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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/514/2019

ACST/7/2019 du 11.03.2019 ( ELEVOT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/514/2019-ELEVOT ACST/7/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 11 mars 2019

 

dans la cause

 

COMITÉ D'INITIATIVE « POUR DES PRIMES D'ASSURANCE-MALADIE PLAFONNÉES À 10 % DU REVENU DU MÉNAGE ! »

et

Monsieur A______

et

Madame B______

et

Monsieur C______

et

Madame D______

et

Madame E______

et

Madame F______

et

Monsieur G______

et

Monsieur H______

représentés par Me Christian Dandrès, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

EN FAIT

1.             a. En 2017, le peuple suisse a rejeté, en votations référendaires, d’une part, en date du 12 février, la loi fédérale du 17 juin 2016 sur l’amélioration des conditions fiscales en vue de renforcer la compétitivité du site entrepreneurial suisse (dite loi sur la réforme de l’imposition des entreprises III), et d’autre part, en date du 24 septembre, l’arrêté fédéral du 17 mars 2017 sur le financement additionnel de l’AVS par le biais d’un relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée (de même que la loi fédérale du 17 mars 2017 sur la réforme de la prévoyance professionnelle 2020). Il n’était cependant pas contesté que des réformes devaient intervenir dans les matières considérées, afin d’une part d’établir un système d’imposition des entreprises qui soit compétitif et conforme aux exigences internationales et d’autre part de garantir les rentes de l’assurance-vieillesses et survivants (ci-après : AVS) par une augmentation des recettes de l’AVS.

b. D’intenses travaux législatifs ont aussitôt été repris par le Conseil fédéral et le Parlement fédéral sur ces sujets. De leur côté, les autorités des différents cantons, dont celui de Genève, ont poursuivi l’examen des mesures notamment fiscales qu’impliquerait, sur le plan cantonal, l’adoption d’une réforme fédérale qui comporterait immanquablement l’abandon des privilèges fiscaux accordés jusque-là par les cantons, à savoir, dans le canton de Genève, l’étude d’un train de projets de loi (ci-après : PL) 12006 à 12015 déposés le 16 novembre 2016, dont le PL 12006 modifiant la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15).

2.             a. En novembre 2017, sans lien direct avec ces préoccupations législatives, le Parti Socialiste Genevois, les Verts genevois et Ensemble à Gauche ont lancé une initiative législative cantonale formulée intitulée « Pour des primes d’assurance-maladie plafonnées à 10 % du revenu du ménage ! » (ci-après : IN 170), prévoyant de modifier comme suit les art. 20, 21 et 22 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05) :

Art. 20 Ayants droit (nouvelle teneur)

1 Sous réserve des exceptions prévues par l’article 27, les subsides sont destinés :

a)      aux assurés de condition économique modeste ;

b)      aux assurés pour lesquels la prime moyenne cantonale représente plus de 10 % du revenu déterminant ;

c)      aux assurés bénéficiaires des prestations complémentaires à l’AVS/AI ou de prestations complémentaires familiales accordées par le service des prestations complémentaires (ci-après : le service).

2 Les assurés qui disposent d’une fortune brute ou d’un revenu annuel brut importants sont présumés n’étant pas de condition économique modeste, à moins qu’ils ne prouvent que leur situation justifie l’octroi de subsides. Le Conseil d’État détermine les montants considérés comme importants.

3 Le Conseil d’État détermine les conditions d’application de l’alinéa 2.

 

Art. 21 Limites de revenu (nouvelle teneur)

1 Sous réserve des assurés visés par l’article 20, alinéa 2, le droit aux subsides est ouvert lorsque le montant de la prime moyenne cantonale représente plus de 10 % du revenu déterminant.

2 Le revenu déterminant est celui résultant de la loi sur le revenu déterminant unifié, du 19 mai 2005.

3 Le droit aux subsides s’étend au conjoint, au partenaire enregistré et aux enfants à charge de l’ayant droit. Une personne assumant une charge légale est assimilée à un couple.

 

Art. 22 Montant des subsides (nouvelle teneur)

1 Le montant des subsides est fixé de manière à ramener la charge de la prime d’assurance-maladie à 10 % du revenu déterminant, en se fondant sur le montant de la prime moyenne cantonale.

2 Le montant des subsides est calculé sur l’entier des primes moyennes cantonales d’assurance-maladie du groupe familial inclus dans le calcul du revenu déterminant. Le subside est réparti proportionnellement au montant de chaque prime moyenne cantonale.

3 L’état civil de l’assuré ne peut être un critère d’attribution.

4 Le montant des subsides ne peut être supérieur à la prime de l’assurance obligatoire des soins.

5 Les bénéficiaires d’une prestation annuelle, fédérale et/ou cantonale, complémentaire à l’AVS/AI versée par le service ont droit à un subside égal au montant de leur prime d’assurance obligatoire des soins, mais au maximum au montant correspondant à la prime moyenne cantonale fixée par le Département fédéral de l’intérieur. Les personnes qui ont un excédent de ressources inférieur à la prime moyenne cantonale ont droit à un subside équivalent à la différence entre la prime moyenne cantonale et l’excédent de ressources.

6 Les bénéficiaires de prestations complémentaires familiales ont droit à un subside dont le montant est déterminé par le service. Il correspond à l’excédent des dépenses, mais au maximum à la prime moyenne cantonale incluse dans les dépenses reconnues pour le calcul des prestations complémentaires familiales.

7 Pour le calcul et la distribution des subsides, le service de l’assurance-maladie reçoit sans frais, dans les délais fixés par le département, les informations nécessaires des départements et des services concernés, des assureurs et des ayants droit. Il peut demander leur concours, qui ne peut être refusé.

8 Le Conseil d’État détermine par règlement les conditions d’application de l’alinéa 5.

b. Le lancement de cette initiative a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 17 novembre 2017.

3.             Par arrêté du 30 mai 2018, publié dans la FAO du 1er juin 2018, le Conseil d’État a constaté l’aboutissement de l’IN 170 et fixé les délais de traitement de cette dernière, à savoir le 1er octobre 2018 au plus tard pour l’arrêté du Conseil d’État au sujet de la validité de l’initiative et le rapport du Conseil d’État au sujet de sa prise en considération, le 1er juin 2019 au plus tard pour la décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l’initiative et sur l’opposition éventuelle d’un contreprojet, et, en cas d’opposition d’un contreprojet, le 1er juin 2020 au plus tard pour l’adoption du contreprojet par le Grand Conseil.

4.             Le 26 septembre 2018, le Conseil d’État a déclaré l’IN 170 valide et il a adressé au Grand Conseil son rapport sur la prise en considération de cette initiative, en conclusion duquel il recommandait le rejet de l’IN 170 et annonçait le dépôt ultérieur d’un contreprojet à cette dernière proposant de modifier la LaLAMal afin de diminuer le poids des primes d’assurance-maladie pour les assurés de condition économique modeste.

5.             a. En date du 28 septembre 2018 – consacrant un compromis politique s’étant dégagé lors des travaux parlementaires, consistant à lier les deux réformes considérées –, les Chambres fédérales ont adopté la loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (ci-après : RFFA), modifiant plusieurs actes normatifs fédéraux en matière fiscale, dont la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (LIFD - RS 642.11) et la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID - RS 642.14), ainsi que la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS - RS 831.10) et l’arrêté fédéral du 20 mars 1998 sur le relèvement des taux de la taxe sur la valeur ajoutée en faveur de l’AVS/AI.

b. Le même jour, le Conseil fédéral a décidé de fixer au 19 mai 2019 une éventuelle votation référendaire concernant la RFFA, contre laquelle un référendum a effectivement été lancé et aboutira, ainsi que le Conseil fédéral le constatera le 4 février 2019.

6.             a. Le 12 octobre 2018, le Grand Conseil a renvoyé le rapport précité du Conseil d’État sur la prise en considération de l’IN 170 à la commission des affaires sociales.

b. Le 30 octobre 2018, devant la commission fiscale en charge du traitement du train précité des projets de loi 12006 à 12015, le Conseil d’État a déclaré qu’il allait retirer six de ces projets de loi, compte tenu de l’adoption, sur le plan fédéral, de la RFFA et de négociations intervenues avec les partis, les communes et les entreprises, en sorte que ne subsisterait qu’une seule mesure d’accompagnement par rapport au projet initial (à savoir celle relative à la petite enfance, selon le PL 12009, amendé, modifiant la loi sur les structures d'accueil de la petite enfance et sur l'accueil familial de jour du 14 novembre 2003 [LSAPE - J 6 29]). Dans le contexte des points forts de la réforme proposée sur le plan genevois, la conseillère d’État en charge du département des finances a indiqué que le Conseil d’État allait présenter un contreprojet à l’IN 170. Ainsi, au titre des mesures d’accompagnement de la réforme fiscale, il y avait, sur le plan fédéral, l’aspect social que constituait le financement de l’AVS, mais aussi, sur le plan cantonal, le soutien aux structures d’accueil de la petite enfance, visant à répondre aux attentes de la population en matière de places de crèche et à encourager les femmes dans le cadre de l’emploi, ainsi que – prévu par un projet de loi en voie de finalisation destiné à valoir contreprojet à l’IN 170 – un allègement de la pression pesant sur les épaules des familles en matière de primes d’assurance-maladie, en particulier de la classe moyenne. Le souhait était que la réforme cantonale puisse entrer en vigueur en même temps que la RFFA, soit le 1er janvier 2020, avec un vote référendaire le 19 mai 2019. Un commissaire a alors estimé que, dès lors que le contreprojet que présenterait le Conseil d’État à l’IN 170 serait un pendant social à la réforme fiscale cantonale (comme le financement de l’AVS l’était à la réforme fiscale fédérale), il serait logique que ce contreprojet soit renvoyé à la commission fiscale pour qu’elle puisse l’inclure dans la réforme et qu’il soit traité en même temps que la RFFA.

c. Le 6 novembre 2018, la commission des affaires sociales a renvoyé l’IN 170 à la commission fiscale, afin qu’elle soit traitée en parallèle de la réforme de l’imposition des entreprises, pour faire office de mesure d’accompagnement sociale à cette réforme.

d. Le 20 novembre 2018, la commission fiscale a auditionné des représentants du comité d’initiative de l’IN 170, qui ont mis en doute qu’un contreprojet sérieux à cette dernière pût être élaboré selon le calendrier prévu pour le bouclement du volet cantonal de la RFFA.

7.             Le 12 décembre 2018, le Conseil d’État a saisi le Grand Conseil d’un projet de loi modifiant la LaLAMal, valant contreprojet à l’IN 170 (ci-après : PL 12416). Le Grand Conseil a renvoyé le PL 12416 à la commission fiscale, devant laquelle le conseiller d’État en charge du département de la cohésion sociale l’avait déjà présenté le soir même du 12 décembre 2018.

8.             Par courrier du 28 décembre 2018, répondant à une demande de la commission fiscale du 18 décembre 2018, le comité d’initiative a adressé à cette dernière sa prise de position sur le PL 12416. Il en a relevé ce qui, aux yeux des initiants, en constituait respectivement des points forts (à savoir l’augmentation des subsides, l’élargissement du cercle des bénéficiaires, une non-stigmatisation des bénéficiaires, la mise en œuvre d’une modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 [LAMal - RS 832.10] entrant en vigueur le 1er janvier 2019, un modèle favorable aux familles monoparentales) et des faiblesses (soit une non-linéarité de l’aide et des effets de seuil, une inégalité entre bénéficiaires, un système statique non évolutif, une incitation aux franchises élevées, une demi-mesure). Il mettait en doute l’estimation faite des coûts respectifs de ce contreprojet (CHF 186'000'000.-) et/ou de l’IN 170 (CHF 450'000'000.-), exprimait la crainte qu’une partie de l’augmentation du coût soit financée par une diminution des autres prestations catégorielles eu égard à leur hiérarchisation prévue par la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), et s’opposait à ce que ce contreprojet à l’IN 170 soit présenté comme une des mesures d’accompagnement au volet genevois de la réforme de la fiscalité des entreprises.

9.             a. Le 8 janvier 2019, la commission fiscale a déposé sur le bureau du Grand Conseil deux rapports distincts, portant respectivement sur le PL 12006 (et les PL 12007, 12009 et 12013), d’une part, et sur l’IN 170 et le PL 12416 valant contreprojet à cette initiative, d’autre part.

b. Le rapport sur le PL 12006 et les trois autres cités comportait un rapport de majorité proposant l’adoption desdits projets et un rapport de minorité proposant le refus de deux d’entre eux (soit de ceux concrétisant l’introduction de la RFFA dans le canton de Genève).

En conclusion du rapport de majorité, il était relevé qu’un front large s’était réuni autour d’une solution consensuelle ayant permis de diminuer les pertes fiscales statiques estimées, de garantir un taux d’imposition du bénéfice des entreprises compétitif, de limiter l’utilisation des autres outils fiscaux « et de lier le tout à un autre sujet important qui préoccupe la population et qui concerne les primes d’assurance-maladie », en plus de celui des mesures en faveur de la petite enfance.

Le rapport de minorité dénonçait notamment une renonciation, au profit des entreprises réalisant les plus gros bénéfices, à des recettes fiscales qui seraient l’équivalent d’une pleine réalisation de l’IN 170.

c. Le rapport sur l’IN 170 et le PL 12416 comportait un rapport de majorité proposant le rejet de l’IN 170 et l’adoption du PL 12416, ainsi que trois rapports de minorité proposant la solution inverse.

À teneur du rapport de majorité, le PL 12416 constituait un contreprojet à l’IN 170 qui en respectait l’idée tout en limitant sa portée budgétaire et qui pouvait être, en plus, accepté comme contrepartie sociale à la RFFA en faveur de la population. Avec ce contreprojet, pour CHF 1.- mis dans la réforme fiscale RFFA, il y aurait CHF 1.- de subside supplémentaire et ainsi une réforme globale équilibrée, fruit d’un consensus large, à l’image de son pendant fédéral et en parfaite adéquation avec l’essence même de la politique suisse, basée sur le compromis.

D’après l’un des rapports de minorité, reprenant par ailleurs la prise de position précitée du comité d’initiative, il aurait mieux valu faire voter le peuple sur la réforme fédérale avant d’effectuer le travail législatif sur le plan cantonal, et ne pas lier les réformes sociales compensatoires à la réforme fiscale, en particulier le contreprojet à l’IN 170. Celui-ci avait été étudié « en toute hâte, par une commission par définition "incompétente" en la matière » ; il faisait correspondre sans étude sérieuse l’estimation des coûts de cette mesure-ci à celle des pertes fiscales qui seraient induites par la réforme fiscale sur le plan cantonal, sous la pression d’une « "fausse" urgence dictée par la tactique politicienne ». Selon un autre rapport de minorité, le contreprojet à l’IN 170 n’était qu’un prétexte pour faire passer la baisse massive de l’imposition des bénéfices des entreprises, et il comportait une série de défauts majeurs pointés à juste titre par la prise de position précitée du comité d’initiative ; il ne s’agissait pas seulement d’un mauvais compromis mais d’un leurre volontaire.

10.         a. Les deux rapports précités de la commission fiscale ont été inscrits à l’ordre du jour de la session du Grand Conseil des 24, 25 et 31 janvier 2019 et traités le 31 janvier 2019.

b. Le Grand Conseil a adopté, le 31 janvier 2019, les lois :

- 12006 modifiant la LIPM, en décidant de la soumettre au corps électoral par le biais du référendum extraordinaire ;

- 12007 modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l’État du 4 octobre 2013 (LGAF - D 1 05) ;

- 12009 modifiant la LSAPE ;

- 12013 sur la répartition entre le canton et les communes de la compensation verticale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS.

c. Le même jour, le Grand Conseil a par ailleurs refusé l’IN 170 et adopté, après avoir accepté deux amendements présentés par le Conseil d’État, la loi 12416 modifiant la LaLAMal (comme contreprojet à l’IN 170).

Les deux amendements acceptés ont consisté :

-       à chacune des let. a à h de l’art. 21 al. 1 LaLAMal, à abaisser, dans une mesure croissante, pour les assurés seuls des huit groupes d’assurés prévus, les montants maximaux du revenu déterminant à ne pas dépasser pour que le droit aux subsides soit ouvert, à savoir de CHF 35'000.- à CHF 30'000.- pour le groupe 1, de CHF 45'000.- à CHF 35'000.- pour le groupe 2, de CHF 55'000.- à CHF 37'500.- pour le groupe 3, de CHF 65'000.- à CHF 40'000.- pour le groupe 4, de CHF 75'000.- à CHF 42'500.- pour le groupe 5, de CHF 80'000.- à CHF 45'000.- pour le groupe 6, de CHF 85'000.- à CHF 47'500.- pour le groupe 7 et de CHF 90'000.- à CHF 50'000.- pour le groupe 8 ;

-       à l’art. 22 al. 1 LaLAMAl, à augmenter le montant (mensuel) des subsides des cinq premiers groupes, à savoir de CHF 230.- à CHF 300.- pour le groupe 1, de CHF 200.- à CHF 250.- pour le groupe 2, de CHF 180.- à CHF 200.- pour le groupe 3, de CHF 150.- à CHF 160.- pour le groupe 4 et de CHF 120.- à CHF 130.- pour le groupe 5 (étant précisé que le montant des subsides des groupes 6 à 8 restaient inchangés, à CHF 90.- pour le groupe 6, CHF 70.- pour le groupe 7 et CHF 40.- pour le groupe 8).

11.         Par arrêté du vendredi 1er février 2019, publié dans la FAO du même jour, le Conseil d’État a fixé au dimanche 19 mai 2019 la date et les objets d’une votation cantonale populaire portant sur plusieurs objets (en plus notamment de la RFFA, dont le Conseil fédéral venait, le 16 janvier 2019, de confirmer qu’elle serait soumise au vote populaire le 19 mai 2019), à savoir notamment la loi 12006 modifiant la LIPM, et – sous ch. 1 § 7 à 9 – l’IN 170 et la loi 12416 modifiant la LaLAMal (contreprojet à l’IN 170), ainsi que, s’agissant de ces deux derniers objets, la question subsidiaire de savoir lequel des deux avait la préférence de l’électeur si tous deux étaient acceptés.

12.         Par courriel du vendredi 1er février 2019 à 15h43, agissant pour le compte du Conseil d’État, la direction du support et des opérations de vote de la chancellerie d’État (ci-après : DSOV) a fixé au comité d’initiative un délai au vendredi 8 février 2019 à midi pour lui fournir son commentaire relatif à l’IN 170 en vue d’insertion dans la brochure explicative.

13.         Par retour de courriel, le comité d’initiative a demandé à ladite direction de lui communiquer le texte de la loi 12416 et sa date de publication dans la FAO, de lui indiquer dans quel délai un éventuel retrait de l’IN 170 pouvait intervenir et de lui octroyer un délai supplémentaire pour rédiger une éventuelle prise de position.

14.         Par courriel du lundi 4 février 2019 à 16h33, la DSOV a transmis au comité d’initiative le texte de la loi 12416, dont la publication interviendrait dans la FAO du 8 février 2019 ; elle lui a indiqué que l’IN 170 pouvait être retirée au plus tard le 10 mars 2019, et elle a prolongé jusqu’au lundi 11 février 2019 le délai de remise d’un commentaire de l’IN 170.

15.         a. Par acte du 7 février 2019, le comité d’initiative ainsi que huit de ses membres – à savoir Mesdames et Messieurs E______, G______, A______, B______, D______, C______, F______ et H______, tous domiciliés dans le canton de Genève – ont recouru par-devant la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre l’arrêté précité du Conseil d’État du 1er février 2019, en concluant à l’annulation des § 7 à 9 de son ch. 1 prévoyant la soumission au vote populaire de l’IN 170, de la loi 12416 (contreprojet à l’IN 170) et de la question subsidiaire.

b. Le délai imparti au comité d’initiative pour présenter un argumentaire destiné à être inséré dans la brochure explicative était trop bref, d’autant plus que tous les éléments permettant d’effectuer des comparaisons entre l’IN 170 et le contreprojet amendé voté le 31 janvier 2019 par le Grand Conseil n’étaient pas connus. La portée des amendements, touchant au cercle des bénéficiaires des subsides et aux montants de ceux-ci, n’avaient pas pu être précisés par le Conseil d’État lors des débats parlementaires, en sorte que le comité d’initiative n’était pas en mesure de développer un argumentaire sérieux sur les avantages et inconvénients respectifs de l’IN 170 et de la loi 12416.

c. La fixation d’un délai si court pour présenter un commentaire ne s’expliquait que par la volonté infondée du Conseil d’État de lier politiquement le débat sur l’IN 170 et le volet genevois de la réforme de la fiscalité des entreprises (soit la loi 12006), alors qu’il s’agissait d’objets juridiquement distincts. Désigner le contreprojet à l’IN 170 comme une des mesures d’accompagnement à cet objet-ci était un dévoiement de l’IN 170, portait atteinte aux droits politiques des initiants et trompait l’électorat.

16.         Le Conseil d’État a fait publier l’IN 170 et la loi 12416 dans la FAO du 8 février 2019.

17.         Par courriel du vendredi 8 février 2019 à 17h09, la DSOV a transmis au comité d’initiative un courrier prolongeant jusqu’au 27 février 2019 à midi le délai pour la remise de son commentaire sur l’IN 170.

18.         Par courrier du lundi 11 février 2019 adressé à la chambre constitutionnelle (que celle-ci a communiqué au Conseil d’État), les recourants ont exposé que le texte de la loi 12416 publié dans la FAO du 8 février 2019 comportait, à l’art. 22, deux erreurs, à savoir indiquait des montants de subsides de CHF 120.- pour le groupe 5 (au lieu de CHF 130.-) et de CHF 130.- pour le groupe 6 (au lieu de CHF 90.-). Il en résultait une confusion empêchant le comité d’initiative de se positionner clairement et renforçant son appréciation que cet objet de votation ne devait pas être soumis au peuple le 19 mai 2019. Ils ajoutaient à leur recours une conclusion en annulation de l’intégralité de la loi 12416.

19.         Le 13 février 2019, le Conseil d’État a fait à nouveau publier dans la FAO l’IN 170 et la loi 12416 (dans une version corrigeant les deux erreurs précitées relevées par les recourants), et la chancellerie d’État en a aussitôt informé le comité d’initiative avec la précision que le délai pour retirer l’IN 170 arrivait à échéance le 15 mars 2019.

20.         a. Par mémoire du 19 février 2019, le Conseil d’État s’en est remis à justice concernant la recevabilité du recours, a conclu à l’irrecevabilité de la conclusion complémentaire formée le 11 février 2019 par les recourants, et, au fond, au rejet du recours.

b. La conclusion tendant à l’annulation de la loi 12416 était tardive, et en tout état exorbitante à l’objet du recours du fait que, ladite loi n’avait pas encore été promulguée.

c. En fixant la date des opérations électorales relatives à l’IN 170 et à son contreprojet au 19 mai 2019, le Conseil d’État s’était conformé au texte de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) et de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05).

Trois des recourants étaient des députés, qui avaient reçu le texte des amendements votés le 31 janvier 2019 par le Grand Conseil. Le comité d’initiative disposait ainsi des éléments lui permettant de rédiger un argumentaire pour la brochure explicative, dans un délai qui n’avait pas été fixé par l’arrêté du Conseil d’État attaqué et qui était compatible avec les délais prévus par la LEDP pour la fixation de la date des opérations électorales et pour l’envoi du matériel de vote. En tout état, ledit délai avait été prolongé jusqu’au 27 février 2019.

21.         Par courriel du mercredi 27 février 2019 à 11h56, le comité d’initiative a transmis à la DSOV son texte à publier dans la brochure explicative.

22.         Par un courriel du même jour à 15h43, la DSOV a transmis au comité d’initiative des propositions de correction de forme de ce texte, en lui précisant qu’il lui était loisible, jusqu’au 6 mars 2019 à midi, de lui faire parvenir un nouveau texte faisant mention du contreprojet à l’IN 170 et émettant la recommandation de rejeter le contreprojet et, en réponse à la question subsidiaire, de préférer l’initiative.

23.         Dans des observations du 4 mars 2019, les recourants ont persisté dans l’intégralité de leurs conclusions.

En soumettant l’IN 170 et son contreprojet au scrutin populaire du 19 mai 2019, en même temps que le volet genevois de la réforme de l’imposition des entreprises, et en présentant ledit contreprojet comme le volet social de cette dernière, le Conseil d’État, soutenu par la majorité du Grand Conseil, visait à amener le corps électoral à accepter cette réforme fiscale, d’une façon contraire à la liberté de vote. Le calendrier imposé de ce fait impliquait que le comité d’initiative devait se déterminer tant pour la rédaction de son commentaire de l’IN 170 et son contreprojet que pour envisager le retrait de ladite initiative sans disposer des éléments nécessaires à cette fin. Le contreprojet à l’IN 170 avait été substantiellement modifié par deux amendements qui n’avaient été présentés et discutés ni en commission parlementaire ni en séance plénière du Grand Conseil et alors que sa portée quant au nombre de personnes touchées demeurait non éclaircie ; le principe de consultation, visant aussi à préserver le libre exercice des droits politiques, était vidé de toute portée.

24.         Par courriel du mercredi 6 mars 2019 à 12h04, le comité d’initiative a fait parvenir à la DSOV sa dernière version de son texte destiné à la brochure explicative, intégrant les corrections formelles proposées ainsi qu’une évaluation sur le contreprojet et sa recommandation de répondre « initiative » à la question subsidiaire.

25.         La chambre constitutionnelle a aussitôt transmis ces écritures respectivement au Conseil d’État et au comité d’initiative, et elle a indiqué et confirmé aux parties, les 4 et 7 mars 2019, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             a. Selon l'art. 124 let. b Cst-GE, la Cour constitutionnelle – à savoir la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (art. 1 let. h ch. 3 1er tiret de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05) – est compétente pour traiter les litiges relatifs à l’exercice des droits politiques en matière cantonale et communale. Concrétisant cette norme constitutionnelle par le biais de la loi 11311 du 11 avril 2014 mettant en œuvre la Cour constitutionnelle, le législateur a prévu que la chambre constitutionnelle connaît des recours en matière de votations et d’élections (art. 130B al. 1 let. b LOJ) ainsi qu’en matière de validité des initiatives populaires (art. 130B al. 1 let. c LOJ), et il a transféré à la chambre constitutionnelle, par une modification de l’art. 180 LEDP, la compétence qu’avait jusqu’alors la chambre administrative de connaître des recours contre les violations de la procédure des opérations électorales indépendamment de l’existence d’une décision (art. 180 aLEDP ; ACST/23/2018 du 9 novembre 2018 consid. 2 et références citées).

b. Comme le Tribunal administratif, puis la chambre administrative et enfin la chambre de céans l’ont jugé à maintes reprises, entrent dans le cadre des opérations électorales, et sont donc sujets à recours au sens de l’art. 180 LEDP, tous les actes – même matériels – destinés aux électeurs de nature à influencer la libre formation et expression du droit de vote, comme en particulier les mesures d’organisation de scrutins populaires, le matériel de vote en général, la brochure explicative, des circulaires et des tracts, des interventions d’autorités dans la campagne, de même que la constatation du résultat d’élections ou de votations (ACST/7/2018 du 5 avril 2018 consid. 2a ; ACST/14/2017 du 30 août 2017 consid. 2b ; ACST/3/2016 du 24 février 2016 consid. 7, et références jurisprudentielles et doctrinales citées dans ces arrêts).

c. En l’espèce, le recours est dirigé formellement contre l’arrêté du Conseil d’État du 1er février 2019 fixant au dimanche 19 mai 2019 la date et les objets d’une votation cantonale, plus précisément contre le ch. 1 § 7 à 9 de cet arrêté prévoyant la soumission audit vote populaire de l’IN 170, de la loi 12416 (contreprojet à l’IN 170) et de la question subsidiaire. Il s’agit d’un acte sujet à recours au sens de l’art. 180 LEDP (cf. ACST/3/2016 précité consid. 7 sur les actes marquant le début de la procédure des opérations électorales, dont la fixation du scrutin).

Interprété au regard de son contenu, il faut considérer que le recours est également formé contre la fixation au comité d’initiative, par la DSOP pour le compte de l’intimé, d’un délai au 11 février 2019 à midi pour présenter un commentaire sur l’IN 170 en vue d’insertion dans la brochure explicative. Il s’agit aussi d’un acte sujet à recours au sens de l’art. 180 LEDP.

Il est en revanche exact que – comme l’a relevé l’intimé – la loi 12416 elle-même n’est pas (encore) sujette à recours (art. 124 let. a Cst-GE ; art. 130B al. 1 let. a LOJ), n’ayant à ce stade non seulement pas été définitivement adoptée vu sa soumission au vote populaire à titre de contreprojet à l’IN 170, ni n’ayant a fortiori été promulguée (cf. art. 62 al. 3 phr. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). La conclusion complémentaire que les recourants ont prise dans leur écriture du 11 février 2019 est donc irrecevable, non parce qu’elle serait tardive mais parce qu’elle tend à l’annulation de la loi 12416.

d. Sous cette réserve, le recours est recevable ratione materiae.

2.             a. Il l’est aussi ratione temporis, dès lors qu’il a été interjeté, à l’encontre des deux actes attaqués, dans le délai de six jours fixé par l’art. 62 al. 1 let. c LPA « en matière de votations et d’élections » (notion n’incluant pas l’ensemble du contentieux relatif à l’exercice des droits politiques, mais en tout cas les recours fondés sur l’art. 180 LEDP [ACST/14/2017 précité consid. 1b ; ACST/17/2015 du 2 septembre 2015 consid. 3a]).

b. Il satisfait par ailleurs aux exigences de forme et de contenu prévues par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA.

c. S’agissant de la qualité pour recourir, la chambre constitutionnelle retient que pour les recours formés – comme en l’espèce – pour violation des droits politiques, toute personne physique ayant le droit de vote dans l’affaire en cause a qualité pour recourir, de même que les partis politiques et les organisations à caractère politique formées en vue d’une action précise, comme le lancement d’une initiative ou d’un référendum. Concernant les partis politiques, elle exige qu’ils soient constitués en personnes morales, exercent leurs activités dans la collectivité publique concernée par la votation populaire en cause et recrutent leurs membres principalement en fonction de leur qualité d’électeurs (ACST/8/2016 du 3 juin 2016 consid. 3a) ; elle ne pose pas l’exigence de la personnalité juridique à l’égard des comités d’initiative et des comités référendaires (ACST/4/2019 du 14 février 2019 consid. 1c ; ACST/22/2018 du 31 octobre 2018 consid. 1c ; ACST/3/2016 du 24 février 2016 consid. 2a), étant donné que ceux-ci ne doivent pas se constituer en personnes morales pour lancer une initiative ou un référendum (art. 86 LEDP) et doivent pouvoir, en cas de litige, défendre les intérêts des initiants ou référendaires (cf., sur le plan fédéral, la jurisprudence plus stricte du Tribunal fédéral, not. ATF 134 I 172 consid. 1.3.1 ; 115 I 148 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_305/2012 du 26 février 2016 consid. 1.2 ; 1C_357/2009 du 8 avril 2010 consid. 1.2 ; 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 1.2 non publié in ATF 136 I 404 ; 1P.679/1996 du 24 mars 1997 consid. 1b.aa ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. II, 2018, n. 5433 ss ; Florence AUBRY GIRARDIN, in Bernard CORBOZ et al. [éd.], Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, n. 58 ad art. 89 LTF ; Stéphane GRODECKI, L’initiative populaire cantonale et municipale à Genève, 2008, n. 1489 ss).

En l’espèce, la qualité pour recourir doit dès lors être reconnue tant au comité d’initiative qu’aux huit personnes physiques ayant aussi formé le recours, lesdites personnes étant toutes titulaires des droits politiques dans le canton de Genève.

d. Le recours doit donc être déclaré recevable, à l’exception de sa conclusion tendant à l’annulation de la loi 12416.

3.             L’ordre constitutionnel garantit les droits politiques, à savoir l’ensemble des droits que les membres de l’organe étatique qu’est le corps électoral détiennent pour participer à la prise des décisions de leur communauté politique démocratique que forment respectivement la Confédération, les cantons et les communes (ACST/23/2018 du 9 novembre 2018 consid. 3a ; Jacques DUBEY, op. cit., n. 4836 ss ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, vol. I, 3ème éd., 2014, n. 122 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel, vol. I, 3ème éd., 2013, n. 618, 623, 645 ss, et vol. II, n. 35). En particulier, l’art. 34 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et l’art. 44 Cst-GE prévoient, de façon identique à leur al. 2, que la garantie des droits politiques protège la libre formation de l’opinion des citoyennes et des citoyens et l’expression fidèle et sûre de leur volonté. Il résulte de cette garantie que chaque citoyen doit pouvoir se déterminer en élaborant son opinion de la façon la plus libre et complète possible et exprimer son choix en conséquence.

La liberté de vote garantit la sincérité du débat nécessaire au processus démocratique et à la légitimité des décisions prises en démocratie directe (ATF 140 I 394 consid. 8.2 ; 140 I 338 consid. 5 ; 139 I 2 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_610/2017 du 7 mai 2018 consid. 2.2 ; 1C_130/2015 du 20 janvier 2016 consid. 3.1 ; ACST/7/2018 du 5 avril 2018 consid. 8b). Elle se décompose en plusieurs maximes, que la doctrine énumère de façon globalement convergente tout en les répertoriant de façon nuancée, n’excluant pas certains chevauchements (cf. Jacques DUBEY, op. cit., vol. II, n. 5104 ss, 5188 ss, 5217 ss, 5237 ss, 5301 ss, 5315 ss, 5358 ss, et Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., vol. I, n. 913 ss). Ainsi, pour Pascal MAHON (op. cit., vol. I, n. 151 à 153), de la liberté de vote découle, au stade de la préparation des votations et élections, le droit à la formulation claire et correcte des questions soumises au vote, une exigence d’unité de la matière et un devoir d’exactitude et de réserve des autorités dans la campagne ; en matière de déroulement du scrutin, il en résulte le droit à une composition correcte du corps électoral, le droit à l’égalité des chances et des armes et la garantie du secret du vote ; il s’en déduit aussi le droit à une constatation exacte des résultats du vote (pouvant impliquer le droit à un recomptage).

Plusieurs de ces exigences trouvent leur expression dans des dispositions légales et réglementaires posant des règles de procédure, valables aux stades de la préparation et du déroulement des scrutins populaires et/ou de la constatation des résultats. Contribuant à concrétiser la liberté de vote, ces normes doivent être observées scrupuleusement, n’ayant pas valeur de simples prescriptions d’ordre (ACST/5/2015 du 4 mars 2015 consid. 6b ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., vol. I, n. 922 ; Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 1323).

4.             a. La fixation de la date d’un scrutin cantonal ou communal relève de la compétence du Conseil d’État (art. 46 al. 1 Cst-GE, selon lequel, plus généralement, l’exécutif cantonal organise et surveille les opérations électorales). Selon l’art. 19 LEDP, il incombe à ladite autorité de le faire au plus tard quinze semaines avant le dernier jour du scrutin (al. 1), dans la mesure du possible, s’agissant de votations, pour une date coïncidant avec celle de votations fédérales (al. 2). Pour les scrutins fédéraux, le Conseil fédéral arrête leurs dates et fait publier par la Chancellerie fédérale au plus tard au mois de juin de chaque année les dates qui sont réservées pour les votations populaires fédérales de l’année qui suit (art. 10 al. 1 de la loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 - LDP - RS 161.1 ; art. 2a de l’ordonnance sur les droits politiques du 24 mai 1978 - ODP - RS 161.11) ; le Conseil fédéral fixe, au minimum quatre mois avant le jour de la votation, les objets qui feront l’objet de la votation ; le délai de quatre mois peut être raccourci pour les lois fédérales déclarées urgentes (art. 10 al. 1bis LDP).

L’intimé a respecté ces prescriptions en rendant l’arrêté attaqué le 1er février 2019 pour des votations cantonales fixées au 19 mai 2019, date de votations fédérales.

b. Sans doute le Conseil d’État pouvait-il retenir une date ultérieure au 19 mai 2019 pour la votation populaire sur l’IN 170, la loi 12416 opposée comme contreprojet à cette dernière et la question subsidiaire – soit trois objets devant être soumis conjointement au vote du peuple (art. 63 al. 3 Cst-GE) – puisque, d’après l’art. 46 al. 2 let. b Cst-GE, ladite votation devait avoir lieu au plus tard un an après l’adoption dudit contreprojet, donc au plus tard le 31 janvier 2020. La fixation au 19 mai 2019 de la votation populaire sur l’IN 170, son contreprojet et la question subsidiaire s’inscrivait dans la perspective que ladite votation ait lieu « dans le plus bref délai », ainsi que le prévoit l’art. 46 al. 2 in initio Cst-GE.

c. Il ne saurait être vu dans la fixation au 19 mai 2019 d’une votation populaire portant aussi sur ces trois objets une quelconque contrariété avec l’exigence d’unité de la matière constituant un sous-aspect de la liberté de vote. En plus d’être relative, donc d’appeler un examen en fonction des circonstances concrètes, ladite exigence n’interdit pas de soumettre au corps électoral des objets distincts, permettant aux citoyens de se déterminer librement à leur sujet, en particulier d’accepter les uns et de refuser d’autres. Elle n’interdit que de mêler, dans un même objet soumis au peuple, plusieurs propositions de nature ou de but différents, qui forceraient ainsi le citoyen à une approbation ou une opposition globales alors qu’il pourrait n’être d’accord qu’avec une partie des propositions qui lui sont soumises de façon indûment amalgamée (ATF 137 I 200 consid. 2.2 ; 130 I 185 consid. 3 ; 129 I 381 consid. 2 ; 129 I 366 consid. 2.3 ; 128 I 190 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.223/2006 du 12 septembre 2006 consid. 2 ; Jacques DUBEY, op. cit., vol. II, n. 5217 ss).

Or, les trois objets que sont l’IN 170, son contreprojet et la question subsidiaire sont distincts des autres objets mis au programme de la votation populaire du 19 mai 2019. Il n’y a pas de confusion possible avec l’un ou l’autre d’entre eux – que ce soit avec l’un ou l’autre des objets fédéraux ou avec l’un ou l’autre des autres objets cantonaux –, quand bien même le sujet d’un octroi plus généreux de subsides d’assurance-maladie est soutenu par l’intimé, dans la version proposée par le contreprojet à l’IN 170, comme représentant une compensation sociale aux mesures fiscales prévues par la loi 12006 modifiant la LIPM par ailleurs soumise le même jour au vote populaire. Le citoyen a toute latitude d’accepter ou refuser l’IN 170 et/ou la loi 12416 et d’exprimer sa préférence en cas d’acceptation de ces deux objets, quel que soit son vote personnel sur les autres objets, en particulier sur la loi 12006.

Il sied aussi de préciser qu’il n’y a pas non plus d’interdépendance artificiellement ignorée entre ces différents objets ou l’un ou l’autre d’entre eux.

d. On ne voit pas qu’il y aurait une autre contre-indication juridique, en particulier une atteinte à d’autres facettes de la liberté de vote, qui s’opposerait à la fixation d’une votation populaire portant sur les trois objets considérés en même temps que sur l’un ou l’autre des objets fédéraux ou cantonaux mis au programme de la votation populaire considérée.

Il n’y a pas d’ambiguïté dans la formulation des questions soumises aux citoyens. Il incombe par ailleurs aux autorités et il est loisible aux recourants de faire valoir leurs arguments en faveur ou défaveur respectivement de l’IN 170 et de la loi 12416, par le biais de leur commentaire appelé à figurer dans la brochure explicative et, s’agissant notamment des recourants (ACST/5/2015 du 4 mars 2015 consid. 6a), encore par tous autres moyens admissibles au cours de la campagne référendaire.

e. Sans doute l’IN 170 a-t-elle été conçue en marge des travaux législatifs concernant la réforme de l’imposition des entreprises et le fait d’y opposer un contreprojet parallèlement au vote de cette dernière et à qualifier ce contreprojet de mesure compensatoire tend-il à établir un lien indirect entre ces deux sujets. Ce lien n’est cependant nullement de nature juridique. Or, en l’absence de lien juridique entre les objets considérés (en particulier la loi 12416) et la réforme de l’imposition fiscale des entreprises (en particulier la loi 12006), il relève d’un choix politique n’enfreignant aucunement la liberté de vote de soumettre ces différents objets, distincts, au vote du peuple à une même date. Celui qu’a fait l’intimé à ce propos a d’ailleurs manifestement été avalisé par une majorité du Grand Conseil.

Une majorité du parlement a partagé le point de vue assurément politique, mais non contraire au droit pour autant, qu’il était opportun d’adopter et le cas échéant de soumettre au corps électoral simultanément d’une part une réforme de l’imposition des entreprises allant sans doute engendrer dans un premier temps des pertes fiscales, mais dont elle escomptait un maintien des emplois dans le canton et, à terme, une recrudescence des recettes fiscales, et d’autre part des mesures sociales, à savoir un soutien accentué aux structures d’accueil de la petite enfance par le biais de la loi 12009 modifiant la LSAPE et un octroi plus généreux des subsides d’assurance-maladie par le biais du contreprojet à l’IN 170 (ou – ne peut-on exclure – par celui d’une acceptation de l’IN 170 de préférence à la loi 12146).

C’est sur le plan politique que ces mesures-ci, qualifiées de compensatoires par rapport à la réforme fiscale, peuvent présenter une semblable caractéristique, et non sur le plan financier ou comptable, en tant qu’il est attendu des mesures considérées respectivement des perte fiscales (du moins durant quelques années, au point que la loi 12007 a introduit transitoirement des dérogations aux mécanismes prévalant dans les collectivités publiques en cas de déficits budgétaires) et des coûts supplémentaires. Il s’agit de répondre parallèlement à des préoccupations d’une part fiscales et économiques et d’autre part sociales, et, par la soumission desdites lois le même jour à votation populaire, de démontrer aux citoyens l’engagement des autorités sur ces deux fronts, tout en permettant au corps électoral de faire son propre arbitrage entre les intérêts en jeu, à savoir tant d’accepter que de refuser les unes et/ou les autres des mesures considérées. La situation n’est guère différente de celle qui se serait présentée si la loi 12009 modifiant la LSAPE avait fait l’objet d’un référendum qui eût abouti, même si cette modification législative a été conçue dès le départ comme ayant une portée compensatoire à la réforme de l’imposition des entreprises ; sans doute cette loi aurait-elle, s’il y avait eu référendum à son encontre, été soumise au vote du peuple également le 19 mai 2019, sans qu’il y ait quoi que ce soit à redire à sa soumission à ce scrutin, en même temps mais comme constituant un objet distinct des autres objets évoqués.

5.             a. Les recourants font par ailleurs grief à l’intimé de lui avoir imparti un délai trop bref pour présenter un commentaire de l’IN 170 en vue d’insertion dans la brochure explicative.

b. Pour les scrutins fédéraux, le texte soumis à la votation est accompagné de brèves explications du Conseil fédéral, qui doivent rester objectives et exposer également l’avis d’importantes minorités ; il doit contenir le libellé exact de la question qui figure sur le bulletin de vote ; dans le cas d’une initiative populaire ou d’un référendum, le comité fait part de ses arguments au Conseil fédéral, lequel les reprend dans ses explications (art. 11 al. 2 phr. 1 à 3 LDP). Selon l’art. 11 al. 2 LDP, les électeurs reçoivent, au plus tôt quatre semaines avant le jour de la votation, mais au plus tard trois semaines avant cette date, les documents qui, au regard du droit cantonal, leur permettent d’exprimer valablement leur vote (bulletin de vote, carte de légitimation, enveloppe électorale, timbre de contrôle, etc.) ; le texte soumis à la votation et les explications peuvent cependant leur être remis plus tôt ; la Chancellerie fédérale publie, sur support électronique et au plus tard six semaines avant le jour de la votation, les textes soumis à la votation et les explications qui les accompagnent.

Pour les votations cantonales et communales intervenant dans le canton de Genève, les électeurs reçoivent au plus tôt quatre semaines avant le jour de la votation mais au plus tard trois semaines avant cette date, le bulletin de vote, les textes soumis à la votation, des explications qui comportent s'il y a lieu, un commentaire des autorités d'une part et des auteurs du référendum ou de l’initiative d'autre part, les recommandations du Grand Conseil ou du Conseil municipal (art. 53 al. 1 LEDP). Le texte soumis à la votation et les explications peuvent cependant leur être remis plus tôt ; la chancellerie d’État publie, sur support électronique et au plus tard six semaines avant le jour de la votation, les textes soumis à la votation et les explications qui les accompagnent (art. 53 al. 2 LEDP). Les électeurs inscrits sur le rôle électoral des Suisses de l’étranger reçoivent de l’État pour les votations cantonales, au plus tôt quatre semaines avant le jour de la votation, les bulletins de vote, les textes soumis à la votation et les explications y relatives (art. 53 al. 5 LEDP). Il faut aussi mentionner qu’une initiative peut être retirée au plus tard trente jours après la publication ou l’affichage de la décision définitive du Grand Conseil ou du Conseil municipal sur sa prise en considération et l’adoption éventuellement d’un contreprojet (art. 93 al. 1 LEDP).

Ni la législation fédérale s’agissant des scrutins fédéraux, ni la législation genevoise s’agissant des votations cantonales et communales ne fixent le délai devant être imparti à un comité d’initiative (ou un comité référendaire) pour fournir ses explications ou son commentaire appelés à figurer dans la brochure explicative. Ce délai est dicté par les contraintes permettant l’envoi à temps, au regard des prescriptions précitées, du matériel de vote aux électeurs, soit, en amont, l’approbation de la brochure explicative par le Conseil d’État, l’impression du matériel de vote et sa mise sous pli. Il doit permettre raisonnablement au comité d’initiative ou au comité référendaire de rédiger un commentaire ou des explications, sauf à violer la liberté de vote dont ceux-ci peuvent se prévaloir (cf. infra consid. 1c). Un délai relativement bref, de l’ordre d’une dizaine de jours, doit en règle générale être tenu pour suffisant, car non seulement de la diligence et de la disponibilité doivent pouvoir être attendues de la part de tels comités, mais encore ceux-ci sont censés pouvoir se préparer à commenter leur initiative, y compris le cas échéant un contreprojet (notamment pour justifier le maintien de l’initiative), ou la loi frappée de référendum, même si un argumentaire contre une loi votée et attaquée par référendum est plus prévisible que celui concernant une initiative à laquelle un contreprojet est opposé.

c. En l’espèce, il n’est pas nécessaire de déterminer si – sur un plan général et compte tenu des circonstances évoquées plus loin (infra consid. 6 et 7) – le délai imparti par courriel le 1er février 2019 à 15h43 au vendredi 8 février 2019 à midi, puis, par courriel du 4 février 2019 à 16h33, prolongé de trois jours, au lundi 11 février 2019, a été suffisant. Ce délai a en effet été prolongé une nouvelle fois, par courriel du 8 février 2019 à 17h09, jusqu’au mercredi 27 février 2019 à 12h00. À cet égard, l’objet du recours s’est trouvé modifié par la reconsidération de l’acte attaqué, si bien qu’il n’y a lieu de traiter le recours sur ce point que dans la mesure où cette nouvelle mesure ne l’a pas rendu sans objet (art. 67 al 2 et 3 LPA), sans préjudice d’une prise en compte de cet élément pour la fixation de l’émolument le cas échéant dû par les recourants, auxquels il a été en quelque sorte donné gain de cause sur ce point par l’intimé lui-même.

Or, il est indéniable qu’un délai de dix-huit jours et dix-neuf heures était amplement suffisant pour adresser un commentaire à la DSOV sur l’IN 170, y compris le contreprojet opposé à cette dernière, d’autant plus que le comité d’initiative savait dès avant le vote de la loi et du contreprojet, le 31 janvier 2019, que, si celui-ci était adopté, l’intimé soumettrait l’IN 170, son contreprojet et la question subsidiaire au corps électoral le 19 mai 2019, qu’il en a eu la confirmation par le courriel précité de la DSOV du 1er février 2019 à 15h43 l’invitant à lui remettre un tel commentaire, et donc qu’il a disposé à ces fins-ci en tout de quasiment vingt-sept jours pleins.

d. Par ailleurs, l’égalité de traitement a été respectée, puisque – d’après ce qu’indique l’intimé de façon crédible et non contestée par les recourants – un même délai de fourniture des textes en vue d’insertion dans la brochure explicative a été imparti au comité d’initiative et aux services de l’administration concernés.

e. Il faut aussi rappeler que le comité d’initiative a été en mesure, en l’espace de dix jours (soit le 28 décembre 2018 en réponse à une demande du 18 décembre 2018), d’adresser à la commission fiscale une prise de position écrite sur le PL 12416, de sept pages A4 et accompagnée d’une comparaison sur deux pages A4 des effets sur le taux d’effort des ménages entre l’IN 170 et le PL 12416. On ne voit pas que ce même comité d’initiative ne serait pas en mesure de fournir, en vue d’insertion dans la brochure explicative, un commentaire de l’IN 170 et son contreprojet, qui devrait être nettement moins développé (puisqu’il ne devrait pas excéder 90 lignes et 5684 caractères). Il y est d’ailleurs parvenu dans le délai prolongé à cette fin au 27 février 2019, et même encore jusqu’au 6 mars 2019 à midi en intégrant dans son texte une évaluation sur le contreprojet et sa recommandation de répondre « initiative » à la question subsidiaire.

6.             a. Il est vrai que la loi 12416 a été publiée dans la FAO du 8 février 2019, de surcroît avec deux erreurs affectant l’art. 22 al. 1 LaLAMal, et qu’elle a été republiée, dans une version corrigée, dans la FAO du 13 février 2019.

b. L’IN 170 a été lancée par trois partis politiques représentés au Grand Conseil, et trois députés figurent parmi les personnes pouvant décider à la majorité de la retirer, donc du comité d’initiative (art. 58 Cst-GE). Aussi ne fait-il guère de doute que le comité d’initiative connaissait la teneur de la loi 12416 dans sa version amendée au plus tard dès que le Grand Conseil a adopté cette loi en trois débats, le 31 janvier 2019. Sans doute a-t-il pu être étonné de découvrir, à la suite de la publication de la loi 12416 dans la FAO du 8 février 2018 (sinon déjà à réception du courriel de la DSOV du 4 février 2019 lui transmettant le texte de ladite loi), que les montants indiqués des subsides pour les groupes 5 et 6 étaient respectivement de CHF 120.- (et non CHF 130.-) et de CHF 130.- (et non CHF 90.-). Il n’en a le cas échéant été troublé que très momentanément, car - ainsi que les recourants l’ont eux-mêmes relevé dans leur écriture du 11 février 2019 – il était manifestement incohérent que le groupe 6 des bénéficiaires des subsides d’assurance-maladie, disposant de revenus supérieurs à ceux du groupe 5, soient mis au bénéfice d’un subside plus élevé que ces derniers, alors qu’au surplus les montants des subsides étaient logiquement dégressifs d’un groupe d’assurés à l’autre, passant de CHF 300.- pour le groupe 1 à CHF 40.- pour le groupe 8. Ayant eu accès aux amendements présentés par le Conseil d’État le 31 janvier 2019 au Grand Conseil, le comité d’initiative non seulement s’est vite rendu compte de l’erreur affectant les deux montants précités, mais aussi a rapidement connu la teneur que le Grand Conseil, en acceptant lesdits amendements, avait donnée à l’art. 22 al. 1 LaLAMal. L’erreur de publication précitée n’a donc pas entravé le comité d’initiative dans la possibilité de préparer le commentaire que la DSOV l’avait invité à lui fournir.

c. Au demeurant, le texte correct de la loi 12416 a été publié dans la FAO du 13 février 2019, ainsi que la chancellerie d’État en a aussitôt informé le comité d’initiative. Celui-ci a donc disposé, jusqu’au 27 février 2019, d’un délai nettement suffisant, même s’il fallait le compter à partir du 13 février 2019, pour préparer et remettre son texte à la DSOV.

7.             a. Les recourants font encore valoir que le comité d’initiative n’était pas en mesure de fournir un commentaire en vue d’insertion dans la brochure explicative, faute de connaître la portée des amendements présentés par le Conseil d’État et adoptés par le Grand Conseil le 31 janvier 2019.

b. Il est vrai que l’adoption du contreprojet à l’IN 170 s’est faite sous une certaine pression de temps dictée par la volonté – admissible (infra consid. 4d) – de soumettre les trois objets relatifs à ladite initiative au vote du peuple le 19 mai 2019, en même temps que la RFFA et le volet cantonal de la réforme de l’imposition des entreprises. Il faut aussi concéder que le Conseil d’État a présenté deux amendements à la loi 12416 le jour même où le Grand Conseil était appelé à traiter notamment l’IN 170 et son contreprojet et sans pouvoir donner d’explications détaillées et étayées sur la portée précise de ces amendements, et que le Grand Conseil a adopté ces derniers puis la loi 12416 ainsi amendée, certes en trois débats mais sans discussion sur ces amendements.

Le conseiller d’État en charge du département de la cohésion sociale avait cependant indiqué au Grand Conseil qu’il s’agissait d’amendements techniques ne remettant pas en cause le dispositif et l’orientation du PL 12416 votés par la commission fiscale. Il s’agissait, sans augmentation de l’enveloppe de CHF 186'000'000.- admise par ladite commission, d’une part de réduire un peu le cercle des personnes seules bénéficiaires des subsides d’assurance-maladie mais d’autre part d’augmenter le montant desdits subsides pour les groupes d’assurés 1 à 5. Le soutien à la classe moyenne, en particulier à la classe moyenne inférieure, restait substantiel (cf., faute de MGC encore disponible, la diffusion en différé de la séance du Grand Conseil du 31 janvier 2019, notamment de 11h49 à 11h53 et de 16h42 à 16h48, à l’adresse internet http://ge.ch/grandconseil/sessions/ video/020108/50 et 51).

c. Bien que ledit conseiller d’État ait déclaré qu’il fallait « dix jours au service de l’assurance-maladie, respectivement à ses ordinateurs, pour calculer les effets de ce projet de loi », il n’apparaît pas que ses déclarations précitées seraient fausses sur le plan du principe ou trompeuses quant à la portée des amendements considérés. Il n’a pas nié que, du fait de ces amendements, les subsides d’assurance-maladie seraient alloués, s’agissant des personnes seules, à un cercle plus restreint de bénéficiaires, et il n’a pas affirmé que l’augmentation du montant des subsides pour les groupes 1 à 5 compenserait le resserrement des limites de revenus pour ces bénéficiaires.

Une simple lecture comparative de l’art. 21 al. 1 LaLAMal dans sa version actuellement en vigueur, celle du PL 12416 voté par la commission fiscale et celle de la loi 12416 adoptée par le Grand Conseil fait apparaître clairement les orientations données successivement à cette disposition. Par rapport au PL 12416 voté par la commission fiscale, le cercle des personnes seules qui bénéficieraient de subsides d’assurance-maladie se trouverait, dans la version votée par le Grand Conseil (donc celle soumise au vote du peuple), restreint dans une mesure d’autant plus importante que leur revenu déterminant ne serait pas fort bas ; mais par rapport à la LaLAMal actuellement en vigueur, le cercle des bénéficiaires des subsides d’assurance-maladie serait substantiellement élargi, y compris (quoique logiquement dans une moindre mesure) pour les personnes seules. Concernant le montant des subsides, il appert que ceux-ci, dans la version de la loi soumise au vote populaire, seraient très sensiblement augmentés non seulement par rapport aux subsides actuels mais aussi, s’agissant des assurés des groupes 1 à 5, par rapport à ceux du PL 12416.

Pour juger de la conformité au droit, sous l’angle des droits politiques, de la soumission au vote populaire d’une initiative telle que l’IN 170 et de son contreprojet, il n’est pas décisif que les effets des normes considérées soient établis d’une façon plus précise qu’en l’espèce. Sans doute est-il souhaitable que les conséquences économiques, financières, écologiques et sociales à long terme des projets législatifs soient évaluées le mieux possible. Toutefois, en l’espèce, il ne saurait être vu dans la soumission de l’IN 170 et son contreprojet au scrutin du 19 mai 2019 une violation des droits politiques tenant à une évaluation desdites conséquences qui serait le cas échéant insuffisante au regard de la mission que l’art. 109 al. 3 Cst-GE confère à cet égard au Conseil d’État, ni à une consultation et une concertation restées en-deça de celles envisagées par l’art. 11 al. 1 Cst-GE à la charge des autorités.

d. On ne saurait retenir que le comité d’initiative n’était pas en mesure de rédiger un commentaire reflétant suffisamment son appréciation des avantages et inconvénients respectifs de son initiative et du contreprojet qui lui est opposé (dans sa version amendée par le Grand Conseil).

Il lui était au demeurant loisible, y compris dans son commentaire destiné à être inséré dans la brochure explicative, de critiquer la loi 12416 pour le motif que sa portée serait selon lui insuffisamment déterminée.

e. Enfin, si la brochure explicative représente un moyen important d’informer le corps électoral sur les objets soumis à votation, les citoyens ont toute latitude de s’informer par d’autres biais, en particulier en s’intéressant aux débats publics et articles de presse consacrés auxdits objets (ATF 130 I 290 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 précité consid. 3.2 ; ACST/3/2016 du 24 février 2016 consid. 10a in fine ; ACST/5/2015 précité consid. 9b ; ATA/583/2008 du 18 novembre 2008 consid. 9c in initio).

8.             a. En conclusion, le recours est mal fondé. Il doit être rejeté.

b. Vu l'issue donnée au recours (art. 87 al. 1 et 2 LPA), mais aussi la modification partielle de son objet en cours de procédure (infra consid. 5c), un émolument – réduit – de CHF 500.- sera mis à la charge du comité d'initiative et des huit personnes physiques recourantes, tous pris conjointement et solidairement, et il ne leur sera pas alloué d’indemnité de procédure.

******

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 février 2019 par le comité d'initiative « Pour des primes d’assurance-maladie plafonnées à 10 % du revenu du ménage ! » ainsi que Mesdames et Messieurs E______, G______, A______, B______, D______, C______, F______ et H______, à l’exception de sa conclusion tendant à l’annulation de la loi 12416 du 31 janvier 2019 modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05) ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge du comité d'initiative « Pour des primes d’assurance-maladie plafonnées à 10 % du revenu du ménage ! » ainsi que de Mesdames et Messieurs E______, G______, A______, B______, D______, C______, F______ et H______, tous pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat des recourants, et au Conseil d'État.

 

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Galeazzi, Montani et Payot Zen-Ruffinen, et M. Martin, juges.

 

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

 

I. Semuhire

 

 

le président :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

la greffière :