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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4031/2015

ATA/1010/2016 du 29.11.2016 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE ; PRESTATION D'ASSISTANCE ; SUBSIDIARITÉ ; SUPPRESSION(EN GÉNÉRAL) ; FORTUNE IMMOBILIÈRE ; OBLIGATION D'ANNONCER(EN GÉNÉRAL) ; DEVOIR DE COLLABORER ; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : Cst.12 ; LIASI.8 ; LIASI.9 ; LIASI.11 ; LIASI.12.al2 ; LIASI.21.al1 ; LIASI.23.al1 ; LIASI.23.al5 ; LIASI.32 ; LIASI.33 ; LIASI.35 ; LIASI.39.al1 ; LRDU.6.leta ; RIASI.1 ; Cst.9
Résumé : Rejet du recours formé contre la décision supprimant les prestations d'aide financière dont bénéficiait le recourant, propriétaire d'un bien immobilier à l'étranger dont il n'a jamais mentionné l'existence, et refusant une aide exceptionnelle pour le même motif.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4031/2015-AIDSO ATA/1010/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 novembre 2016

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1) Ressortissant suisse, Monsieur A______ est né le ______ 1951 au Maroc.

2) En 1996, M. A______ a épousé en secondes noces Madame B______, avec laquelle il a eu trois enfants nés respectivement en 2000, 2001 et 2002.

3) Par jugement du 10 décembre 2009 (JTPI/1______), le Tribunal de première instance de Genève (ci-après : TPI) a autorisé M. A______ et Mme B______ à vivre séparés.

4) En mars 2011, les autorités marocaines ont prononcé le divorce de M. A______ et de Mme B______.

5) Le 2 août 2011, M. A______ a épousé Madame C______ au Maroc, pays dans lequel celle-ci a résidé jusqu’en juin 2016.

6) Le 4 octobre 2011, M. A______ a complété et signé la formule « demande de prestation d’aide financière » de l’Hospice général (ci-après : l’hospice). Il indiquait être divorcé de Mme B______ et n’avoir aucune fortune ni aucun bien immobilier en Suisse et/ou à l’étranger.

7) Le même jour, M. A______ a signé le document « mon engagement en demandant le revenu minimum cantonal d’aide social (RMCAS) », aux termes duquel il s’engageait en particulier à communiquer à l’hospice, immédiatement et spontanément, tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger, notamment sur toute forme de revenu ou de fortune, ainsi qu’à communiquer en détail tous ses éléments de fortune, notamment ses biens mobiliers et immobiliers ainsi que ceux de toute personne faisant ménage commun avec lui ou composant son groupe familial ou ceux en possession de tiers.

Il a renouvelé la signature d’un tel document, intitulé par la suite « mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice général », les 8 mars 2012, 14 septembre 2012, 18 avril 2013, 12 mai 2014 et 20 avril 2015.

8) Le 20 octobre 2011, M. A______ a été reçu à l’hospice pour un entretien de suivi, au cours duquel il a indiqué que son ex-femme lui avait « tout pris ».

9) Le 8 mars 2012, puis le 18 avril 2013, M. A______ a complété et signé la formule de « demande de prestations d’aide financière » de l’hospice, dans laquelle il indiquait être séparé judiciairement de Mme B______ et ne disposer d’aucune fortune ni d’aucun bien immobilier à Genève, en Suisse et/ou à l’étranger.

10) Les 14 septembre et 29 novembre 2012 puis le 5 février 2014, M. A______ a été reçu à l’hospice pour d’autres entretiens de suivi, au cours desquels il a respectivement expliqué que son ex-femme l’avait « volé », qu’elle avait « tout obtenu », de sorte qu’il n’avait « plus rien » et que les biens faisant partie de sa dot appartenaient à son ex-épouse, qu’elle avait récupérés lors du divorce.

11) Le 12 mai 2014, puis le 20 avril 2015, M. A______ n’a indiqué aucune modification de sa situation patrimoniale et personnelle dans la formule « demande de prestations d’aide financière/réévaluation ».

12) Par jugement du 4 mars 2015 (JTPI/2______), le TPI a dissous par le divorce le mariage de M. A______ et de Mme B______, statué sur l’autorité parentale et les relations personnelles sur leurs enfants mineurs et dit que le régime matrimonial était liquidé.

Durant la procédure, M. A______ avait indiqué être le seul propriétaire d’un bien immobilier sis à Tanger, qu’il avait acquis avant le mariage, Mme B______ l’ayant toutefois mis en location en 2003 et perçu depuis lors des loyers, d’un montant total de CHF 89'700.-, dont il réclamait la moitié. Par ailleurs, dans le même pays, les époux avaient acquis en commun un autre bien immobilier, « D______ », en copropriété grâce à un emprunt. M. A______ y avait encore acheté un troisième appartement que son épouse avait vendu au profit de celui dans lequel elle habitait. Les conclusions de M. A______ tendant à la restitution de la moitié des loyers encaissés par son épouse étaient toutefois irrecevables pour avoir été déposées tardivement.

13) Le 20 avril 2015, M. A______ a été reçu à l’hospice pour un entretien de bilan, au cours duquel il a indiqué qu’après la séparation du couple, Mme B______ avait acheté un appartement à son nom au Maroc, distinct de celui acquis en commun par le passé, et que, par la suite, elle l’avait « arnaqué ».

À la demande de l’assistante sociale en charge de son dossier, M. A______ s’est engagé à apporter les documents en lien avec cet appartement.

14) Le 25 juin 2015, M. A______ a transmis à l’hospice copie du jugement de divorce du TPI ainsi qu’un certificat établi le 28 avril 2006 par le conservateur de la propriété foncière et des hypothèques de Tanger, au Maroc, selon lequel la propriété « D______ », sise à Tanger, comprenant un appartement, était propriété indivise et à parts égales de M. A______ et de Mme B______.

15) Le 6 juillet 2015, M. A______ a été reçu à l’hospice pour un nouvel entretien, au cours duquel il a été informé de la fin de son droit aux prestations d’aide financière ordinaire et de l’octroi d’une aide financière exceptionnelle remboursable, limitée à trois mois, à compter du 1er juillet 2015, dès lors qu’il était propriétaire d’un bien immobilier sis à l’étranger. Entendu, M. A______ a expliqué ne posséder aucun bien, son ex-épouse lui ayant « tout pris ».

16) Par décision du 23 juillet 2015, l’hospice a mis un terme aux prestations ordinaires d’aide financière en faveur de M. A______ avec effet au 1er juillet 2015, lui octroyant une aide financière exceptionnelle remboursable, limitée à trois mois, soit jusqu’au 30 septembre 2015.

M. A______ n’avait informé qu’en avril 2015 l’assistante sociale en charge de son dossier qu’il était propriétaire d’un bien immobilier au Maroc, alors que ce fait ressortait du jugement de divorce rendu en mars 2015 déjà. N’ayant pas mentionné ces éléments, il n’avait pas respecté son devoir de collaboration. Le fait d’être propriétaire d’un immeuble à l’étranger ne lui permettait pas de bénéficier des prestations d’aide sociale, son appartement ne constituant pas une résidence principale. Au regard de sa situation, il se justifiait toutefois de lui accorder une aide financière exceptionnelle durant trois mois afin qu’il puisse produire son jugement de divorce, tous les documents de propriété et ceux permettant de déterminer la valeur réelle de son bien-fonds. Il devait tout mettre en œuvre pour réaliser son bien, soit en obtenant un crédit garanti par l’hypothèque, soit en le mettant en vente ou en location, afin de subvenir à son entretien à compter du 1er octobre 2015.

17) a. Le 21 août 2015, M. A______, sous la plume de son conseil, a formé opposition contre cette décision, expliquant en particulier que son ex-femme détenait les droits de possesseur des biens immobiliers du couple.

b. Il a annexé à son courrier un extrait de ses écritures devant le TPI dans le cadre de la procédure de divorce l’opposant à Mme B______, aux termes desquelles il expliquait posséder seul depuis le 7 mars 1995 un bien immobilier à Tanger, pour lequel son épouse percevait un loyer depuis 2003, d’un montant total de CHF 89'700.-. Le 19 août 1999, il avait acquis avec son épouse, au moyen d’un emprunt, la propriété « D______ », au prix de CHF 86'115.-. Par la suite, il avait encore acheté un autre bien immobilier à Tanger, que son épouse avait vendu au prix de CHF 60'000.- au profit de l’appartement qu’elle occupait actuellement.

18) Par décision du 11 novembre 2015, l’hospice a rejeté l’opposition de M. A______ et confirmé la décision du 23 juillet 2015.

Il ressortait du dossier que M. A______ était à tout le moins propriétaire d’un bien immobilier au Maroc qui ne lui servait pas de demeure permanente, de sorte que la décision de mettre fin aux prestations d’aide financière était justifiée, étant rappelé qu’en dérogation claire au texte de la loi, il avait bénéficié d’une aide financière exceptionnelle durant trois mois afin de subvenir à ses besoins le temps d’aliéner son appartement, sans qu’il ait entrepris aucune démarche dans ce sens. Au regard de la valeur de sa fortune immobilière, supérieure à CHF 4'000.- pour une personne seule, il n’avait ainsi pas droit à l’aide sociale.

19) Par acte remis au greffe le 19 novembre 2015, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation, au renvoi du dossier à l’hospice en vue de l’octroi d’une aide financière exceptionnelle remboursable jusqu’à la vente du bien immobilier au Maroc, tout au plus de douze mois après l’entrée en force définitive du jugement de divorce, ainsi qu'à l'octroi de « dépens ».

Bien qu’il fût propriétaire, conjointement avec sa future ex-épouse, d’un appartement à Tanger, il se trouvait néanmoins dans le besoin, dès lors qu’il ne pouvait disposer de ce bien en l’absence de jugement définitif et exécutoire de divorce, de liquidation du régime matrimonial, voire de partage de la propriété commune et/ou de vente forcée. Compte tenu de sa relation tendue avec Mme B______, l’hypothèse d’un rachat de la part de celle-ci dans le cadre d’une vente à l’amiable ne pouvait pas non plus être envisagée. L’hospice ne pouvait ainsi, sous peine d’arbitraire, raisonnablement exiger qu’il vende cet appartement dans les trois mois pour subvenir à ses besoins vitaux. Cet établissement avait d’ailleurs bien reconnu la précarité de sa situation puisqu’il lui avait accordé une aide financière exceptionnelle, dont la prolongation devait être ordonnée.

20) Par arrêt du 24 novembre 2015 (ACJC/3______), la chambre civile de la Cour de justice a partiellement annulé le jugement de divorce de M. A______ et Mme B______ du 4 mars 2015, le confirmant néanmoins s’agissant de la liquidation du régime matrimonial des époux.

Durant la procédure, M. A______ avait persisté dans les conclusions prises en première instance, produisant un permis de construire délivré à son nom le 8 septembre 1988 relatif à un appartement sis dans le lotissement « E______ » au Maroc ainsi qu’un permis d’habiter ce bien délivré le 17 avril 1995. Même s’il ressortait des pièces du dossier que les époux étaient propriétaires à parts égales de l’appartement « D______ », M. A______ n’avait pas démontré que Mme B______ avait loué cet immeuble pour en percevoir un revenu ni qu’elle avait vendu celui qu’il avait acquis par la suite, de sorte que ses conclusions tendant à réclamer la moitié des loyers perçus ainsi que la moitié de la valeur vénale de l’appartement vendu par son épouse devaient être rejetées.

21) a. Dans sa réponse du 7 janvier 2016, l’hospice a conclu au rejet du recours.

M. A______ était copropriétaire à parts égales avec Mme B______ de l’appartement « D______ » à Tanger et détenait également dans cette ville un autre bien immobilier acquis en 1995, avant son mariage. C’était en toute connaissance de cause et contrairement aux engagements signés qu’il avait omis d’indiquer ces éléments, qui n’avaient été découverts qu’en juillet 2015 et justifiaient de mettre un terme à l’aide sociale. Une aide financière exceptionnelle lui avait néanmoins été accordée jusqu’au 30 septembre 2015 afin qu’il puisse réaliser son immeuble et les parts de celui-ci. M. A______ n’avait toutefois entrepris aucune démarche dans ce sens, pas plus qu’il n’avait démontré en quoi la procédure d’appel du jugement de divorce l’en empêchait, dès lors que les autorités marocaines le considéraient comme divorcé depuis plus de quatre ans.

b. Il a joint à ses écritures une attestation d’aide financière établie le 9 décembre 2015, selon laquelle M. A______ avait bénéficié de l’aide sociale du 1er septembre au 31 décembre 2002, du 1er août au 30 septembre 2010 et du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2015 pour un montant total de CHF 118'025.10.

22) Le 18 janvier 2016, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 26 février 2016 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger en l’état du dossier.

23) Aucune des parties ne s’est déterminée dans le délai imparti.

24) Le 20 juin 2016, le conseil de M. A______ a informé le juge délégué qu’il avait cessé d’occuper.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04).

2) Aux termes de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Ce droit à des conditions minimales d’existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l’État. Il ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d’une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. L’art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 142 I 1 consid. 7.2.1 ; 136 I 254 consid. 4.2 ; 135 I 119 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; ATA/878/2016 du 18 octobre 2016 ; ATA/761/2016 du 6 septembre 2016 ; ATA/810/2015 du 11 août 2015).

3) a. En droit genevois, la LIASI et le règlement d’exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent l’art. 12 Cst. (ATA/878/2016 précité ; ATA/761/2016 précité ; ATA/810/2015 précité ; ATA/452/2012 du 30 juillet 2012), tout en allant plus loin que ce dernier.

b. La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI), ainsi que de soutenir les efforts des bénéficiaires de la loi à se réinsérer sur le marché du travail et dans la vie sociale en général. Elle a également pour objectif plus vaste de garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 LIASI). Ses prestations sont fournies sous forme d’accompagnement social, de prestations financières et d’insertion professionnelle (art. 2 LIASI).

4) a. Aux termes de l’art. 8 LIASI, ont droit à des prestations d’aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (al. 2).

b. L’aide sociale est soumise au principe de subsidiarité, conformément à l’art. 12 Cst. L’art. 9 al. 1 LIASI prévoit ainsi que les prestations d’aide financière versées sont subsidiaires à toute autre source de revenus, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004 (LPart - RS 211.231), ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles. Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI).

La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/878/2016 précité ; ATA/761/2016 précité ; ATA/4/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/227/2014 du 8 avril 2014). L’aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource, mais elle est aussi subsidiaire à tout revenu que le bénéficiaire pourrait acquérir par son insertion sociale ou professionnelle (MGC 2005-2006/I A p. 259 ; ATA/4/2015 précité).

5) a. L’art. 11 al. 1 LIASI décrit le cercle des bénéficiaires des prestations d’aide financière en prévoyant qu’y ont droit les personnes qui ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire genevois, ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien et répondent aux autres conditions de la loi, soit celles des art. 21 à 28 LIASI, ces conditions étant cumulatives.

Selon l’art. 21 al. 1 LIASI, ont droit aux prestations d’aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d’État. L’art. 23 al. 1 LIASI prévoit que sont prises en compte la fortune et les déductions sur la fortune prévues aux art. 6 et 7 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aides financière étant fixées par règlement du Conseil d’État (art. 23 al. 5 LIASI).

Le revenu déterminant le droit aux prestations sociales comprend notamment, au titre de la fortune prise en compte, notamment tous les immeubles situés dans et hors du canton (art. 6 let. a LRDU).

L’art. 1 al. 1 let. a RIASI prévoit que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure.

b. Parmi les dispositions traitant des bénéficiaires de l’aide sociale, l’art. 12 LIASI est consacré aux cas exceptionnels. L’art. 12 al. 2 LIASI prévoit ainsi qu’exceptionnellement une aide financière peut être accordée à une personne propriétaire d’un bien immobilier, si ce bien lui sert de demeure permanente. Dans ce cas, l’aide financière accordée est remboursable, l’immeuble pouvant être grevé d’une hypothèque au profit de l’hospice. L’art. 39 al. 1 LIASI précise que les prestations d’aide financière accordées au propriétaire d’un bien immobilier en vertu de l’art. 12 al. 2 LIASI sont remboursables.

Il résulte de l’exposé des motifs relatifs à la LIASI, en particulier des débats ayant porté sur l’art. 12 al. 2 LIASI, que le législateur estimait nécessaire que l’hospice puisse aider une personne propriétaire de son logement pour éviter que celle-ci soit obligée de réaliser son bien et se retrouve sans toit. Un amendement prévoyant que les prestations ainsi accordées soient remboursables a été proposé, l’hospice pouvant par ailleurs obtenir une hypothèque légale à titre de garantie sur l’immeuble, en contrepartie de prestations financières (MGC 2006-2007/V A, séance 25 du 23 février 2007). La ratio legis de la loi est donc bien que l’hospice puisse venir en aide à une personne propriétaire de son logement, dans lequel elle demeure, pour éviter que celle-ci ne se retrouve à la rue en cas de vente de l’immeuble. Ainsi, l’exception prévue à l’art. 12 al. 2 LIASI est celle du cas où le bien immobilier constitue la demeure permanente de la personne qui requiert l’aide de l’hospice (ATA/802/2016 du 27 septembre 2016 ; ATA/1219/2015 du 10 novembre 2015 ; ATA/171/2011 du 15 mars 2011 ; ATA/755/2010 du 2 novembre 2010). Le droit à des prestations n’est dès lors pas ouvert au requérant propriétaire d’un bien immobilier qui n’est pas utilisé comme résidence permanente, l’exception voulue par le législateur n’étant pas réalisée dans ce cas (ATA/802/2016 précité ; ATA/1219/2015 précité ; ATA/644/2014 du 19 août 2014).

6) a. Selon l’art. 32 LIASI, le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière (al. 1). Il doit autoriser l’hospice à prendre des informations à son sujet qui sont nécessaires pour déterminer son droit ; en particulier, il doit lever le secret bancaire et fiscal à la demande de l’hospice (al. 2). Il doit également se soumettre à une enquête de l’hospice lorsque celui-ci en fait la demande (al. 3).

De même, il doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner une modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI). Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique (ATA/878/2016 précité ; ATA/802/2016 précité ; ATA/761/2016 précité ; ATA/810/2015 précité ; ATA/425/2014 du 12 juin 2014).

b. La maxime inquisitoire, applicable à la procédure en matière d’aide sociale, ne dispense pas le requérant de l’obligation d’exposer les circonstances déterminantes pour fonder son droit. Son devoir de collaborer ne libère pas l’autorité compétente de son devoir d’établir les faits mais limite son obligation d’instruire, ce qui conduit à un déplacement partiel du fardeau de la preuve du côté des requérants d’aide sociale. Ceux-ci supportent le fardeau objectif de la preuve qu’ils sont en partie ou entièrement tributaires d’une telle aide en raison d’un manque de moyens propres. Le devoir de collaborer ne peut toutefois être soumis à des exigences trop grandes. C’est pourquoi on ne peut exiger des intéressés qu’ils fournissent des documents qu’ils n’ont pas ou qu’ils ne peuvent se procurer sans complication notable. La preuve exigible doit porter sur l’état de besoin. Dès lors, comme c’est le manque de moyens suffisants qui doit être démontré, l’intéressé doit pour ainsi dire prouver un fait négatif. La preuve appropriée consiste donc à démontrer un fait positif dont on peut déduire un fait négatif. Il appartient à l’autorité compétente en matière d’aide sociale d’établir, sur la base de faits positifs (comme la résiliation des rapports de travail, l’évolution de la fortune sur un compte d’épargne, l’état de santé, les obligations familiales), s’il existe un état de nécessité. De son côté, le requérant est tenu de collaborer en ce sens qu’il donne les informations nécessaires et verse les documents requis au dossier. Comme il est naturellement plus aisé de prouver l’avoir que l’absence d’avoir, il y a lieu de poser une limite raisonnable à l’obligation légale d’apporter la preuve, ainsi qu’à l’exigence relative à la présentation d’un dossier complet (arrêts du Tribunal fédéral 8C_702/2015 du 15 juin 2016 consid. 6.2.1 ; 8C_50/2015 du 17 juin 2015 consid. 3.2.1).

c. Les prestations d’aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées lorsque le bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi, qu’intentionnellement, il ne s’acquitte pas de son obligation de collaborer ou lorsqu’il refuse de donner les informations requises, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. a, c et d LIASI).

7) Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 141 I 70 consid. 2.2 ; 141 I 49 consid. 3.4 ; 140 I 201 consid. 6.1 ; 133 I 149 consid. 3.1). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; 140 I 201 consid. 6.1 ; 138 I 305 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_199/2015 du 31 mai 2016 consid. 6.1).

8) a. En l’espèce, il ressort du dossier que le recourant est propriétaire de plusieurs biens immobiliers au Maroc. Comme l’indique le certificat établi en 2006 par le conservateur de la propriété foncière et des hypothèques de Tanger produit par le recourant, il est propriétaire d’un appartement dans le lotissement « D______ ». Dans le cadre de sa procédure de divorce, le recourant, qui a versé au dossier de la chambre de céans un extrait de ses écritures devant le TPI, a en outre indiqué qu’il avait acquis, seul, un précédent appartement, également à Tanger, avant son mariage puis, au cours de celui-ci, un troisième bien immobilier, dont il avait cependant été dessaisi par son épouse, éléments qu’il ne conteste d’ailleurs pas dans le cadre de la présente procédure.

Le recourant n’a toutefois jamais fait part de ces éléments à l’hospice, mentionnant constamment dans les formules de demandes de prestations d’aide financière ou de réévaluation de celle-ci, complétées et signées les 4 octobre 2011, 8 mars 2012, 18 avril 2013, 12 mai 2014 et 20 avril 2015, qu’il n’avait aucune fortune ni aucun bien immobilier, tant en Suisse qu’à l’étranger. Lors des nombreux entretiens de suivi, il n’a pas davantage fait état de ces éléments, se contentant d’expliquer que son épouse l’avait dépossédé de tous ses biens. Le recourant n’ignorait pourtant pas son obligation de collaborer, en particulier de communiquer à l’hospice, spontanément et en détail, tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation patrimoniale, notamment quant à ses biens immobiliers, pour avoir signé les 4 octobre 2011, 8 mars 2012, 14 septembre 2012, 18 avril 2013, 12 mai 2014 et 20 avril 2015 un engagement dans ce sens.

Ce n’est ainsi que lors de l’entretien de bilan du 20 avril 2015 que le recourant a indiqué à l’établissement intimé qu’après la séparation du couple, Mme B______ avait acheté un appartement à son nom au Maroc, distinct de celui acquis en commun par le passé, et qu’elle l’avait, par la suite, « arnaqué ». Invité à apporter tous les documents en lien avec ces éléments nouveaux, le recourant ne s’est toutefois que partiellement exécuté.

Dans ces circonstances, l’établissement intimé était en droit de mettre un terme aux prestations ordinaires d’assistance en faveur du recourant à compter du 1er juillet 2015.

b. Le recourant requiert la poursuite de l’aide financière de l’hospice, alléguant ne pas être en mesure de subvenir à son entretien.

Au regard de sa fortune, notamment de la valeur de l’appartement « D______ », de CHF 86'115.-, qui dépasse la valeur-seuil de CHF 4'000.-, il ne saurait prétendre à l’octroi des prestations financières ordinaires prévues par la LIASI.

Le recourant ne peut pas non plus prétendre à l’octroi de prestations financières exceptionnelles, étant donné qu’il est propriétaire de plusieurs biens immobiliers sis à l’étranger qui ne lui servent pas de demeure principale, de sorte qu’il ne dispose pas, à teneur claire de la loi, d’un droit à une assistance financière.

Il se prévaut toutefois du fait que de telles prestations lui ont été accordées durant trois mois, du 1er juillet au 30 septembre 2015, arguant que cette durée n’était pas suffisante pour lui permettre de procéder à l’aliénation de l’appartement acquis en commun avec son épouse. Il ne saurait toutefois être suivi sur ce point, ce d’autant qu’il perd de vue que l’hospice lui a accordé ces prestations à bien plaire et en dérogation à la loi. Il apparaît en particulier n’avoir accompli aucune démarche, durant ce laps de temps, pour régulariser sa situation, comme l’avait pourtant requis l’établissement intimé. Dans ce cadre, le recourant ne saurait alléguer que la copropriété indivise à parts égales qu’il formerait encore avec Mme B______ ne lui permettrait pas de procéder à l’aliénation du bien « D______ ». Bien que le certificat du conservateur de la propriété foncière et des hypothèques de Tanger confirme une telle situation juridique, il n’en demeure pas moins que ce document a été établi en 2006, durant le mariage des époux, le recourant n’ayant produit aucun certificat actualisé après le prononcé de son divorce par les autorités marocaines en mars 2011 déjà, le recourant s’étant remarié dans la foulée. Il oublie également qu’il est encore propriétaire d’un appartement acquis en 1995, pour l’aliénation duquel il n’apparaît pas non plus avoir entrepris de démarches, et d’un autre bien immobilier acquis seul alors qu’il était marié à Mme B______, s’étant limité à alléguer, sans le démontrer, que cette dernière s’en était départie au profit de l’appartement qu’elle occupait actuellement.

Dans ces circonstances, le refus de l’autorité intimée de continuer à verser au recourant une aide financière à titre exceptionnel ne prête pas le flanc à la critique.

c. La décision entreprise est dès lors conforme à la loi et sera confirmée. Elle n’apparaît au demeurant pas insoutenable et ne heurte pas le sentiment de la justice et de l’équité, comme semble l’alléguer le recourant, au regard de l’ensemble des éléments susmentionnés, l’établissement intimé ayant correctement évalué la situation juridique.

9) Il s’ensuit que le recours sera rejeté.

10) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), ni alloué d’indemnité de procédure.

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 novembre 2015 par Monsieur A______ contre la décision de l’Hospice général du 11 novembre 2015 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu’à l’Hospice général.

Siégeants : M. Dumartheray, président, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

D. Dumartheray

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :