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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4295/2017

ATA/266/2018 du 20.03.2018 ( PRISON ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : INTÉRÊT ACTUEL; DROIT D'ÊTRE ENTENDU; AUDITION OU INTERROGATOIRE; TÉMOIN; DROIT DISCIPLINAIRE; FAUTE; PROPORTIONNALITÉ; MESURE DISCIPLINAIRE
Normes : LPA.60.letb; Cst.5.al2; Cst.29.al2; CP.48.leta.ch2; CP.48.letc; CP.54; RCurabilis.67; RCurabilis.68; RCurabilis.69.al1.letb; RCurabilis.69.al1.letc; RCurabilis.70; RCurabilis.71
Résumé : Les sanctions disciplinaires étant régies par les principes généraux du droit pénal, l'autorité doit tenir compte, lorsqu'elle fixe la sanction, des motifs d'atténuation, voire d'exemption de peine au sens des art. 48ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et 52ss CP.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4295/2017-PRISON ATA/266/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 mars 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Ilir Cenko, avocat

contre

ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE FERMÉ CURABILIS



EN FAIT

1) Monsieur A______ est actuellement détenu dans l’établissement pénitentiaire fermé de Curabilis (ci-après : Curabilis).

2) Par décision du 26 septembre 2017, M. A______ a fait l’objet d’une sanction sous forme d’une amende de CHF 50.- sans sursis et d’un jour d’arrêt disciplinaire avec sursis, délai d’épreuve de deux mois, pour menaces et/ou atteintes à l’intégrité corporelle ou à l’honneur et insubordination et/ou incivilité à l'encontre du personnel. Entendu le 26 septembre 2017 à 15h, la décision, qu’il a refusée de signer, lui a été notifiée à 16h30. Elle portait la signature d’un
sous-chef de l'établissement en tant que représentant du directeur de Curabilis. La décision était immédiatement exécutoire nonobstant recours.

Les faits s’étaient déroulés le 23 septembre 2017.

Il ressortait du rapport établi par l’agent de détention que le 18 septembre 2017, M. A______ avait été prévenu qu’au motif qu’une visite avait déjà été validée pour le mercredi 20 septembre 2018, sa demande de visite formulée pour le samedi 23  septembre 2017 était refusée. M. A______ avait alors réitéré sa demande qui avait, par erreur, été finalement acceptée.

Ce malentendu avait été dissipé le vendredi 22 septembre 2017 par la remise à M.  A______ d’un second refus concernant la visite du 23 septembre 2017. Afin de lui expliquer les raisons ayant motivé l’annulation de ce parloir, des agents de détention s’étaient rendus le lendemain à 12h25 auprès de M. A______ et avaient ouvert le portillon de sa cellule.

Dès leur arrivée, M. A______ s’était montré très virulent dans ses propos et sa gestuelle. Devant son refus d’entendre leurs explications, les gardiens l’avaient dans un premier temps écouté, avant de lui expliquer les motifs du refus.

M. A______ avait eu la visite de ses enfants le mercredi 20 septembre 2017. Par conséquent, il ne pouvait bénéficier d’une seconde visite dans la même semaine, ce qu’il n’ignorait pas. Le détenu était toutefois d’avis que le parloir partagé avec ses enfants ne devrait pas compter comme une visite et sa sœur qui devait venir dans l’après-midi n’habitait pas Genève. Elle avait dû s’organiser pour venir le voir, notamment en confiant la garde de ses cinq enfants et en faisant le jour-même un long trajet.

Au fil de la discussion, M. A______ s’était montré de plus en plus menaçant, notamment en expliquant au sous-chef que s’il ne donnait pas son aval pour le parloir, la situation deviendrait dangereuse pour lui et son collègue. En raison de ses menaces, il avait été décidé de mettre un terme à cette discussion et M. A______ avait été invité à rentrer son bras dans sa cellule afin que le guignard puisse être refermé. Face à son refus, le sous-chef avait demandé des renforts.

L’agent de détention, auteur du rapport, avait été appelé à 12h39. En arrivant sur les lieux à 12h43, il avait vu le bras de M. A______ sortir du portillon. Le sous-chef avait demandé aux agents de détention présents de rentrer le bras dans la cellule. Le détenu avait violemment résisté, maintenant son bras tendu, le poing fermé. Il avait continué à se montrer menaçant. À un certain moment, les agents présents avaient saisi l’avant-bras de M. A______ tout en essayant de le faire reculer. Ce dernier s’était mis à hurler que le portillon se fermait, mais ce n’était pas le cas.

Le sous-chef avait alors décidé de changer de méthode. À plusieurs reprises, il avait prévenu le détenu que s’il refusait de rentrer son bras, il allait devoir lui passer les menottes. Devant ce nouveau refus, le sous-chef lui avait menotté le poignet droit afin de pouvoir ouvrir la cellule et y entrer. Le dialogue avait pu être rétabli et les menottes avaient été enlevées. M. A______ s’était ensuite calmé et s’était mis à pleurer.

Les agents de détentions étaient sortis de la cellule et avaient décidé d’accorder ce deuxième parloir, en raison des tensions pouvant résulter de cette situation durant le week-end et du fait que la sœur de M. A______ venait de loin et qu’elle n’avait pas été informée de l’annulation de la visite.

3) Le 10 octobre 2017, le directeur de Curabilis a donné suite à la demande formulée le 27 septembre 2017 par le conseil de M. A______, qui souhaitait des explications sur les circonstances dans lesquelles l’incident s’était produit, son client ayant été blessé à la main.

4) a. Par acte du 26 octobre 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la sanction du 26 septembre 2017. Il a conclu, à titre préalable, à être dispensé de fournir une avance de frais jusqu’à droit connu sur sa demande d’assistance juridique du 18 octobre 2017, à ce qu’il soit ordonné à l’Établissement de Curabilis de produire les documents prouvant la compétence, respectivement la délégation de compétence, du sous-chef pour prononcer la décision du 26 septembre 2017, d’ordonner l’apport à la procédure des enregistrements de vidéosurveillance de l’évènement du 23 septembre 2017, d’ordonner l’audition à titre de témoin des gardiens ayant assisté à cet événement, et de lui impartir un délai raisonnable pour compléter la motivation du recours après l’accomplissement des actes d’instruction requis ci-dessus, subsidiairement ordonner un second échange d’écritures. Au fond, il a conclu principalement à l’annulation de toute sanction, subsidiairement à l’annulation de la décision querellée. Les frais devaient être laissés à la charge de l’État de Genève.

Formellement, la question de la compétence de la personne ayant prononcé la décision attaquée devait être clarifiée. De plus, son droit d’être entendu n’avait pas été respecté, la décision attaquée n’indiquant pas concrètement les faits reprochés.

Au fond, il contestait avoir proféré des menaces ou avoir refusé d’obtempérer. Emprisonné depuis plus de quatre ans, il n’avait jamais été sanctionné pour un comportement hostile envers des gardiens. Le jour des faits, il avait simplement cherché à leur expliquer la situation et à leur montrer, en passant la main à travers la trappe de sa cellule, le document autorisant la visite de sa sœur qui avait déjà fait le voyage.

Blessé, il avait été empêché de travailler pendant près d’un mois. Selon toute vraisemblance, la sanction qui avait été prononcée devait justifier les lésions qui lui avaient été causées à la main droite.

b. M. A______ a notamment produit la facture relative aux soins reçus le 23  septembre 2017 à 19h50, deux attestations de la Doctoresse B______ des 25 septembre et 9 octobre 2017, selon lesquelles M. A______ avait été incapable de travailler du 23 septembre 2017 jusqu’au 18 octobre 2017, ainsi que la déclaration accident qu’il avait remplie le 7 octobre 2017.

5) Dans ses observations du 24 novembre 2017, le directeur de Curabilis a conclu au rejet du recours, conclusion prise « sous suite de frais et dépens » et a notamment versé à la procédure le dossier de M. A______ relatif à cet incident, y compris le rapport rédigé le 23 septembre 2017, les images de vidéosurveillance, de même que la confirmation écrite du gardien chef de Curabilis, selon laquelle il avait oralement validé la sanction proposée par le sous-chef.

6) Dans sa duplique du 22 janvier 2018, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Dès lors que les images de vidéosurveillance n’étaient pas très explicites, il sollicitait l’audition à titre de témoins des trois membres du personnel médical ayant assisté à la scène.

7) Le 23 janvier 2018, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La sanction ayant déjà été exécutée, il convient d’examiner s’il subsiste un intérêt digne de protection à l’admission du recours (art. 60 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; ATA/610/2017 du 30 mai 2017 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste  ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 734 n. 2084 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n.  5.7.2.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 449 n.  1367).

Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1).

En l’occurrence, le recourant dispose d’un intérêt digne de protection à recourir contre la sanction prononcée contre lui. La légalité de celle-ci doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle en vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, nonobstant l’absence d’intérêt actuel, puisque cette sanction a déjà été exécutée et que la période du sursis est échue. Cette situation pourrait se présenter à nouveau dès lors que rien dans le dossier ne laisse à penser que le détenu ait quitté l’établissement à ce jour (ATA/1135/2017 du 2 août 2017 et la jurisprudence citée).

Le recours est donc recevable à tous points de vue.

3) Le recourant sollicite l’audition de témoins, et en particulier du personnel médical présent au moment des faits.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2).

b. S’agissant de l’audition des témoins requise par le recourant, celle-ci n’est pas susceptible d’éclairer la chambre de céans sur la question à examiner, les images de vidéosurveillance versées au dossier étant suffisamment probantes.

Dans ces circonstances, la chambre administrative ne procédera pas aux actes d’instruction supplémentaires demandés, dans la mesure où de tels actes ne sont pas de nature à influer sur l’issue du litige et où elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer en connaissance de cause.

4) a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs - la faute étant une condition de la répression - qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit. p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/310/2017 du 21 mars 2017 consid. 5a ; ATA/245/2017 du 28 février 2017 consid. 5b et les références citées).

c. La sanction doit être conforme au principe de la proportionnalité (ATA/499/2017 du 2 mai 2017 consid. 3c). Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF  125  I  474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/1159/2017 du 3 août 2017 consid. 7a).

d. Les sanctions disciplinaires étant régies par les principes généraux du droit pénal, l’autorité doit tenir compte, lorsqu’elle fixe la sanction, des motifs d’atténuation, voire d’exemption de peine au sens des art. 48ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et 52ss CP.

Ainsi, la peine doit être atténuée notamment si l'auteur a agi dans une détresse profonde (art. 48 let. a ch. 2 CP), en proie à une émotion violente que les circonstances rendaient excusable ou s'il a agi dans un état de profond désarroi (art. 48 let. c CP)

Au terme de l’art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

5) a. La personne détenue a l'obligation de respecter les dispositions du règlement de l'établissement de Curabilis du 19 mars 2014 (RCurabilis - F 1 50.15), les directives du directeur général de l’office cantonal de la détention, du directeur de Curabilis, du personnel pénitentiaire ainsi que les instructions du personnel médico-soignant (art. 67 RCurabilis). La personne détenue doit observer une attitude correcte à l'égard des différents personnels, des autres personnes détenues et des tiers (art. 68 RCurabilis). Sont en particulier interdits l’insubordination et les incivilités à l’encontre des personnels de Curabilis (art. 69 al. 1 let.  b  RCurabilis), les menaces dirigées contre, notamment, les différents personnels de Curabilis (art. 69 al. 1 let. c RCurabilis).

b. Si une personne détenue enfreint le RCurabilis ou contrevient au plan d'exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 70 al. 1 RCurabilis). Il est tenu compte de l’état de santé de la personne détenue au moment de l’infraction disciplinaire (art. 70 al. 2 RCurabilis).

Les sanctions sont l'avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximale de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let.  b.), l'amende jusqu'à CHF 1'000.- (let. c) et les arrêts pour une durée maximale de dix jours (let. d ; art. 70 al. 4 RCurabilis). Ces sanctions peuvent être cumulées (art. 70 al. 5 RCurabilis). L’exécution de la sanction peut être prononcée avec un sursis ou un sursis partiel de six mois au maximum (art. 70 al.  6  RCurabilis).

c. L’art. 70 al. 3 RCurabilis mentionne que le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu avant le prononcé de la sanction. Le droit d’être entendu comprend le droit de l'administré de faire valoir son point de vue avant qu’une décision ne soit prise, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves et de se déterminer à leur propos (ATF 138 II 252 consid. 2.2 et les arrêts cités).

La violation du droit d'être entendu – pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière – est réparée exceptionnellement lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant du même pouvoir d'examen que l'autorité de décision (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1).

d. Le directeur de Curabilis et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer les sanctions (art. 71 al. 1 RCurabilis). Le directeur de Curabilis peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions prévues à l'art. 70 al.  4  RCurabilis à d'autres membres du personnel gradé de l’établissement. Les modalités de la délégation sont prévues dans une directive interne. Le placement d'une personne détenue en cellule forte pour une durée supérieure à cinq jours est impérativement prononcé par le directeur de Curabilis ou, en son absence, par son suppléant ou un membre du conseil de direction chargé de la permanence (art. 71 al. 2 RCurabilis).

6) De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/73/2017 du 31 janvier 2017 consid. 7 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/1410/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017).

7) Dans ses griefs de nature formelle, le recourant s’interroge sur la validité d’une décision signée par le sous-chef et se plaint de la violation de son droit d'être entendu, la décision ne précisant pas les faits reprochés.

La sanction a été prise par un agent pénitentiaire ayant le grade de sous-chef, auquel le directeur de Curabilis avait délégué la tâche de statuer. La sanction a été ainsi valablement prononcée par l’autorité compétente.

Il ressort de la décision attaquée que le recourant a été entendu à 15h00 et que la sanction lui a été signifiée à 16h30, si bien que l’autorité intimée a agi dans le respect de son droit d’être entendu, en lui laissant la possibilité de s’exprimer au sujet des faits reprochés avant le début de l’exécution de la sanction querellée.

Dans le cadre de la procédure de recours, il a pu visionner les images de vidéosurveillance et prendre connaissance de l’ensemble des pièces produites par l'autorité intimée, si bien que son droit d’être entendu a pleinement été respecté, étant rappelé que la chambre de céans connaît du présent contentieux avec un plein pouvoir d'examen.

Ces griefs doivent par conséquent être écartés.

8) Au fond, le recourant conteste avoir tenu des propos menaçants.

La sanction repose sur le rapport d’un agent assermenté, qui a verbalisé les faits tels, qu’ils se sont déroulés. Conformément à la jurisprudence précitée, ce rapport a force probante et en l’espèce, aucun élément ne permet de le remettre en cause.

En effet, les images de vidéosurveillance permettent d’observer que le recourant maintient son bras à l’extérieur de sa cellule, la plupart du temps avec une feuille à la main. On y voit également les deux agents présents discuter longuement avec le recourant. Ces images corroborent les explications données par l’autorité intimée, soit que ces derniers s’étaient déplacés pour expliquer au recourant les raisons justifiant le refus de la deuxième visite. Ils sont ensuite rejoints par leurs collègues, images qui correspondent à nouveau au rapport, en ce sens que, confrontés à l’agitation et aux menaces du recourant, les agents ont dû demander du renfort.

Malgré la réaction de contestation que leur a opposée le recourant, tous les agents de détention présents ont gardé leur calme et aucun geste brusque envers le recourant n’est visible sur ces images. D’ailleurs, le personnel médical qui a observé le déroulement des faits ne semble pas être alarmé par la situation, gardée sous contrôle par les agents de détention.

La sanction sera par conséquent confirmée dans son principe.

9) Les sanctions prononcées reposent sur une base réglementaire, l’art. 70 al. 4 let. c et d  RCurabilis, étant relevé que cette disposition prévoit une amende pouvant s’élever jusqu'à CHF 1'000.- et une durée maximale d’arrêt disciplinaires de dix  jours.

Lors de de la fixation de la sanction, l’autorité intimée doit tenir compte de l’ensemble des circonstances et notamment d’éventuels motifs d’atténuation, voire d’exemption de peine, pouvant s’inspirer à cet égard des dispositions du droit pénal, notamment des art. 48ss CP et 52ss CP.

En l’espèce, le recourant s’est énervé car la visite qui lui avait été auparavant accordée par l’autorité intimée a par la suite été annulée. Or, il savait que sa sœur avait fait le déplacement pour le voir, non sans difficultés. L’erreur de l’autorité intimée ne saurait justifier les faits reprochés au recourant. Elle rend toutefois compréhensible l’état de désarroi dans lequel ce dernier se trouvait au moment des faits. Par conséquent, l’autorité intimée aurait dû examiner la réalisation des conditions permettant d’atténuer la sanction.

De plus, le recourant a été blessé au moment des faits, blessures qui l’ont empêché de travailler pendant près d’un mois. Or, au sein de Curabilis, l’activité professionnelle occupe une place importante dans le quotidien des détenus. Les conséquences de son égarement ont ainsi eu un effet durable dont il y avait lieu de tenir compte.

Par conséquent, compte tenu de l’ensemble des circonstances très particulières du cas, il y avait lieu d’exempter l’intéressé de toute sanction.

Le recours sera dès lors partiellement admis.

10) Aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant qui plaide au bénéfice de l'assistance juridique (art. 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Malgré l'issue du litige, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure, le recourant n'y ayant pas conclu et n'ayant pas exposé de frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 octobre 2017 par Monsieur A______ contre la décision de l’établissement pénitentiaire fermé de Curabilis du 26 septembre 2017 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

exempte Monsieur A______ de toute sanction ;

confirme la décision de l’établissement pénitentiaire fermé de Curabilis du 26  septembre 2017 pour le surplus ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17  juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Ilir Cenko, avocat du recourant ainsi qu'à l'établissement pénitentiaire fermé Curabilis.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :