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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/314/2016

ATA/180/2016 du 25.02.2016 sur JTAPI/107/2016 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/314/2016-MC ATA/180/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 février 2016

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Jacques Emery, avocat

contre

OFFICIER DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 février 2016 (JTAPI/107/2016)


EN FAIT

1. Monsieur A______, né le ______ 1980, est originaire de la République fédérale du Nigéria. Il est en possession d’un passeport délivré par les autorités de ce pays, valable jusqu’au 18 décembre 2018.

2. M. A______ est arrivé en Suisse en 2004 et a déposé une demande d’asile, laquelle a été rejetée par l’office fédéral des migrations, devenu depuis lors le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM). Le renvoi de Suisse de l’intéressé a été prononcé en même temps. L’exécution de celui-là a été retardée faute de documents valables.

3. Le 15 mai 2007, M. A______ a été condamné par un juge d’instruction genevois pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF 30.- le jour avec sursis à l’exécution de la peine et un délai d’épreuve de trois ans.

4. M. A______ a épousé, le 13 février 2012, à l’état civil de la ville de Genève, Madame B______, ressortissante suisse. Il a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial auprès de son épouse, valable jusqu’au 13 février 2013.

5. Le 17 janvier 2013, M. A______ a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

6. Par jugement du 28 janvier 2014, le Tribunal de première instance
(ci-après : TPI), statuant sur la requête en mesures protectrices de l’union conjugale déposée par la femme de M. A______, a autorisé les époux à vivre séparés et a attribué la jouissance exclusive du domicile conjugal à Mme B______.

7. Par jugement du 26 juin 2015, le Tribunal correctionnel genevois a déclaré M. A______ coupable d’infraction grave à la LStup (art. 19 al. 1 et 2 LStup), l’a condamné à une peine privative de liberté de trente-six mois, sous déduction de trois cent trente-deux jours de détention avant jugement, l’a mis au bénéfice d’un sursis partiel, a fixé la partie à exécuter de ladite peine à dix-huit mois, l’a mis au bénéfice du sursis pour le solde et fixé la durée du délai d’épreuve à quatre ans.

Le jugement retenait que la faute de M. A______ était importante, dans la mesure où il s’était livré à un trafic de cocaïne d’une grande ampleur en vendant des boulettes de cette drogue à divers toxicomanes. La période pénale était longue, de novembre 2013 à juillet 2014, et l’activité délictueuse du prévenu durant ce laps de temps avait été très intense. Il était organisé, puisqu’il disposait de son stock sous forme de doigts, et conditionnait lui-même les boulettes destinées à la vente. Son trafic avait été rémunérateur, vu les sommes importantes qu’il avait envoyées à l’étranger. Le prévenu était toutefois un simple vendeur de rue et son lien avec le trafic des autres prévenus n’était pas établi. Il avait manifestement agi par appât du gain, aucun autre motif n’expliquant ses agissements, notamment pas sa situation personnelle, puisqu’il était titulaire d’un permis B, disposait d’un logement et bénéficiait de l’aide sociale. Il ne pouvait se prévaloir d’aucune circonstance atténuante. La collaboration du prévenu à l’enquête avait été très médiocre. Le Tribunal correctionnel prenait acte de ses déclarations selon lesquelles il avait pris conscience des conséquences de ses actes et de ses regrets, dont il espérait qu’ils étaient sincères.

Il ressortait par ailleurs des faits que M. A______ était père d’un enfant d’une précédente relation. Celui-ci vivait au Nigéria avec son oncle. Avant son incarcération, M. A______ aidait financièrement son fils et sa mère, tous deux malades. L’intéressé avait des problèmes de santé, à savoir des problèmes de respiration nécessitant, selon son médecin, une opération. À sa sortie de prison, il espérait pouvoir travailler dans un domaine d’intérêt général et expliquer aux jeunes qu’il ne fallait pas agir comme il l’avait fait.

8. Par décision du 2 septembre 2015, l’OCPM a refusé le renouvellement de l’autorisation de séjour sollicité par M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse. M. A______ devait quitter la Suisse « dès qu’il aura[it] satisfait aux exigences de justice de notre pays ». La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours. L’union conjugale avait duré moins de trois ans au sens de la législation applicable et la poursuite du séjour ne s’imposait pas pour des raisons personnelles majeures.

Elle n’a pas fait l’objet d’un recours.

9. Le 4 octobre 2015, M. A______ a sollicité la reconsidération de la décision précitée.

10. Par décision du 26 octobre 2015, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la requête de reconsidération.

Elle n’a pas fait l’objet d’un recours.

11. Le 26 janvier 2016, l’OCPM a requis la police de procéder à l’exécution du renvoi de M. A______ à destination du Nigéria dès sa sortie de prison, prévue pour le 29 janvier 2016.

12. Le 29 janvier 2016, M. A______ a refusé de quitter sa cellule pour prendre place dans l’avion à destination du Nigéria, qui devait s’envoler à 9h05 au départ de Genève.

13. Le même jour, M. A______ a été mis à la disposition du Ministère public pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et empêchement, le vendredi 29 janvier 2016 à l’aéroport, d’accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0).

14. Par ordonnance pénale du 31 janvier 2016, M. A______ a été déclaré coupable d’empêchement d’accomplir un acte officiel et condamné à une peine pécuniaire de quinze jours-amende, sous déduction de deux jours-amende correspondant à deux jours de détention avant jugement. Le montant du jour-amende était fixé à CHF 30.-. L’intéressé était mis au bénéfice du sursis et le délai d’épreuve fixé à trois ans. Il était condamné aux frais de la procédure arrêtés à CHF 250.-.

Entendu par la police le jour même, il avait reconnu les faits. Il avait expliqué qu’il était marié et que le juge du TPI lui avait dit qu’il pourrait chercher un travail en Suisse, raison pour laquelle il refusait de partir.

15. Libéré le 31 janvier 2016 et remis entre les mains de la police en vue de son refoulement, l’intéressé a fait l’objet d’un ordre de mise en détention administrative pris par l’officier de police à 10h15 pour une durée de nonante jours, sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 (en lien avec l’art. 75 al. 1 let. g LEtr), ch. 3 et 4 LEtr, aux fins d’assurer l’exécution de son renvoi.

Lors de son audition par l’officier de police, l’intéressé avait indiqué qu’il désirait aviser sa femme de sa détention et que le consulat nigérian devait être averti de sa situation. Il avait des problèmes de respiration et besoin de médicaments qui se trouvaient dans « son dépôt ». Il n’était pas d’accord de retourner au Nigéria, car il désirait régler « différentes choses avec [son] épouse avant [son] départ ».

16. Lors de l’audience devant le Tribunal administratif de première instance
(ci-après : TAPI) du 3 février 2016, M. A______ a confirmé être opposé à retourner au Nigéria. Il avait des attaches avec la Suisse. Il aimait « toujours » son épouse. Le juge du TPI les avait encouragés à améliorer leurs relations, ce qu’il souhaitait faire, mais en avait été empêché en raison de sa privation de liberté. Il ne faisait pas l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée en Suisse et n’avait plus aucun lien avec le Nigéria, compte tenu de sa détention. Sa grand-mère était décédée, alors qu’il se trouvait en prison. Il avait des contacts en France où vivait un cousin qu’il considérait comme son frère. Avant de venir en Suisse, il avait déposé une demande d’asile en France en 2004 ou 2005. Il n’en avait pas fait mention aux autorités suisses, lesquelles n’avaient d’ailleurs pas posé de question à ce sujet. Il confirmait ses problèmes respiratoires.

L’officier de police a précisé que les vols avec escorte policière n’étaient pas possibles avec le Nigéria. La réservation d’une place sur un vol spécial avait déjà été effectuée. Il a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention, tout en réduisant la durée de nonante à soixante jours.

17. Par jugement du 3 février 2016, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée réduite de soixante jours, soit jusqu’au 30 mars 2016.

18. Par acte du 15 février 2016, M. A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité.

Il a conclu préalablement à ce que le jugement du TAPI soit annulé et, ceci fait et statuant à nouveau, à ce que la chambre administrative ordonne deux expertises, l’une psychiatrique, l’autre oto-rhino-laryngologique. Il convenait de déterminer, pour chacune des spécialités, la nature des troubles dont il souffrait, le traitement envisagé, la disponibilité des infrastructures médicales au Nigéria permettant de soigner le trouble diagnostiqué et, en cas d’absence d’infrastructures médicales, quelles en seraient les conséquences pour sa santé.

Au fond, son renvoi devait être annulé et sa libération immédiate ordonnée. Un émolument au titre de dépens devait lui être alloué.

Il précisait souffrir d’une obturation du nez qui l’empêchait de respirer. Seule une intervention chirurgicale permettrait de la régler. Selon deux médecins de l’établissement fermé de Favra et des Hôpitaux universitaires de Genève, il souffrait d’une dépression sévère qui l’avait conduit « à se pendre ». Il devait en conséquence être suivi par un psychiatre pendant sa détention.

Le TAPI n’avait pas procédé à un examen approfondi de la compatibilité du renvoi avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), en particulier son art. 3. En l’espèce, la respiration était un besoin vital. Le renvoyer dans son pays d’origine sans qu’aucun soin ne puisse lui être fourni reviendrait à le mettre concrètement en danger. Par ailleurs, après sa tentative de suicide, il convenait d’investiguer la gravité de la dépression dont il souffrait, laquelle risquait concrètement de s’aggraver pendant l’exécution de son renvoi. Son intérêt privé primait l’intérêt public à son éloignement. Le Nigéria ne disposait d’aucune infrastructure médicale pour soigner une dépression grave et n’était pas idéal pour traiter des « tentations suicidaires ».

19. Par observations du 23 février 2016, l’officier de police a conclu au rejet du recours dans la mesure où sa recevabilité devait être admise.

L’argumentation du recourant relative à son état de santé était étrangère à l’objet de la cause, à savoir l’examen de la légalité de la détention administrative, dès lors qu’elle visait en réalité à remettre en cause la décision de renvoi, prononcée le 2 septembre 2015, confirmée le 26 octobre 2015, et sa mise en œuvre.

La mise en détention administrative n’était pas incompatible avec la prise en charge médicale nécessitée par l’état de santé de l’intéressé. Toutes les mesures nécessaires seraient également prises en la matière pour garantir le bon déroulement du refoulement.

Compte tenu de sa condamnation à un crime, l’intérêt public à l’exécution du renvoi devait primer l’intérêt privé de l’intéressé à ne pas être brièvement privé de liberté dans l’attente de la mise en œuvre de son expulsion.

Pour le surplus, ses arguments seront repris dans la partie en droit ci-après en tant que de besoin.

20. Par courrier du 23 février 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté le lundi 15 février 2016 contre le jugement du TAPI prononcé et communiqué aux parties le 3 février 2016, le recours l'a été en temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 16 février 2016 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3. La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4. Le recourant conclut à ce que deux expertises médicales soient ordonnées.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158).

b. La procédure liée à la détention administrative ne permet pas, sauf cas exceptionnels, de remettre en cause le caractère licite de la décision de renvoi (arrêt 2C_1260/2012 consid. 3.2 ; ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 p. 149). Ce n'est que si une décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, qu'il est justifié de lever la détention en application de l'art. 80 al. 6 let. a LEtr, étant donné que l'exécution d'un tel ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (arrêts du Tribunal fédéral 2C_173/2014 du 17 février 2014 consid. 3.1 et les arrêts cités).

c. Dans le cas d’espèce, le recourant formule cette conclusion pour la première fois devant la chambre de céans. Il ne produit aucune pièce médicale à l’appui de ses allégations. Aucun certificat médical n’avait au préalable été versé à la procédure. Dans sa dernière audition par la police, le 29 janvier 2016 à l’aéroport, le recourant a indiqué ne pas souhaiter voir de médecin et n’a fait état que de problèmes d’asthme. Seul le jugement du tribunal correctionnel mentionne, en juin 2015, « des problèmes de respiration nécessitant, selon son médecin, une opération ». Dans son mémoire de recours, seule une opération de la paroi nasale est citée.

La décision de l’OCPM prononçant le renvoi ainsi que celle refusant d’entrer en matière sur la reconsidération sont postérieures audit jugement et n’ont pas fait l’objet de recours.

En conséquence, indépendamment du fait que le délai pour statuer empêcherait, sauf circonstances exceptionnelles, la chambre administrative d’ordonner de telles expertises, celle-ci rejettera les demandes d’actes d’instruction portant sur des faits non pertinents dans la présente cause conformément à ce qui suit.

5. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH - RS 0.101 (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 107) et de l'art. 31Cst., ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

6. a. L’étranger qui a fait l’objet d’une décision de renvoi peut être mis en détention administrative si des éléments concrets font craindre qu’il entend se soustraire à son expulsion, en particulier parce qu’il ne se soumet pas à son obligation de collaborer au sens de l’art. 90 LEtr ou de l’art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 de la loi sur l’asile (LAsi - RS 142.31 ; art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr). Il en va de même si son comportement permet de conclure qu’il se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEtr).

L’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr décrit des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition. Ces deux éléments doivent donc être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1). Lorsqu’il examine le risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic, en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du renvoi le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions en seront réunies. Il dispose pour ce faire d’une certaine marge d’appréciation, ce d’autant qu’il doit en principe entendre l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3).

b. De plus, l’étranger faisant l’objet d’une décision de renvoi peut être placé en détention administrative en vue de l’exécution de celle-ci s’il a été condamné pour crime ou s’il menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamné pour ce motif (art. 75 al. 1 let. g et let. h et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr).

Selon la jurisprudence constante, la participation à un trafic de stupéfiants comme de l'héroïne ou de la cocaïne constitue généralement une menace pour les tiers et une grave mise en danger de leur vie ou de leur intégrité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.2. à 4.5 ; ATA/590/2013 du 4 septembre 2013 et les références citées).

7. En l’espèce, le recourant fait l’objet d’une décision cantonale de renvoi de Suisse, définitive et exécutoire.

Le 2 septembre 2015, il a été condamné pour une infraction grave à la LStup, soit un crime au sens de l'art. 10 al. 2 du CP. Les conditions de la mise en détention administrative en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr en lien avec l’art 75 al. 1 let. h LEtr sont remplies. Cette base légale n’a pas été invoquée par l’officier de police qui n’a fait mention que de la let. g de l’art. 75. C’est toutefois à juste titre que le TAPI a relevé que le motif prévu à l’art. 75 al. 1 let. h LEtr s’appliquait et pouvait fonder, à lui seul, la détention administrative de l’intéressé.

Par ailleurs, le recourant ayant été condamné pour un trafic de stupéfiants, décrit comme de longue durée, avec une activité intense, rémunérateur alors même que la situation personnelle de l’intéressé ne justifiait pas de tels agissements. Il y a en conséquence lieu de considérer que les conditions de l’art. 75 al. 1 let. h LEtr sont aussi remplies.

Enfin son refus de quitter la Suisse et d’embarquer à bord d’un vol à destination du Nigéria le 29 janvier 2016, confirmé par ses déclarations subséquentes du 31 janvier 2016 ainsi que devant le TAPI le 3 février 2016, justifient un pronostic défavorable sur la question de savoir si le recourant prêterait son concours à l’exécution de son renvoi le moment venu. Au vu de l’attitude de l’intéressé, il existe un risque de fuite ou de disparition. On peut en effet considérer que, s’il était en liberté, le recourant se réfugierait dans la clandestinité pour échapper à son rapatriement. Dans ces circonstances, la mise en détention administrative sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr est aussi justifiée.

La mise en détention administrative du recourant repose sur une base légale.

8. L’autorité administrative doit entreprendre rapidement les démarches permettant l’exécution de la décision de renvoi (art. 76 al. 4 LEtr).

En l’espèce, les autorités suisses ont entamé les démarches en vue du refoulement de l'intéressé vers le Nigéria en organisant un vol le 29 janvier 2016, soit le jour même de la fin de la détention pénale de l’intéressé. De surcroît, à la suite du refus du recourant de monter à bord dudit vol, elles ont immédiatement entrepris une nouvelle réservation pour un vol spécial, expliquant les raisons pour lesquelles un vol avec escorte policière ne pouvait pas être envisagé en l’état. On ne peut dès lors reprocher aux autorités de migration un manque de célérité.

9. La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 al. 3 Cst.

Tel est le cas en l’espèce. Il y a un intérêt public à l’exécution de la mesure de renvoi compte tenu des motifs de détention précités qui prime tout autre intérêt privé du recourant. En outre, aucune autre mesure, moins incisive, n’est apte à garantir la présence de l’intéressé lors de l’exécution du renvoi.

10. Selon l'art. 79 al. 1 LEtr, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 LEtr ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 LEtr ne peuvent excéder six mois au total. Cette durée peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEtr). L'art. 79 al. 2 LEtr n'instaure pas un nouveau régime de détention dont les conditions s'apprécieraient distinctement de celles de l'art. 79 al. 1 LEtr. Il s'agit de la simple extension de la durée maximale possible de la mesure, notamment lorsque la personne concernée ne collabore pas.

Le recourant a été placé en détention administrative le 29 janvier 2016, soit il y a moins d’un mois. La décision de mise en détention administrative, qui s’inscrit dans le cadre des dix-huit mois de détention autorisés, respecte le cadre légal.

11. a. Selon l’art. 80 al. 4 LEtr, l’autorité judiciaire qui examine la décision de détention administrative tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention. Celle-là doit en particulier être levée lorsque son motif n’existe plus ou si, selon l’art. 80 al. 6 let. a LEtr, l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, ou qu’elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l’art. 83 al. 1 à 4 LEtr.

b. Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEtr, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEtr (ATA/381/2012 du 13 juin 2012 ; ATA/283/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/257/2012 du 2 mai 2012).

c. Le renvoi ne peut être raisonnablement exigé si l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, ou de nécessité médicale, sa vie étant mise en danger du fait de l’impossibilité de poursuivre dans son pays un traitement médical indispensable (art. 83 al. 4 LEtr ; ATA/244/2012 du 24 avril 2012 ; ATA/159/2011 du 8 mars 2011).

d. En l’espèce, la récente décision de l’OCPM du 2 septembre 2015 indiquait que le renvoi de l’intéressé était possible, licite et raisonnablement exigible. Or, celui-ci n’a pas interjeté recours contre cette décision. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que le renvoi querellé ne remplisse pas les conditions, strictes, de l’art. 80 LEtr, au stade de l’analyse de la situation par le juge du contrôle de la détention.

Concernant l’état de santé du recourant, l’art. 27 de la loi sur l'usage de la contrainte et de mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération du 20 mars 2008 (Loi sur l'usage de la contrainte - LUsC - RS 364), exige que tout rapatriement sous contrainte par voie aérienne soit préparé par l'organe compétent en fonction des circonstances de chaque cas. Les personnes concernées doivent être informées et entendues préalablement dans la mesure où cela ne compromet pas l'exécution même du rapatriement ; elles doivent en particulier avoir la possibilité de régler des affaires personnelles urgentes avant leur départ ou d'en charger un tiers. Un examen médical doit avoir lieu avant le départ lorsque la personne concernée le demande (let. a) ou lorsque l'état de la personne laisse supposer des problèmes de santé (let. b).

Le renvoi de l’intéressé ne contrevient pas à l’art. 80 LEtr.

12. Le recourant considère que son renvoi constituerait un traitement inhumain au sens de l’art. 3 CEDH, au vu de son état de santé, si bien qu’il devrait être mis en liberté immédiatement.

a. À l'instar de l'art. 10 al. 3 Cst., qui protège la liberté personnelle de tout être humain, l'art. 3 CEDH interdit de soumettre une personne à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Le traitement d’un individu détenu par l’État ne tombe sous le coup de l'art. 3 CEDH que s'il atteint un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum est relative par essence (arrêt du Tribunal fédéral 6B_504/2013 du 13 septembre 2013 consid. 2.3). Bien qu'elle ait constaté que l'accès aux médicaments nécessaires était aléatoire, que la distribution du traitement demeurait marginale et que la privation de médicaments aurait pour conséquence de détériorer l'état de santé de la requérante et d'engager son pronostic vital à court ou moyen terme, la CourEDH a néanmoins jugé que de telles circonstances n'étaient pas suffisantes pour emporter violation de l'art. 3 CEDH (arrêt de la CourEDH, N. c. Royaume-Uni, du 27 mai 2008, Req. n° 26565/05, §§ 29-45). Cette jurisprudence a été confirmée récemment, notamment dans l'affaire Yoh-Ekale Mwanje (arrêt de la CourEDH, Yoh-Ekale Mwanje c. Belgique, du 20 décembre 2011, Req. n° 10486/10, § 80 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_654/2013 du 12 février 2014).

b. Dans le cas d’espèce, à l’exception des déclarations du recourant, il n’existe aucune mention au dossier d’un problème de santé de l’intéressé d’une gravité conforme à celle exigée par la stricte jurisprudence précitée, que cela soit respiratoire ou psychiatrique. S’agissant de simples allégations de faits, non étayés par des moyens de preuve, toute valeur juridique doit leur être déniée et le grief écarté pour autant qu’il soit recevable.

13. Sans formellement prendre de conclusions en ce sens, le recourant indique préférer repartir en France où il allègue avoir de la famille.

a. Si l’étranger a la possibilité de se rendre légalement dans plusieurs États, l’autorité compétente peut le renvoyer ou l’expulser dans le pays de son choix (art. 69 al. 2 LEtr).

Le renvoi dans un pays tiers du choix de l'étranger présuppose que ce dernier ait la possibilité de s'y rendre légalement et constitue, qui plus est, une faculté (« peut ») de l'autorité compétente (art. 69 al. 2 LEtr ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 ; 2C_393/2009 du 6 juillet 2009 cons. 3.4 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 cons. 4.4 ; ATA/763/2014 du 30 septembre 2014 consid. 8).

Cette disposition n’octroie pas à l’étranger un droit absolu à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion dans le pays de son choix (directives LEtr de l’ODM, état au 4 juillet 2014, p. 326). La possibilité de choisir le pays de destination présuppose que l’étranger peut se rendre de manière effective et admissible dans chacun des pays concernés par son choix. Cela signifie qu’il se trouve en possession des titres de voyage nécessaires et que le transport est garanti (Thomas GÄCHTER/Matthias KRADOLFER in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela THURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer [AuG], 2010, n. 22 ad art. 69 LEtr).

b. En l’espèce, le recourant ne démontrant pas disposer de documents qui lui permettraient de se rendre en France, les conditions de l'art. 69 al. 2 LEtr ne sont pas réunies. Le renvoi du recourant au Nigéria est conforme à la loi.

14. Enfin, les allégations du recourant quant au dépôt d’une précédente demande d’asile en France sont sans pertinence au vu, notamment, des délais écoulés, s’agissant de faits anciens de plus de dix ans et antérieurs à l’octroi d’une autorisation de séjour en Suisse.

15. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 février 2016 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 février 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas prélevé d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Emery, avocat du recourant, à l’officier de police, au Tribunal administratif de première instance, à l’office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu’à l'établissement fermé de Favra, pour information.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :