Aller au contenu principal

Décisions | Chambre Constitutionnelle

1 resultats
A/3239/2016

ACST/3/2017 du 23.02.2017 ( ABST ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 07.04.2017, rendu le 07.12.2017, ADMIS, 1C_196/2017
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3239/2016-ABST ACST/3/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 23 février 2017

 

dans la cause

 

Messieurs A______, B______,

C______ et D______,
tous représentés par Me Murat Julian Alder, avocat

contre

GRAND CONSEIL

_________


EN FAIT

1.             a. Messieurs A______, B______ et D______, de nationalité suisse, domiciliés dans le canton de Genève, sont députés au Grand Conseil de la République et canton de Genève (ci-après : Grand Conseil), depuis respectivement le 25 juin 2009 s’agissant du premier cité et le 1er novembre 2001 s’agissant des deux autres cités. Ils ont été chacun *titre______" du Grand Conseil pour une année, depuis respectivement le 22 janvier 2015, le 15 novembre 2012 et le 5 novembre 2009.

b. Monsieur C______, de nationalité suisse, domicilié dans le canton de Genève, a été député au Grand Conseil du 1er novembre 2001 au 13 novembre 2014. Il a été "titre______" du Grand Conseil pour une année depuis le 18 novembre 2010.

2.             Une des innovations institutionnelles introduites par la Constitution de la République et canton de Genève adoptée le 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), entrée en vigueur le 1er juin 2013, a été de prévoir le principe de députés suppléants (art. 82 Cst-GE). En attendant qu’une législation d’application soit adoptée, la nouvelle constitution a fixé, à titre transitoire, les règles essentielles d’élection et d’intervention des députés suppléants (art. 233 Cst-GE). Concernant le droit d’initiative parlementaire, l’art. 91 al. 2 Cst-GE prévoit que chaque membre du Grand Conseil l’exerce en présentant un projet de loi, une motion, une résolution, un postulat ou une question écrite.

3.             À teneur d’une loi 11084 modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 (LRGC - B 1 01), adoptée le 7 juin 2013, entrée en vigueur le 6 octobre 2013, comportant le sous-intitulé « Adaptations à la nouvelle constitution, modifications prioritaires » (L 11084), seuls les députés titulaires avaient le droit de déposer un projet de loi, une proposition de motion, une proposition de résolution, un postulat ou une question écrite (art. 3 LRGC dans sa version du 7 juin 2013).

4.             Le 15 mai 2015, vingt-sept députés (titulaires) ont déposé un projet de loi 11668 modifiant la LRGC, comportant le sous-intitulé « Droit d’initiative des députées suppléantes et députés suppléants », aux fins de conférer à chaque membre du Grand Conseil – indifféremment titulaire ou suppléant – le droit d’initiative parlementaire (PL 11668), par le biais d’une nouvelle phrase introductive de l’art. 3 LRGC, visant les « membres du Grand Conseil » en lieu et place des « députés titulaires ».

5.             Le rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, déposé le 7 avril 2016, a comporté un rapport de majorité, recommandant au Grand Conseil « d’accepter le PL 11668 autorisant les députés suppléants à signer des projets de lois », et un rapport de minorité, invitant le Grand Conseil à ne pas entrer en matière sur le PL 11668.

6.             Le 2 juin 2016, le Grand Conseil a adopté le PL 11668, dans sa teneur proposée, reconnaissant le droit d’initiative parlementaire aux « membres du Grand Conseil », donc y compris aux députés suppléants (L 11668).

7.             Le Conseil d’État de la République et canton de Genève (ci-après : Conseil d’État) a fait publier la L 11668 dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 10 juin 2016, par un arrêté du 8 juin 2016 fixant l’échéance du délai référendaire au 22 août 2016.

8.             La L 11668 n’a pas fait l’objet d’une demande de référendum. Le Conseil d’État l’a promulguée dans la FAO du 26 août 2016, par un arrêté du 24 août 2016, précisant qu’elle serait exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de la publication de cet arrêté. La L 11668 est entrée en vigueur le 27 août 2016.

9.             Par acte du 26 septembre 2016, MM. A______, B______, C______ et D______ ont recouru auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre la L 11668, en concluant à son annulation.

Pouvant un jour être appelés, comme citoyens dans le canton de Genève, à élire le Grand Conseil, ils avaient de iure un intérêt virtuel à faire contrôler la conformité du nouvel art. 3 LRGC au droit supérieur, à savoir aux art. 80, 81 al. 2, 82 et 91 al. 2 Cst-GE ainsi qu’au principe démocratique garanti par les art. 1 al. 1 Cst-GE et 51 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Dans le cadre de l’ensemble des travaux de l’Assemblée constituante – au sein de la Commission thématique 3 ayant émis la proposition de députés suppléants, lors de la lecture dite « zéro » des thèses issues des commissions thématiques, dans le cadre des travaux de la commission de rédaction (pour la rédaction d’un avant-projet de constitution, puis celle d’un projet de constitution), lors des trois lectures en séance plénière –, il n’avait jamais été envisagé que les députés suppléants pussent avoir une autre fonction que celle de remplacer les députés titulaires en cas d’absence de ces derniers. La Cst-GE n’octroyait explicitement aucune autre fonction aux députés suppléants. Il s’agissait d’un silence qualifié de la Cst-GE, excluant l’attribution du droit d’initiative parlementaire aux députés suppléants par voie législative. Il n’avait en particulier jamais été envisagé que les députés suppléants pussent disposer du droit d’initiative parlementaire. L’art. 91 al. 2 Cst-GE attribuant ce droit d’initiative à « chaque membre du Grand Conseil » ne visait que les députés titulaires ; l’expression de « membre » du Grand Conseil n’était pas univoque dans la Cst-GE, mais elle se référait aux « 100 députées et députés » de l’art. 81 al. 1 Cst-GE lorsqu’elle touchait aux prérogatives inhérentes à la fonction de législateur. La lettre du nouvel art. 3 LRGC violait l’esprit de l’art. 91 al. 2 Cst-GE.

Le nouvel art. 3 LRGC violait le principe démocratique, en érigeant les députés suppléants au même rang que les députés titulaires, dotés des mêmes prérogatives que ces derniers, avec l’effet que le Grand Conseil ne se composerait pas de « 100 députées et députés » ainsi que le prévoit l’art. 81 al. 1 Cst-GE, mais de 100 députés titulaires et d’un nombre constitutionnellement indéterminé de députés suppléants, qui devraient se partager les 100 sièges du Grand Conseil « à la manière des chaises musicales ». Le nombre de députés suppléants – qui, selon l’art. 27A al. 1 LRGC, était équivalent au nombre de sièges des groupes en commission, mais de deux si le groupe n’avait droit qu’à un siège en commission – n’était pas déterminé par le peuple mais par le Grand Conseil, dans une phase ultérieure au dépouillement des opérations électorales, lors de la répartition du nombre de sièges de chaque groupe dans les commissions. Les députés suppléants n’étaient ainsi pas des personnes élues comme telles, mais des candidats malheureux faisant l’objet d’un « repêchage par nomination après l’élection » selon le principe des « viennent-ensuite ». Le nombre de personnes disposant du droit d’initiative parlementaire était indéterminé au moment de l’élection, et se trouvait corrigé vers le haut dans des proportions qui pouvaient varier d’un groupe à l’autre, ce qui faussait artificiellement la volonté populaire.

10.         Par mémoire de réponse du 7 décembre 2016, le Grand Conseil a conclu principalement à l’irrecevabilité du recours, et subsidiairement à son rejet.

Les recourants ne disposaient pas d’un intérêt, même virtuel, à ce que les députés suppléants soient privés du droit d’initiative parlementaire. Ils entendaient exercer une action populaire.

Le nouvel art. 3 LRGC était conforme à la Cst-GE. D’un point de vue littéral, il reprenait quasiment mot pour mot l’art. 91 al. 2 Cst-GE, en reconnaissant le droit d’initiative parlementaire à chaque membre du Grand Conseil. Il ne résultait pas des travaux de l’Assemblée constituante que le constituant genevois n’aurait pas voulu que les députés suppléants disposassent du droit d’initiative parlementaire ; la question n’avait pas été abordée, mais renvoyée à la législation d’application ; aucun élément ne permettait de retenir que la volonté du constituant était contraire à celle résultant de l’interprétation littérale du texte constitutionnel.

Les exigences se déduisant du principe démocratique posé à l’art. 51 al. 1 Cst. – à savoir celles du vote de la constitution cantonale par le peuple et de la possibilité de la réviser à la demande de la majorité du corps électoral – n’étaient pas mises en cause par l’attribution du droit d’initiative parlementaire aux députés suppléants. Cette extension du droit d’initiative parlementaire n’était pas non plus contraire à ce qui faisait de la République et canton de Genève un État démocratique au sens de l’art. 1 al. 1 Cst-GE. Elle était connue dans d’autres cantons ayant institué des députés suppléants.

11.         Dans leurs observations du 23 janvier 2017, les recourants ont persisté dans les termes et conclusions de leur recours.

L’acte normatif attaqué modifiait significativement le cercle des personnes légitimées à déclencher un processus parlementaire, réglant ainsi une question si capitale qu’elle aurait dû figurer dans la Cst-GE et non dans une simple loi. Le nombre de personnes disposant du droit d’initiative parlementaire avait subitement été modifié entre le 6 octobre 2013, date de l’élection du Grand Conseil, et le 27 août 2016, date d’entrée en vigueur de la L 11668 ; il en était résulté une distorsion de la volonté populaire s’étant exprimée lors de l’élection du Grand Conseil, distorsion constitutive d’une violation du principe démocratique. Tout citoyen (du moins toute personne qui l’était le 6 octobre 2013, à l’instar des quatre recourants) était habilité à recourir contre la L 11668, à défaut de quoi personne ne pourrait la contester, en violation de l’interprétation donnée par la jurisprudence à l’art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Sur le fond, le nouvel art. 3 LRGC était contraire à la Cst-GE, à la Cst. et au principe démocratique, pour les motifs développés dans le recours.

12.         Les observations des recourants ont été transmises au Grand Conseil le 24 janvier 2017, et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             a. Selon l’art. 124 let. a Cst-GE, la Cour constitutionnelle – à savoir la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (art. 1 let. h ch. 3 1er tiret de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05) – est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur. La norme attaquée en l’espèce est la L 11668, conférant, par le biais d’une modification de la phrase introductive de l’art. 3 LRGC, le droit d’initiative parlementaire aussi aux députés suppléants. Il s’agit formellement et matériellement d’une norme cantonale, sujette à un contrôle abstrait, au regard tant de l’art. 124 let. a Cst-GE que de l’art. 130B al. 1 let. a LOJ concrétisant restrictivement cette disposition constitutionnelle en tant qu’il cite les lois constitutionnelles, les lois et les règlements du Conseil d’État (ACST/11/2016 du 10 novembre 2016 consid. 1 ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015 consid. 2). La chambre de céans est donc compétente pour connaître du recours.

b. Ce dernier a été interjeté dans le délai légal de trente jours à compter de la promulgation de la loi attaquée (art. 62 al. 1 let. d LPA , étant précisé que lorsque le dernier jour d’un tel délai tombe, comme en l’espèce, un dimanche, le délai expire le premier jour utile qui suit (art. 17 al. 3 LPA), soit en l’occurrence le lundi 26 septembre 2016, date du dépôt du recours.

c. Le recours respecte les conditions de forme et de contenu prévues par les art. 64 al. 1 et 65 LPA. Il contient en particulier un exposé détaillé des griefs des recourants (art. 65 al. 3 LPA ; ACST/1/2015 précité consid. 4b ; sur le principe d’allégation devant le Tribunal fédéral, cf. art. 106 al. 2 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110 ; François CHAIX, Les motifs du recours en matière de droit public, in François BOHNET / Denis TAPPY [éd.], Dix ans de la Loi sur le Tribunal fédéral , 2017, p. 187 ss, n. 53 ss).

2.             a. Par le biais de la loi 11311 du 11 avril 2014 portant mise en œuvre de la Cour constitutionnelle, le législateur genevois a défini la qualité pour recourir devant la chambre constitutionnelle de la même manière que pour les recours devant les autres juridictions administratives, sans faire de distinction selon les actes attaqués, simplement en ajoutant les lois constitutionnelles, les lois et les règlements aux décisions jusqu’alors mentionnées à l’art. 60 al. 1 let. b LPA, qui pose l’exigence d’être touché directement par l’acte attaqué et d’avoir un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification.

Telle qu'elle est interprétée par les juridictions genevoises (ACST/12/2016 du 10 novembre 2016 consid. 3 ; ATA/988/2016 du 22 novembre 2016 consid. 2 ; ATAS/908/2012 du 11 juillet 2012 consid. 3 ; JTAPI/1316/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5), la qualité pour recourir prévue par l'art. 60 al. 1 let. b LPA s'avère substantiellement similaire à celle qui prévaut devant le Tribunal fédéral pour le recours en matière de droit public (art. 89 al. 1 let. b et c et 3 LTF ; ATF 139 II 233 consid. 5.2 ; 138 I 435 consid. 1.6 ; 135 II 243 consid. 1.2 ; Étienne POLTIER, Les actes attaquables et la légitimation à recourir en matière de droit public, in François BOHNET / Denis TAPPY [éd.], op. cit., p. 123 ss, n. 74 ss, 85 ss et 149 ; Florence AUBRY GIRARDIN, in Bernard CORBOZ et al. [éd.], Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, n. 11 ad art. 89 LTF ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, 3ème éd., vol. I, 2014, n. 320 in fine, 325 ss, 329 ss et 332 ; Bernhard WALDMANN, in Marcel Alexander NIGGLI / Peter UEBERSAX / Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], Bundesgerichtsgesetz, 2ème éd., 2011, p. 1177 n. 13 ad art. 89 LTF). À noter que les juridictions cantonales ne sauraient adopter, en matière de qualité pour recourir comme d’ailleurs de griefs invocables, des définitions plus restrictives que celles que retiennent la LTF et le Tribunal fédéral (art. 89 al. 3 et 111 al. 1 et 3 LTF ; ATF 139 II 233 consid. 5.2.1 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 136 II 281 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_663/2012 du 9 octobre 2013 consid. 6.5).

b. Ainsi, la chambre constitutionnelle reconnaît la qualité pour former devant elle un recours en contrôle abstrait de normes cantonales à toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l’acte attaqué ou pourraient l’être un jour avec un minimum de vraisemblance et ont un intérêt actuel ou virtuel digne de protection à leur annulation (ACST/11/2016 précité consid. 2 ; ACST/7/2016 du 19 mai 2016 consid. 4 ; ACST/7/2015 du 31 mars 2015 consid. 2 ; ACST/1/2015 précité consid. 3 ; ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 consid. 2). Dans le domaine des droits politiques (y compris pour le contrôle de la validité d’initiatives [ACST/17/2015 du 2 septembre 2015 consid. 2]), elle la reconnaît à toute personne disposant du droit de vote dans l’affaire en cause, indépendamment d’un intérêt juridique ou digne de protection à l’annulation de l’acte attaqué (cf. art. 89 al. 3 LTF ; ACST/8/2016 du 3 juin 2016 consid. 3 et jurisprudence citée). Elle a déjà jugé, dans le cadre d’un recours interjeté contre une loi, que les recourants avaient qualité pour recourir à titre de titulaires du droit de vote dans le canton de Genève dans la mesure où ils faisaient grief à la loi attaquée de violer leurs droits politiques en tant qu’elle affectait le régime référendaire d’une loi à laquelle elle était intrinsèquement liée (ACST/1/2015 précité consid. 2e et 3c).

3. a. En l’espèce, les recourants se prévalent de leur légitimation à élire un jour le Grand Conseil, donc de leurs droits politiques, pour contester l’extension du droit d’initiative parlementaire aux députés suppléants. Ils estiment notamment que cette extension implique que le corps électoral serait appelé à élire une autorité politique qui ne serait plus composée conformément à ce que prévoient la Cst-GE et le principe démocratique.

Il ne suffit toutefois pas d’alléguer qu’une norme enfreint des garanties que confèrent les droits politiques (et/ou le principe démocratique se rattachant à ces derniers) pour que, s’agissant de titulaires des droits politiques, l’exigence d’un intérêt digne de protection doive être abandonnée. Encore faut-il que la norme contestée interfère effectivement dans le domaine couvert par les droits politiques et/ou le principe démocratique.

b. Comme le précisent explicitement les art. 34 al. 2 Cst et 44 al. 2 Cst-GE, la garantie des droits politiques protège la libre formation de l’opinion des citoyennes et citoyens et l’expression fidèle et sûre de leur volonté. Selon la jurisprudence et la doctrine, les droits politiques désignent l’ensemble des compétences que l’ordre constitutionnel reconnaît au corps électoral, à savoir, d’une manière générale et sur les plans tant fédéral que cantonal et municipal, le droit de voter, d’élire et de signer des initiatives et des demandes de référendum ; ils sont l’expression du droit du peuple à l’autodétermination et rendent possible la participation formelle des électeurs à la formation de la volonté de l’État ; il en découle diverses exigences concernant la préparation des votations et élections, le déroulement du scrutin et la constatation des résultats des scrutins (ATF 141 I 221 consid. 3.1 ; 141 I 186 consid. 4 ; 136 I 241 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2015 du 27 avril 2016 consid. 2.4 ; ACST/1/2015 précité consid. 9a ; François CHAIX, op. cit., p. 199 ss, n. 27 ss ; Ulrich HÄFELIN / Walter HALLER / Helen KELLER / Daniela THURNHER, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 9ème éd., 2016, n. 1363 ; Alain WURZBURGER, in Bernard CORBOZ et al. [éd.], op. cit., n. 115 ad art. 82 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 3ème éd., 2013, vol. I, n. 623, 848, 2162 ; Pascal MAHON, op. cit., n. 122, 150-155 ; Yves DONZALLAZ, Loi sur le Tribunal fédéral. Commentaire, 2008, art. 82, n. 2714 ss).

Par ailleurs, le principe démocratique se comprend comme l’obligation que l’art. 51 al. 1 Cst. fait aux cantons de se doter d’institutions démocratiques. Il implique que les cantons se donnent une constitution adoptée par le peuple et pouvant être révisée si la majorité du corps électoral le demande, et qu’ils aient un parlement élu au suffrage universel, doté de la compétence de prendre les décisions importantes, lesdites votations et élections devant au surplus refléter fidèlement la volonté des citoyens ; il laisse aux cantons une très large autonomie pour déterminer leur structure et organisation (ACST/1/2015 précité consid. 9a ; Ulrich HÄFELIN / Walter HALLER / Helen KELLER / Daniela THURNHER, op. cit., n. 1015 ss ; Eva Maria BELSER / Nina MASSÜGER, in Bernhard WALDMANN / Eva Maria BELSER / Astrid EPINEY [éd.], Bundesverfassung, 2015, n. 1, 8 ss et 18 ss ad art. 51 ; Alexander RUCH, in Bernhard EHRENZELLER / Benjamin SCHINDLER / Rainer J. SCHWEIZER / Klaus A. VALLENDER [éd.], Die schweizerische Bundesverfassung, 3ème éd., 2014, n. 7 ss ad art. 51 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. I, n. 85 ; Jean-François AUBERT / Pascal MAHON, Petit commentaire de la Constitution de la Confédération suisse du 18 avril 1999, 2003, p. 436 ; Vincent MARTENET, L’autonomie constitutionnelle des cantons, 1999, p. 233 s.).

c. On ne voit pas en quoi l’extension du droit d’initiative parlementaire aux députés suppléants relèverait des droits politiques (même au sens large incluant le principe démocratique). Les recourants prétendent vainement le contraire.

c/aa. Le sujet concerne exclusivement les compétences respectives des députés titulaires et des députés suppléants, mais nullement l’élection des uns et des autres par le corps électoral. L’élection du Grand Conseil ne saurait se trouver biaisée par le fait que les députés suppléants disposent ou non du droit d’initiative parlementaire, et l’extension des compétences des députés suppléants résultant de la L 11668 ne produit pas l’effet que le Grand Conseil se composerait de plus de « 100 députées et députés » ainsi que le prévoit l’art. 81 al. 1 Cst-GE.

Il faut en effet souligner que s’il permet à plus de 100 députés de présenter notamment des projets de loi (art. 91 al. 2 Cst-GE), l’octroi du droit d’initiative parlementaire aux députés suppléants n’aboutit en aucune façon à ce que le Grand Conseil puisse siéger – et par exemple adopter des projets de loi – dans une composition de plus de 100 députés, telle que prévue par l’art. 81 al. 1 Cst-GE. Par ailleurs, peu importe, sous l’angle ici considéré, que le nombre de députés suppléants soit déterminé dans une phase ultérieure au dépouillement des opérations électorales en tant qu’il est équivalent au nombre de sièges des groupes en commission mais de deux si le groupe n’a droit qu’à un siège en commission et fait donc suite à la répartition du nombre de sièges de chaque groupe dans les commissions (art. 27A al. 1 LRGC) ; un éventuel problème de compatibilité avec le principe d’une élection au système proportionnel ne tiendrait pas au fait que les députés suppléants disposent ou non du droit d’initiative parlementaire (Michel HOTTELIER / Thierry TANQUEREL, La Constitution genevoise du 14 octobre 2012, in SJ 2014 II 341 ss, p. 376 s.). Les députés suppléants sont des candidats à l’élection du Grand Conseil ayant obtenu le plus de suffrages après le dernier élu de leur liste respective (art. 233 let. b Cst-GE ; art. 27A al. 2 LRGC) ; lors de l’élection du Grand Conseil, les électeurs ne peuvent choisir les uns comme députés titulaires et d’autres comme députés suppléants, tous les candidats figurant sur les listes soumises au suffrage des électeurs étant des candidats à l’élection du Grand Conseil. Aucune distorsion de la volonté populaire ne peut donc avoir résulté du fait que, postérieurement à la dernière élection du Grand Conseil, les députés ayant acquis la qualité de suppléants se sont vus attribuer le droit d’initiative parlementaire (d’autant moins d’ailleurs que, lors de cette élection, il était déjà su des électeurs qu’il y aurait à l’avenir des députés suppléants, qui seraient au surplus issus des rangs des « viennent-ensuite » [art. 223 let. b Cst-GE]). Il ne pourra s’en produire de ce fait aucune non plus lors des prochaines élections du Grand Conseil.

c/bb. En outre, le refus puis l’attribution du droit d’initiative parlementaire aux députés suppléants lors de la mise en œuvre de l’art. 91 al. 2 Cst-GE par le Grand Conseil, respectivement le 7 juin 2013 par la L 11084 et le 2 juin 2016 par la L 11668, ne représente ni l’un ni l’autre un enjeu institutionnel tel que le principe démocratique serait d’une quelconque façon affecté par de telles législations d’application. Le principe de députés suppléants est prévu par une norme de rang constitutionnel, l’art. 82 Cst-GE ; pour le surplus, ainsi que cela résulte d’ailleurs de l’art. 233 Cst-GE, le sujet relève de la législation d’application. Il ne dépend pas du choix que le législateur fait à ce propos que le canton soit ou non doté d’institutions démocratiques, en particulier dispose d’un parlement élu au suffrage universel lors d’élections reflétant fidèlement la volonté des citoyens.

c/cc. Au demeurant, quand bien même il renferme implicitement le reproche qu’il a été fait l'économie d'une révision constitutionnelle soumise au référendum obligatoire (art. 65 Cst-GE), le grief qu’une loi cantonale ne serait pas conforme à la constitution cantonale n’a pas pour autant un rapport direct avec les votations ou les élections cantonales. Sur le plan fédéral, il ne doit pas être soulevé par le biais d’un recours pour violation des droits politiques, fondé sur l’art. 82 let. c LTF, mais par celui d’un recours contre les actes normatifs cantonaux prévu par l’art. 82 let. b LTF (ATF 136 I 241 consid. 1.1.2 ; 131 I 386 consid. 2.2 ; 134 I 172 consid. 1.3). Or, si elle est abandonnée pour le recours pour violation des droits politiques (art. 89 al. 3 LTF), l’exigence d’une atteinte à un intérêt digne de protection s’applique au recours « ordinaire » en matière de droit public, que ce soit contre des décisions rendues dans des causes de droit public ou contre des actes normatifs cantonaux (art. 82 let. a et b et 89 al. 1 let. b et c LTF ; François CHAIX, op. cit., p. 152, n. 75 ; Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., n. 18 ad art. 89 LTF ; Pascal MAHON, op. cit., vol. I, n. 332). Il n’y a pas de raison qu’il en aille différemment devant la chambre constitutionnelle pour une requête en contrôle de conformité au droit supérieur d’une norme cantonale ne mettant pas directement en jeu les droits politiques (au sens large incluant le principe démocratique).

d. Les recourants ne sauraient donc se voir reconnaître la qualité pour recourir contre le nouvel art. 3 LRGC du seul fait qu’ils sont titulaires des droits politiques dans le canton de Genève.

4. a. Il sied encore d’examiner s’ils peuvent requérir un contrôle abstrait de cette nouvelle disposition légale parce que cette dernière, actuellement ou à l’avenir avec un minimum de vraisemblance, les touche ou les toucherait alors directement dans un intérêt digne de protection au point de leur conférer la vocation d’en requérir l’annulation (consid. 2b), ainsi que l’exige l’art. 60 al. 1 let. b LPA – sur le modèle de l’art. 89 al. 1 let. b et c LTF – par la mention de ces deux conditions se recoupant largement (ACST/2/2014 précité consid. 2e ; Étienne POLTIER, op. cit., p. 153, n. 78 ; Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., n. 22 ad art. 89 LTF).

Ces deux conditions s’appliquent aussi pour le contrôle abstrait des normes cantonales, domaine dans lequel la qualité pour agir est certes reconnue plus largement que pour un recours dirigé contre une décision, sous l’angle toutefois de l’actualité de l’intérêt requis, celui-ci pouvant n’être que virtuel, et non de l’existence d’un intérêt digne de protection. Elles marquent la délimitation d’avec l’action populaire, qui reste exclue. Les travaux préparatoires de la loi 11311 précitée le disent explicitement : « on ouvre très largement la qualité pour recourir tout en évitant l’action populaire » (MGC en ligne, PL 11311, p. 14). La jurisprudence et la doctrine précisent que le recours de particuliers – le seul à avoir été prévu par le législateur genevois (consid. 4d) – ne saurait être ouvert pour défendre l’intérêt de tiers, l’intérêt général ou l’intérêt à une correcte application du droit (ATF 138 I 435 consid. 1.6 ; 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 136 I 49 consid. 2.1 ; Étienne POLTIER, op. cit., p. 178 s., n. 149 ; ACST/1/2014 précité consid. 2f ; Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., n. 22 ad art. 89 LTF ; Arun BOLKENSTEYN, Le contrôle des normes, spécialement par les cours constitutionnelles cantonales, 2014, p. 69 ; Heinz AEMISEGGER, in Karl SPÜHLER / Heinz AEMISEGGER / Annette DOLGE / Dominik VOCK [éd.], Bundesgerichtsgesetz (BGB). Praxiskommentar, 2ème éd., 2013, n. 28 s. ad art. 89 ; Heinz AEMISEGGER / Karin SCHERRER REBER, in Marcel Alexander NIGGLI / Peter UEBERSAX / Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], op. cit., n. 57 ad art. 82).

Il faut donc que celui qui requiert le contrôle de conformité au droit supérieur d’une norme cantonale soit lésé ou puisse l’être un jour par cette dernière dans un intérêt, qui peut être de fait mais doit être direct, personnel, digne d’être pris en considération, d’une part, et qu’il dispose d’un intérêt à l'annulation de cette norme, en tant qu’une telle annulation lui éviterait de subir, le cas échéant à terme, un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la norme considérée lui occasionnerait, d’autre part.

b. Trois des recourants sont actuellement députés titulaires au Grand Conseil, et il se pourrait que tous quatre soient réélus un jour députés titulaires ou suppléants au Grand Conseil. Bien qu’ils ne le prétendent pas, il sied d’examiner si cela les légitime à requérir le contrôle abstrait de la L 11668 (art. 69 al. 1 phr. 2 LPA).

b/aa. Quelques dispositions de la LRGC précisent les attributions des députés suppléants (art. 1 al. 2 LRGC). Ainsi, selon l’art. 27A al. 4 LRGC, en cas d’absence d’une séance plénière ou d’une commission, un député titulaire peut être remplacé par un député suppléant, selon des modalités pratiques définies par le bureau du Grand Conseil. D’après l’art. 27B al. 1 LRGC, les suppléants ont les mêmes droits et devoirs que les titulaires, dans les limites fixées par la LRGC, et ils reçoivent la même documentation et les mêmes indemnités. À teneur de l’art. 27B al. 2 LRGC, ils ne peuvent toutefois être ni membre du bureau du Grand Conseil, ni membre de la commission de grâce, ni scrutateur, ni rapporteur, ni membre d’une commission interparlementaire, ni membre d’une commission d’enquête parlementaire. L’exercice de leur fonction de député suppléant est intrinsèquement liée à l’appartenance au groupe (art. 27A al. 3 LRGC).

La L 11668 ici litigieuse confère en outre aux députés suppléants le droit d’initiative parlementaire, soit le droit de présenter un projet de loi, une proposition de motion, une proposition de résolution, un postulat, une question écrite (art. 3 LRGC), sans modifier – sied-il de préciser – les règles de fonctionnement du Parlement. Il appert qu’un député suppléant ne saurait revendiquer de prendre part à des séances plénières du Grand Conseil en lieu et place d’un député titulaire parce qu’il serait l’auteur d’un projet ou d’une proposition débattus en séance plénière, ne serait-ce que pour le point de l’ordre du jour concernant son projet ou sa proposition. Le législateur n’a pas non plus prévu, en étendant le droit d’initiative parlementaire aux députés suppléants, que les commissions (permanentes ou ad hoc) que nomme le Grand Conseil pour examiner des objets (art. 179 LRGC) pourraient être constituées de députés suppléants, ni même qu’un député suppléant auteur d’un projet ou d’une proposition ferait partie d’office de la commission dont ledit projet ou ladite proposition relèverait (art. 181 LRGC). À ce dernier propos, il a au contraire été relevé, sans contestation ultérieure sur ce point, qu’en accordant aux députés suppléants le droit d’initiative parlementaire, on leur permet de signer un texte parlementaire dont le traitement leur échappera complètement, à moins qu’une absence de leurs collègues, que ce soit en commission ou lors des sessions plénières, ne leur permette d’assister à tout ou partie des délibérations ; de plus, il a été précisé que si un député suppléant déposait un projet de loi à lui tout seul, il n’aurait la possibilité de participer aux travaux à ce propos que si l’un des députés titulaires de son groupe lui céderait sa place le temps du traitement du projet de loi en question, ce à quoi un député titulaire ne pouvait être contraint (MGC en ligne, PL 11668-A, p. 33).

b/bb. Il est de jurisprudence constante que la seule qualité de membre d’une autorité ne fonde pas un rapport de proximité spécial avec les objets que celle-ci a à traiter et ne procure pas la qualité pour recourir à leur sujet, même sous l’angle d’un intérêt de fait digne de protection, y compris s’agissant d’objets liés au fonctionnement de l’autorité concernée (ATF 123 I 41 consid. 5c/ee refusant la qualité pour recourir à un membre d’une commission scolaire et par ailleurs député au Grand Conseil contre une modification relative au nombre et à l’organisation des commissions scolaires ; 112 Ia 174 consid. 3a niant à un membre du parlement la qualité pour recourir contre l’élection par le parlement des membres d’un conseil de l’éducation ; 108 Ia 281 consid. 2c refusant la qualité pour recourir à un membre d’un conseil municipal contre l’élection des membres du bureau dudit conseil municipal ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_384/2009 du 5 novembre 2009 consid. 2.2.2 niant que la qualité de député fonde un rapport spécial avec une norme de l’exécutif empiétant prétendument sur une compétence du législatif ; cf. aussi ATF 111 Ia 115 consid. 1b in fine et 107 Ia 266).

Aussi faut-il retenir que les recourants – actuellement en tant que députés titulaires pour trois d’entre eux et virtuellement comme députés titulaires ou suppléants pour les quatre – ne se trouvent pas touchés directement dans un intérêt digne d’être pris en considération, c’est-à-dire désavantagés par la norme attaquée, en tant qu’ils ont ou auraient, comme députés titulaires, des collègues suppléants habilités à exercer le droit d’initiative parlementaire et pourraient donc devoir se pencher sur des projets (notamment) de loi déposés par des députés suppléants, ou en tant qu’ils pourraient exercer, s’ils acquéraient la qualité de députés suppléants, le droit d’initiative parlementaire. Ils ne se trouvent pas exposés à être évincés de l’exercice de leur compétence de députés titulaires le cas échéant disponibles pour siéger, ni en séance plénière – à savoir pour participer aux débats, votes, élections et décisions du Grand Conseil –, ni même en séance de commission.

Ne subissant ni actuellement ni virtuellement de préjudice du fait de l’extension du droit d’initiative parlementaire aux députés suppléants, les recourants ne sauraient faire valoir un intérêt digne de protection à requérir l’annulation de la norme attaquée.

b/cc. Le cas présent n’est pas non plus comparable à celui dans lequel un acte normatif accorderait indument un avantage à certaines personnes, mais pas à d’autres, cas dans lequel le Tribunal fédéral avait admis – sous l’empire de l’art. 88 de l’ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (aOJ - RS 173.110) – que les personnes exclues de l’avantage accordé peuvent recourir contre l’acte normatif en question pour inégalité de traitement (ATF 109 Ia 252 [jurisprudence dite « AVLOCA »] ; Pascal MAHON, op. cit., vol. I, n. 331, où ledit auteur exprime l’avis que cette jurisprudence devrait être maintenue sous l’empire de la LTF, question non encore tranchée par le Tribunal fédéral, relève Étienne POLTIER, op. cit., p. 179, n. 149).

c. Les recourants entendent agir en réalité dans l’intérêt général ou celui à une concrétisation à leurs yeux seule correcte de l’art. 91 al. 2 Cst-GE. Leur recours relève de l’action populaire.

d. Cela illustre qu’en droit genevois un recours en contrôle abstrait de normes cantonales non conformes au droit supérieur n’est pas ouvert lorsque personne ne peut se prévaloir d’un intérêt digne de protection à leur annulation. Cette solution n’est pas contestable d’un point de vue juridique, ayant été arrêtée par le législateur, auquel le constituant genevois a explicitement délégué la définition de la qualité pour agir précisément pour le contrôle abstrait des normes cantonales (art. 124 let. a Cst-GE).

Peu importe que l’assemblée constituante s’est explicitement inspirée de la solution retenue par le constituant vaudois (art. 136 al. 2 let. a de la Constitution du Canton de Vaud du 14 avril 2003 - RS-VD 101.01 ; BOACG tome XVII p. 8917, 8923, 8927 ; MCG en ligne, PL 11311-A, p. 6) alors que le législateur vaudois, en plus de poser l’exigence d’un intérêt digne de protection s’agissant du recours des particuliers, avait déjà reconnu la qualité pour former une requête en contrôle abstrait des normes à certaines autorités, à des fractions des autorités législatives et aux groupes politiques, sans poser une telle condition (art. 9 et 10 de la loi sur la juridiction constitutionnelle du 5 octobre 2004 - LJC-VD - RS-VD 173.32 ; BOACG tome XVII p. 8931 ; Arun BOLKENSTEYN, op. cit., p. 242 ss, 245 s., 297 s. et 311). Peu importe aussi que sur le plan genevois un contrôle abstrait des normes cantonales par une Cour constitutionnelle a été voulu par un constituant qui a été finalement acquis majoritairement à cette innovation institutionnelle dans l’idée qu'elle permettrait d'assurer, dans la sphère de souveraineté cantonale (donc sans les limites que le Tribunal fédéral s'impose en la matière), notamment une pleine effectivité à la Cst-GE et de la cohérence au droit genevois, au surplus d'une façon plus accessible aux citoyens et administrés que ne peut l'être l'instance judiciaire suprême de la Suisse (BOACG tome XVII, p. 8930, tome XXII, p. 11308 s., 11311, 11312, 11315, 13240, 13241, 13248 ; Arun BOLKENSTEYN, op. cit., p. 291 ss et 316 ; Michel HOTTELIER / Thierry TANQUEREL, op. cit., 377 ss, dont 378 in medio). Peu importe en outre que la question d’un autre mode de saisine de la chambre constitutionnelle que le recours de particuliers n’a pas été abordée par le Conseil d’État dans le PL 11311, ni débattue ensuite au Grand Conseil, en dépit des explications fournies à ce propos à la commission chargée de l’étude dudit projet de loi par Thierry TANQUEREL et Michel HOTTELIER, entendus comme professeurs de droit et anciens membres de l’assemblée constituante (PL 11311-A, p. 13 s. ; cf. p. 19 s. pour l’avis exprimé à ce sujet par le procureur général, entendu par ladite commission comme représentant du pouvoir judiciaire).

5. a. Le recours sera donc déclaré irrecevable.

b. Vu l’issue donnée au recours, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA ; art. 2 al. 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure.

* * * * *

 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

déclare le recours irrecevable ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Messieurs A______, B______, C______ et D______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Murat Julian Alder, avocat des recourants, au Grand Conseil, ainsi que, pour information, au Conseil d’État.

Siégeants : M. Verniory, président ; Mme Cramer, MM. Dumartheray, Pagan et Martin, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

 

I. Semuhire

 

le président :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 


 


OPINION SÉPARÉE

(art. 119 Cst-GE et 28 al. 4 et 5 du règlement de la Cour de Justice – RCJ – E 2 05.47)

Je ne puis me rallier à la majorité de la chambre constitutionnelle au sujet de l’absence de qualité pour recourir des recourants, à tout le moins s’agissant de MM. A______, B______ et D______, députés élus.

Comme rappelé au début du considérant 4a en droit de l’arrêt, la qualité pour recourir est reconnue à celui qui requiert un contrôle abstrait d’une norme s’il établit avec un minimum de vraisemblance que celle-ci le touche ou le toucherait dans un intérêt digne de protection qui peut n’être que virtuel, mais doit être direct. Le considérant précité (in fine) est cependant trop restrictif lorsqu’il réduit l’intérêt à l’annulation de la norme au fait d’éviter, pour le recourant, de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre. En matière de contrôle abstrait, l’existence d’un intérêt digne de protection est admise de manière plus souple : il suffit déjà qu’il existe une certaine vraisemblance que le recourant se voie un jour appliquer directement la ou les normes en cause, ou qu’il puisse en subir un jour directement les effets, comme la chambre de céans l’a au demeurant retenu (ACST/2/2014 consid. 2f)

Selon l’art. 81 al. 1 Cst-GE, « le Grand Conseil est composé de 100 députés et députées ». L’art. 82 Cst-GE instaure l’institution du « député suppléant ». L’art. 91 al. 2 Cst-GE règle le droit d’initiative reconnu à « chaque membre du Grand Conseil ». La Cst-GE est entrée en vigueur le 6 juin 2013 et jusqu’à l’entrée en vigueur le 6 octobre 2013 de la novelle modifiant la LRGC du 7 juin 2013 (L 11084), le rôle du député suppléant était décrit dans la disposition transitoire de l’art. 233 al. 3 Cst-GE, soit une fonction de remplacement en cas d’absence. Dans sa teneur telle qu’adoptée le 7 juin 2013, l’art. 3 LRGC conférait le droit d’initiative de l’art. 91 al. 2 Cst aux députés titulaires, le député suppléant étant affecté à une fonction de remplacement (art. 27A et 27B LRGC) Dans sa teneur actuelle, issue de l’adoption de la L 11668, il élargit le cercle des députés considérés comme détenteurs dudit droit d’initiative en le lui reconnaissant.

L’arrêt de la chambre constitutionnelle n’ayant statué que sur la recevabilité du recours, la compatibilité du nouvel art. 3 LRGC avec les art. 81 al. 1, 82 et 91 al. 2 CST-GE ne sera pas abordée. En rapport avec la solution retenue, l’auteur de la présente opinion séparée considère que les députés élus, soit ceux qui ont été désignés à cette fonction parce qu’ils ont remplis les conditions de l’art, 163 al. 1 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05) et qui font donc partie des 100 députés de l’art. 81 al. 1 Cst-Ge, sont touchés directement au sens de l’art. 60 al. 1 let b LPA par la teneur du nouvel art. 3 LRGC. Ils subissent directement dans l’exercice de leur charge et de leurs prérogatives les effets d’une modification législative qui étend le droit d’initiative de l’art. 91 al. 2 Cst-GE au-delà du cercle des députés élus qui siègent dans la composition ordinaire du Grand Conseil. On peut par exemple citer l’augmentation du volume des projets ou des interventions qui leurs seront soumis ainsi que les modifications dans l’organisation de leur travail de députés élus, qui vont résulter de l’exercice du droit d’initiative nouvellement reconnu aux députés suppléants. Un intérêt personnel digne de protection aurait donc dû leur être reconnu et la chambre constitutionnelle aurait dû entrer en matière sur le fond du recours.

Les jurisprudences citées au consid. 4b/bb, qui dénient la qualité pour recourir du fait de la seule qualité de membre d’une autorité, ne portent pas sur un contentieux similaire au cas d’espèce qui a pour objet la compatibilité d’une norme législative avec les dispositions de la constitution cantonale. Il est exact que, contrairement à ce que le législateur vaudois a retenu, la qualité pour former des requêtes en contrôle abstrait n’a pas été reconnue à des autorités ou à des fractions d’autorités législatives cantonales ou communales. L’absence d’une norme spéciale de ce type ne devrait pas empêcher de reconnaître qu’un député, lorsqu’il remplit les conditions de l’art. 60 al. 1 let. b LPA, a la qualité pour interjeter un recours contre une loi qu’il tient pour non conforme au droit supérieur qui instaure l’institution auquel il appartient. Sur ce point, la solution retenue conduit à soustraire la LRGC à tout contrôle si l’on ne reconnait pas à ses utilisateurs directs le droit d’invoquer l’inconstitutionnalité de l’une de ses normes nouvellement adoptées. Les professeurs et anciens constituants Michel HOTTELIER et Thierry TANQUEREL, lorsqu’ils ont critiqués les dispositions de la LRGC issues du PL 11084, n’excluaient pas que les tribunaux soient saisis d’un recours concernant une contestation concrète survenant quant au droit d’initiative d’un suppléant (SJ 2014 II 341 ss, p. 377). Depuis lors, l’art. 3 LRGC a été modifié par l’adoption de la L 11668 et le contentieux évoqué par ces auteurs s’est produit, même si ce n’est pas dans le sens où ils l’envisageaient. Dans ce cadre, la chambre de céans aurait dû reconnaître l’intérêt digne de protection des trois députés précités à recourir abstraitement contre la modification législative afin de permette un contrôle de la conformité de cette norme avec les dispositions de la Cst-GE qui constituent le cadre du fonctionnement institutionnel du parlement cantonal. En le déniant et en qualifiant leur démarche d’action populaire, elle renonce à remplir le rôle qui lui a été assigné par le constituant.