Aller au contenu principal

Décisions | Chambre Constitutionnelle

1 resultats
A/4200/2016

ACST/5/2017 du 12.04.2017 ( ABST ) , REJETE

Parties : LA CHAMBRE GENEVOISE IMMOBILIERE / CONSEIL D'ETAT
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4200/2016-ABST ACST/5/2017

 

 

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 12 avril 2017

 

dans la cause

 

 

LA CHAMBRE GENEVOISE IMMOBILIÈRE

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 


EN FAIT

1.             La Chambre genevoise immobilière (ci-après : CGi) est une association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), ayant son siège à Genève. Elle a pour but la promotion, la représentation et la défense de la propriété foncière dans le canton de Genève ; elle connaît de tous les problèmes qui touchent directement ou indirectement à l’économie immobilière à Genève et en Suisse ; elle se voue par pur idéal à l’étude de questions relatives, notamment, au logement, à la fiscalité, à l’énergie, à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement, des monuments, de la nature et des sites. Elle a pour membres – plus de 6000 – des détenteurs de biens immobiliers sous toute forme juridique et des personnes manifestant un intérêt particulier pour la propriété immobilière.

2.             Par règlement du 2 novembre 2016, le Conseil d’État a modifié le règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01), notamment par l’adoption d’un art. 258 nouveau, intitulé « Isolation des embrasures en façade », ayant la teneur suivante :

1Des émoluments sont perçus par le département chargé de l'énergie pour la notification d'une décision administrative de dérogation, d'exécution ou de prolongation d'un délai et pour le renvoi d'un dossier incomplet ou manifestement mal présenté, en matière d'isolation des embrasures en façade.

2Le tarif des émoluments est le suivant :

a) octroi d'une dérogation, selon la

complexité du dossier de CHF 500.- à CHF 5 000.-

b) notification d'une décision d'exécution CHF 100.-

c) octroi d'une prolongation de délai CHF 100.-

d) renvoi d'un dossier incomplet ou

manifestement mal présenté CHF 100.-

3.             Ledit règlement du 2 novembre 2016 modifiant le RCI a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 8 novembre 2016.

4.             Conformément à son art. 3 souligné, il est entré en vigueur le lendemain de ladite publication, soit le 9 novembre 2016.

5.             Par acte du 7 décembre 2016, la CGi a recouru contre ledit règlement auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle), en concluant à son annulation, subsidiairement à celle de l’art. 258 al. 1 et 2 précité nouveau.

La CGi avait qualité pour interjeter un recours corporatif pour la défense des intérêts de ses membres.

La législation genevoise comportait diverses dispositions touchant « de près ou de loin » à l’assainissement des embrasures en façade (ci-après : fenêtres), sous l’angle des autorisations de construire et des autorisations énergétiques requises respectivement par la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et la loi sur l'énergie du 18 septembre 1986 (LEn - L 2 30), ainsi que les règlements d’application de ces lois, à savoir le RCI et le règlement d'application de la loi sur l'énergie du 31 août 1988 (REn - L 2 30.01). La procédure d’autorisation énergétique ne visait pas l’isolation des fenêtres ; les émoluments prévus par le REn ne s’appliquaient donc pas à l’assainissement des fenêtres. L’art. 154 LCI prévoyait la perception d’émoluments, fixés à
l’art. 257 RCI, pour toutes les autorisations et permis d’habiter ou d’occuper que le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : le département) délivrait, ainsi que pour les recherches d’archives ayant trait aux autorisations de construire ; hormis les cas touchant à des bâtiments classés, les adaptations ou les remplacements des fenêtres n’étaient pas soumis à autorisation de construire.

Le nouvel art. 258 RCI ajoutait, en matière d'isolation des fenêtres, des émoluments pour la notification d'une décision administrative de dérogation, d'exécution ou de prolongation d'un délai et pour le renvoi d'un dossier incomplet ou manifestement mal présenté, mais aucune loi formelle n’en prévoyait ne fût-ce que le principe ou une limite maximale. Un émolument pour des demandes de dérogation était choquant dans la mesure où la plupart des dérogations demandées en matière d’assainissement de fenêtres l’étaient pour des motifs de respect des normes de protection du patrimoine ; un propriétaire devant être soustrait à l’obligation d’assainir des fenêtres en raison de contraintes liées à la protection du patrimoine ne bénéficiait d’aucune contre-prestation de l’État susceptible de justifier la perception d’un émolument pour l’octroi d’une telle dérogation ; l’émolument considéré, pouvant atteindre CHF 5'000.-, n’était pas un émolument de chancellerie, pour lequel une base matérielle de rang réglementaire pourrait suffire.

L’émolument prévu pour l’octroi d’une dérogation à l’obligation d’assainir des fenêtres, d’au minimum CHF 500.- et pouvant aller jusqu’à CHF 5'000.-, violait le principe d’équivalence. En l’absence de contre-prestation étatique, cet émolument s’apparentait à une amende. On ne voyait pas quel travail l’administration devait fournir qui pourrait justifier la perception d’un émolument en lien avec l’examen d’une demande de dérogation.

6.             Par mémoire du 27 janvier 2017, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours sur le fond, s’en remettant à justice s’agissant de sa recevabilité.

Les exigences déduites du principe de la légalité étaient assouplies pour les taxes causales ; le montant de ces dernières pouvait être fixé par l’Exécutif dans la mesure où les principes de la couverture des frais et de l’équivalence permettaient de le contrôler ; une base matérielle de rang réglementaire suffisait pour des émoluments de chancellerie.

L’art. 56A RCI, fondé sur l’art. 113 LCI relatif aux économies d’énergie, imposait aux propriétaires immobiliers, dans certains cas et à certaines conditions, une obligation d’isoler les fenêtres des constructions existantes jusqu’au 31 janvier 2016, en prévoyant des exceptions et des dérogations aux prescriptions fixées pour des bâtiments du patrimoine protégé ainsi que des prolongations de délai. Aucune autorisation énergétique n’était requise pour assainir les fenêtres, mais une autorisation de construire était nécessaire lorsqu’un tel assainissement touchait à des bâtiments classés au sens de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), constituait une intervention soumise à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) ou intervenait conjointement à d’autres travaux soumis à autorisation ; en dehors de ces cas, les travaux d’isolation thermique des fenêtres étaient considérés comme des travaux d’entretien ne requérant pas d’autorisation de construire. Pour des raisons pratiques liées à la technicité de la matière, c’était l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN) – dépendant du département, à l’égal de l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) – qui était compétent pour statuer sur les demandes de dérogation et de prolongation de délai.

Ces demandes étaient devenues très nombreuses depuis la fin de l’année 2015, vu l’échéance fixée au 31 janvier 2016 pour exécuter les travaux d’isolation thermique considérés ; notamment lorsqu’elles étaient fondées sur des motifs de protection du patrimoine, leur instruction était souvent complexe et nécessitait une coordination avec d’autres services étatiques. Aussi était-il apparu nécessaire de prévoir des émoluments pour couvrir les frais engendrés par cette activité étatique, en distinguant d’une part des prestations simples, justifiant la perception d’un émolument de chancellerie de CHF 100.-, consistant à notifier une décision d’exécution, octroyer une prolongation de délai ou renvoyer un dossier incomplet ou manifestement mal présenté, et d’autre part une prestation souvent complexe, tenant à l’octroi d’une dérogation, justifiant la perception d’un émolument de CHF 500.- à CHF 5'000.- selon la complexité du dossier.

Ces émoluments n’étaient perçus que pour des demandes nouvelles, à compter du 9 novembre 2016, date d’entrée en vigueur de l’art. 258 RCI prévoyant ces nouveaux émoluments. En pratique, une prolongation de délai (soumise à un émolument de CHF 100.-) était accordée en lieu et place d’une dérogation (pour laquelle l’émolument serait d’au minimum CHF 500.-) pour l’isolation thermique de fenêtres de bâtiments susceptibles d’être démolis prochainement, notamment parce que situés en zone de développement, englobés dans un plan localisé de quartier, un plan de développement de zone industrielle, un plan directeur de quartier ou en modification de zones ; il en allait de même pour des immeubles allant être vendus dans un proche avenir ; il n’était pas notifié de décision ni en conséquence perçu d’émolument dans le cas de villas habitées par des personnes très âgées.

La base légale de tous les émoluments perçus pour les prestations étatiques relevant de la LCI et du RCI se trouvait à l’art. 154 LCI. L’obligation d’assainir les fenêtres relevait bien de la LCI, et non de la LEn, même lorsqu’aucune autorisation de construire ne devait être délivrée. Il était cohérent d’admettre que l’instruction d’une demande de dérogation à l’obligation d’assainir les fenêtres pouvait donner lieu à perception d’un émolument. L’art. 154 LCI servait de base légale suffisante à l’art. 258 RCI. Une base légale formelle n’était en tout état pas nécessaire pour les émoluments de chancellerie que prévoyait l’art. 258 al. 2 let. b à d RCI.

La prestation étatique fournie pour les demandes de dérogation engendrait des coûts pour l’État, compte tenu de la complexité des cas dans lesquels des éléments de protection du patrimoine étaient en jeu, impliquant une concertation entre plusieurs services étatiques. En outre, elle procurait à son bénéficiaire l’avantage de n’avoir pas à effectuer des travaux de mise en conformité aux normes énergétiques et patrimoniales et, partant, à engager à cette fin des frais pouvant être non négligeables. L’émolument prévu par l’art. 258 al. 1 let. a RCI pour l’octroi d’une dérogation n’était nullement disproportionné par rapport à la valeur objective de la prestation fournie et se tenait dans des limites raisonnables, une fourchette permettant de tenir compte de la complexité des cas.

La chambre constitutionnelle devait s’imposer de la retenue dans le cadre du contrôle abstrait de la norme attaquée, dès lors qu’au vu de la pratique suivie par le département, il n’y avait pas de risque d’une perception injuste et choquante d’émoluments par l’État. Chaque émolument ferait l’objet d’une décision administrative sujette à recours ouvrant la voie à un contrôle concret.

Le nouvel art. 258 RCI apparaissait conforme au droit supérieur.

Une annulation des autres dispositions prévues par le règlement attaqué n’avait en tout état pas lieu d’être.

7.             Dans des observations du 27 février 2017, la CGi a persisté dans les griefs et conclusions de son recours.

Il n’y avait pas de prestation étatique lorsqu’il s’agissait, pour un propriétaire immobilier, de faire constater par l’administration qu’il n’avait pas le droit de se mettre en conformité avec certaines normes (ici touchant aux économies d’énergie) en raison de contradictions avec d’autres normes (ici relevant de la protection du patrimoine). Les surcoûts tenant à une nécessaire coordination entre services (dépendant au demeurant du même département) ne pouvaient être imputés à l’administré, qui supportait déjà les coûts de constitution du dossier. Une dérogation à l’obligation d’assainir ne constituait pas un avantage pour le propriétaire concerné, dès lors que – à teneur d’une brochure éditée par l’OCEN – le propriétaire contraint de devoir demander une dérogation pour des raisons relevant de la protection du patrimoine était empêché de pouvoir préserver voire augmenter la valeur de son bien immobilier, de réaliser des économies d’énergie, d’apporter aux utilisateurs un confort thermique et acoustique accru, et de bénéficier d’aides financières et de déductions fiscales (notamment en cas d’intervention combinée avec l’isolation de la façade) ; l’État ne pouvait à la fois exposer les avantages de l’assainissement des fenêtres et plaider que le propriétaire tirerait un avantage à ne pas assainir ses fenêtres.

Il ne pouvait être perçu d’émolument lorsque la prestation fournie par l’État poursuivait exclusivement un intérêt public. Or, les demandes de dérogation visaient à poursuivre l’intérêt public à la préservation du patrimoine, au détriment du propriétaire qui ne pouvait valoriser son bien. En expliquant que les demandes de dérogations complexes étaient celles liées à des motifs de protection du patrimoine, le Conseil d’État confirmait que l’émolument contesté serait bien perçu pour toutes ces demandes de dérogation, en l’absence de base légale formelle.

8.             Le 14 mars 2017, la chambre constitutionnelle a transmis cette écriture au Conseil d’État, en lui accordant la possibilité de formuler d’éventuelles observations jusqu’au 31 mars 2017, après quoi la cause serait gardée à juger.

9.             Le 2 avril 2017, le Conseil d’État n’ayant pas produit d’observations, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             a. Selon l’art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (ci-après : Cst-GE), la Cour constitutionnelle – à savoir la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (art. 1 let. h ch. 3 1er tiret de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05) – est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité au droit supérieur des normes cantonales, à savoir, d’après l’art. 130B al. 1 let. a LOJ concrétisant restrictivement cette disposition constitutionnelle, des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (ACST/3/2017 du 23 février 2017 consid. 1a ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015 consid. 2). Le recours relève donc bien de la compétence de la chambre constitutionnelle, dès lors qu’il est dirigé contre un règlement du Conseil d’État ayant au surplus matériellement un contenu normatif (ACST/14/2016 du 10 novembre 2016 consid. 1b).

b. Le recours a été interjeté dans le délai légal de trente jours à compter de la publication du règlement attaqué (art. 62 al. 1 let. d et al. 3 phr. 3 LPA).

c. Il respecte les conditions générales de forme et de contenu prévues par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA. En tant qu’il est dirigé contre le nouvel
art. 258 RCI introduit par la modification réglementaire du 2 novembre 2016, il contient un exposé détaillé d’au moins certains des griefs de l’association recourante (art. 65 al. 3 LPA). Il n’en contient en revanche aucun concernant les autres dispositions du règlement attaqué. Il appert, nonobstant la conclusion principale du recours, que ce dernier n’est en réalité dirigé que contre le nouvel art. 258 RCI. Sa conclusion présentée comme principale, visant le règlement attaqué dans son ensemble, est manifestement mal fondée sinon irrecevable et doit être écartée d’emblée (ACST/1/2015 précité consid. 4b ; sur le principe d’allégation devant le Tribunal fédéral, cf. art. 106 al. 2 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110 ; François CHAIX, Les motifs du recours en matière de droit public, in François BOHNET / Denis TAPPY [éd.], Dix ans de la Loi sur le Tribunal fédéral, 2017, n. 53 ss p. 187 ss).

d. A qualité pour former un recours en contrôle abstrait de normes cantonales devant la chambre constitutionnelle toute personne (physique ou morale) dont les intérêts sont effectivement touchés par l’acte attaqué ou pourraient l’être un jour avec un minimum de vraisemblance et ont un intérêt actuel ou virtuel digne de protection à leur annulation, au moins aux mêmes conditions que celles qui prévalent devant le Tribunal fédéral (art. 60 al. 1 let. b LPA ; art. 89 et 111 al. 1 LTF ; ATF 139 II 233 consid. 5.2 ; 138 I 435 consid.1.6 ; 135 II 243 consid. 1.2 ; ACST/3/2017 précité consid. 2 et 4d ; ACST/10/2016 du 29 août 2016 consid. 1c ; ACST/19/2015 du 15 octobre 2015 consid. 2b ; Étienne POLTIER, Les actes attaquables et la légitimation à recourir en matière de droit public, in François BOHNET / Denis TAPPY [éd.], op. cit., p. 123 ss, 151 ss  ; Bernard CORBOZ et al. [éd.], Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, n. 11 ad
art. 89 LTF ; Michel HOTTELIER / Thierry TANQUEREL, La Constitution genevoise du 14 octobre 2012, SJ 2014 II 341-385, p. 380 ; Marcel Alexander NIGGLI / Peter UEBERSAX / Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], Bundesgerichtsgesetz, 2ème éd., 2011, p. 1177 n. 13 ad art. 89 LTF).

Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir soit lorsqu’elle est intéressée elle-même à l’issue de la procédure, soit lorsqu’elle sauvegarde les intérêts de ses membres. Dans ce dernier cas, qui est celui du recours dit corporatif, la défense des intérêts de ses membres doit figurer parmi ses buts statutaires et la majorité de ceux-ci, ou du moins une grande partie d’entre eux, doivent être personnellement touchés par l’acte attaqué, actuellement ou à l’avenir avec un minimum de vraisemblance, et avoir qualité pour recourir à titre individuel (ATF 137 II 40 consid. 2.6.4 ; 131 I 198 consid. 2.1 ; 130 I 26 consid. 1.2.1 ; ACST/10/2016 précité consid. 1c ; ACST/7/2016 du 19 mai 2016 consid. 4c et les arrêts cités ; Piermarco ZEN-RUFFINEN, Droit administratif. Partie générale et éléments de procédure, 2ème éd., 2013, p. 317 n. 1312 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1384 p. 455 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 2011, p. 751).

En l’espèce, l’association recourante interjette un recours corporatif. Elle a la personnalité juridique ; un grand nombre de ses membres, qui sont pour la plupart des propriétaires immobiliers, sont susceptibles de se voir appliquer un jour le nouvel art. 258 RCI ; il se déduit des statuts de l’association recourante que cette dernière a vocation pour défendre les intérêts de ses membres. La qualité pour recourir doit donc lui être reconnue.

e. Le recours est donc recevable.

2.             Lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, la chambre constitutionnelle, à l’instar du Tribunal fédéral, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 137 I 131 consid. 2 ; 135 II 243 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_862/2015 du 7 juin 2016 consid. 3 ; 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4 ; 2C_668/2013 du 19 juin 2014 consid. 2.2 ; ACST/7/2016 précité consid. 8 ; ACST/19/2015 précité consid. 3 ; ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 consid 5b). Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – au droit supérieur. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 134 I 293 consid. 2 ; 130 I 82 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_862/2015 précité consid. 3 ; 1C_223/2014 précité consid. 4).

3.             a. Pour financer les activités que la constitution ou la loi le chargent d’exercer, l’État perçoit des contributions publiques, venant s’ajouter à d’autres ressources que sont notamment les revenus générés par ses propres biens, le produit des sanctions pécuniaires et l’emprunt. Les contributions publiques sont des prestations en argent prélevées par des collectivités publiques et acquittées par les administrés sur la base du droit public. Elles sont subdivisées traditionnellement en impôts, en contributions causales et en taxes d’orientation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_768/2015 du 17 mars 2017 consid. 4.1 ; 2C_483/2015 du 22 mars 2016 consid. 4.1). Les contributions publiques de nature causale sont des contre-prestations en argent que des justiciables doivent verser à des collectivités publiques pour des prestations particulières que celles-ci leur fournissent ou pour des avantages déterminés qu’elles leur octroient. Elles comportent les émoluments, les charges de préférence et les taxes de remplacement. Les émoluments eux-mêmes se subdivisent en plusieurs catégories, dont les émoluments de chancellerie, les émoluments administratifs, les taxes de contrôle, les émoluments d’utilisation d’un établissement public, les émoluments d’utilisation du domaine public (ATF 138 II 70 consid. 6.1 = RDAF 2013 I 584 ; 137 I 257 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_439/2014 du 22 décembre 2014 consid. 6.1 ; 2C_612/2013 du 16 juillet 2013 consid. 4. 2 ; 2C_24/2012 du 12 avril 2012 consid. 4.1 ; 2A.304/2001 du 22 novembre 2001 ; Jacques DUBEY / Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 1825 ss ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 3 ss ; Arlette STIEGER, Les contributions publiques genevoises, in Actualités juridiques de droit public 2011, p. 77 ss ; Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, n. 2623 ss ; Adrian HUNGERBÜHLER, Grundsätze des Kausalabgabenrechts, ZBl 104/2003 p. 505 ss, 507 ss, 512 ss ; Ernst BLUMENSTEIN / Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6ème éd., 2002, p. 5 s.). Les émoluments de chancellerie sont prélevés sans autre examen en contrepartie d’activités simples et courantes de l’administration, essentiellement de secrétariat (Jacques DUBEY / Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1827 s. et 1831 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 239 ss ; Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, op. cit., n. 2624 s. et 2626 ss ; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. III, 1992, p. 364).

b. La perception de contributions publiques est soumise aux principes constitutionnels régissant toute activité étatique, en particulier aux principes de la légalité, de l’intérêt public et de la proportionnalité (art. 5 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de la bonne foi et de l’interdiction de l’arbitraire
(art. 9 Cst.), ainsi que de la non-rétroactivité. Le principe de la légalité est concrétisé en droit fiscal par l’art. 127 al. 1 Cst., qui pose en la matière des exigences de densité normative en tant qu’il prévoit que la loi doit définir les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l’objet de l’impôt et son mode de calcul (Arlette STIEGER, op. cit., p. 94). Le principe de la légalité est applicable à toutes les contributions publiques, fédérales, cantonales et communales, y compris aux contributions de nature causale, quoique dans certains cas avec des assouplissements (ATF 135 I 130 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_729/2008 du 3 mars 2009 consid. 3.1 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 30 ss n. 2, p. 34 n. 17 et p. 55 n. 77).

c. Pour certaines redevances causales, les exigences découlant du principe de la légalité sont en effet moins strictes qu’en matière d’impôts, dans la mesure où les principes constitutionnels précités permettent suffisamment de contrôler leur montant. Tel est le cas pour les redevances causales dépendantes des coûts, dont les émoluments administratifs, auxquels s’appliquent les principes de la couverture des frais et de l’équivalence, qui sont tous deux l’expression du principe de la proportionnalité dans le domaine desdites contributions (ATF 126 I 180 consid. 3 ; 112 Ia 39 consid. 2 ; 104 Ia 113 consid. 3 ; 99 Ia 697 consid. 2 ; ACST/19/2015 précité consid. 6 ; Jacques DUBEY / Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1850 ss ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 56 s. ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 249 et 482 ss ; Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, op. cit., n. 2625a ss ; Adrian HUNGERBÜHLER, op. cit., p. 516 ; Pierre MOOR, op. cit., p. 367). Ces assouplissements ne s’appliquent pas à des contributions causales telles que les émoluments d’utilisation du domaine public et les taxes de préférence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010 du 18 juin 2011 consid. 3.2 ; Arlette STIEGER, op. cit., p. 96 ; François BELLANGER, Commerce et domaine public, in François BELLANGER / Thierry TANQUEREL [éd.], Le domaine public, 2004, p. 43 ss, 54).

d. Selon le principe de la couverture des frais, le produit global des contributions causales ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l’ensemble des coûts engendrés par la subdivision concernée de l’administration (ATF 135 I 130 consid. 2 ; 126 I 180 consid. 3a ; 106 Ia 249 consid. 3a ; 102 Ia 397 consid. 5b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_519/2013 du 3 septembre 2013 consid. 5.1 ; 2C_609/2010 précité consid. 3.2 ; Jacques DUBEY / Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1845 ; Pierre TSCHANNEN / Ulrich ZIMMERLI / Markus MÜLLER, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4ème éd., 2014, § 58 n. 13 ss ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 81 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 83 s. n. 254 ; Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, op. cit., n. 2637 ; Pierre MOOR, op. cit., p. 368). Les dépenses à prendre en compte ne se limitent pas aux frais directs ou immédiats générés par l’activité administrative considérée ; elles englobent les frais généraux, en particulier ceux de port, de téléphone, les salaires du personnel, le loyer, ainsi que les intérêts et l'amortissement des capitaux investis et des équipements (ATF 120 Ia 171 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_55/2008 du 22 avril 2008 consid. 5.1 ; ACST/19/2015 précité consid. 7). La subdivision administrative concernée se définit par référence à toutes les tâches administratives matériellement liées les unes aux autres, formant un ensemble cohérent (Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, op. cit., n. 2637 ; Adrian HUNGERBÜHLER, op. cit., p. 520 s.). Les émoluments perçus pour des prestations fournies dans une subdivision administrative ne doivent pas nécessairement correspondre exactement aux coûts de chacune de ces prestations. Certaines prestations, qui coûtent relativement peu cher à l’administration, peuvent être taxées plus lourdement que leur prix de revient, et inversement (ATF 101 Ib 462 consid. 3b). La collectivité peut compenser par un émolument perçu sur des affaires importantes l’insuffisance des émoluments prélevés pour d’autres opérations qui, en raison du peu d’intérêt qu’elles présentent, ne permettent pas de réclamer des émoluments couvrant tous les frais qu’elles occasionnent (ATF 126 I 181 consid. 3a.aa = RDAF 2001 II 293, p. 300 ; Xavier OBERSON, op. cit., n. 81 p. 57). Un certain schématisme est par ailleurs inévitable, le calcul des coûts considérés ne relevant pas des sciences exactes mais comportant une part d’appréciation. Les excès que cela pourrait impliquer sont, le cas échéant, corrigés par l’application du principe de l’équivalence (Pierre MOOR, op. cit., p. 368).

e. Le principe de l’équivalence veut que le montant de la contribution causale exigée d’une personne déterminée se trouve en adéquation avec la valeur objective de la prestation fournie qu’elle rétribue. Il doit y avoir un rapport raisonnable entre le montant concrètement demandé et la valeur objective de la prestation administrative. Cette valeur se mesure à l’utilité (pas nécessairement économique) qu’elle apporte à l’intéressé, ou d’après les dépenses occasionnées à l’administration par la prestation concrète en rapport avec le volume total des dépenses de la branche administrative en cause (ATF 135 I 130 consid. 2 ; 130 III 225 consid. 2.3 = RDAF 2005 I 747 ; 118 Ib 349 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010 précité consid. 3.2 ; Jacques DUBEY / Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1848 ; Pierre TSCHANNEN / Ulrich ZIMMERLI / Markus MÜLLER, op. cit., § 58 n. 19 ss ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 82 ; Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, op. cit., n. 2641 ; Adrian HUNGERBÜHLER, op. cit., p. 522 s. ; Pierre MOOR, op. cit., p. 369). Autrement dit, il faut que les contributions causales soient répercutées sur les contribuables proportionnellement à la valeur des prestations qui leur sont fournies ou des avantages économiques qu’ils en retirent (ATF 118 Ib 349 consid. 5 ; 109 Ib 308 consid. 5b ; 101 Ib 462 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_466/2008 du 10 juillet 2009 consid. 4.2.2 = RDAF 2010 II 401, p. 406 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 84 n. 255 ; Pierre MOOR, op. cit., p. 370). Le principe d'équivalence n'exclut pas une certaine schématisation ou l’usage de moyennes d’expérience (arrêts du Tribunal fédéral 2C_519/2013 du 3 septembre 2013 consid. 5.1 ; 2P.117/2003 du 29 août 2003 consid. 4.3.1 = RDAF 2004 II 401, p. 403 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 82), voire des tarifs forfaitaires (ATF 126 I 181 consid. 3a.aa = RDAF 2001 II 293, p. 300 ; 106 Ia 241consid. 4 ; 103 Ia 230 consid. 4 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 81).

4.             a. L’association recourante estime que les émoluments introduits par le nouvel art. 258 RCI, qui concernent le traitement de dossiers devant être soumis au département en matière d’assainissement des fenêtres, ne reposent pas sur une base légale formelle. Il convient d’examiner premièrement de quelle législation – la LCI ou la LEn – les travaux considérés relèvent.

b. Des travaux d’isolation thermique des fenêtres tendent à réaliser le principe, ancré à l’art. 167 al. 1 let. b Cst-GE et à l’art. 113 LCI au titre des économies d’énergie, que les constructions doivent être conçues et maintenues de manière que l’énergie nécessaire à leur fonction soit utilisée économiquement et rationnellement (art. 113 al. 1 LCI), et, plus précisément, que des mesures soient prises afin de limiter les déperditions d’énergie (art. 113 al. 3 LCI) et qu’à cet effet l’enveloppe extérieure des constructions neuves – mais aussi, dans une certaine mesure, de bâtiments existants – doit présenter une isolation et une inertie adéquates selon des normes fixées dans le RCI (al. 4). L’art. 56A RCI explicite et réglemente l’obligation d’assainir résultant de cet art. 113 LCI.

Pour les « embrasures en façade (vitrages, cadres de fenêtres, caissons de stores, etc.) », l’art. 56A al. 2 RCI prévoit que celles donnant sur des locaux chauffés des constructions existantes doivent être mises en conformité lorsque leur coefficient de transmission thermique U est égal ou dépasse 3.0 W/(m2 K), afin de respecter les prescriptions énergétiques en matière de rénovation des bâtiments au sens de la LEn, soit les normes de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (ci-après : SIA) 180 et 380/1 , et un indice d'affaiblissement acoustique correspondant aux exigences de la norme SIA 181 ; ces travaux de mise en conformité, s'agissant de l'isolation thermique, devaient avoir été exécutés au 31 janvier 2016 au plus tard (art. 56A al. 1 in fine RCI). Selon l’art. 56A
al. 4 RCI, ils doivent être réalisés dans les matériaux d'origine pour les bâtiments existants qui se situent dans les zones protégées au sens du chapitre IX du titre II de la LCI (à savoir les bâtiments situés dans les quartiers de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications, le secteur Rôtisserie-Pélisserie, le Vieux Carouge et les villages protégés, ainsi que les ensembles du XIXe siècle et du début du XXe siècle situés en dehors des périmètres de protection de la
Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications et du vieux Carouge), ainsi que pour les bâtiments existants qui font l'objet d'un classement, qui figurent à l'inventaire des immeubles dignes d'être protégés et/ou qui sont compris à l'intérieur d'un plan de site au sens de la LPMNS ; les dimensions des profils ainsi que la partition des vitrages (petits bois structurels) doivent respecter l’architecture du bâtiment.

D’après l’art. 56A al. 5 RCI, les exceptions suivantes au respect des prescriptions énergétiques fixées à l'al. 2 sont admises pour les bâtiments protégés :

a) le remplacement du seul vitrage par un vitrage dont le coefficient d'isolation thermique est égal ou inférieur à 1.0 W/(m2 K), lorsque la menuiserie ou la serrurerie sont conservées (adaptation) ;

b) la réalisation d'une nouvelle fenêtre respectant les prescriptions patrimoniales de l'al. 4, avec un vitrage dont le coefficient d'isolation thermique est égal ou inférieur à 1.0 W/(m2 K) (remplacement à l'ancienne) ;

c) l'ajout/l'existence d'une 2ème fenêtre extérieure à simple vitrage respectant les prescriptions patrimoniales de l'al. 4 (adjonction extérieure ou 2ème fenêtre extérieure existante) ;

d) l'ajout d'une 2ème fenêtre intérieure avec un vitrage dont le coefficient d'isolation thermique est égal ou inférieur à 1.0 W/(m2 K), et dont le cadre est réalisé dans les matériaux d'origine (adjonction intérieure).

Par ailleurs, selon l’art. 56A al. 6 phr. 1 RCI, des dérogations aux prescriptions fixées aux al. 2 et 4 peuvent être accordées pour les bâtiments à propos desquels ces exigences sont disproportionnées.

c. L’art. 54 RCI réserve les dispositions de la LEn et du REn. La LEn poursuit le but, de façon générale, de favoriser un approvisionnement énergétique suffisant, sûr, économique, diversifié et respectueux de l’environnement (art. 1 al. 1 LEn) ; elle s’applique à la production, à l’approvisionnement, au stockage, au transport, à la transformation, à la distribution et à l’utilisation d’énergie, ainsi qu’à la planification énergétique (art. 2 LEn). Pour les décisions et autorisations qu’implique sa mise en œuvre, elle prévoit, sous l’intitulé de « Procédure d’autorisation énergétique », l’application par analogie de la procédure d’autorisation de construire prévue par l’art. 3 LCI (art. 6A al. 1 LEn), ainsi que, lorsqu'une autorisation énergétique est liée à une demande d'autorisation de construire, une coordination de la procédure par le biais d’une procédure directrice, en principe celle relative aux autorisations de construire, selon
l’art. 3A LCI. À teneur de l’art. 55 RCI, la procédure d’autorisation énergétique est définie à l’art. 13D REn pour les installations visées aux art. 13E à 13J REn, qui n’englobent toutefois pas l’assainissement des fenêtres, objet de
l’art. 56A RCI. Ainsi que l’admettent tant l’intimé que l’association recourante, les travaux d’assainissement des fenêtres ne requièrent pas d’autorisation dite énergétique au sens de la LEn.

Depuis une modification du 5 novembre 2014 de l’art. 56A RCI (ROLG 2014 p. 665), visant à coordonner la mise en œuvre des politiques de l’énergie et de la protection du patrimoine et à faciliter la rénovation énergétique du parc des bâtiments ayant une valeur patrimoniale tout en tenant compte de la spécificité des bâtiments anciens et de la valeur patrimoniale exceptionnelle d’une partie d’entre eux, il n’est pas non plus requis d’autorisation de construire pour les travaux d’assainissement des fenêtres, « hormis pour les bâtiments classés » (recte : « protégés » visés par l’art. 56A al. 4 RCI ; cf. communiqué de presse du Conseil d’État du 5 novembre 2014). Ceci a résulté d’une part de l’art. 56A al. 6 RCI alors adopté (devenu, avec l’ajout des prolongations de délai, l’art. 56A al. 6 phr. 2 RCI par une modification du 28 octobre 2015 [ROLG 2015 p. 557 s.]) – selon lequel les dérogations aux prescriptions fixées alors à l’al. 2 (puis aussi à l’al. 4) de ladite disposition réglementaire « sont accordées sur demande écrite par [l’OCEN], par voie de décision administrative, dans un délai de trois mois, sur préavis des services concernés » –, et d’autre part de l’aval donné simultanément à une nouvelle pratique administrative consistant à voir dans lesdits travaux de simples travaux d’entretien, non soumis à autorisation lorsqu’ils touchent à des bâtiments non protégés. La directive d’application de l’art. 56A RCI édictée en novembre 2015 par l’OCEN indique que ces travaux sont soumis à autorisation lorsqu’ils portent sur des bâtiments faisant l’objet d’un classement au sens de la LPMNS (dont l’art. 13 al. 2 prévoit que de simples travaux ordinaires d’entretien sont assimilés à une modification de l’immeuble), ou sont des interventions visées par la LDTR (sans référence à une quelconque de ses dispositions), ou encore constituent des interventions menées conjointement à d’autres travaux soumis à autorisation (par exemple isolation périphérique de façade).

d. Ainsi, nonobstant un certain flou entourant la définition des travaux d’isolation de fenêtres qui sont ou ne sont pas soumis à autorisation de construire, il appert que quoiqu’instituée dans la perspective de réaliser des économies d’énergies, l’obligation d’assainir les fenêtres relève de la législation sur les constructions et installations diverses. C’est en raison de la technicité de la matière que les demandes relatives aux travaux d’assainissement considérés sont traitées par l’OCEN (art. 56A al. 6 phr. 2 RCI), le cas échéant en concertation avec l’OAC voire d’autres services étatiques. La question de la légalité des émoluments perçus en la matière n’est dès lors pas de savoir si la LEn et le REn comportent à leur sujet des dispositions suffisantes. Peu importe donc, en l’espèce, que la LEn elle-même ne prévoie pas la perception d’émoluments et que les art. 29 à 29B REn fixant le principe, la base du tarif et le montant des émoluments à percevoir « pour les prestations [que le département] offre et pour toute autorisation qu’il délivre en application de la [LEn] et de ses règlements d’application » (art. 29 al. 1 LEn) sont de rang réglementaire. La question est en revanche de savoir si – comme l’affirme l’intimé, alors que l’association recourante le conteste – l’art. 154 LCI constitue une base légale formelle suffisante pour les émoluments fixés par le nouvel art. 258 RCI.

5.             a. Les trois émoluments de chacun CHF 100.- prévus à l’art. 258 al. 1 et 2 let. b à d RCI pour respectivement la notification d’une décision d’exécution, l’octroi d’une prolongation de délai et le renvoi d’un dossier incomplet ou manifestement mal présenté doivent être qualifiés d’émoluments de chancellerie, non seulement au regard de la modicité de leur montant, mais aussi de la simplicité de l’activité administrative en contrepartie de laquelle leur perception est prévue (ATA/125/2005 du 8 mars 2005 consid. 2 ; arrêt non numéroté du Tribunal administratif du 2 mars 1993 dans la cause A/770/1992). Ils peuvent donc reposer sur une base légale matérielle, qui peut être de rang réglementaire et qui est constituée pour ce qui les concerne par l’art. 258 al. 1 et 2 let. b à d RCI pris pour lui-même, indépendamment du point de savoir si l’art. 154 LCI pourrait leur servir de base légale.

b. Sans doute cela ne suffit-il pas à conclure à leur conformité au droit, dès lors qu’à l’exigence d’une base légale suffisante s’ajoute celle du respect des principes de la couverture des frais et de l’équivalence.

L’intimé n’a pas avancé d’explications détaillées sur les prestations devant être fournies pour que, en matière d’isolation thermique des fenêtres, une décision d’exécution puisse être rendue, une prolongation de délai être accordée ou un dossier incomplet ou manifestement mal présenté être renvoyé au requérant, ni n’a fourni de données relatives aux coûts engendrés par l’activité administrative considérée pour la subdivision administrative concernée (cf. ACST/19/2015 précité consid. 9b, 10 et 11 sur les opérations requises et les coûts engendrés par la photocopie et la numérisation d’un dossier). Si un certain schématisme est inévitable pour la fixation de contributions causales dépendantes des coûts, les collectivités publiques qui les perçoivent n’en doivent pas moins disposer de données relativement précises justifiant – et permettant de vérifier – la conformité de leurs taxes aux principes de la couverture des frais et/ou de l’équivalence. Logiquement, en tant qu’elles sont censées les avoir prises en compte pour fixer de telles contributions, elles ne devraient pas se trouver dans la situation d’avoir à les établir a posteriori, en cas de contestation.

En l’occurrence toutefois, l’association recourante n’a pas motivé son recours s’agissant de la conformité des trois émoluments précités aux principes de la couverture des frais et/ou de l’équivalence ; il est dès lors douteux, au regard de l’art. 65 al. 3 LPA, que la chambre constitutionnelle doive examiner si ces deux principes sont respectés, même si elle n’est pas liée par les motifs invoqués par les parties (art. 69 al. 1 phr. 2 LPA). En tout état, il n’y a pas lieu, pour des raisons de proportionnalité, de procéder à une étude détaillée d’une telle question lorsque la réponse à lui donner apparaît claire et certaine, au regard de considérations tirées de l’expérience commune.

c. Or, il ne fait pas de doute que l’examen que requièrent globalement la notification d’une décision d’exécution ou l’octroi d’une prolongation de délai nécessitent – ainsi que le Tribunal administratif l’a dit à propos d’un émolument de CHF 100.- assortissant une décision de retrait du permis de circulation et des plaques de contrôle (ATA/125/2005 précité consid. 2 in fine) – un investissement en personnel, en matériel et en temps, qui se chiffre par un coût total dont la division par le nombre de décisions prises dans ce secteur administratif donne un résultat sans doute encore supérieur à CHF 100.-.

Ceci est moins évident pour l’émolument, également de CHF 100.-, prévu pour le renvoi d’un dossier incomplet ou manifestement mal présenté. Cependant, un tel renvoi de dossier implique un examen préalable au moins sommaire du cas. De surcroît, le principe de la couverture des frais s’accommode d’une certaine compensation entre les émoluments perçus pour les diverses prestations fournies par la subdivision administrative concernée, dont les unes peuvent être déficitaires et d’autres bénéficiaires dans une mesure apparaissant ici respectée. Enfin, un contrôle concret reste possible dans chaque cas d’espèce.

d. Il doit donc être retenu que le recours est mal fondé en tant qu’il est dirigé contre les dispositions réglementaires précitées prévoyant les trois émoluments de chancellerie considérés de CHF 100.- chacun.

6.             a. L’émolument de CHF 500.- à CHF 5'000.- prévu par l’art. 258 al. 1 et 2 let. a RCI pour l’octroi d’une dérogation, selon la complexité du dossier, ne saurait être qualifié d’émolument de chancellerie. Il s’agit d’un émolument administratif. Il doit donc être prévu dans une loi formelle, à savoir un acte normatif voté par le Grand Conseil au sens de l’art. 80 Cst-GE et passible du référendum facultatif selon l’art. 67 Cst-GE (Michel HOTTELIER / Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 353 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 305). Comme il s’agit d’une redevance causale dépendante des coûts, le principe de la légalité ne s’applique pas pleinement à lui, car les principes de la couverture des frais et de l’équivalence doivent permettre d’en contrôler la conformité au droit. Le principe du prélèvement d’un tel émolument doit figurer dans une loi formelle, à savoir le sujet et l’objet de cette contribution, mais pas nécessairement son mode de calcul ni même la fixation de son montant (ATF 106 Ia 249 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_780/2015 du 29 mars 2016 consid. 3.1 ; 2C_609/2010 précité consid. 3.2 ; 2C_729/2008 précité consid. 4.6 ; Pierre TSCHANNEN / Ulrich ZIMMERLI / Markus MÜLLER, op. cit., § 59 n. 9 ss ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 31 n. 9 ; Arlette STIEGER, op. cit., p. 96 s.).

b. Pour l’intimé, l’art. 154 LCI constitue la base légale formelle donnant une assise suffisante à l’art. 258 RCI, autrement dit satisfait aux exigences minimales précitées, en tant qu’il prévoit le principe de la perception d’un émolument « pour toutes les autorisations (…) qu’il délivre » et qu’il délègue la fixation du montant de ces émoluments au Conseil d’État. L’association recourante objecte que cet art. 154 LCI ne couvrirait pas l’octroi d’une dérogation aux prescriptions relatives à l’assainissement des fenêtres, déjà parce que – ainsi que l’intimé l’a d’ailleurs confirmé dans sa réponse au recours – les travaux d’isolation thermique des fenêtres ne requièrent pas d’autorisation de construire, hormis les cas touchant à des bâtiments classés (recte : protégés), et par ailleurs parce que l’octroi d’une dérogation pour des motifs de protection du patrimoine ne représenterait pas une prestation ni ne procurerait un avantage en contrepartie desquels la perception d’un émolument serait admissible.

7.             a. L’art. 154 LCI prévoit que le département perçoit un émolument pour toutes les autorisations et permis d’habiter ou d’occuper qu’il délivre, ainsi que pour les recherches d’archives ayant trait aux autorisations de construire (al. 1) et que ces émoluments sont fixés par le Conseil d’État (al. 2). C’est à la notion d’autorisations délivrées figurant dans cette disposition légale que se rattacherait le cas échéant – question précisément à examiner – l’octroi d’une dérogation aux prescriptions relatives à l’isolation des fenêtres ; les notions de permis d’habiter ou d’occuper et de recherches d’archives ayant trait aux autorisations de construire par ailleurs évoquées dans cette disposition ne constituent pas un point d’ancrage pertinent pour les dérogations considérées ici.

b. Comme toute norme, l’art. 154 LCI doit s’interpréter en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). D’un point de vue littéral, les mots « pour toutes les autorisations (…) qu’il délivre » n’apparaissent pas clairement et indubitablement ne désigner que les autorisations de construire stricto sensu prévues par la LCI, à l’exclusion de toute autre autorisation prévue par cette même législation ou d’autres lois (comme des autorisations pouvant, en cas d’application coordonnée de plusieurs législations, être délivrées sous la forme de préavis faisant partie intégrante de la décision globale d'autorisation de construire [art. 3A LCI] ; cf. art. 4 al. 6 LCI faisant mention d’autorisations de démolir ou de transformer, d’autorisations d’abattage d’arbres, d’autorisations énergétiques), de toute approbation ou de toute autre décision nécessaire à la réalisation de travaux (comme une décision de prolongation d’une autorisation de construire [art. 4
al. 9 LCI], une réponse à une demande préalable [art. 5 al. 5 LCI]), et en particulier des décisions administratives que l’OCEN est appelé à rendre sur des demandes de dérogation ou prolongation de délai en matière d’assainissement de fenêtres (art. 56A al. 6 phr. 2 RCI).

c. Dans un tel cas, la véritable portée de la norme doit être dégagée au regard de la volonté du législateur telle qu’elle ressort, entre autres, des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique), de façon pragmatique, sans privilégier par principe l’une ou l’autre de ces méthodes d’interprétation (ATF 141 III 53 consid. 5.4.1 ; 140 II 202 consid. 5.1 ; 139 IV 270 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_839/2015 du 26 mai 2016 consid. 3.4.1).

Sur le sujet considéré, la volonté du législateur ne s’exprime pas dans des travaux préparatoires, dans la mesure où l’actuel art. 154 LCI, figurant déjà tel quel dans la version d’origine de la LCI (ROLG 1988 p. 431 ss), a été repris de l’art. 230 de la loi homonyme du 25 mars 1961 (ROLG 1961 p. 217 ss), lui-même repris de l’art. 1 al. 4 de la précédente loi homonyme du 27 avril 1940 (ROLG 1940 p. 89 ss), et n’a jamais donné lieu, dans des exposés des motifs, des rapports de commission ou lors de débats au Grand Conseil, à des commentaires de la part du Conseil d’État ou du Grand Conseil.

La portée donnée à l’art. 154 LCI s’éclaire en revanche à la lecture des art. 254 ss RCI sur les émoluments, en tant que ces dispositions, d’une part, ne visent pas que des émoluments à percevoir pour la délivrance d’autorisations de construire stricto sensu mais aussi, notamment, pour l’enregistrement des demandes d’autorisation de construire, des autorisations spécifiques, des demandes de renseignements, des prorogations d’autorisation de construire (art. 257 al. 1, 5, 7, 8, 9 et 12 RCI), et que, d’autre part, elles prévoient la perception d’émoluments en cas non seulement d’octroi mais aussi de refus de toute autorisation requise par la LCI et ses règlements d’application (art. 251 al. 1 phr. 1 RCI).

Cette portée s’harmonise avec la notion même d’émolument, à savoir une contrepartie en argent que des administrés doivent verser à des collectivités publiques pour des prestations particulières que celles-ci leur fournissent ou des avantages déterminés qu’elles leur accordent, étant précisé que les prestations ou avantages en question ne doivent pas forcément avoir été sollicités par les débiteurs des émoluments dont ils constituent la contrepartie, ni, s’agissant des prestations, être forcément avantageuses pour les administrés concernés, mais peuvent découler d’un travail administratif provoqué par le comportement ou simplement la situation des administrés concernés et accompagner une décision imposant à ces derniers des charges, obligations ou restrictions (Pierre TSCHANNEN / Ulrich ZIMMERLI / Markus MÜLLER, op. cit., § 57 n. 22 ; Daniela WYSS, Kausalabgaben, 2009, p. 11 et 26 s.).

d. Or, une demande de dérogation aux prescriptions relatives à l’assainissement des fenêtres requiert un travail de la part du département (qu’il soit fourni par l’OCEN ou l’OAC voire d’autres services étatiques encore étant à cet égard sans importance). Dans tous les cas de figure, il y a fourniture d’une prestation étatique, aboutissant en principe à la prise d’une décision (d’octroi ou de refus de la dérogation sollicitée), prestation dont on ne voit pas pourquoi elle ne pourrait donner lieu à la perception d’un émolument fondé, sur le plan du principe, sur l’art. 154 LCI. D’une part, cette norme ayant rang de loi formelle en prévoit le prélèvement par la référence suffisamment claire qu’elle fait à toute autorisation délivrée par le département, logiquement en application de la LCI et de ses règlements d’application (en particulier du RCI) ; d’autre part, le mode de calcul et le montant d’un tel émolument figurent dans une disposition réglementaire – précisément l’art. 258 al. 1 et 2 let. a RCI –, et les principes de la couverture des frais et de l’équivalence sont propres à permettre d’en contrôler la conformité au droit.

Le grief de défaut de base légale formelle à la perception de l’émolument contesté est mal fondé, en considération du fait qu’une prestation est fournie par le département pour statuer sur les demandes de dérogation aux prescriptions considérées. Cette conclusion se justifie indépendamment du point de savoir si l’octroi d’une dérogation représente un avantage pour l’administré concerné (ainsi que le soutient l’intimé, en faisant mention d’économies non négligeables liées à la dispense d’avoir à effectuer des travaux de mise en conformité aux normes énergétiques et patrimoniales) ou dissimule pour lui un inconvénient (ainsi que le prétend l’association recourante, en faisant état d’un empêchement de valoriser un bien immobilier, de réaliser des économies d’énergie, de bénéficier d’un confort thermique et acoustique accru et de bénéficier d’aides financières et de déductions fiscales).

e. Au demeurant, il appert que l’octroi d’une dérogation doit être conçu comme apportant un avantage à l’administré concerné, l’interprétation contraire que l’association recourante fait des règles considérées s’avérant spécieuse.

En effet, une demande de dérogation peut être présentée pour l’isolation thermique de fenêtres de bâtiments protégés, dans le but d’être mis au bénéfice d’une des exceptions prévues par l’art. 56A al. 5 RCI au respect des prescriptions fixées à l’art. 56A al. 2 RCI ou d’autres dérogations à ces mêmes prescriptions ou aux exigences posées par l’art. 56A al. 4 RCI. Elle peut aussi être faite pour des travaux d’assainissement de fenêtres de bâtiments non protégés, dans le but d’obtenir une dérogation aux prescriptions de l’art. 56A al. 2 RCI. Dans le cas tant de bâtiments protégés que de bâtiments non protégés, il ne résulte ni de
l’art. 113 LCI (notamment de son al. 4) ni de l’art. 56A RCI qu’un propriétaire serait contraint de demander l’une ou l’autre de ces exceptions ou dérogations. Un propriétaire d’accord d’effectuer les travaux d’assainissement requis par une stricte application des prescriptions posées, y compris pour des bâtiments protégés, peut les effectuer (et devrait d’ailleurs les avoir déjà exécutés avant le 31 janvier 2016), au bénéfice d’une autorisation de construire dans le cas de bâtiments protégés ou, pour d’autres bâtiments, à la suite d’un avis d’ouverture de chantier au moyen d’un formulaire disponible sur internet (ch. 6 intitulé « Procédure » de la directive d’application de l’art. 56A RCI de novembre 2015). Autrement dit, contrairement à ce qu’avance l’association recourante, aucun propriétaire ne se trouve dans la situation d’être contraint, pour des motifs de protection du patrimoine, de requérir et obtenir une dérogation au sens de l’art. 56A al. 5 ou 6 RCI – et donc de devoir s’acquitter d’un émolument pour l’octroi d’une dérogation – pour des travaux d’assainissement que la législation sur la protection du patrimoine lui interdirait d’effectuer. À tout le moins l’art. 258 al. 1 et 2 let. a RCI prévoyant un émolument de CHF 500.- à CHF 5'000.- pour l’octroi d’une dérogation ne peut-il s’appliquer que pour l’octroi de dérogations aux prescriptions fixées par l’art. 56A al. 2 et 4 RCI, donc, dans ce dernier cas, pour des motifs de proportionnalité, et non – si le cas pouvait se présenter – en considération d’autres contraintes, résultant de la législation sur la protection du patrimoine.

8.             a. Le grief de défaut de base légale formelle devant être rejeté, il reste à examiner si l’émolument considéré de CHF 500.- à CHF 5'000.- est conforme aux principes de la couverture des frais et/ou de l’équivalence.

b. L’intimé a exposé dans ce contexte que les émoluments prévus par
l’art. 258 RCI ne sont perçus que pour les demandes déposées depuis l’entrée en vigueur de cette disposition, le 9 novembre 2016. Ce faisant, il témoigne de sa conscience des exigences découlant du principe de la non-rétroactivité des lois (ACST/17/2015 du 2 septembre 2015 consid. 23 ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015 consid. 7c), mais n’apporte pas la démonstration du respect des principes de la couverture des frais et de l’équivalence. Même s’il ne concerne guère que les demandes faites tardivement – puisque les travaux considérés devaient être exécutés au 31 janvier 2016 au plus tard (art. 56A al. 2 in fine RCI), échéance fixée depuis plus de vingt ans (cf. art. 56A al. 2 in fine RCI dans sa teneur adoptée le 24 janvier 1996 [ROLG 1996 p. 39]) –, l’émolument contesté doit satisfaire aux principes précités.

c. L’exposé que l’intimé a fait de la pratique du département depuis l’entrée en vigueur de l’art. 258 RCI apporte en revanche, en tant que s’en déduit la garantie que celui-ci la suivra aussi à l’avenir, des assurances d’une perception pondérée dudit émolument. En application de la directive d’application de l’art. 56A RCI de novembre 2015, concrétisant des préoccupations de proportionnalité (art. 56A al. 6 phr. 1 RCI), le département privilégie la voie de la prolongation du délai d’assainissement, pour une durée de deux à cinq ans selon les cas, pour les bâtiments susceptibles d’être détruits prochainement parce que situés dans des zones de développement, de même que pour les bâtiments dont les propriétaires démontrent que ceux-là vont être vendus prochainement et pour les villas appartenant à des personnes très âgées. En l’état – a indiqué l’intimé –, seule une dérogation a été accordée, et, compte tenu de la complexité modeste du dossier et, partant, du travail administratif ayant dû être fourni pour son examen, l’émolument perçu a été fixé à CHF 500.-, soit au minimum prévu par l’art. 258 al. 2 let. a RCI.

La perception d’un émolument donne lieu à la notification d’un bordereau, soit d’une décision administrative (art. 255 RCI), qui est sujette à recours, au Tribunal administratif de première instance (art. 145 LCI), dont le jugement peut donner lieu à un recours à la chambre administrative de la Cour de justice (art. 132 al. 2 LOJ ; art. 149 LCI).

La chambre constitutionnelle a donc un double motif de faire montre de retenue dans le contrôle abstrait de l’art. 258 al. 1 et 2 let. a RCI.

d. L’examen d’une demande de dérogation aux prescriptions fixées par l’art. 56A al. 2 et 4 RCI requiert un travail administratif non négligeable, impliqué par la prise en compte d’une part des motifs invoqués par le requérant et d’autre part de la situation, du statut et des particularités du bâtiment considéré. De telles demandes peuvent être présentées notamment pour des motifs économiques, techniques (eu égard aux caractéristiques physiques du bâtiment, au fait que celui-ci n’a pas été chauffé durant plusieurs mois, etc.), pour cause de future démolition, ou pour des motifs de protection du patrimoine. Des dérogations partielles peuvent devoir être envisagées, sous la forme d’allègements aux contraintes prévues par l’art. 56A RCI. Une concertation peut devoir s’imposer entre l’OCEN et l’OAC, et même avec d’autres services étatiques (comme l’office du patrimoine et des sites, l’office de l’urbanisme, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants), et des séances interservices devoir être organisées, notamment pour les demandes touchant des bâtiments protégés.

Compte tenu des dépenses devant être prises en considération pour juger de la conformité d’un émolument au principe de la couverture des frais (cf. ci-dessus consid. 3d), il appert que l’examen d’une demande de dérogation implique un investissement en personnel, en matériel et en temps, qui peut vite se traduire par un coût total divisé par le nombre de décisions prises en la matière de CHF 500.- dans des cas d’une complexité modeste (non traités par le biais d’une prolongation de délai).

e. Certes, la limite inférieure fixée – soit CHF 500.- – interpelle, sous l’angle du principe de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), lorsqu’on la compare avec celle de plusieurs des émoluments prévus par l’art. 257 RCI en contrepartie de prestations requérant a priori tout autant de travail que pour l’examen d’une demande de dérogation au sens de l’art. 258 al. 1 et 2 let. a RCI, de même que, d’ailleurs, le plus souvent une concertation entre plusieurs services étatiques. Ainsi, l’émolument dû pour les décisions prises sur demandes d’autorisation de construire est proportionnel à la surface de plancher utile dont l’édification, cas échéant la démolition, est projetée, à savoir CHF 50.- par unité de surface de 10 m2 (art. 257 al. 3 RCI). Pour les aménagements extérieurs, l’émolument de base s’élève à CHF 10.- par unité de surface de 10 m2 (art. 257 al. 4 RCI). Pour les autorisations de construire et la mise en service de dépôts de liquides inflammables, il est de CHF 5.- par unité de volume de 1000 litres (art. 257
al. 5 RCI). Pour les autorisations de construire des ascenseurs et monte-charges, il est de CHF 180.- (art. 257 al. 6 RCI). Pour des autorisations complémentaires, il s’élève, selon l’importance de la modification apportée au projet initial, entre 10 % et 50 % de l’émolument perçu pour l’autorisation initiale (art. 257
al. 8 RCI). Et surtout, lorsque l’autorisation délivrée porte sur des travaux de transformation, de rénovation ou d’assainissement sans création de surface de plancher utile supplémentaire (soit des travaux apparaissant le plus comparable aux travaux d’isolation thermique de fenêtres), l’émolument s’élève à la moitié des émoluments précités (art. 257 al. 9 RCI). Il est vrai, cependant, qu’à ces émoluments s’ajoute l’émolument d’enregistrement de la demande d’autorisation de construire, qui est de CHF 250.- (art. 257 al. 1 et 2 phr. 1 RCI).

Toutefois, dans le cadre d’un contrôle abstrait, il ne se justifie pas d’annuler la limite inférieure de CHF 500.- prévue pour l’émolument ici litigieux, en considération de la possibilité d’un contrôle concret, sur recours contre le bordereau auquel donne lieu la perception de tout émolument (art. 255 RCI) et de la compensation admissible, au regard du principe de la couverture des frais, entre les émoluments perçus pour les diverses prestations fournies par la subdivision administrative concernée.

f. La valeur objective de la prestation fournie pour l’examen d’une demande de dérogation, telle qu’elle se comprend dans l’application du principe de l’équivalence (cf. ci-dessus consid. 3e), n’est pas en inadéquation, au détriment du requérant de la dérogation, avec la perception d’un émolument de CHF 500.- à plusieurs milliers de francs selon la complexité des dossiers. Cela est vrai tant au regard des dépenses occasionnées à l’administration par ladite prestation qu’au regard des avantages conférés au propriétaire par l’obtention d’une dérogation (à savoir n’avoir pas à effectuer et donc payer contre son gré les travaux ou l’intégralité des travaux qui seraient dictés par une stricte application des prescriptions normalement applicables).

g. La limite supérieure de CHF 5'000.- n’est pas déraisonnable, en tant que certains dossiers peuvent sans doute présenter un degré élevé de complexité, étant néanmoins rappelé que l’émolument considéré ne peut être perçu que pour l’octroi de dérogations aux prescriptions fixées par l’art. 56A al. 2 et 4 RCI, donc, dans ce dernier cas, pour des motifs de proportionnalité, et non en considération d’éventuelles interdictions qui résulteraient le cas échéant de la législation sur la protection du patrimoine (cf. ci-dessus consid. 7e).

h. Le recours est mal fondé également en tant qu’il est dirigé contre l’art. 258 al. 1 et al. 2 let. a RCI relatif à l’émolument pour l’octroi d’une dérogation.

9.             Le recours sera donc rejeté.

10.         Vu l’issue donnée au recours, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l’association recourante (art. 87 al. 1 LPA ; art. 2 al. 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure, au demeurant non requise (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

déclare recevable le recours de la Chambre genevoise immobilière contre le règlement du 2 novembre 2016 modifiant le règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 par l’introduction d’un nouvel art. 258 ;

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de la Chambre genevoise immobilière ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à la Chambre genevoise immobilière et au Conseil d’État.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Baldé, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Martin, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

 

I. Semuhire

 

le président :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :