TAPI depuis lors.

Reste à examiner l'évolution de la situation concernant un éventuel octroi d'autorisation sur la base de l'art. 8 CEDH, le recourant se prévalant à cet égard des relations étroites entretenues avec sa fille.

9) a. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3 ; 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1).

b. Selon la jurisprudence, l'art. 8 CEDH ne confère en principe pas un droit à séjourner dans un État déterminé : la Convention ne garantit pas le droit d'une personne d'entrer ou de résider dans un État dont elle n'est pas ressortissante ou de n'en être pas expulsée. Les États contractants ont en effet le droit de contrôler, en vertu d'un principe de droit international bien établi, l'entrée, le séjour et l'éloignement des non-nationaux. Toutefois, le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse peut entraver sa vie familiale et porter ainsi atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par cette disposition. Il n'y a cependant pas atteinte à la vie familiale si l'on peut attendre des personnes concernées qu'elles réalisent leur vie de famille à l'étranger ; l'art. 8 CEDH n'est pas a priori violé si le membre de la famille jouissant d'un droit de présence en Suisse peut quitter ce pays sans difficultés avec l'étranger auquel a été refusée une autorisation de séjour. En revanche, si le départ du membre de la famille pouvant rester en Suisse ne peut d'emblée être exigé sans autres difficultés, il convient de procéder à la pesée des intérêts prévue par l'art. 8 § 2 CEDH. Celle-ci suppose de tenir compte de l'ensemble des circonstances et de mettre en balance l'intérêt privé à l'obtention ou au maintien d'un titre de séjour et l'intérêt public à son refus ou à sa révocation (ATF 144 I 91 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_59/2020 du 30 avril 2020 consid. 5.1 et les références citées). Cette exigence de proportionnalité découle aussi de l’art. 96 LEI, étant rappelé que l’examen requis par cette disposition se confond avec celui imposé par l’art. 8 § 2 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 2C_903/2019 du 10 janvier 2020 consid. 4.2).

c. Pour déterminer si l’on peut contraindre un enfant bénéficiant d’une autorisation d’établissement en Suisse à suivre le parent dont il dépend à l’étranger, il faut tenir compte non seulement du caractère admissible de son renvoi, mais aussi des motifs d’ordre et de sécurité publics, comme le fait que ce parent est tombé de manière continue et dans une large mesure à la charge de l’assistance publique (arrêt du Tribunal fédéral 2C_792/2013 du 3 décembre 2013 et les arrêts cités).

d. Lorsque le parent étranger n'a pas l'autorité parentale ni la garde ou lorsqu'il a l'autorité parentale conjointe, mais sans la garde, et ne dispose ainsi que d'un droit de visite sur son enfant suisse ou habilité à résider en Suisse, il n'est en principe pas nécessaire que, dans l'optique de pouvoir exercer ce droit de visite, le parent étranger soit habilité à résider durablement dans le même pays que son enfant (ATF 144 I 91 consid. 5.1 ; 140 I 145 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1009/2018 du 30 janvier 2019 consid. 3.4.1). Sous l'angle du droit au respect de la vie familiale, il suffit en règle générale que le parent vivant à l'étranger exerce son droit de visite dans le cadre de séjours brefs, au besoin en en aménageant les modalités quant à la fréquence et à la durée ou par le biais de moyens de communication modernes (ATF 144 I 91 consid. 5.1). Un droit plus étendu ne peut le cas échéant exister qu'en présence 1) de relations étroites et effectives avec l'enfant d'un point de vue affectif et 2) d'un point de vue économique, 3) de l'impossibilité pratique à maintenir la relation en raison de la distance qui sépare le pays de résidence de l'enfant du pays d'origine de son parent et 4) d'un comportement irréprochable (ATF 144 I 91 consid. 5.2 et les arrêts cités). Ces exigences doivent être appréciées ensemble et faire l'objet d'une pesée des intérêts globale (ATF 144 I 91 consid. 5.2 sur chacune des conditions ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_950/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 et 2C_665/2017 du 9 janvier 2018 consid. 4.2.1 lorsque le parent n'a pas de droit de séjour préalable).

Ce n'est que lorsque le parent étranger a l'autorité parentale et le droit de garde sur son enfant, et que cet enfant est de nationalité suisse, que les règles sont moins strictes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1009/2018 du 30 janvier 2019 consid. 3.4.2).

e. Le lien affectif particulièrement fort est tenu pour établi lorsque les contacts personnels sont effectivement exercés dans le cadre d'un droit de visite usuel selon les standards d'aujourd'hui (en Suisse romande, il s'agit d'un droit de visite d'un week-end toutes les deux semaines et durant la moitié des vacances) ; seuls importent les liens personnels, c'est-à-dire l'existence effective de liens familiaux particulièrement forts d'un point de vue affectif (ATF 143 I 21 consid. 5.5.4 ; 139 I 315 consid. 2.3). Sous l'angle temporel, ce qui est déterminant lors de l'examen de proportionnalité, c'est la réalité et le caractère effectif des liens qu'un étranger a tissés avec le membre de sa famille qui bénéficie d'un droit de résider en Suisse au moment où le droit est invoqué, quand bien même, par définition, des liens familiaux particulièrement forts impliquent un rapport humain d'une certaine intensité qui ne peut s'épanouir que par l'écoulement du temps. En d'autres termes, les carences de l'étranger dans les relations étroites qu'il allègue entretenir avec son enfant revêtent moins de poids dans la pesée des intérêts à mesure qu'elles sont plus anciennes et qu'en raison de ce même écoulement du temps se renforce la relation entre l'étranger et son enfant (ATF 144 I 91 consid. 5 ; 140 I 145 consid. 4.2 et les références citées ; ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 4b et les références citées).

f. Dans la pesée des intérêts, il faut également tenir compte de l'intérêt de l'enfant à maintenir des contacts réguliers avec son père, ainsi que l'exige l'art. 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107). Les dispositions de la convention ne font toutefois pas de l'intérêt de l'enfant un critère exclusif, mais un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_851/2014 du 20 avril 2015 consid. 4.2).

10) En l'espèce, depuis l'arrêt de la chambre de céans du 4 octobre 2016, la fille du recourant, aujourd'hui âgée de 16 ans, est devenue suisse. Le TPAE a également rendu deux ordonnances, en 2019 et en 2020. S'agissant des relations entre le recourant et sa fille, on peut se reporter au rapport établi en avril 2021 par le SPMi. À cet égard, les pièces récentes produites par le recourant convergent avec les constats dudit rapport.

Il ressort ainsi des éléments figurant au dossier que le recourant voit certes assez régulièrement sa fille, mais en tout cas pas davantage qu'un parent bénéficiant d'un droit de visite usuel. Il sied du reste de relever que le recourant n'a pas produit d'attestation émanant de sa fille, et qu'il n'a pas non plus sollicité son audition. Le lien affectif entre le recourant et sa fille semble également avoir été distendu à certaines périodes encore assez proches du point de vue temporel.

Par ailleurs, si le recourant fait parfois des cadeaux à sa fille ou lui fournit un peu d'argent de poche, on ne peut considérer qu'il pourvoit de manière significative à son entretien, quand bien même cette situation est en partie due à son statut administratif. Toujours en lien avec sa situation économique, on doit noter que le recourant est depuis plusieurs années à charge de l'hospice, ce qui, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, empêche de retenir un comportement irréprochable. À ce dernier égard, le recourant a fait l'objet d'une condamnation pénale en 2017 encore, quand bien même son casier judiciaire est aujourd'hui vierge.

Enfin, s'agissant des possibilités de maintenir le lien avec sa fille en cas de retour en Tunisie, on ne saurait suivre le recourant lorsqu'il allègue qu'il ne pourrait avoir accès à Internet, et que la situation sanitaire internationale empêcherait tout voyage à vues humaines. Sur ce dernier point, il est notoire que la situation du trafic international de voyageurs s'est grandement améliorée au cours de l'année 2021. Quant au premier aspect, l'usage d'un téléphone portable et la connexion à un réseau quel qu'il soit n'apparaît pas à ce point difficile en Tunisie que l'on doive retenir cette possibilité comme illusoire.

Au vu de ce qui précède, les conditions pour l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur le droit au respect de la vie familiale ne peuvent être considérées comme remplies, si bien que le recours sera rejeté en tant qu'il est recevable.

11) Le recourant plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 8 octobre 2020 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2019 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Maxime Clivaz, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.