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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/475/2019

ACST/39/2019 du 27.11.2019 ( ELEVOT ) , REJETE

Recours TF déposé le 30.12.2019, rendu le 06.04.2020, REJETE, 1C_673/2019
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/475/2019-ELEVOT ACST/39/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 27 novembre 2019

 

dans la cause

Monsieur A______

et

Monsieur B______

et

Monsieur C______
représentés par Me Jean-Jacques Martin, avocat

contre

COMITÉ RÉFÉRENDAIRE « NON À LA ZONE INDUSTRIELLE D'ATHENAZ »

et

COMMUNES D'AVUSY, CARTIGNY, CHANCY, LACONNEX et SORAL
représentées par Me Bruno Mégevand, avocat

et

CONSEIL D'ÉTAT


EN FAIT

1.             Messieurs A______ et B______ sont tous deux de nationalité suisse et domiciliés au Petit-Lancy (GE), où ils exercent leurs droits politiques. Ils sont respectivement administrateur-président et administrateur-secrétaire de la D______ SA, ayant son siège à Athenaz (commune d'Avusy / GE) et pour but la production de sables, le recyclage, le transport et la vente de sables et de graviers ainsi que toutes opérations s'y rattachant.

Monsieur C______, de nationalité suisse, est domicilié à Onex (GE), où il exerce ses droits politiques.

2.             a. M. A______ est propriétaire des parcelles n° 1______, 2______ et 3______ de la commune d'Avusy, sises en zone agricole, sur lesquelles la D______ SA a été autorisée, en 1983 et 1986, à exploiter des gravières, avec des échéances de remblayage et de remise en culture en 1994, ainsi que, en 1986, à utiliser une station mobile de lavage de matériaux graveleux, avec la précision que les échéances fixées pour le remblayage et la remise en culture desdites parcelles restaient inchangées et que l'installation devrait être déplacée en temps utile.

b. En juillet 1993, en réponse à une demande de la D______ SA de prolonger les autorisations d'exploiter précitées, les services compétents de l'administration cantonale ont indiqué que de nouveaux délais seraient fixés ultérieurement, d'entente avec les autorités communales. Ces dernières se sont opposées à la délivrance à la société précitée d'une autorisation de conserver ses installations de recyclage et de récupération à long terme, non compatibles avec la zone agricole. L'autorisation que le département cantonal compétent a néanmoins délivrée le 15 janvier 1996 à la D______ SA de réorganiser ses installations et de construire une installation fixe de recyclage, de concassage et de lavage ainsi qu'un radier sur les parcelles n° 2______ et 3______ de la commune d'Avusy a été annulée par décision du 3 septembre 1996 de la commission cantonale de recours en matière de constructions, qui a été confirmée le 5 août 1997 par le Tribunal administratif, dont l'arrêt est devenu définitif après que le recours formé à son encontre auprès du Tribunal fédéral a été rejeté le 13 février 1998. La poursuite de l'exploitation de la D______ SA sur les parcelles précitées a depuis lors été tolérée.

3.             a. Une première procédure de modification des limites de zones, entamée en juin 1998, aux fins notamment de mettre les parcelles n° 1______, 2______ et 3______ précitées en zone industrielle et artisanale, a été abandonnée en avril 2001, compte tenu d'un préavis défavorable de la commune d'Avusy et de la perspective alors envisagée de reloger l'exploitation de la D______ SA sur le territoire de la commune de Satigny (GE), au lieu-dit Bois-de-Bay, dans le cadre d'un déclassement d'importantes surfaces de terrain. La D______ SA n'a pas déménagé dans la zone industrielle du Bois-de-Bay, créée en juin 2007.

b. Le 13 novembre 2012, à la suite du renvoi au Conseil d'État, par le Grand Conseil, d'une motion demandant que la situation de la D______ SA soit régularisée, le conseil municipal de la commune d'Avusy a décidé de refuser tout nouveau projet de déclassement en zone industrielle des parcelles précitées n° 1______, 2______ et 3______ et de demander au Conseil d'État de prendre toutes les mesures utiles pour faire déménager la D______ SA dans une zone industrielle.

En avril 2013, le Conseil d'État a néanmoins fait part à la commune d'Avusy de sa volonté de déclasser les parcelles considérées de façon à les affecter aux seules activités de recyclage de matériaux minéraux, voie qu'il a confirmé choisir, en janvier 2015, pour régulariser la situation de la D______ SA.

4.             Le 4 juin 2015, le département cantonal compétent a refusé de donner suite à une demande de la commune d'Avusy que soit constaté que les activités de la D______ SA sur les trois parcelles précitées étaient illégales, que leur suspension immédiate soit prononcée et qu'obligation soit faite à cette société d'évacuer ses installations et de remettre lesdites parcelles en état.

Par jugement du 26 mai 2016, le Tribunal administratif de première instance a admis le recours que la commune d'Avusy a interjeté contre cette décision et renvoyé le dossier à l'administration compétente pour nouvelle décision.

Sur recours de la D______ SA et du département cantonal compétent, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a annulé ce jugement, par arrêt du 26 juin 2018.

Cet arrêt a fait l'objet, de la part de la commune d'Avusy, d'un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, dont l'instruction a été suspendue le 7 février 2019 jusqu'à droit connu sur le référendum cantonal évoqué ci-après.

5.             a. Dans l'intervalle, soit le 21 septembre 2016, le Conseil d'État avait en effet saisi le Grand Conseil d'un projet de loi 11976 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune d'Avusy (ci-après : PL 11976), par la création d'une zone industrielle et artisanale affectée à des activités de recyclage de matériaux minéraux au lieu-dit « Sous-Forestal », sur les parcelles précitées n° 1______, 2______ et 3______, dans le but de régulariser les activités s'y exerçant depuis des décennies, conformément aux objectifs de valorisation des déchets minéraux fixés par le Plan de gestion des déchets du canton de Genève 2009-2012 ainsi qu'au Plan directeur cantonal 2030 adopté le 20 septembre 2013 et approuvé par le Conseil fédéral le 29 avril 2015. Dans le cadre de l'enquête publique ayant précédé le dépôt de ce projet de loi, de nombreuses observations avaient été formulées et, en date du 15 mars 2016, le conseil municipal de la commune d'Avusy unanime avait émis un préavis défavorable à son sujet.

b. Les communes d'Avusy, Cartigny, Laconnex et Soral ont formé opposition au PL 11976, de même que, notamment, les associations Pro Natura Genève et Pro Natura Suisse et l'association Grain de Sable de la Champagne.

c. Le 2 novembre 2018, le Grand Conseil a adopté la loi 11976 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune d'Avusy, qui approuve la création d'une zone industrielle et artisanale exclusivement affectée à des activités de recyclage de matériaux minéraux au lieu-dit « Sous-Forestal », sur les parcelles n° 1______, 2______ et 3______ de la commune d'Avusy, et rejette, dans la mesure de leur recevabilité, les oppositions formées à cette modification des limites de zones notamment par les communes d'Avusy, Cartigny, Laconnex et Soral, les associations Pro Natura Genève et Pro Natura Suisse et l'association Grain de Sable de la Champagne.

d. La loi 11976 a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 9 novembre 2018, avec la mention qu'un référendum cantonal pouvait être lancé à son encontre jusqu'au 19 décembre 2018.

6.             a. Monsieur E______, président de l'association Grain de Sable de la Champagne et membre du conseil municipal d'Avusy, et Monsieur F______, alors président du conseil municipal d'Avusy, se sont concertés en vue du lancement d'un référendum contre la loi 11976 et, à cette fin, de l'obtention de l'accord - en plus des associations Pro Natura, AgriGenève et du Grain de Sable de la Champagne - des communes d'Avusy, Chancy, Laconnex et Soral. D'après le projet de budget établi par M. E______, le coût de l'opération s'élèverait à CHF 14'000.-, somme qui serait réunie si les trois associations et les quatre communes précitées acceptaient de participer à son financement chacune à hauteur de CHF 2'000.-.

b. Par courriels du 20 novembre 2018, Pro Natura Genève et AgriGenève ont fait part respectivement à M. F______ et à M. E______ que leur comité s'était prononcé respectivement en faveur d'une « participation au référendum » et d'un « soutien » à ce dernier. L'association Grain de Sable de la Champagne s'est dite par téléphone en faveur du référendum.

c. Siégeant le 20 novembre 2018, l'exécutif de la commune d'Avusy, présidé par le maire de ladite commune (Monsieur G______), a décidé que « la commune d'Avusy soutiendr[ait] le référendum ».

d. Par courriel du 20 novembre 2018 à M. F______, le maire de la commune de Laconnex (Monsieur H______) a indiqué que cette dernière ne souhaitait pas soutenir ledit référendum, qui n'avait selon lui aucune chance d'aboutir. M. E______ lui a alors adressé, le même jour, un courriel lui exposant des arguments en faveur du lancement d'un référendum et l'invitant à consulter les membres de son conseil municipal, en relevant qu'il serait regrettable que « les Communes qui [avaient] engagé une bataille juridique contre ce déclassement ne figurent pas sur le bulletin du référendum ». Le 23 novembre 2018, M. H______ a fait part à M. E______, téléphoniquement, du fait que le conseil municipal de Laconnex, dont il avait consulté les membres, soutenait le référendum.

e. Par un SMS du 23 novembre 2018, M. E______ a demandé au maire de la commune de Soral (Monsieur I______) s'il acceptait de consulter son conseil municipal, en précisant qu'une participation financière aux frais du référendum n'était pas demandée. Le lendemain, par un SMS, après consultation de son conseil municipal, M. I______ a informé M. E______ que « la commune de Soral accept[ait sa] demande et que par conséquent [il pouvait] mentionner SORAL sur [son] document ».

f. L'exécutif de la commune de Chancy, après concertation en son sein, a également décidé de soutenir le référendum.

7.             Le 23 novembre 2018, M. E______ a informé le Conseil d'État qu'« [ils avaient] pris la décision » de lancer un référendum contre la loi 11976, sans préciser qui lancerait ce référendum ou constituerait le comité référendaire, mais en indiquant qu'il était le « répondant pour ce référendum ».

8.             a. Par un courriel du 27 novembre 2018, M. E______ a adressé au service des votations et élections (ci-après : SVE) la « carte de signature » du référendum contre la loi 11976, dont l'intitulé « NON AU MITAGE DU TERRITOIRE - PROTÉGEONS NOTRE ZONE AGRICOLE » était suivi de la phrase suivante :

« Pro Natura, AgriGenève, les communes d'Avusy, Chancy, Laconnex, Soral et le Grain de Sable de la Champagne vous invitent à :

 

·       Refuser la création de cette zone industrielle qui constitue un mitage du territoire non conforme à la loi sur l'aménagement du territoire et qui crée un précédent en pérennisant l'implantation illégale d'une entreprise qui exerce depuis plus de 20 ans une activité industrielle en zone agricole.

·       Protéger la zone agricole et préserver la nature et le paysage. Exiger le retour à l'agriculture de cette zone, sa remise en état et sa réintégration dans les surfaces d'assolement afin de favoriser la construction de logements dans le canton ».

Étaient ensuite prévues les mentions usuelles exigées par la loi, avec un tableau permettant de faire figurer les coordonnées et signatures de cinq citoyennes ou citoyens soutenant le référendum. Au verso figurait un exposé des motifs indiquant notamment que Pro Natura, AgriGenève, les communes d'Avusy, Chancy, Soral, le conseil municipal de Laconnex ainsi que le Grain de Sable de la Champagne avaient décidé d'unir leurs forces pour s'opposer par ce référendum à la loi 11976, qui prévoyait un déclassement correspondant à un mitage du territoire non conforme à la loi sur l'aménagement du territoire, avait pour but de pérenniser l'implantation illégale de la D______ SA et créait un précédent dont d'autres entreprises se prévaudraient à l'avenir. Les formulaires remplis devaient être retournés à M. E______, Comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz », à l'adresse de M. E______.

b. Par un courriel du même jour, le SVE a proposé à M. E______ d'apporter quelques modifications purement formelles à ce formulaire de récolte des signatures et, pour qu'il puisse valider ledit formulaire, il lui a demandé de lui faire parvenir une copie de la lettre qu'il avait envoyée au Conseil d'État ainsi que le « formulaire mandataire ». Par un courriel envoyé le même jour à 12h11 au SVE, M. E______ a accepté lesdites modifications formelles et transmis audit service le formulaire « Informations mandataire comité » en y faisant figurer ses coordonnées comme « mandataire » et celles de M. F______ comme « personne de contact en son absence ».

c. Le 27 novembre 2018 en fin de journée, contacté par téléphone par la commune d'Avusy pour savoir si celle de Cartigny acceptait de soutenir ce référendum, l'exécutif de la commune de Cartigny a décidé d'y participer. Par souci de transparence, il a contacté à ce propos tous les membres de son conseil municipal via les réseaux sociaux le soir même et a obtenu une réponse favorable de la majorité d'entre eux (ainsi qu'il le fera figurer au procès-verbal hebdomadaire de l'exécutif du 28 novembre 2018).

d. Par un courriel du 28 novembre 2018, M. E______ a informé le SVE que la commune de Cartigny avait décidé de se joindre au référendum, et il lui a fait parvenir une nouvelle version du formulaire de récolte des signatures faisant mention de la commune de Cartigny en plus des quatre autres précitées.

e. Le 28 novembre 2018, le SVE a approuvé ce formulaire de récolte des signatures en y apposant, en rouge, la mention « Formule approuvée conformément à l'art. 87 LEDP Service des votations et élections », et, à la main, « Genève, le 28.11.2018 », et il l'a adressé à M. E______ par courriel et en annexe à un courrier d'accompagnement. À teneur de ce dernier, la vérification à laquelle le SVE avait procédé portait essentiellement sur le respect des prescriptions de forme stipulées à l'art. 87 de la loi sur l'exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05) ; à ce stade de la procédure, seules de grossières violations de principes et prescriptions pourraient habiliter le SVE à intervenir par un refus de l'approbation du spécimen des listes destinées à recevoir les signatures.

f. Le SVE a fait publier dans la FAO du 28 novembre 2018 un avis aux termes duquel le comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz » avait informé le Conseil d'État du lancement d'un référendum contre la loi 11976.

g. Par un courriel du 3 décembre 2018, M. E______ a demandé au SVE s'il était autorisé à fournir un bulletin de collecte des signatures comportant un tableau de dix lignes pour les signatures, sur le modèle de celui qu'il joignait à son courriel (et faisant mention des communes d'Avusy, Chancy, Soral et Cartigny, mais pas de celle de Laconnex).

h. Le même jour, le SVE a répondu par courriel à M. E______ qu'il pouvait fournir des « feuilles de récolte avec 10 lignes pour les signatures », sans lui renvoyer un nouveau spécimen approuvé des listes destinées à recevoir les signatures.

9.             Lors de la séance du conseil municipal de la commune d'Avusy du 11 décembre 2018, le président dudit conseil (Monsieur J______) a indiqué que la récolte des signatures pour le « référendum qui mobilis[ait] la commune se poursui[vait] de manière continue », en saluant que l'un des conseillers municipaux (Monsieur K______) « s'y emplo[yait] intensément » et en exhortant « les élus à amplifier leurs démarches, le dernier délai pour la remise des feuilles étant fixé au soir du 18.12.2018 ». Le maire (M. G______) a informé le conseil municipal que « plus de trois mille signatures [étaient] parvenues à la mairie, tandis que d'autres ne manquer[aie]nt pas de venir par la voie postale », en réitérant « l'exhortation à poursuivre la récolte ». M. K______ a proposé « d'élargir la récolte de signatures à l'événement sportif prévu [le] 18 décembre 2018 aux Vernets », sur quoi M. J______ a confirmé « que toutes les énergies déployées à l'effet de la récolte des signatures [étaient] les bienvenues ».

10.         Le 19 décembre 2018, MM. E______, F______, G______ et L______ (président de Pro Natura Genève) ont déposé au SVE 2058 formulaires totalisant selon eux 9666 signatures à l'appui du référendum contre la loi 11976.

11.         Le même jour, le « comité référendaire » - se disant constitué de Pro Natura, d'AgriGenève, du Grain de Sable de la Champagne ainsi que des communes d'Avusy, Cartigny, Chancy, Laconnex et Soral - a annoncé le dépôt de ce référendum par le biais d'un communiqué de presse.

12.         a. Par recommandé du 21 décembre 2018 adressé à la chancellerie d'État, M. A______ et la D______SA, représentés par Me  Jean-Jacques MARTIN, avocat, ont mis en doute la véracité des informations données à la population dans les formulaires de récolte des signatures à l'appui dudit référendum. Il n'était pas établi que le soutien des cinq communes précitées avait été donné valablement par leur organe communal compétent, à savoir par une décision de leur exécutif communal ou une délibération de leur conseil municipal. Ils se réservaient d'attaquer toute décision de validation de la procédure référendaire pour le cas où leur soutien ne pourrait être justifié par des décisions prises en bonne et due forme, ce qu'ils invitaient la chancelière d'État à vérifier en sollicitant desdites communes les procès-verbaux relatifs à leur décision de soutenir ce référendum.

b. Par courrier du même jour, ils ont demandé à chacun des maires des communes précitées de leur faire parvenir copie du procès-verbal de la décision de ces dernières de soutenir ce référendum.

13.         Par un courrier du 9 janvier 2019, le maire de la commune de Laconnex a répondu à Me MARTIN que les exécutifs communaux étaient compétents pour déterminer s'ils souhaitaient associer leur commune à un référendum cantonal, mais que, soucieux d'avoir l'avis du législatif communal, il avait effectué une consultation de l'ensemble de ses conseillers municipaux par courriel et téléphone et qu'une majorité absolue d'entre eux s'était prononcée en faveur d'un soutien audit référendum, ce qui avait été inscrit dans le procès-verbal de la séance du conseil municipal de Laconnex du 10 décembre 2018.

14.         Par courrier du 15 janvier 2019, la chancellerie d'État a écrit à Me MARTIN que le contrôle effectué par le SVE portait sur le respect des conditions de forme prévues par l'art. 87 LEDP et n'avait pas pour objet de se prononcer sur le contenu du texte explicatif du comité référendaire. Aussi ne serait-il pas donné suite à sa demande.

15.         Par courrier du 28 janvier 2019 (reçu le 30 janvier 2019), sur mandat des cinq communes précitées, Me Bruno MÉGEVAND a répondu à Me MARTIN que lesdites communes avaient valablement manifesté leur soutien au référendum en question. La compétence de soutenir un tel référendum appartenait à l'exécutif seul, et le maire pouvait l'exercer sans qu'un document écrit ne soit établi ; une délibération du conseil municipal n'était pas nécessaire. Certaines des communes considérées avaient néanmoins formalisé leur soutien audit référendum dans un procès-verbal, soit celles d'Avusy, Cartigny et Laconnex ; dans celles de Soral et Chancy, la décision avait été prise lors d'une concertation au sein de l'exécutif, sans adoption d'un procès-verbal.

16.         a. Par acte du 5 février 2019, enregistré sous le n° de cause A/475/2019, MM. A______, B______ et C______, représentés par Me MARTIN, ont recouru auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre le référendum lancé à l'encontre de la loi 11976, en dirigeant leur recours contre le comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz » et les communes d'Avusy, Cartigny, Chancy, Laconnex et Soral. Ils ont conclu préalablement à la production du spécimen des listes destinées à recevoir les signatures, des procès-verbaux des communes de Chancy, Laconnex et Soral de soutenir ledit référendum ou, à défaut d'existence de tels procès-verbaux, à l'audition des maires de ces communes, et à la production de l'intégralité des formulaires de signatures récoltées. Ils ont conclu principalement au constat que les communes d'Avusy, Cartigny, Chancy, Laconnex et Soral n'avaient pas reçu la compétence de soutenir ou lancer un référendum cantonal, au constat que la formation de la volonté des exécutifs de ces communes (sauf de celle d'Avusy) de le faire violait la garantie de leurs droits politiques et à l'annulation dudit référendum.

b. C'était à réception du courrier précité de Me MÉGEVAND du 28 janvier 2019 que les recourants avaient pris connaissance des irrégularités affectant le soutien des communes considérées audit référendum et, partant, la collecte des signatures à l'appui de ce dernier.

c. Les autorités communales n'avaient pas la compétence de lancer ou soutenir un référendum cantonal.

Faute de débat démocratique et dûment formalisé au sein de leur exécutif respectif, les communes de Chancy, Laconnex et Soral n'avaient pas décidé valablement de lancer ou soutenir ledit référendum. La décision de l'exécutif de la commune de Cartigny avait été prise le 28 novembre 2018, soit après l'approbation par le SVE du spécimen des listes destinées à recevoir les signatures. La commune de Laconnex s'était quant à elle prononcée le 10 décembre 2018. Faire état du soutien de ces communes lors de la collecte des signatures à l'appui dudit référendum, dans l'exposé des motifs du comité référendaire, revenait à influencer mensongèrement la formation de l'opinion des citoyennes et citoyens.

Plusieurs versions du formulaire de récolte des signatures avaient circulé lors de la collecte de ces dernières, dont certaines faisaient mention du soutien des cinq communes considérées (donc aussi celle de Laconnex) et d'autres des quatre autres communes mais pas de celle de Laconnex, et on ignorait combien de signatures avaient été apposées sur des formulaires conformes au spécimen approuvé par le SVE.

17.         a. Par mémoire du 4 mars 2019, sur mandat des communes d'Avusy, Cartigny, Chancy, Laconnex et Soral, Me MÉGEVAND a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet.

b. Le lancement du référendum contre la loi 11976 avait été publié dans la FAO du 28 novembre 2018, date à partir de laquelle les recourants, se disant eux-mêmes directement concernés par cette loi, auraient pu et dû, de bonne foi, se procurer un exemplaire des listes des signatures et constater que les cinq communes considérées auraient outrepassé leurs compétences en soutenant ledit référendum et que leur décision de soutenir ce dernier n'aurait pas été prise de manière régulière. Ils avaient attendu deux jours après l'expiration du délai référendaire pour intervenir auprès de la chancelière d'État et des maires desdites communes pour demander comment celles-ci avaient donné leur soutien, et ils ne prouvaient pas la date à laquelle ils avaient reçu leurs réponses. Ils avaient certainement eu connaissance des listes de signatures plus de six jours avant le dépôt de leur recours.

c. Détenant des compétences pour la délimitation des zones d'affectation du sol, les communes pouvaient apporter leur soutien à un référendum cantonal dirigé contre une loi modifiant le régime des zones. Le maire des communes considérées (qui n'avaient pas de conseil administratif) pouvait décider seul d'un tel soutien, sans débat au sein de l'exécutif communal et sans formalisation dans un procès-verbal. La commune de Cartigny avait pris sa décision de soutenir ce référendum avant que le SVE n'approuve le spécimen des listes de signatures, de même que l'exécutif de celle de Laconnex. Aucune irrégularité n'affectait les formules des listes de signatures.

18.         a. Par mémoire du 4 mars 2019, le comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz » a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours, pour le même motif que celui avancé par les communes intimées, et subsidiairement à son rejet.

b. Le SVE avait approuvé les deux listes de signatures utilisées, respectivement de cinq et dix lignes pour les signatures, sans que l'omission par inadvertance sur l'une d'elles du soutien de la commune de Laconnex n'ait eu d'incidence sur la compréhension de l'objet du référendum et des motifs de s'opposer à la loi 11976. La décision de soutenir un tel référendum était du ressort du maire, celle de la commune d'Avusy s'appuyant au surplus sur l'art. 48 let. x de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05) et une délibération de son conseil municipal du 13 novembre 2012. Il n'y avait aucune raison d'invalider le référendum : la procédure pour son lancement avait été scrupuleusement respectée ; la LAC autorisait les maires des communes à apporter leur soutien à un tel référendum ; l'information donnée sur l'objet de ce référendum et les raisons de le lancer n'avaient pas induit en erreur les signataires de ce référendum. En réalité, les recourants avaient interjeté ce recours pour requérir et obtenir du Tribunal fédéral la suspension de l'instruction du recours de la commune d'Avusy contre l'arrêt précité de la chambre administrative du 26 juin 2018.

19.         a. Invité à répondre lui aussi au recours, le Conseil d'État a conclu, par écriture du 6 mars 2019, à sa mise hors de cause, dès lors qu'il n'avait rendu aucune décision en relation avec le référendum contre la loi n° 11976 et que le SVE n'avait quant à lui qu'approuvé le formulaire de récolte des signatures.

b. Un premier décompte des signatures fournies à l'appui de ce référendum, ayant porté sur les deux types de formulaires de signatures utilisés (soit celui de type 1, comportant un tableau de cinq lignes pour les signatures et faisant mention des cinq communes précitées, et celui de type 2, comportant un tableau de dix lignes pour les signatures et ne faisant pas mention de la commune de Laconnex mais des quatre autres), avait conduit au constat, après un contrôle de 5468 signatures et la validation de 5252 d'entre elles, que le nombre minimum requis de 5227 signatures valables a été atteint. Un second décompte, fait à la demande de la chambre constitutionnelle, avait porté sur l'ensemble des 1428 formulaires strictement identiques au spécimen approuvé (soit celui de type 1) ; sur les 5241 signatures ainsi contrôlées, 4967 étaient validées ; il en manquerait donc 260 dans l'hypothèse où les signatures apposées sur les formulaires de type 2 ne pourraient pas être prises en compte. Le Conseil d'État différait de rendre son arrêté constatant l'aboutissement du référendum contre la loi n° 11976 jusqu'à droit jugé sur le recours par la chambre constitutionnelle.

c. Le contrôle du spécimen des listes de signatures effectué par le SVE portait uniquement sur le respect des conditions de forme prévues par l'art. 87 LEDP, compte tenu de l'extrême rapidité avec laquelle il devait intervenir pour permettre aux référendaires de récolter des signatures ; il ne portait pas sur l'argumentation avancée par les référendaires dans un éventuel exposé des motifs. Il ne paraissait pas que l'utilisation de deux formulaires de signatures, l'un avec un tableau de cinq lignes et l'autre avec un tableau de dix lignes, devrait conduire à une invalidation de signatures. L'absence de mention, sur le formulaire de type 2, de la commune de Laconnex relevait du contenu de l'argumentaire du comité référendaire et échappait donc au contrôle du SVE, comme d'ailleurs la question de savoir si les communes avaient la compétence de soutenir un référendum cantonal et si, en l'occurrence, elles le soutenaient valablement.

Selon le Tribunal fédéral, une commune avait exceptionnellement le droit d'intervenir dans le cadre d'un référendum cantonal, y compris dans la phase de récolte des signatures, à savoir si elle était plus spécifiquement touchée que les autres communes par l'acte cantonal soumis au référendum. D'après le Conseil d'État, une délibération du conseil municipal n'était pas nécessaire ; le soutien d'une commune à un référendum cantonal constituait le cas échéant un acte de représentation de la commune relevant de l'exécutif communal.

20.         a. Par acte du 6 mars 2019, enregistré sous le n° de cause A/921/2019, MM. A______, B______ et C______, représentés par Me MARTIN, ont saisi la chambre constitutionnelle d'un nouveau recours contre le référendum lancé contre la loi n° 11976, en demandant sa jonction au recours n° A/475/2019. Ils faisaient valoir des faits nouveaux dont ils avaient pris connaissance le 2 mars 2019, soit le financement par la commune d'Avusy du coût du référendum contre la loi n° 11976 et l'utilisation par M. F______ des armoiries des cinq communes considérées sur un document publicitaire en faveur dudit référendum.

b. Comme le relatait le procès-verbal du conseil municipal de la commune de Chancy du 11 décembre 2018, l'adjoint au maire (Monsieur M______) avait indiqué que l'opposition au déclassement en zone industrielle des parcelles sur lesquelles la D______ SA exerçait ses activités devait être faite sous forme d'un référendum, pour lequel les « communes [... gardaient] l'espoir [de] récolter suffisamment [de signatures] » dans le bref délai à disposition, et que « la commune d'Avusy assum[ait] la totalité du coût de cette opération ». Selon les recourants, ce financement, tu par Me MÉGEVAND dans son courrier du 28 janvier 2019, apparaissait illicite.

c. Le document publicitaire comportant les armoiries des cinq communes précisait que le référendum était soutenu notamment par lesdites communes et que des feuilles de signatures seraient disponibles au bar lors d'une soirée animée par « N______ et O______ » (celui-ci étant probablement M. F______).

21.         Le 12 mars 2019, la chambre constitutionnelle a transmis ce nouveau recours au comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz », aux cinq communes précitées et au Conseil d'État, en même temps que les écritures de ces parties intimées des 4 et 6 mars 2019 dans la mesure où celles-ci n'en étaient pas les auteurs, en confirmant au Conseil d'État sa qualité de partie intimée. Elle a invité le Conseil d'État à statuer sur l'aboutissement du référendum considéré au regard du nombre de signatures ayant selon lui été valablement apposées, compte tenu notamment de l'implication dans le processus référendaire de la commune d'implantation du lieu-dit « Sous-Forestal » et de quatre communes voisines, et elle a suspendu l'instruction des recours A/475/2019 et A/921/2019 dans l'attente de la décision requise, susceptible de revêtir un caractère préjudiciel.

22.         Par arrêté du 17 avril 2019, qu'il a publié dans la FAO du 23 avril 2019, le Conseil d'État a constaté l'aboutissement du référendum contre la loi 11976.

Au moment du lancement d'un référendum, le contrôle effectué par le SVE sur le spécimen des listes destinées à recevoir les signatures portait uniquement sur le respect des conditions de forme prévues par l'art. 87 LEDP. D'un point de vue matériel, la demande de référendum devait être formulée de manière suffisamment limpide, notamment pour que les signatures n'expriment pas des volontés entachées d'erreur sur les effets et l'objectif de la requête ; le SVE devait intervenir, non pas en présence d'une certaine exagération dans l'argumentation du comité référendaire, mais pour des motifs prépondérants d'ordre public, dans des cas flagrants identifiables à première lecture de violations graves des droits politiques. Il en allait de même au stade du dépôt des listes de signatures, ainsi que, cette fois-ci pour le Conseil d'État lui-même, au stade du constat de l'aboutissement du référendum.

En l'espèce, il fallait prendre en compte les signatures apposées sur les formulaires tant de type 1 que de type 2, afin d'éviter tout formalisme excessif, s'agissant du nombre de lignes prévues pour les signatures, et de ne pas faire porter le contrôle sur l'argumentation du comité référendaire, s'agissant de l'omission, sur le formulaire de type 2, de la commune de Laconnex, mais aussi de la question de savoir si les communes avaient la compétence de soutenir ledit référendum et, dans l'affirmative, si elles l'avaient fait valablement. Ce contrôle-ci impliquerait des vérifications factuelles et une analyse des compétences communales qui « excéder[ai]ent largement le contrôle auquel [le Conseil d'État] est tenu de procéder ». Des griefs relatifs au financement du référendum et au contenu d'un document publicitaire devaient être examinés dans le cadre d'un recours pour violation des droits politiques par-devant la chambre constitutionnelle. Le référendum contre la loi 11976 avait abouti compte tenu de 9666 signatures annoncées, 5468 signatures contrôlées et, sur ces dernières, 5251 signatures validées.

23.         a. Par acte du 29 avril 2019, enregistré sous le n° de cause A/1646/2019, MM. A______, B______ et C______, représentés par Me MARTIN, ont recouru auprès de la chambre constitutionnelle contre l'arrêté précité de validation du référendum contre la loi 11976, en demandant sa jonction aux recours n° A/475/2019 et A/921/2019. Ils ont réitéré les griefs formulés dans leurs deux précédents recours, tout en les complétant.

b. Le contrôle auquel avaient procédé le SVE, au stade de l'examen du spécimen des listes destinées à recevoir les signatures, puis le Conseil d'État, au stade de la validation du référendum, avait été insuffisant, d'autant plus, s'agissant du Conseil d'État, que celui-ci était au courant des graves irrégularités que les recourants avaient déjà soulevées, qui avaient empêché « les citoyens sollicités d'exprimer librement, consciemment et sûrement leur volonté ». Le Conseil d'État n'avait pas appliqué le droit et violé les droits politiques en reconnaissant aux formulaires de type 2 une validité formelle, alors que celui-ci n'avait pas été approuvé par le SVE.

Les conditions d'une intervention exceptionnelle d'une commune dans une campagne référendaire cantonale, telles que fixées par le Tribunal fédéral, n'étaient pas remplies, d'autant moins que ces communes ne se bornaient pas à intervenir dans le cadre d'une campagne référendaire existante, mais organisaient cette dernière et faisaient partie du comité référendaire (pour lequel M. E______ faisait simplement office de boîte aux lettres). Aucune des cinq communes considérées ne disposait d'un intérêt privé majeur l'emportant sur l'intérêt public général au maintien de l'exploitation des gravières sur les parcelles visées par la loi 11976 ; la participation desdites communes n'était pas mineure, la commune d'Avusy s'étant engagée à financer intégralement ledit référendum et plusieurs de leurs élus s'étant employés activement, ès qualités, à récolter des signatures à l'appui de ce référendum (ainsi que l'attestaient les procès-verbaux tout récemment publiés sur internet des conseils municipaux des communes de Chancy et d'Avusy du 11 décembre 2018). Les communes considérées n'avaient pas la compétence de lancer ce référendum.

24.         Par décision du 30 avril 2019, la chambre constitutionnelle a ordonné la reprise de l'instruction des recours n° A/475/2019 et A/921/2019 et la jonction en une procédure de ces deux recours et du recours n° A/1646/2019 sous le n° de cause A/475/2019, et elle a imparti au comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz », aux cinq communes précitées et au Conseil d'État un délai au 4 juin 2019 pour présenter une réponse à ces trois recours joints (en complément à leurs précédentes écritures) et produire les pièces de leur dossier.

25.         a. Par mémoire du 3 juin 2019, le comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz » a conclu à l'irrecevabilité du recours du 5 février 2019 et au rejet des recours des 6 mars 2019 et 29 avril 2019.

b. Les frais générés par le référendum en question, s'étant élevés à CHF 4'649.85, avaient été cofinancés à parts égales par le Grain de Sable de la Champagne, Pro Natura, AgriGenève et la commune d'Avusy, qui avaient donc assumé chacun CHF 1'162.45 (les communes de Cartigny, Chancy, Laconnex et Soral n'ayant quant à elles aucunement participé au financement du référendum).

La commune d'Avusy était particulièrement concernée par le mitage du territoire qu'impliquait le déclassement des parcelles considérées en une zone industrielle spécifique et toutes cinq l'étaient au regard du grave précédent que ce déclassement créait ; elles étaient dès lors habilitées à intervenir dans la campagne référendaire ; elles n'avaient pas lancé le référendum, mais l'avaient soutenu. La D______ SA pouvait être déplacée dans une zone industrielle existante, comme il avait été prévu qu'elle le soit dans la zone industrielle du Bois-du-Bay. Le comité référendaire n'était pas responsable de l'utilisation qui avait été faite des armoiries communales dans un document publicitaire n'émanant pas de lui. La cheville ouvrière du lancement du référendum était M. E______ comme président du Grain de Sable de la Champagne. Il n'était pas interdit à des conseillers municipaux de s'impliquer dans la collecte des signatures à l'appui d'un tel référendum. Une partie des listes de signatures avait été déposée à la mairie d'Avusy, dès lors que cette dernière était le seul office postal de ladite commune. Le SVE avait approuvé les formulaires de signature tant de type 1 que de type 2, qui indiquaient tous deux les mêmes raisons de s'opposer au déclassement considéré et ne contenaient aucune ambiguïté pouvant amener les citoyennes et citoyens à ne pas exprimer leur volonté librement et de manière fidèle et sûre.

26.         a. Par mémoire du 4 juin 2019, les cinq communes s'en sont remises à l'appréciation de la chambre constitutionnelle sur la recevabilité des recours des 6 mars et 29 avril 2019, et ont conclu à leur rejet.

b. Ce n'était qu'à l'approche d'une votation populaire que l'autorité politique, au surplus lorsqu'elle était organisatrice du scrutin, devait s'abstenir de toute influence sur le corps électoral. Les cinq communes considérées s'opposaient à une loi adoptée contre leur avis par le parlement cantonal ; dotées du droit de recourir contre ladite loi, elles devaient aussi pouvoir intervenir dans la campagne référendaire contre celle-ci, que ce soit par une contribution financière ou par un autre moyen. Au stade du lancement du référendum, l'intervention des communes ne visait qu'à permettre l'existence d'un débat futur sur le bien-fondé ou non de la loi considérée, ce qui supposait qu'un référendum soit lancé à son encontre et aboutisse. Le soutien financier, à la charge de la seule commune d'Avusy, n'avait été que de CHF 1'162.45, représentant le quart des dépenses occasionnées ; il pouvait être engagé par l'exécutif communal, qui n'avait pas à requérir à cette fin un crédit supplémentaire du conseil municipal. Les cinq communes avaient soutenu le référendum plutôt qu'organisé la campagne de récolte des signatures ; aucune intervention disproportionnée dans le processus du référendum ne pouvait leur être reprochée.

c. Le document publicitaire comportant les armoiries des communes, en plus du logo des trois associations considérées, ne donnait nullement l'impression que lesdites communes en étaient les auteurs ; il ne faisait pas de doute qu'il ne s'agissait pas d'une communication officielle, même s'il était exact que les cinq communes en question soutenaient le référendum.

d. L'arrêté du Conseil d'État constatant l'aboutissement du référendum ne violait pas les droits politiques. Examiner si les droits politiques étaient respectés était du ressort de la chambre constitutionnelle, et non du Conseil d'État. Annuler les formulaires susceptibles de contenir dix signatures procéderait d'un formalisme excessif, y compris s'agissant de l'omission d'y avoir fait figurer la commune de Laconnex, d'autant plus, à cet égard-ci, que l'exposé des motifs figurant sur les listes de signatures n'était « pas soumis à un contrôle poussé du SVE ».

27.         a. Par écriture du 4 juin 2019, le Conseil d'État a confirmé son arrêté du 17 avril 2019, dont il a repris les développements, et il a conclu au rejet de l'ensemble des recours.

b. La loi ne prévoyait de contrôle matériel d'un référendum ni à la charge du SVE lors de l'approbation du spécimen des listes destinées à recevoir les signatures et du dépôt des listes de signatures, ni à la charge du Conseil d'État lors du constat du résultat de ce contrôle-ci effectué par le SVE. En matière de droits politiques, un recours pouvait être interjeté auprès de la chambre constitutionnelle dans les six jours contre tout acte matériel, sans même qu'une décision ait été rendue. Il n'y avait ni un motif d'ordre formel, ni un motif d'ordre public, ni une violation manifeste des droits politiques justifiant d'annuler le référendum considéré. Il s'imposait de prendre en compte les deux types de formulaires utilisés (respectivement avec cinq ou dix lignes pour les signatures et avec ou sans la mention de la commune de Laconnex). Il n'y avait pas d'éléments suffisamment allégués pour que l'intervention des communes considérées doive être jugée inadmissible au regard de la jurisprudence.

28.         a. La chambre constitutionnelle a invité chacune des parties intimées à compléter s'il y avait lieu leur écriture respective au vu de celles des autres.

b. Le comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz » et les cinq communes n'ont pas présenté d'écritures complémentaires.

c. Le 19 juin 2019, le Conseil d'État a précisé que le SVE n'avait approuvé formellement que le formulaire de type 1 et indiqué au comité référendaire qu'il pouvait utiliser des feuilles de récolte de signatures avec dix lignes de signatures. Il a persisté pour le surplus dans les termes de son arrêté du 17 avril 2019 et ses précédentes écritures.

29.         a. Par réplique du 10 juillet 2019, les recourants ont fait valoir des faits nouveaux et pris position sur les arguments avancés par les parties intimées dans leurs écritures respectives.

b. Le 11 juin 2019, ils avaient découvert, sur le site internet de l'association des habitants de la commune de Satigny, un texte sur le référendum litigieux qui renvoyait à un tous-ménages diffusé par les communes intimées. Ce texte relatait faussement que la D______ SA exploitait les gravières considérées « en toute illégalité » (alors qu'elle était au bénéfice d'une tolérance), et il ne faisait pas état des motifs d'intérêt public justifiant le déclassement contesté, tels que les avaient exposés le Conseil d'État, une majorité du Grand Conseil et la chambre administrative.

c. La participation de la commune d'Avusy au financement du référendum n'avait pas été votée par le conseil municipal ; elle était illicite.

Les cinq communes considérées constituaient de fait le comité référendaire, et leurs élus étaient intervenus ès qualités dans la campagne de collecte des signatures, dont notamment M. F______, ayant agi et été présenté comme agissant en tant que président du conseil municipal d'Avusy. Compte tenu des compétences limitées des communes genevoises en matière d'aménagement du territoire, celles-ci n'avaient pas la compétence de lancer un référendum contre une loi cantonale modifiant le régime des zones. Elles n'avaient pas le droit de faire de la propagande électorale, ni de supporter les frais de la propagande des partis politiques, autres associations ou groupements. En intervenant ainsi qu'elles l'avaient fait, elles avaient faussé le processus référendaire.

Il ne pouvait être tenu compte des formulaires tant du type 1, qui mentionnait mensongèrement le soutien de la commune de Laconnex, que du type 2, non approuvé par le SVE. L'absence de mention de la commune de Laconnex sur ce second formulaire pouvait s'expliquer par une volonté de MM. E______ et F______ de rectifier la mention d'un soutien inexistant de ladite commune.

30.         La chambre constitutionnelle a invité les parties intimées à présenter une duplique, en priant le Conseil d'État de produire toutes pièces en mains de la chancellerie d'État et du SVE en lien avec le lancement du référendum considéré qui n'auraient pas encore été produites (comme cela apparaissait être le cas).

31.         a. Par duplique du 13 août 2019, les communes intimées ont persisté dans leurs conclusions antérieures.

b. Le « tous-ménages » dénoncé par les recourants ne contenait pas d'informations contraires à la vérité. L'exploitation de la D______ SA ne se trouvait pas être légale parce qu'elle était tolérée par la passivité des autorités. Les communes intimées pouvaient prendre position dans la campagne précédant une votation, a fortiori appuyer le lancement d'un référendum destiné à permettre aux électeurs de s'exprimer au sujet d'une loi cantonale. Elles étaient affectées par les nuisances provenant de l'exploitation de ladite entreprise. La participation financière de la commune d'Avusy aux frais générés par le référendum n'avait pas été utilisée à des fins de propagande ; elle était restée proportionnée.

32.         a. Par duplique du 14 août 2019, le comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz » a persisté dans les termes et conclusions de ses précédentes écritures, qu'il a complétées sur quelques points.

b. MM. E______ et F______ avaient été les chevilles ouvrières du référendum considéré, que les communes avaient soutenu, aussi celle de Laconnex avant l'approbation du spécimen des listes destinées à recevoir les signatures. Le SVE avait approuvé les deux types de formulaires, le second par un courriel du 3 décembre 2018. Le « tous-ménages » publié sur le site internet de l'association des habitants de la commune de Satigny était une reprise de l'exposé des motifs figurant sur les listes de signatures ; comme celui-ci, il relatait des faits objectifs ; il ne constituait pas un fait nouveau justifiant l'ouverture d'un délai de recours, pas davantage que le soutien des cinq communes considérées, connu dès le lancement du référendum, qui avait été publié dans la FAO. L'interdiction légale de la propagande visait les élections, mais pas les votations, auxquelles l'ATF 116 Ia 466 admettait que des communes participent, à des conditions ici respectées, dont celle d'une participation financière proportionnée.

33.         Le 14 août 2019, le Conseil d'État a fait parvenir à la chambre constitutionnelle toutes les pièces en possession de ses services en lien avec le lancement du référendum contre la loi 11976, et a indiqué n'avoir pas d'observations complémentaires à formuler.

34.         Les parties intimées n'ont pas formulé d'observations en complément à leur duplique respective après avoir pris connaissance de celles dont elles n'étaient pas elles-mêmes les auteures.

35.         Le 12 septembre 2019, tout en résumant leurs positions exprimées dans leurs précédentes écritures, les recourants ont indiqué n'avoir pas non plus d'observations complémentaires à émettre et persister dans les conclusions de leurs recours.

36.         Le 21 octobre 2019, le comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz » a communiqué à la chambre constitutionnelle les statuts de l'association Grain de Sable de la Champagne et la commune d'Avusy une pièce précédemment transmise mais cette fois-ci non caviardée.

37.         Le 30 octobre 2019, répondant à une demande de la chambre constitutionnelle, le Conseil d'état a indiqué à cette dernière que 4118 signatures valables avaient été apposées sur des formulaires de type 2 et ne figuraient pas sur des formulaires de type 1.

38.         Les parties ont été invitées à faire parvenir une éventuelle détermination à la chambre constitutionnelle suite à ces compléments d'instruction jusqu'au 8 novembre 2019.

Le 8 novembre 2019, tandis que le comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz » n'a pas présenté d'observations et que le Conseil d'État a indiqué n'en avoir pas à présenter, les recourants ont fait valoir que Pro Natura Genève et AgriGenève n'avaient pas vocation statutaire à lancer un référendum, et que le Grain de Sable de la Champagne, ayant certes une telle vocation, semblait être devenue une coquille vide, ce dont il fallait s'assurer en requérant notamment la liste de ses membres et de son comité, ses comptes, les procès-verbaux de ses assemblées générales pour les années 2016 à 2018 et celui de son comité relatif à la décision de participer au référendum en question. Concernant le nombre de signatures récoltées, ils ont répété que les formulaires de récolte des signatures étaient entachés d'une erreur irréparable pour celui de type 1 et n'avaient pas été approuvés s'agissant de celui de type 2, et que le nombre minimal de signatures requis n'avait été atteint ni pour l'un ni pour l'autre de ces deux types de formulaires.

39.         Le 11 novembre 2019, la chambre constitutionnelle a transmis ces écritures complémentaires aux parties.

EN DROIT

1. a. Selon l'art. 124 let. b de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), la Cour constitutionnelle - à savoir la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (art. 1 let. h ch. 3 1er tiret de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05) - est compétente pour traiter les litiges relatifs à l'exercice des droits politiques en matière cantonale et communale.

Concrétisant cette norme constitutionnelle par le biais de la loi 11311 du 11 avril 2014 mettant en oeuvre la Cour constitutionnelle, le législateur a prévu que la chambre constitutionnelle connaît des recours en matière de votations et d'élections (art. 130B al. 1 let. b LOJ) ainsi qu'en matière de validité des initiatives populaires (art. 130B al. 1 let. c LOJ), et il a transféré à la chambre constitutionnelle, par une modification de l'art. 180 LEDP, la compétence qu'avait jusqu'alors la chambre administrative de connaître des recours ouverts contre les violations de la procédure des opérations électorales indépendamment de l'existence d'une décision (art. 180 aLEDP ; ACST/23/2018 du 9 novembre 2018 consid. 2 ; Arun BOLKENSTEYN, Le contrôle des normes, spécialement par les cours constitutionnelles cantonales, 2014, p. 318 ; Michel HOTTELIER / Thierry TANQUEREL, La constitution genevoise du 14 octobre 2012, in SJ 2014 II 341 ss, 378).

b. Comme le Tribunal administratif puis la chambre administrative et enfin la chambre constitutionnelle l'ont jugé à maintes reprises, entrent dans le cadre des opérations électorales, et sont donc sujets à recours au sens de l'art. 180 LEDP, tous les actes - même matériels - destinés au corps électoral, de nature à influencer la libre formation et expression du droit de vote telle qu'elle est garantie par les art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 44 Cst-GE (ACST/7/2019 du 11 mars 2019 consid. 1b ; ACST/14/2017 du 30 août 2017 consid. 2a et les références doctrinales et jurisprudentielles citées dans ces arrêts). La notion d'opérations électorales figurant à l'art. 180 LEDP est conçue largement ; non seulement elle ne se réduit pas aux seules élections mais vise également les votations, mais encore elle englobe aussi bien les scrutins populaires eux-mêmes que les actes préparant ces derniers. En font ainsi partie notamment les mesures d'organisation de scrutins populaires, le matériel de vote en général, la brochure explicative, des circulaires et des tracts, des interventions d'autorités dans la campagne, de même que la constatation du résultat d'élections ou de votations (ACST/7/2019 précité consid. 1b ; ACST/14/2017 précité consid. 2b ; ACST/3/2016 du 24 février 2016 consid. 7a et les jurisprudences citées dans ces arrêts).

Aucun scrutin populaire n'a encore été fixé lorsque le SVE est appelé à approuver le spécimen des listes destinées à recevoir les signatures à l'appui d'un référendum ou d'une initiative (art. 86 al. 1 let. c LEDP) puis à contrôler les signatures (art. 91 et 92 al. 1 LEDP), puis lorsque le Conseil d'État est amené à constater, par arrêté publié dans la FAO, le résultat de ce contrôle, soit l'aboutissement (ou le non-aboutissement) d'un référendum ou d'une initiative (art. 92 al. 2 LEDP). De tels actes s'inscrivent cependant dans le cadre d'une procédure référendaire, dont ils marquent des étapes respectivement initiale et intermédiaires ; ils sont couverts par la garantie des droits politiques, qui englobe le lancement d'un référendum ou d'une initiative (art. 45 al. 1 Cst-GE). Ils sont sujets à recours au sens de l'art. 180 LEDP (ACST/15/2015 du 27 août 2015 consid. 3d ; arrêt du Tribunal administratif en la cause B. Annen et consorts du 18 mars 1992 consid. 1, RDAF 1993 p. 45 ; arrêt du Tribunal administratif en la cause Payot et consorts du 7 mars 1988, ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral du 2 décembre 1988, SJ 1989 p. 90 ; Michel HOTTELIER, Le recours pour violation des opérations électorales en droit genevois, in Michel HOTTELIER / Maya HERTIG RANDALL / Alexandre FLÜCKIGER [éd.], Études en l'honneur du Professeur Thierry Tanquerel, 2019, p. 159 ss, 165, qui évoque, au titre des opérations électorales, la « façon dont les formules de référendum sont élaborées, de même que leur contenu »). Au demeurant, les litiges qui surgiraient à ces stades de la procédure référendaire relèvent de la compétence de la chambre constitutionnelle en vertu de l'art. 130B al. 1 let. b LOJ à défaut le cas échéant de l'art. 180 LEDP, sans que n'en résulte de conséquences pour l'appréciation des autres conditions de recevabilité des recours et même pour l'examen au fond de ces derniers. En effet, s'il a été rédigé selon la terminologie en usage dans la législation genevoise, l'art. 130B al. 1 let. b LOJ n'en a pas moins été conçu comme correspondant à l'art. 124 let. b Cst-GE, qui fait explicitement référence aux litiges relatifs à l'exercice des droits politiques en matière cantonale et communale (MGC 28-29 novembre 2013, session II, tome I [12/20]).

c. La chambre constitutionnelle est donc compétente pour connaître des trois recours joints.

2. a. Ceux-ci satisfont aux exigences de forme et de contenu prévues par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), étant précisé que l'exigence d'un exposé détaillé des griefs prévue pour les recours contre les actes normatifs n'est pas posée pour les recours en matière de droits politiques (art. 65 al. 3 LPA).

b. Les recours pour violation des droits politiques peuvent être formés par toute personne physique ayant le droit de vote dans l'affaire en cause, de même que les partis politiques et les organisations à caractère politique constituées en vue d'une action précise, comme le lancement d'un référendum ou d'une initiative (ACST/7/2019 précité consid. 2c et les références citées). Les trois recourants ont donc qualité pour recourir, dans les trois causes jointes, en tant que titulaires des droits politiques dans le canton de Genève, étant précisé que le référendum considéré en l'espèce est dirigé contre une loi cantonale.

3. a. Les recours en matière de votations et d'élections doivent être formés dans les six jours (art. 62 al. 1 let. c LPA), délai non susceptible d'être suspendu (art. 63 al. 2 let. a LPA ; cf. ACST/17/2015 du 2 septembre 2015 consid. 3a pour les recours en matière de validité des initiatives populaires, et ACST/14/2017 précité consid. 1b pour les recours contre des actes de concrétisation d'une initiative municipale acceptée). Ce délai court dès le lendemain du jour où, en faisant montre à cet égard de la diligence commandée par les circonstances, le recourant a pris connaissance de l'irrégularité entachant, selon lui, les opérations électorales (ACST/8/2016 du 3 juin 2016 consid. 4b et les références citées).

b. En l'espèce, le premier des trois recours a été formé le 5 février 2019 contre le référendum lancé contre la loi 11976, soit plus de deux mois après que le lancement de ce référendum avait été publié dans la FAO, le 28 novembre 2018. Cet avis se limitait cependant à indiquer que le comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz » avait informé le Conseil d'État du lancement d'un référendum contre la loi 11976 et à préciser que le délai de récolte des signatures arriverait à échéance le 19 décembre 2018. Il ne recelait aucun élément susceptible d'éveiller un quelconque doute quant à la validité dudit référendum, notamment sous l'angle d'une participation des communes intimées qui serait illicite pour l'un ou l'autre des motifs invoqués par ce recours comme ensuite, sur la base d'éléments complémentaires parvenus dans l'intervalle à la connaissance des recourants, par les deux suivants.

Il n'est pas établi que les recourants ont eu connaissance du formulaire de récolte des signatures avant que les listes de signatures soient déposées au SVE, le 19 décembre 2018, ni même avant que l'un des recourants et la D______ SA, par courrier du 21 décembre 2018, ne demandent à la chancellerie d'État et aux cinq communes intimées comment celles-ci avaient pris leur décision de soutenir ledit référendum. Ces dates ne sont toutefois pas déterminantes, car s'il faisait certes mention d'une invitation desdites communes à soutenir ce référendum, ce formulaire ne présentait pas clairement ces dernières comme faisant partie du comité référendaire, ni n'apportait d'élément démontrant si, véritablement et le cas échéant comment, elles avaient pris une décision de soutenir le référendum avant que le SVE n'eût approuvé le spécimen des listes destinées à recevoir les signatures. Rien ne permet non plus de retenir qu'à ce moment-là les recourants avaient eu connaissance du communiqué de presse du comité référendaire, ni qu'ils savaient que deux versions dudit formulaire avaient été utilisées pour la collecte des signatures. Rien non plus ne démontre qu'ils savaient alors que la commune d'Avusy cofinançait le référendum, ni que les armoiries communales étaient utilisées sur un tous-ménages appuyant le lancement du référendum, ni que certains propos concernant ce dernier avaient été tenus lors de séances même publiques (art. 18 al. 1 LAC) des conseils municipaux d'Avusy et de Chancy du 11 décembre 2018.

Cela ne constituait pas un procédé dilatoire tactique, de la part des recourants, de solliciter les renseignements requis par leurs demandes précitées du 21 décembre 2018 avant, le cas échéant, de déposer un recours contre le référendum considéré, d'autant plus que le délai de récolte des signatures était échu mais que l'aboutissement du référendum n'avait pas encore été constaté par le Conseil d'État et, a fortiori, qu'aucun scrutin populaire n'était encore fixé (ACST/13/2018 du 7 juin 2018 consid. 2b in fine et les jurisprudences citées). Il était légitime que les recourants attendent de recevoir les réponses à leurs questions précitées, de surcroît de la part en principe non d'une seule commune (en l'occurrence celle du maire de Laconnex), mais de la chancellerie d'État et des autres communes, avant de former leur premier recours. La réponse de la chancellerie d'État du 15 janvier 2019 n'a pas apporté les réponses attendues. C'est la réponse des communes du 28 janvier 2019 qui a fourni aux recourants des renseignements qui, quoiqu'encore partiels, attestaient suffisamment d'une implication des communes intimées dans le processus référendaire considéré pour qu'ils ne puissent alors différer de former un recours auprès de la chambre constitutionnelle contre le référendum considéré, dès lors qu'ils estimaient, au vu de ces renseignements, que des irrégularités entachaient la collecte des signatures et le lancement même dudit référendum et que manifestement - d'après la réponse précitée de la chancellerie d'État - cette dernière ne partageait pas leur avis, n'estimait pas même qu'elle-même ou le Conseil d'État fussent compétents pour intervenir et ne s'apprêtait pas à le faire ou à proposer au Conseil d'État de le faire au stade ultérieur du constat de l'aboutissement ou non du référendum.

Il se justifie donc de considérer que le premier recours a été interjeté en temps utile, étant précisé qu'il n'y a pas d'élément amenant à retenir que ledit courrier des communes intimées du 28 janvier 2019 n'est pas parvenu au mandataire des recourants, selon l'affirmation crédible de ce dernier, le 30 janvier 2019.

c. Il y a aussi lieu de considérer que les recourants ont interjeté leur deuxième recours, le 6 mars 2019, et leur troisième recours, le 29 avril 2019, dans les six jours à compter de celui où - ayant continué à faire preuve de diligence dans la recherche des éléments factuels non mentionnés par les communes intimées et la chancellerie d'État - ils ont pris connaissance respectivement, s'agissant du deuxième recours, de procès-verbaux alors récemment publiés sur internet de séances des conseils municipaux de Chancy et d'Avusy révélant l'intensité de l'implication des communes dans le processus référendaire, y compris une participation financière de la commune d'Avusy, ainsi que l'utilisation des armoiries communales dans un « tous-ménages », et, s'agissant du troisième recours, de l'arrêté du Conseil d'État du 17 avril 2019, publié dans la FAO du 23 avril 2019, constatant l'aboutissement du référendum contre la loi 11976.

d. Les trois recours ont donc été interjetés en temps utile, et sont recevables.

4. a. L'ordre constitutionnel instaure et garantit les droits politiques, à savoir un ensemble de droits reconnus aux membres du corps électoral de participer à la prise des décisions de leur communauté politique démocratique que forment respectivement la Confédération, les cantons et les communes.

En vertu de l'art. 51 Cst., les cantons sont tenus de se doter d'un minimum d'institutions démocratiques, que tous - dont celui de Genève - ont dépassé dans l'usage qu'ils ont fait de la très large autonomie que le droit constitutionnel fédéral leur reconnaît pour déterminer leur structure et organisation et déterminer l'étendue et les modalités d'exercice des droits politiques sur les plans cantonal et communal (ACST/14/2019 du 25 mars 2019 consid. 3b et les références jurisprudentielles et doctrinales citées). Les droits politiques qu'instaure et réglemente le droit cantonal bénéficient intégralement de la garantie des droits politiques, que la Cst. ancre à son art. 34 au titre d'un droit fondamental à forte composante institutionnelle (Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. II, 2018, n. 4856, 4959 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3ème éd., 2013, n. 848 ss ; Bénédicte TORNAY, La démocratie directe saisie par le juge, 2008, p. 186) et que la Cst-GE prévoit, dans une même mesure, à son art. 44.

b. D'après l'al. 2 de ces deux dispositions, identique, cette garantie protège la libre formation de l'opinion des citoyennes et des citoyens et l'expression fidèle et sûre de leur volonté. Selon une formule couramment utilisée par le Tribunal fédéral, elle signifie qu'aucun résultat de votation ou d'élection ne soit reconnu s'il ne traduit pas de manière fidèle et sûre la volonté librement exprimée du corps électoral ; chaque citoyen doit pouvoir exercer ses droits politiques conformément à sa volonté, à l'abri de toute influence extérieure, en fondant sa décision sur un processus de formation de la volonté le plus complet et le plus libre possible (ATF 145 I 207 consid. 2.1 ; 141 I 221 consid. 3.2 ; 140 I 394 consid. 8.2 ; 140 I 338 consid. 5 ; 139 I 2 consid. 6.2 ; 138 I 61 consid. 6.2 ; 135 I 292 consid. 2 ; 123 I 63 consid. 4b ; 118 Ia 259 consid. 3 ; Jacques DUBEY, vol. II, op. cit., n. 4854 ; Ulrich HÄFELIN et al., Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 9ème éd., 2016, n. 1363 ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, vol. I, 3ème éd., 2014, n. 150 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, vol. I, op. cit., n. 913).

c. La garantie des droits politiques se décline en plusieurs maximes, que la doctrine énumère de façon globalement convergente tout en les répertoriant de façon nuancée, n'excluant pas certains chevauchements (Jacques DUBEY, op. cit., vol. II, n. 5104 ss, 5188 ss., 5217 ss, 5237 ss, 5301 ss, 5315 ss, 5358 ss ; Pascal MAHON, op. cit., vol. I, n. 151 à 153 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., vol. I, n. 914 ss). De la liberté de vote découle, au stade de la préparation des votations et élections, le droit à la formulation claire et correcte des questions soumises au vote, une exigence d'unité de la matière et un devoir d'exactitude et de réserve des autorités dans la campagne ; en matière de déroulement du scrutin, il en résulte le droit à une composition correcte du corps électoral, le droit à l'égalité des chances et des armes et la garantie du secret du vote ; il s'en déduit aussi le droit à une constatation exacte des résultats du vote (pouvant impliquer le droit à un recomptage).

d. Ces maximes sont certes énoncées en lien avec un scrutin populaire. La garantie des droits politiques ne se limite cependant pas à la participation aux élections et votations ; comme le dit explicitement l'art. 45 al. 1 Cst-GE, elle vise aussi la signature des initiatives et des demandes de référendum, alors qu'il n'est pas encore établi qu'un scrutin populaire aura lieu (ATF 97 I 893 consid. 2 ; Bénédicte TORNAY, op. cit., p. 192 ss). Aussi certaines des maximes précitées doivent-elles également valoir, le cas échéant mutatis mutandis, aux stades du lancement d'une initiative ou d'une demande de référendum, de la récolte des signatures et du constat de l'aboutissement ou non d'une initiative ou d'une demande de référendum.

5. a. S'il ne nie pas l'applicabilité de la garantie des droits politiques à ces stades-ci de la mise en oeuvre de ces instruments de la démocratie directe, le Conseil d'État objecte qu'au moment du lancement d'un référendum, l'intervention du SVE consiste essentiellement à contrôler le spécimen des listes destinées à recevoir les signatures d'un point de vue strictement formel, à l'exclusion de tout contrôle matériel notamment de l'exposé des motifs figurant le cas échéant sur le formulaire des listes qu'entendent utiliser les auteurs du référendum pour la récolte des signatures, sauf - a-t-il concédé en cours de procédure - cas flagrants de violations graves des droits politiques constitutives d'atteintes à l'ordre public. Selon ledit intimé, il en irait ainsi également pour lui-même lors du constat de l'aboutissement ou non d'un référendum.

b. En matière cantonale et communale, les auteurs d'une demande de référendum doivent, avant de procéder à la quête des signatures, notamment soumettre à l'approbation préalable du SVE un spécimen des listes destinées à recevoir les signatures (art. 86 al. 1 let. c LEDP). Selon l'art. 87 al. 1 LEDP, les formules destinées à recevoir les signatures doivent être établies sous forme de listes ou de cartes pouvant contenir un minimum de cinq signatures (let. a), porter en tête, de manière précise et apparente, l'objet du référendum, ainsi que l'avis stipulant que celui qui appose une autre signature que la sienne ou plus d'une signature est passible d'une amende administrative pouvant s'élever à CHF 100.- et que les signatures obtenues par un procédé réprimé par la loi doivent être annulées (let. b), et permettre à chaque signataire d'inscrire son nom, son prénom usuel, sa date de naissance complète, son canton d'origine, ou sa nationalité, son adresse complète (rue, numéro, numéro postal et localité), ainsi que sa signature (let. c).

Il s'agit là de mentions obligatoires. Dans le cas d'une initiative, l'art. 86 al. 2 LEDP prévoit que la liste peut contenir un bref exposé des motifs. Il n'y a pas de raison que cela ne soit pas aussi le cas pour une demande de référendum, ainsi que la pratique l'admet et que cela pourrait se déduire de la garantie des droits politiques.

c. Il incombe au SVE de faire montre de célérité lors du contrôle du spécimen des listes destinées à recevoir les signatures, particulièrement en cas de demande de référendum, afin de ne pas raccourcir le délai de récolte des signatures, dont le point de départ est fixé par l'obtention de son approbation mais l'échéance par la publication de l'acte sujet à référendum. Il lui revient par ailleurs de vérifier que les clauses formelles obligatoires précitées figurent bien sur ledit spécimen (de même, pour une initiative, que les noms et adresses du nombre requis d'électeurs autorisés à la retirer [art. 86 al. 1 let. d LEDP]), mais aussi que les autres conditions formelles prévues par la loi soient satisfaites, à savoir que les auteurs de la demande de référendum en question aient informé par écrit le Conseil d'État ou, en matière communale, le maire de leur décision (art. 86 al. 1 let. a LEDP) et désigné un mandataire chargé d'agir en leur nom et auquel les communications officielles sont adressées valablement (art. 86 al. 1 let. b LEDP).

d. Il va de soi que, pour la collecte des signatures, les auteurs d'une demande de référendum doivent utiliser des formules de signatures conformes au spécimen approuvé par le SVE. Le respect de règles de procédure est nécessaire aussi en matière de droits politiques (ATF 131 I 442 consid. 3.1 ; ACST/30/2019 du 17 octobre 2019 consid. 7b), dans laquelle vaut toutefois aussi l'interdiction du formalisme excessif, découlant du droit que l'art. 29 al. 1 Cst. reconnaît à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et que soit renoncé à toute forme de déni de justice (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 69, 1459 et 1504 ss ; Jacques DUBEY, vol. II, op. cit., n. 4046 ss).

Contrairement à ce que plaident les recourants, la récolte des signatures à l'appui du référendum contre la loi n° 11976 n'a pas été obtenue en violation de la garantie des droits politiques du fait que deux versions du formulaire des signatures ont été utilisées par les auteurs de ce référendum, l'une comportant un tableau de cinq lignes pour les signatures et la mention de la commune de Laconnex (soit le formulaire de type 1) et l'autre comportant un tableau de dix lignes pour les signatures et ne faisant pas mention de la commune de Laconnex (soit le formulaire de type 2).

Si seul le formulaire de type 1 a été formellement approuvé par le SVE, le 28 novembre 2018, celui de type 2 n'en a pas moins été soumis audit service cinq jours plus tard, avec la question de savoir si un formulaire avec un tableau de dix lignes pour les signatures pouvait être utilisé, ce à quoi ledit service a aussitôt répondu par l'affirmative, le 3 décembre 2018, au demeurant à bon droit, le nombre de cinq lignes pour les signatures par listes étant requis comme un minimum (art. 87 al. 1 let. a LEDP). Quant à l'omission de la mention de la commune de Laconnex sur le formulaire de type 2, elle ne trahit nullement un refus de cette dernière de soutenir ledit référendum, refus dont le mandataire du comité référendaire aurait entendu tenir compte subrepticement, sans en faire état explicitement. Elle tient à une inadvertance dudit comité. Il est parfaitement crédible et il faut retenir que - comme l'affirme le comité référendaire, de façon corroborée par la commune de Laconnex en tant que partie intimée - le maire de cette commune-ci a bien fait part téléphoniquement au mandataire dudit comité, le 23 novembre 2018, après avoir consulté informellement les membres de son conseil municipal, de l'accord de la commune de Laconnex de soutenir le référendum. Quoi qu'il en soit, la mention de ladite commune sur le formulaire de type 1 mais pas de type 2 ne saurait avoir trompé, dans un sens ou un autre, des signataires dudit référendum quant à leur volonté que la loi 11976 soit soumise à un vote référendaire, qu'ils aient utilisé un formulaire du type 1 ou du type 2.

Ce serait faire montre d'un formalisme excessif que d'écarter, pour ces motifs-là, les signatures recueillies sur les formulaires du type 2 et, partant, de ne pas admettre l'aboutissement du référendum dès lors qu'il manquerait 260 signatures sur des formulaires du type 1 pour que le nombre minimal requis de 5227 signatures validées soit atteint (art. 67 al. 1 Cst-GE ; art. 86A LEDP ; art. 3C et annexe 5 ch. 2 du règlement d'application de la loi sur l'exercice des droits politiques du 12 décembre 1994 [REDP - A 5 05.01], en vigueur à la date d'approbation du spécimen des listes destinées à recevoir les signatures).

6. a. Autre est la question de savoir si les communes intimées pouvaient lancer le référendum considéré, ainsi qu'il s'avère qu'elles l'ont fait.

b. Le droit de référendum comporte deux sous-aspects, couverts l'un et l'autre par la garantie des droits politiques, à savoir celui de lancer une demande de référendum en tant qu'auteur et celui de la signer en tant qu'électeur (Jacques DUBEY, vol. II, op. cit., n. 4924).

Il n'est pas contesté que seuls des titulaires des droits politiques dans le canton de Genève pouvaient signer le référendum lancé contre la loi 11976 et, s'agissant du moins des signatures validées, l'ont signé (que ce soit des formulaires de type 1 ou de type 2). En revanche, s'il n'est pas discutable que MM. E______ et F______ ont été des chevilles ouvrières pour le lancement de ce référendum, il doit être tenu pour établi que celui-ci a été lancé par trois associations (à savoir Pro Natura Genève, AgriGenève et le Grain de Sable de la Champagne) et cinq communes (à savoir celle d'Avusy, qui est la commune de site des parcelles visées par le déclassement objet de la loi 11976, et celles de Cartigny, Chancy, Laconnex et Soral).

c. En effet, dans son communiqué de presse du 19 décembre 2018 annonçant le dépôt dudit référendum, le comité référendaire s'est présenté explicitement comme étant constitué de ces trois associations et cinq communes, éclairant à cet égard l'explication figurant dans les formulaires de signatures que ces huit entités avaient « décidé d'unir leurs forces pour s'opposer par ce référendum à la loi 11976 ». C'est bien l'accord des communes d'Avusy, Chancy, Laconnex et Soral que MM. E______ et F______ ont estimé devoir obtenir, en plus de celui des trois associations précitées, pour le lancement du référendum, de même que - estimaient-ils alors - leur participation à son financement à hauteur de CHF 2'000.- chacune. Et c'est bien comme un accord au lancement de ce référendum qu'il faut comprendre le soutien qu'en plus des trois associations précitées, ces communes (auxquelles s'est encore ajoutée celle de Cartigny) ont accepté d'apporter audit référendum par la voix de leur exécutif ou maire respectif agissant ès qualités (et non à titre personnel), accord consigné dans des procès-verbaux de l'exécutif de certaines de ces communes (Avusy, Chancy et Cartigny) et approuvé informellement par des conseillers municipaux d'autres d'entre elles (Laconnex et Soral). Le procès-verbal hebdomadaire de l'exécutif de la commune de Cartigny du 28 novembre 2018 fait mention de « l'initiative de la commune d'Avusy de lancer le référendum » en question et de sa demande de savoir si la commune de Cartigny était « aussi favorable de soutenir ce référendum ». La forte implication des communes considérées dans le lancement dudit référendum est par ailleurs démontrée par les interventions de leurs élus faites ès qualités en séance du conseil municipal des communes d'Avusy et de Chancy du 11 décembre 2018 (telles que relatées aux ch. 9 et 20b de la partie En fait du présent arrêt). Peu importe que, finalement, les CHF 4'649.85 de frais liés au lancement de ce référendum ont été assumés par les trois associations précitées et la seule commune d'Avusy, à hauteur de CHF 1'162.45 chacune.

Les auteurs de la demande de référendum, au sens de l'art. 86 al. 1 in initio LEDP, sont donc les trois associations et les cinq communes considérées. Au vu de l'ensemble des pièces du dossier, il n'y a pas lieu de faire en la matière une nuance, qui serait ici un distinguo non pertinent, entre lancer et soutenir ledit référendum. Quant à eux, MM. E______ et F______ sont respectivement le mandataire des auteurs de la demande de référendum, au sens de l'art. 86 al. 1 let. b LEDP, et la « personne de contact en [l']absence [de ce dernier] » (donc un mandataire suppléant, non prévu par la législation).

d. Contrairement à ce que paraît prétendre le Conseil d'État, cela ne relève pas d'un contrôle de l'exposé des motifs figurant sur les formules de signatures que d'examiner si les auteurs d'une demande de référendum ont qualité pour lancer un référendum, et cette question n'est pas exorbitante à sa mission (et, partant, celle de ses services, en particulier du SVE) de s'assurer du respect des droits politiques aux stades considérés en l'espèce du processus référendaire. Cette compétence, source de droits et de devoirs, se déduit de l'art. 46 al. 1 Cst-GE, qui charge le Conseil d'État d'organiser et surveiller les opérations électorales, tâche qui doit se concevoir de façon large incluant le lancement de demandes de référendum en tant qu'elle est prévue au chapitre des dispositions générales sur les droits politiques. C'est d'autant plus important qu'à la qualité d'auteurs d'une demande de référendum s'attachent des droits d'intervention dans la suite du processus référendaire, en particulier le droit de déposer des prises de position en vue de la votation (art. 22 LEDP) ainsi que de faire insérer des explications dans la brochure explicative (art. 53 al. 1 LEDP ; art. 8A al. 1 et 8C REDP). Il est difficilement compréhensible que le Conseil d'État et ses services ne s'intéressent pas à la question de savoir quels sont les auteurs d'une demande de référendum, se contentant - du moins dans certains cas, comme en l'espèce - de l'indication d'un mandataire chargé d'agir en leur nom (art. 86 al. 1 let. b LEDP). Il ne saurait se déduire de la mention d'auteurs d'une demande de référendum, figurant notamment à l'art. 86 al. 1 in initio LEDP, que ceux-ci pourraient rester anonymes, ni ne pas présenter les qualités requises pour lancer une demande de référendum, par exemple être une puissance étrangère ou une société faisant le commerce de lancer des référendums. Des critiques ont d'ailleurs déjà été émises à l'encontre d'un contrôle simplement formel du spécimen des listes destinées à recevoir les signatures (arrêt du Tribunal fédéral du 2 décembre 1988 consid. 2, SJ 1989 p. 90 ; ACST/15/2015 du 27 aout 2015 consid. 3d et références doctrinales citées).

7. a. Fondamentalement, l'exercice des droits politiques suppose la titularité de ces derniers. Il est néanmoins admis qu'en dérogation à ce principe, certaines entités, par définition non titulaires des droits politiques, puissent jouer un rôle actif pour le lancement d'un référendum, comme d'ailleurs pour former des recours pour violation des droits politiques. Cela se justifie en tant qu'elles ont vocation, au regard de leur but et de libertés constitutionnelles participant de l'organisation démocratique de l'État, à défendre les intérêts mis en cause par l'acte attaqué et à promouvoir le débat démocratique (Jacques DUBEY, vol. II, op. cit., n. 5254 ss ; René RHINOW / Markus SCHEFER / Peter UEBERSAX, Schweizerisches Verfassungsrecht, 3ème éd., 2016, n. 2127 ss ; Ulrich HÄFELIN et al., op. cit., n. 1363 in fine).

Cette vocation doit être reconnue aux partis politiques, aux associations défendant de manière générale les intérêts professionnels et politiques de leurs membres, aux associations défendant les intérêts affectés par l'acte attaqué, de même qu'aux organisations à caractère politique formées en vue d'une action précise telle, précisément, le lancement d'un référendum (pour la qualité pour recourir, cf. Jacques DUBEY, vol. II, op. cit., n. 5433 ss et les références jurisprudentielles citées). Si, pour ces dernières (mais pas pour les autres entités précitées), il n'y a pas lieu d'exiger qu'elles soient constituées en personnes morales (ACST/7/2019 précité consid. 2c s'agissant de la qualité pour recourir), il ne s'ensuit pas qu'un comité référendaire ne doit pas réunir des personnes ou des entités ayant une légitime vocation démocratique à défendre les intérêts considérés. La chambre constitutionnelle n'estime pas qu'il puisse s'agir de groupes indéterminés, même s'il ne faut pas se montrer trop restrictif à cet égard (Jacques DUBEY, vol. II, op. cit., n. 4928).

b. À teneur des avis de la chancellerie d'État annonçant le lancement de référendums ainsi que des arrêtés du Conseil d'État constatant l'aboutissement ou le non-aboutissement de ces derniers publiés dans la FAO depuis l'entrée en vigueur de la Cst-GE, intervenue le 1er juin 2013, il apparaît que de nombreux référendums ont été lancés par des partis politiques, des syndicats, des associations de défense d'intérêts concernés par l'acte attaqué ou des associations constituées spécifiquement pour s'opposer à un acte sujet à référendum, donc par des entités ayant une légitime vocation politique à le faire.

S'agissant du référendum dirigé contre la loi 11976, il faut retenir qu'au regard de leur but statutaire respectif et de leur constitution en personnes morales, les associations Pro Natura Genève (dont les buts relèvent de la protection de la nature, des paysages et de l'environnement), AgriGenève (soit l'ancienne Chambre genevoise d'agriculture, se vouant à la défense des intérêts de l'agriculture) et le Grain de Sable de la Champagne (s'étant constituée pour défendre les intérêts des habitants de la Champagne contre les nuisances liées à l'exploitation de gravières et au traitement de déchets dans la région considérée) ont toutes trois qualité pour le lancer. Peu importe, à cet égard, que leurs statuts mentionnent ou non explicitement le lancement de référendums comme moyen d'actions, et rien ne vient mettre en doute qu'elles ont la personnalité juridique. Il n'y a pas lieu d'administrer des preuves à cet égard.

c. Il appert en revanche que la participation de collectivités publiques, en particulier de communes, au lancement d'un référendum ne peut être admise au mieux que très restrictivement. À titre comparatif, il sied de relever dans ce contexte que de telles collectivités n'ont pas la qualité pour recourir pour violation des droits politiques, une exception ne pouvant être admise que lorsqu'elles peuvent se prévaloir de la violation de garanties constitutionnelles en leur faveur (ATF 136 I 404 consid. 1.1 ; Jacques DUBEY, vol. II, op. cit., n. 5436 ; Bénédicte TORNAY, op. cit., p. 35).

8. a. Selon l'art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. L'activité publique - dit l'art. 9 al. 1 phr. 1 Cst-GE - se fonde sur le droit. Compte tenu de leur dimension institutionnelle, les droits politiques sont en principe définis au niveau constitutionnel et doivent en tout état disposer d'une base légale (ATF 142 I 216 consid. 8.3.2 ; 104 Ia 226 consid. 2 et 3 ; 104 Ia 343 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_51/2014 du 25 mars 2014 consid. 2 ; 1P.470/2005 du 23 décembre 2005 consid. 4 in initio ; ACST/14/2019 précité consid.3).

Ainsi, sur le plan fédéral, c'est la Cst. elle-même qui prévoit, à son art. 141 al. 1, que le référendum facultatif peut être demandé par « 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons ». Quelques constitutions cantonales ouvrent la voie référendaire à un certain nombre de communes (cf. art.  78 in initio de la Constitution de la République et Canton du Jura du 20 mars 1977 - RS/JU 101 ; art. 33 al. 2 let. b de la Constitution du canton de Zurich du 27 février 2005 - RS/ZH 101), ou à des autorités, en particulier à une majorité voire une minorité du parlement (cf. art. 61 al. 2 de la Constitution du canton de Berne du 6 juin 1993 - RS-BE 101.1 ; art. 33 al. 2 let. c de la Constitution précitée du canton de Zurich ; art. 51 al. 2 de la Constitution du canton de Bâle-Ville du 23 mars 2005 - RS/BS 111.100 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, vol. I, op. cit., n. 629 in fine et 840 in fine ; Étienne GRISEL, Initiative et référendum populaires, 3ème éd., 2004, n. 831).

b. La Cst-GE prévoit que les objets pouvant donner lieu à un référendum facultatif sont soumis au corps électoral si le Grand Conseil le décide à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres (art. 67 al. 3). Elle ne confère en revanche pas aux communes le droit de demander qu'une loi cantonale soit soumise au vote du corps électoral. Lors des travaux de l'Assemblée constituante, la commission 2 « Droits politiques (y compris révision de la Constitution) » a estimé qu'il n'y avait pas de réel besoin d'introduire un référendum des communes dans le canton de Genève en l'absence d'une restructuration profonde des communes exigeant de donner à ces dernières des moyens d'intervention plus incisifs sur la politique cantonale (cf. rapport sectoriel 202 du 30 avril 2010, intitulé « Instruments de démocratie directe », in BOACG tome V p. 2295 ss, 2323) ; cet avis n'a pas été remis en question.

9. a. En matière d'aménagement du territoire, la législation genevoise prévoit mais aussi délimite la participation des communes concernées au processus d'élaboration des plans d'affectation du sol, en particulier des plans de zone (comme le déclassement de parcelles de la zone agricole en une zone industrielle, ainsi que le prévoit la loi 11976).

La compétence de modifier les limites de zones revient au Grand Conseil, qui adopte à cette fin une loi, sujette à référendum (art. 15 al. 1 et 16 al. 7 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30). Les communes peuvent prendre l'initiative d'une modification des limites de zones touchant leur territoire (art. 15A al. 3 et 4 LaLAT). Tout avant-projet de loi modifiant le régime des zones doit être soumis à une enquête publique de 30 jours (art. 16 al. 1 phr. 1 LaLAT), dans le cadre de laquelle « chacun » peut adresser ses observations au département cantonal compétent (art. 16 al. 3 LaLAT) ; simultanément, la commune concernée est invitée à inscrire cet objet à l'ordre du jour de son conseil municipal, étant précisé que les observations émises au cours de l'enquête publique lui sont transmises dans un délai de 45 jours et que l'autorité municipale dispose alors d'un délai de 60 jours pour communiquer son préavis (art. 16 al. 4 LaLAT), qu'elle exprime par le biais d'une délibération (art. 30 al. 1 let. q LAC), sujette à référendum sur le plan communal (art. 77 al. 1 in initio Cst-GE ; art. 29 al. 2 LAC). Si le Conseil d'État entend ensuite aller de l'avant, il lui faut saisir le Grand Conseil d'un projet de loi, et préalablement, en cas de préavis communal négatif, procéder à l'audition de l'exécutif communal (art. 16 al. 5 phr. 2 LaLAT). Le dépôt d'un projet de loi modifiant le régime des zones est annoncé par voie de publication dans la FAO et d'affichage dans la commune (art. 16 al. 5 LaLAT). Pendant un délai de 30 jours à compter de la première publication, toute personne, organisation ou autorité qui dispose de la qualité pour recourir contre le changement d'affectation visé par le projet de loi peut déclarer son opposition, par acte écrit et motivé, au Conseil d'État (art. 16 al. 6 LaLAT ; art. 48 let. x LAC). Le Grand Conseil statue sur les oppositions et vote le projet de loi en principe dans un délai de quatre mois (art. 16 al. 7 LaLAT). La loi adoptée par le Grand Conseil, le cas échéant approuvée en votation référendaire, est encore sujette à recours à la chambre administrative (art. 35 al. 1 LaLAT ; ACST/1/2015 précité consid. 2), que « les communes » (et certaines associations) ont qualité pour interjeter (art. 35 al. 3 LaLAT).

b. Il est douteux que - comme l'a retenu le rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'examiner le PL 11976 (MGC, accessible sur Internet à l'adresse https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11976A.pdf) - les communes de Cartigny, Laconnex et Soral, qui avaient formé opposition à ce projet de loi, en plus de celles d'Avusy (et de Genthod), aient eu qualité pour le faire, celle d'Avusy ayant détenu indubitablement cette qualité. Le pluriel utilisé audit art. 35 al. 3 LaLAT ne signifie pas qu'institutionnellement toutes les communes genevoises ont qualité pour recourir contre toute loi modifiant le régime des zones adoptée par le Grand Conseil, ni, en amont du processus, pour former opposition à tout projet de loi dont le Conseil d'État saisit le Grand Conseil en la matière. C'est la commune de site qui a une telle qualité (ATA/660/2018 du 26 juin 2018 consid. 2c ; ATA/170/2015 du 17 février 2015 consid. 3c ; ATA/664/2014 du 26 août 2014 consid. 2), voire une commune immédiatement voisine aux conditions restrictives d'admission de l'opposition de voisins (ATF 112 Ib 170 consid. 5b ; ATA/395/1997 du 24 juin 1997 consid. 4).

Peu importe, cependant, car l'ouverture de la qualité pour former opposition à un projet de loi et pour recourir contre une loi en la matière considérée n'implique nullement que les communes qui en bénéficieraient disposeraient en outre du droit de lancer un référendum contre la loi votée par le Grand Conseil. Aucune loi ne prévoit que les communes, y compris la commune de site, sont légitimées à lancer un tel référendum, et, faute d'être titulaires des droits politiques, elles ne sauraient déduire une telle vocation de la garantie des droits politiques. C'est plutôt les recourants qui, en tant que titulaires des droits politiques, peuvent revendiquer, sur la base de cette garantie, que n'exercent pas les prérogatives liées à ces droits des personnes qui n'en sont quant à elles pas détentrices (ATF 109 Ia 41 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.769/2006 du 29 janvier 2007, cité par Bénédicte TORNAY, op. cit., p. 181).

c. Il sied encore de préciser que les dispositions précitées de la LaLAT sur la participation des communes genevoises au processus d'élaboration des plans de zone ne placent pas ces dernières dans la situation de pouvoir se prévaloir d'une violation de leur autonomie lorsque leur préavis n'est le cas échéant pas suivi par les autorités cantonales (ACST/2/2018 du 5 mars 2018 consid. 3c), si bien qu'elles ne sauraient en déduire - si tant est que cela suffirait à cette fin - une vocation à lancer un référendum contre une loi modifiant le régime des zones sur leur territoire et, a fortiori, sur celui d'autres communes (cf. supra consid. 7c).

10. a. Il n'y a pas de raison que la maxime, déduite de la garantie des droits politiques, imposant aux autorités un devoir de réserve dans une campagne de votation (cf. supra consid. 4c) ne s'applique pas au stade du lancement d'un référendum et de la récolte des signatures, sous prétexte qu'il s'agirait à ce stade de promouvoir un débat politique futur devant le corps électoral et non d'influencer les citoyennes et citoyens dans l'exercice de leur droit de vote. Comme le Tribunal fédéral l'a retenu (ATF 116 Ia 466 consid. 5), qu'il vote ou signe une demande de référendum, le citoyen exprime sa volonté politique comme citoyen, et il doit pouvoir le faire librement, sans être exposé à des interventions d'autorités que ces dernières ne seraient pas en droit de faire au stade ultérieur de la campagne référendaire. Une autrice estime même qu'au stade de la récolte des signatures, c'est le libre exercice du droit de référendum qui est en jeu et que l'autorité n'a pas à intervenir lorsqu'il s'agit de savoir s'il faut poser une question au peuple (Bénédicte TORNAY, op. cit., p. 271 s.).

b. Dans l'ATF 116 Ia 466 invoqué par les parties, il n'est pas question de la participation d'une commune au lancement d'un référendum cantonal, mais de l'intervention d'une commune dans une campagne référendaire initiée par une association, non pour informer les citoyennes et citoyens ou rectifier une information mensongère, mais pour défendre dans la campagne le point de vue de la commune (intervention « pro domo »). Le Tribunal fédéral a jugé qu'une telle intervention n'est admissible qu'exceptionnellement (cf. aussi ATF 119 Ia 271 consid. 3b), pour des motifs sérieux et fondés, lorsque l'issue du scrutin présente pour la commune et ses habitants un intérêt direct et spécial qui dépasse largement celui des autres communes du canton (ATF 116 Ia 466 consid. 4a ; 114 Ia 427 consid. 4c ; concernant des interventions des autorités cantonales dans le contexte d'une votation fédérale, cf. ATF 145 I 175 consid. 6.1). Si, dans son évolution, la jurisprudence sur l'intervention « pro domo » des autorités tend à mettre l'accent moins sur les motifs pour lesquels celles-ci prennent le cas échéant parti que sur la manière dont elles le font et les conséquences de leur intervention, elle maintient l'exigence d'une atteinte particulière pour qu'une intervention « vers le haut » (soit d'une commune dans une votation cantonale) puisse être admissible (ATF 143 I 78 consid. 4.4 ; 140 I 338 consid. 5.2 et 7.1 ; Jacques DUBEY, vol. II, op. cit., n. 5321 ss).

Dans les cas exceptionnels dans lesquels elles sont admissibles, les interventions des autorités « pro domo » doivent rester objectives (à défaut de devoir être neutres), c'est-à-dire ne pas comporter d'information ou d'affirmation outrancière ou polémique quant à la forme ou erronée, exagérée ou trompeuse quant au fond. Elles doivent en outre demeurer proportionnées, notamment par la nature et l'ampleur des moyens utilisés, et elles doivent être transparentes, c'est-à-dire ne pas être occultes (Jacques DUBEY, vol. II, op. cit., n. 5330 ss et les jurisprudences citées ; Ulrich HÄFELIN et al., op. cit., n. 1394 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, vol. I, op. cit., n. 931 ss).

c. En l'espèce, la commune d'Avusy, en tant que commune de site des parcelles dont le déclassement est contesté et sur lesquelles se poursuit une activité industrielle non conforme à la zone agricole, souhaite que cette activité n'y soit pas régularisée par le déclassement de ces parcelles en zone industrielle, mais qu'elle soit déplacée dans une zone industrielle d'une autre région du canton. Il est frappant qu'elle-même, de même d'ailleurs que le comité référendaire, invoquent avant tout, à l'appui de leur opposition audit déclassement, un intérêt public à lutter contre le mitage du territoire cantonal, à promouvoir la protection de la zone agricole (et des surfaces d'assolement), à préserver la nature et le paysage, ainsi qu'à lutter contre la tolérance dont la D______ SA bénéficie depuis des lustres et à prévenir un précédent. Ce sont des intérêts généraux que les autorités cantonales ont vocation à poursuivre. Comme cela résulte de l'exposé des motifs du PL 11976 ainsi que du rapport de la commission d'aménagement du canton sur ce projet de loi (PL 11976-A), c'est d'ailleurs après avoir procédé à une pondération de tous les intérêts en présence qu'elles ont proposé et adopté le déclassement considéré, conforme au Plan de gestion des déchets du canton de Genève 2009-2012 ainsi qu'au Plan directeur cantonal 2030.

Sans doute peut-on imaginer que l'exploitation de l'entreprise considérée génère quelques nuisances, mais celles-ci ne sont qu'à peine alléguées par le comité référendaire et aucunement par ladite commune de site et les quatre autres communes intimées. Ces nuisances ne sauraient au demeurant être telles qu'elles ne seraient admissibles qu'à la condition d'être exportées dans une autre région du canton que la Champagne (soit l'ouest du canton de Genève, comprenant, en plus desdites cinq communes, celles d'Aire-la-Ville et Avully).

On ne voit donc pas quel intérêt direct et spécial, dépassant largement celui des autres communes du canton, la commune d'Avusy serait légitimée à faire valoir, à tout le moins pour le lancement d'un référendum cantonal contre la loi 11976. Elle ne se trouvait pas dans la situation exceptionnelle d'être habilitée à participer au lancement d'un référendum contre ladite loi et à la récolte des signatures. Elle a disposé et d'ailleurs fait usage des droits de faire entendre sa voix, légitimement et légalement, dans le cadre de l'élaboration de l'avant-projet et du projet de loi ayant abouti à l'adoption de ladite loi. Il ne lui appartenait pas de s'impliquer en tant que collectivité publique dans le lancement de ce référendum et la récolte des signatures, soit dans un débat démocratique qu'à ce stade-là il revenait le cas échéant aux citoyennes et citoyens de s'approprier et d'animer (Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, vol. I, op. cit., n. 925).

Cette conclusion vaut a fortiori pour les quatre autres communes intimées.

d. La commune d'Avusy a participé aux frais générés par le lancement du référendum, à hauteur de CHF 1'162.45, à l'égal des trois associations précitées. Dès lors qu'elle n'était pas habilitée à lancer le référendum, il n'était pas admissible qu'elle soutienne cette démarche financièrement. Ce faisant, elle n'a pas respecté l'interdiction que l'art. 83 al. 1 LEDP fait aux communes de supporter les frais de la propagande des partis politiques, autres associations ou groupements (MGC 1994 35/V 4150 ; ATA/433/2009 du 8 septembre 2009 consid. 3).

e. Les membres des autorités des communes considérées n'étaient nullement privés de leur droit de citoyennes et citoyens d'animer ledit débat démocratique, en particulier de lancer le référendum en question et de participer activement à la récolte des signatures puis, le moment venu, à la campagne référendaire, à la condition toutefois d'apparaître comme des particuliers aux yeux d'électeurs peu impliqués dans la vie politique, sans donner une apparence officielle à leurs interventions personnelles ni profiter à cet égard d'une situation ambiguë (ATF 119 Ia 271 consid. 3d ; Jacques DUBEY, vol. II, op. cit., n. 5336 ss ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, vol. I, op. cit., n. 935 ; Bénédicte TORNAY, op. cit., p. 276 s.).

Force est de constater, à ce propos, que les maires et le cas échéant leurs adjoints des communes considérées sont intervenus en l'occurrence ès qualités, pour le lancement du référendum et la récolte des signatures, de même d'ailleurs que plusieurs des conseillers municipaux de ces communes. Si M. E______, quoique conseiller municipal de la commune d'Avusy, a agi comme président de l'association Grain de Sable de la Champagne, il y a eu pour le moins ambiguïté sur la qualité en laquelle est intervenu M. F______. Dans un courriel du 16 novembre 2018 au président d'AgriGenève, M. E______ l'a présenté comme agissant pour le lancement de ce référendum comme président du Conseil municipal d'Avusy, et M. F______ a utilisé pour ses divers échanges à ce sujet son adresse de messagerie électronique de conseiller municipal (F______@avusy.ch). La séance du conseil municipal de la commune d'Avusy du 11 décembre 2018 a largement servi d'agora en faveur dudit référendum ; celle du même jour du conseil municipal de la commune de Chancy est elle aussi révélatrice de l'implication des communes et de certains de leurs élus agissant ès qualités dans le processus référendaire (cf. ch. 9 et 20b de la partie En fait du présent arrêt).

f. Il ne saurait en revanche être retenu que l'exposé des motifs que les auteurs du référendum ont fait figurer sur les formulaires de signatures a comporté des informations erronées ou trompeuses, en tant qu'il y était fait mention d'une part que les cinq communes intimées invitaient à s'opposer à la loi 11976 et d'autre part d'une implantation illégale d'une entreprise exerçant depuis plus de 20 ans une activité en zone agricole (soit la D______ SA). Il résulte des pièces du dossier que - par la voix de leur maire qui aurait été suffisante si leur implication dans le processus référendaire avait été exceptionnellement admissible (art. 50 al. 1 LAC) - les cinq communes en question ont donné leur accord au lancement de ce référendum avant que le SVE n'approuve le spécimen des listes destinées à recevoir les signatures. Il est par ailleurs exact que l'activité de l'entreprise précitée n'est pas compatible avec l'affectation à la zone agricole des parcelles sur lesquelles elle est implantée ; elle s'y déploie depuis des décennies au bénéfice d'une tolérance, situation que le déclassement litigieux entend précisément régulariser, conformément à la volonté des autorités cantonales.

Semblable à cet exposé des motifs, le « tous-ménages » dénoncé par les recourants n'est pas davantage critiquable, sous la réserve de l'utilisation des armoiries communales (art. 31 al. 3 LEDP ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_521/2017 du 14 mai 2018 consid. 3.3, publié in ZBl 2019, p. 104).

g. L'implication des cinq communes intimées dans le lancement du référendum contre la loi 11976 n'en a pas moins enfreint le devoir de réserve qui s'imposait à elles en vertu de la garantie des droits politiques.

11. a. La constatation d'irrégularités dans une procédure référendaire ou d'interventions illicites dans le lancement d'un référendum et la récolte des signatures ne doit pas nécessairement conduire à une annulation du scrutin, le cas échéant à sa répétition (s'il a déjà eu lieu), ou - lorsque, comme en l'espèce, aucun scrutin n'a encore été fixé - à l'annulation du référendum, c'est-à-dire au constat de son non-aboutissement, avec éventuellement à la clé l'obligation de publier à nouveau l'acte soumis à référendum pour qu'une nouvelle demande de référendum puisse être faite à son encontre (ATF 116 Ia 466 consid. 7).

Pour qu'une telle sanction soit prononcée, il faut que la violation constatée soit grave, qu'elle n'ait pas été corrigée à temps et que, de ce fait, elle ait pu, de façon pour le moins vraisemblable, exercer une influence décisive sur le résultat du scrutin, et que cela ne soit pas incompatible avec les exigences de sécurité du droit et de proportionnalité devant être prises en compte en la matière (ATF 145 I 207 consid. 4.1 ; 145 I 1 consid. 4.2 ; 141 I 221 consid. 3.3 ; 138 I 61 consid. 4.7.2 ; 135 I 292 consid. 4.4 ; 132 I 104 consid. 3.3 ; 129 I 185 consid. 8.1 ; Jacques DUBEY, vol. II, op. cit., n. 5411 ss ; Pascal MAHON, vol. I, op. cit., n. 154 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, vol. I, op. cit., n. 940 ss ; Bénédicte TORNAY, op. cit., p. 282 ss).

Pour un référendum dont l'aboutissement a été constaté mais pour lequel aucun scrutin n'a encore été fixé, la condition d'une influence décisive « sur l'issue du scrutin » ne peut se mesurer à l'aune de l'écart des voix pour ou contre l'objet soumis à votation. Elle doit s'apprécier d'une part au regard de la perspective que le nombre minimal de signatures valables aurait ou non sensiblement dépassé le nombre minimal requis si la violation considérée n'était pas intervenue (ou avait été corrigée à temps), et d'autre part en considération d'un poids déterminant que - nonobstant sa correction ultérieure, le cas échéant sa non-réitération dans la campagne référendaire - elle continuerait de faire peser sur l'issue du scrutin référendaire.

b. Il n'est assurément pas anodin qu'une commune lance un référendum et intervienne en la matière de toute autre manière, en particulier pour la récolte des signatures, en dehors des cas exceptionnels dans lesquels cela pourrait s'avérer admissible. Cela l'est d'autant moins lorsque, comme en l'espèce, cinq communes s'unissent à cette fin. Il est en effet vraisemblable que des citoyennes et citoyens sont d'autant plus enclins à signer une demande de référendum que celle-ci dispose d'un tel soutien des autorités communales de la région et leur est présentée comme telle. On ne saurait non plus se cacher que le « label » dont une telle demande de référendum bénéficie ainsi sans droit peut ne pas s'estomper entièrement du seul fait qu'il n'en est le cas échéant plus fait état officiellement au cours de la campagne référendaire.

En l'occurrence, l'irrégularité tenant à la forte implication des communes intimées dans le processus référendaire, en particulier le lancement du référendum et la récolte des signatures, présente une certaine gravité. Il aurait été aisé que le Conseil d'État et ses services la décèlent et la corrigent d'emblée, en se montrant intéressés de savoir qui constituait le comité référendaire (et pas simplement qui en était le mandataire).

c. Il se trouve cependant que le référendum est lancé aussi par trois associations susceptibles d'être les auteurs d'une demande de référendum contre la loi considérée, à savoir Pro Natura Genève, AgriGenève et le Grain de Sable de la Champagne (cf. supra consid. 7b). L'aura de ces trois entités ne doit pas être sous-estimée ; leur participation au processus référendaire était propre à convaincre nombre de citoyennes et citoyens de signer ledit référendum.

Par ailleurs, si la participation initiale des cinq communes intimées au processus référendaire n'a sans doute nullement été négligeable pour la récolte du nombre de signatures requis pour que le référendum aboutisse, il faut relativiser l'influence qu'elle continuerait d'exercer dans le cadre d'une campagne référendaire qui ne donnerait plus lieu à une telle violation et, finalement, sur l'issue de la votation référendaire. Il s'agirait d'un scrutin cantonal, si bien qu'il est loin d'être acquis que l'argument qui sous-tend le référendum de la part des cinq communes intimées - à savoir que les entreprises du type de la D______ SA, certes indispensables, devraient se situer dans une autre région du canton - trouve un même écho favorable auprès d'une majorité des citoyennes et citoyens du canton.

d. En outre, la participation financière de la commune d'Avusy aux frais du lancement du référendum considéré a été d'un montant fort modeste, soit de CHF 1'162.45. Quant à elle, l'utilisation par des privés des armoiries communales, au même niveau que celle du logo des trois associations considérées, sur un « tous-ménages » n'ayant manifestement pas un caractère officiel ne saurait avoir eu une influence un tant soit peu déterminante sur le succès de la récolte des signatures.

e. Enfin et surtout, le nombre total de signatures valables recueillies à l'appui de ce référendum, sur les formulaires tant de type 1 que de type 2 (cf. supra consid. 5d), est de 9085 (4967 + 4118), alors que 5227 signatures valables étaient requises. Cela fait 3858 signatures valables de plus que nécessaire, soit 73.8 %. Cette marge de sécurité est largement propre à absorber et compenser la mesure dans laquelle le succès de la collecte des signatures a pu être amplifié par les irrégularités précitées.

f. Il faut en déduire que, pour grave qu'elle a été, la violation de la garantie des droits politiques qu'ont constitué la forte implication des cinq communes intimées dans le lancement de ce référendum et les irrégularités constatées ne justifie ni d'annuler ledit référendum, ni d'estimer qu'il n'a pas abouti. Les trois recours doivent être rejetés.

Aussi n'y a-t-il pas lieu d'examiner si, dans l'hypothèse contraire dans laquelle le lancement même du référendum devrait être considéré comme vicié au point de devoir être annulé, ce n'est pas le comité référendaire et/ou des citoyennes et citoyens qui pourraient se plaindre d'une violation de leurs droits politiques si la chambre constitutionnelle n'ordonnait pas au Conseil d'État de publier une nouvelle fois la loi 11976 pour permettre le lancement d'un nouveau référendum contre cette loi dès lors que ses services n'ont pas décelé et corrigé à temps le vice affectant la demande de référendum leur ayant été soumise par le comité référendaire (ATF 116 Ia 466 consid. 7).

12. a. Vu l'issue donnée aux recours, mais aussi compte tenu du bien-fondé de certains des griefs avancés par les recourants, il se justifie de ne mettre à leur charge, pris conjointement et solidairement, qu'un émolument de CHF 500.- pour ces trois recours (art. 87 al. 1 LPA).

b. Il n'y a lieu d'allouer d'indemnité de procédure ni aux recourants (compte tenu de l'issue donnée aux recours), ni au comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz » (non représenté par un avocat), ni au Conseil d'État (en tant qu'autorité exécutive de l'État de Genève, dotée de services juridiques ; art. 87 al. 2 LPA).

Eu égard à la taille réduite des cinq communes intimées et nonobstant leur qualité d'entités publiques, mais aussi compte tenu du bien-fondé de certains des griefs émis à leur encontre et de leur constitution d'un avocat commun, seule une indemnité de procédure réduite, arrêtée à CHF 1'000.-, leur sera allouée solidairement, à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 2 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1038 ss).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevables les recours, joints sous le n° A/475/2019, interjetés les 5 février 2019, 6 mars 2019 et 29 avril 2019 par Messieurs A______, B______ et C______ contre le référendum dirigé contre la loi 11976 du 2 novembre 2018 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune d'Avusy (création d'une zone industrielle et artisanale exclusivement affectée à des activités de recyclage de matériaux minéraux au lieu-dit « Sous-Forestal ») ainsi que, s'agissant du troisième recours cité, l'arrêté du Conseil d'État du 17 avril 2019 constatant l'aboutissement dudit référendum cantonal ;

 

au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Messieurs A______, B______ et C______, pris solidairement ;

dit qu'il n'est alloué d'indemnité de procédure ni à Messieurs A______, B______ et C______, ni au comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz », ni au Conseil d'État ;

alloue aux communes d'Avusy, Cartigny, Chancy, Laconnex et Soral, prises solidairement, une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de Messieurs A______, B______ et C______, pris solidairement ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Jacques Martin, avocat des recourants, à M. E______, mandataire du Comité référendaire « NON à la zone industrielle d'Athenaz », à Me Bruno Mégevand, avocat des communes d'Avusy, Cartigny, Chancy, Laconnex et Soral, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeants : M. Martin, président, Mme Galeazzi, M. Verniory, Mme McGregor et M. Knüpfer, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant:

 

 

R. Martin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :