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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/779/2024

JTAPI/752/2024 du 05.08.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR;DÉCISION DE RENVOI;SIDA
Normes : LEI.30; OASA.31; LEI.83
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/779/2024

JTAPI/752/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 5 août 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Jacopo OGRABEK, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1994, est ressortissante du Pérou. Née de sexe masculin, elle a fait une transition de genre à l’âge de 20 ans et utilise le prénom B______.

2.             Le 8 mars 2022, Mme A______ a formulé une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM), en raison de son état de santé.

Dans son courrier d'accompagnement, elle expliquait avoir été victime de discriminations fréquentes en raison de son identité de genre au Pérou, ce qui l'avait poussée à partir en Argentine. Suite à une grave agression sexuelle, elle avait décidé de rejoindre sa sœur, Madame C______ à Genève. Elle était arrivée le 2 février 2022 et logeait chez sa sœur. Lors de soins relatifs aux séquelles de l'agression dont elle avait été victime, elle avait découvert qu'elle était atteinte du virus d'immunodéficience humaine (ci-après : VIH). Dans son lieu d'origine, le traitement n'était pas universellement disponible, vu les importantes lacunes dans l'accessibilité des médicaments. Les femmes transgenres étaient particulièrement exposées aux obstacles à l'accès aux traitements vitaux et la prévalence du VIH au sein de cette communauté atteignait 30 % selon ONUSIDA.

3.             Selon le rapport médical des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG) du 1er mars 2022, Mme A______ a été diagnostiquée d'une infection au VIH probablement stade A1 en Argentine en 2019. Son traitement était constitué d'Atripla. Son pronostic sous traitement était qualifié d'excellent. Un rendez-vous deux fois par an aux HUG afin de contrôler l'infection au VIH et la toxicité liée au médicament est prévu

4.             En date du 8 mai 2023, Mme A______ a été interpellée par la police pour vol à l'étalage. Lors de son audition du même jour, cette dernière a expliqué s'être saisie de plusieurs paires de lunettes dans le but de les voler afin de pouvoir s'offrir son traitement pour le VIH. Elle avait indiqué qu'outre sa sœur vivant en Suisse, elle avait trois frères vivant au Pérou.

5.             Lors de son audition du 9 mai 2023 par la police au sujet de son statut administratif, Mme A______ a expliqué être venue à Genève afin de suivre son traitement pour le VIH. Elle précisait faire des allers-retours entre Genève et l'Espagne, où elle résidait la plupart du temps, ne venant en Suisse principalement que pour suivre son traitement durant des périodes de deux semaines à un mois. Elle a également déclaré s'être adonnée quelques fois à la prostitution.

6.             Selon l'attestation d'aide financière de l'Hospice général du 14 juin 2023, Mme A______ est totalement aidée financièrement depuis le 1er mars 2022.

7.             Par décision du 1er février 2024, l'OCPM a refusé d'accorder à Mme A______ l'autorisation de séjour sollicitée et a prononcé son renvoi de Suisse.

La durée de son séjour sur le territoire était courte et ne constituait pas un élément déterminant susceptible de justifier une suite favorable à sa demande. Elle était arrivée le 2 février 2022, alors âgée de 28 ans. Par ailleurs, elle ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée en Suisse, étant précisé qu'elle était au bénéfice de prestations financières de l'aide sociale depuis le 1er mars 2022. Son intégration ne revêtait aucun caractère exceptionnel. Elle n'avait pas créé d'attaches profondes et durables. Il n'avait pas été démontré que sa réintégration dans son pays d'origine serait fortement compromise. Elle maîtrisait la langue ainsi que les us et coutumes de son pays d'origine, notamment pour y avoir vécu son enfance, son adolescence et une grande partie de sa vie adulte, bien qu'il fût probable qu'elle se retrouverait dans une situation économique sensiblement moins favorable que celle qu'elle avait connue en Suisse. Il n'était d'ailleurs pas déraisonnable de considérer qu'elle pourrait trouver un emploi, car elle était âgée de 30 ans et pourrait compter sur le soutien de sa famille.

Le traitement médical et les médicaments requis afin de stabiliser son infection au VIH étaient disponibles au Pérou, indépendamment du fait qu'elle était une personne transgenre. Rien n'indiquait que son suivi ne pourrait pas être assuré au Pérou. Une structure alternative pourrait être trouvée dans son pays d'origine et une combinaison similaire de médicaments aux principes actifs équivalents sous forme de comprimés séparés était disponible, ce d'autant que toute personne au Pérou avait le droit à une assurance santé et à un traitement. Le simple fait que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine n'atteignaient pas le standard élevé qu'on trouvait en Suisse n'était pas déterminant.

Dans son consulting médical du 5 octobre 2021, établi dans le cadre d'un autre ressortissant péruvien transgenre atteint du VIH stade B2, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) avait indiqué que quoique l'accès aux traitements rétroviraux apparaissait certes plus difficile au Pérou qu'en Suisse, il devait être admis que ceux-ci y étaient accessible et disponibles. Il existait en outre des programmes étatiques d'attention aux personnes séropositives, de nombreux centres de santé publics et privés spécialisés dans le domaine du VIH, ainsi que des organisations non gouvernementales (ci-après: ONG) et des fondations apportant notamment un soutien financier ou logistique aux personnes en question, tout comme d'ailleurs aux personnes transgenres. La disponibilité des médicaments rétroviraux avait encore été confirmée par l'ambassade de Suisse au Pérou par courriel du 19 novembre 2022, au moyen d'une liste des différents traitements selon les établissements de soins à Lima. Par ailleurs, dans ses observations du 30 octobre 2023, elle avait indiqué avoir fait une forte réaction à la prise de l'Atripla, lequel se composait d'Emtricitabine, de Ténofovir et d'Efavirenz et que son traitement avait dû être changé pour du Dovato, lequel se composait de la Lamivudine et Dolutégravir. Elle avait reçu une contre-indication médicale à la prise d'un traitement avec du Ténofovir. Renseignements pris auprès de la représentation diplomatique de la Suisse au Pérou, le produit commercial libellé « Dovato » n'était pas disponible au Pérou, mais ses principes actifs l'étaient séparément et étaient fournis gratuitement par le Ministère de la santé dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de traitement du VIH. Par ailleurs, d'autres médicaments fournis par le Ministère de la santé, qui n'incluaient pas le Ténofovir, et qui pouvaient être librement prescrits par les spécialistes des maladies infectieuses, étaient également disponibles en cas de nécessité. Le remplacement du Ténofovir s'avérait très simple et la délivrance du médicament immédiate. D'autres possibilités thérapeutiques étaient aussi envisageables. Les possibles schémas de remplacement du Dovato ne posaient aucun problème. Ainsi, Mme A______ pourrait avoir accès au traitement médicamenteux et au suivi correspondant aux standards de son pays d'origine ou, à tout le moins, aux soins essentiels adéquats. L'infrastructure médicale existante au Pérou était ainsi suffisante pour traiter les patients atteints du VIH, le coût des soins étant de surcroît pris en charge par la collectivité.

Mme A______ n'avait pas démontré que le stade de sa maladie était avancé ou qu'elle se retrouverait seule et sans soutien en cas de retour au Pérou. Le seul fait que les soins prodigués dans ce pays pour traiter le VIH n'était pas d'une qualité équivalente à celle proposée en Suisse n'amenait pas au constat d'une inexigibilité du renvoi, l'intéressée se trouvant ainsi dans une situation analogue à celle de ses compatriotes ayant contractés le VIH et se faisant traiter au Pérou. Le fait que les éventuels traitements alternatifs seraient dans l'absolu moins efficaces ou pourraient entraîner des effets secondaires dérangeants était certes regrettable, mais pas déterminant. Dans la mesure du possible, Mme A______ pourrait constituer une réserve de médicaments avant son départ de Suisse jusqu'à ce que la prise en charge soit assurée au Pérou. L'intéressée ne se trouvait pas dans une phase terminale de sa maladie et son renvoi n'était pas illicite, vu que sa pathologie pouvait être prise en charge au Pérou. Le fait que sa situation globale, y compris son identité de genre, serait moins favorable au Pérou que celle dont elle jouissait en Suisse n'était pas déterminant du point de vue de l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Ces difficultés ne s'apparentaient pas à de la persécution et ne mettaient pas sa vie en péril, étant précisé que des allégués d'ordre général ne suffisaient pas pour sursoir à l'exécution du renvoi. Aussi, il convenait de relever que le changement de genre de Mme A______ était survenu dans son pays natal, suite à sa propre décision, étant ainsi consciente des éventuelles difficultés et circonstances à encourir.

8.             Par acte du 4 mars 2024, sous la plume de son conseil, Mme A______ (ci-après: la recourante) a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) concluant à son annulation, à ce qu’il soit déclaré que son renvoi était illicite et pas raisonnablement exigible ainsi et à l’octroi d’une admission provisoire, subsidiairement, au renvoi du dossier à l'OCPM pour nouvelle décision au sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.

Son renvoi était illicite et n'était pas raisonnablement exigible, de sorte qu'une admission provisoire devait être prononcée. Elle vivait avec une infection VIH-1 pour laquelle elle suivait un traitement par trithérapie antirétrovirale à base de Dovato. Par le passé, elle suivait un traitement à base d'Atripla, mais qu'elle avait dû stopper à cause d'effets indésirables. Selon les renseignements du 29 novembre 2023 de l'ambassade de Suisse au Pérou, la Lamivudine et le Dolutégravir n'étaient pas disponibles ensemble ou de manière individuelle, mais uniquement en composition avec le Ténofovir, principe actif qui ne pouvait pas lui être administré. Aucune preuve n'était avancée par l'OCPM concernant la disponibilité de ces deux principes actifs au Pérou ainsi que leur fourniture gratuite par le Ministère de la santé. Par ailleurs, des alternatives médicamenteuses étaient certes proposées par l'OCPM, mais sans aucune justification médicale, notamment par le biais de certificats médicaux établis par les médecins conseils. Nonobstant cela, le traitement n'était pas disponible au Pérou ni accessible vu la pénurie d'accès aux traitement anti-rétroviraux, les lacunes dans la couverture de l'assurance maladie, de la précarité et les récentes ruptures de stocks, lesquels rendaient illusoire une accessibilité appropriée au traitement. Par ailleurs, en tant que femme transgenre, elle était exposée à des discriminations spécifiques et des risques d'attaques dont il convenait de tenir compte.

9.             Le 6 mai 2024, l'OCPM a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

La recourante semblait admettre qu'elle ne remplissait pas les critères de reconnaissance d'un cas de rigueur, le recours se limitant à contester l'exigibilité du renvoi. À ce sujet, il renvoyait à la motivation de la décision contestée, laquelle se fondait sur les informations obtenues par le SEM et par l'ambassade de Suisse au Pérou, qu'il n'avait pas à remettre en cause. Si elle se sentait menacée en raison de son statut de personne transgenre, il lui était loisible de déposer une demande d'asile auprès d'un centre fédéral.

10.         Le 29 mai 2024, la recourante a réplique, persistant dans ses conclusions et son argumentation.

Le gouvernement péruvien venait tout juste de promulguer un décret associant la transidentité à un trouble mental, contrairement à l'avis de l'organisation mondiale de la santé. Cela démontrait que sa situation différait de celle de n'importe quel autre citoyen, même parmi ceux porteurs du VIH, dans la mesure où elle subirait des discriminations, des violences et n'aurait pas la possibilité de voir ces violations crasses de ses droits humains condamnées et interdites par les autorités nationales.

Concernant l'invitation à déposer une demande d'asile, la jurisprudence relative à l'obtention de l'asile pour des motifs de transphobie était quasi inexistante, sans compter que les faits qu'elle alléguait devaient être analysés sous l'angle de l'exigibilité du renvoi.

11.         Le 18 juin 2024, l'OCPM a informé le tribunal qu'il n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.

12.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2). La contestation ne peut donc excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1367/2023 du 19 décembre 2023 consid. 4.8).

6.             En l’espèce, la recourante conclut à l’annulation de la décision attaquée, à ce qu’il soit déclaré que son renvoi est illicite et n'est pas raisonnablement exigible et à l’octroi d’une admission provisoire.

En revanche, elle n’a à aucun moment soutenu qu’elle devrait être mise au bénéfice d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, à juste titre d’ailleurs puisqu’elle ne remplit à l’évidence pas les strictes conditions requises pour la reconnaissance d’un tel cas. En effet, elle ne séjourne en Suisse que depuis deux ans, de manière illégale, puis à la faveur d’une simple tolérance, et elle est venue s’y établir à l’âge de 28 ans, de sorte qu’elle a passé toute son enfance, son adolescence mais aussi la majorité de sa vie d’adulte au Pérou. Elle ne peut par ailleurs pas se prévaloir d’une excellente intégration socio-professionnelle, étant à la charge de l’aide sociale et ne semblant pas parler le français (un interprète a été constamment requis par la police pour l’auditionner). Si aucune condamnation pénale ne figure au dossier, il convient également de prendre en compte qu'elle a reconnu avoir tenté de voler plusieurs paires de lunettes lors de ses auditions par le police pour ces faits. Sa réintégration dans son pays d’origine ne paraît au surplus pas gravement compromise en soi et son état de santé ne saurait justifier, à lui seul, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité, ce d’autant plus qu’elle était déjà atteinte dans sa santé lors de sa venue en Suisse.

7.             Dans ces circonstances, l’objet du litige se circonscrit à la seule question de l’admission provisoire. En effet, dès lors qu’il a refusé de soumettre au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) le dossier de la recourante en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM n’avait pas d’autre option que d’ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).

8.             Il convient par conséquent d’examiner si l’exécution du renvoi est conforme à l’art. 83 LEI, plus particulièrement, sous l’angle de la licéité et de l’exigibilité.

9.             Selon l’art. 83 LEI, le SEM décide d’admettre provisoirement l’étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (al. 1). L’exécution n’est pas possible lorsque l’étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). L’exécution n’est pas licite lorsque le renvoi de l’étranger dans son État d’origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). L’exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

10.         L’admission provisoire est de la seule compétence du SEM ; elle ne peut être que proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 6 LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1001/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3). L’art. 83 al. 6 LEI vise avant tout la situation dans laquelle des autorités cantonales constatent des obstacles liés à l’exécution d’un renvoi. Cette disposition a un caractère facultatif et implique que le SEM n’est saisi que si l’avis de l’autorité cantonale s’avère positif. Les intéressés n’ont, pour leur part, aucun droit à ce que le canton demande au SEM une admission provisoire en leur faveur sur la base de l’art. 83 al. 6 LEI (ATF 141 I 49 consid. 3.5.3). Néanmoins, l’existence même de l’art. 83 LEI implique que l’autorité cantonale de police des étrangers, lorsqu’elle entend exécuter la décision de renvoi, statue sur la question de son exigibilité (ATA/1539/2017 du 28 novembre 2017 consid. 7c).

11.         L’art. 83 al. 3 LEI vise notamment l’étranger pouvant démontrer qu’il serait exposé à un traitement prohibé par l’art. 3 CEDH ou l’art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a et les arrêts cités). Ces dispositions conventionnelles ont la même portée que l’art. 10 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), selon lequel la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits et l’art. 25 al. 3 Cst., d’après lequel nul ne peut être refoulé sur le territoire d’un État dans lequel il risque la torture ou tout autre traitement ou peine cruels et inhumains (ATF 139 II 65 consid. 5.4).

Pour apprécier l’existence d’un risque réel de mauvais traitements, il convient d’appliquer des critères rigoureux. Il s’agit de rechercher si, eu égard à l’ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’art. 3 CEDH (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 et les références citées ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).

Il incombe à la personne concernée de prouver - ou, du moins, de produire des éléments de nature à démontrer - qu’il existe un risque réel qu’elle soit soumise à un traitement contraire à l’art. 3 CEDH. Des considérations générales sont insuffisantes à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2D_12/2023 du 6 décembre 2023 consid. 3.1).

Concernant le défaut de traitement médical approprié dans le pays de renvoi, ce n’est que dans des situations exceptionnelles, en raison de « considérations humanitaires impérieuses », que la mise à exécution d’une décision d’éloignement d’un étranger peut emporter violation de l’art. 3 CEDH. Les étrangers qui sont sous le coup d’une mesure d’expulsion ne peuvent en principe revendiquer le droit de rester sur le territoire d’un État contractant, afin de continuer à y bénéficier de l’assistance médicale. Ainsi, le fait que la situation d’une personne dans son pays d’origine serait moins favorable que celle dont elle jouit dans le pays d’accueil n’est pas déterminant du point de vue de l’art. 3 CEDH. Dans ce cas également, il faut des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on l’expulse vers le pays de destination, y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’art. 3 CEDH, ce qui exige un seuil de gravité élevé pour que l’état de santé d’une personne lui permette de s’opposer à son expulsion (arrêts du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.1 ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).

Le retour forcé d’une personne touchée dans sa santé est susceptible de constituer une violation de l’art. 3 CEDH si elle se trouve à un stade de sa maladie avancé et terminal, au point que sa mort apparaît comme une perspective proche. Il s’agit de cas très exceptionnels, en ce sens que la personne concernée doit connaître un état à ce point altéré que l’hypothèse de son rapide décès après le retour confine à la certitude et qu’elle ne peut espérer un soutien d’ordre familial ou social. Un tel cas exceptionnel peut aussi être reconnu lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire qu’en l’absence d’un traitement ou d’accès à un traitement, se fait jour un risque réel que la personne renvoyée soit exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, lequel entraînerait des souffrances intenses ou une réduction significative de l’espérance de vie (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-1236/2022 du 30 mars 2022).

12.         Selon l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

Cette disposition s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu’elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu’elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet et, ainsi, exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l’invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d’emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5367/2015 du 24 mars 2020 consid. 8 ; F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3 ; ATA/490/2020 du 19 mai 2020 consid. 11d ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

S’agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l’exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d’origine, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d’existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d’urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires ne peuvent pas être assurés dans le pays d’origine de l’étranger concerné, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. L’art. 83 al. 4 LEI ne confère donc pas un droit général d’accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d’origine de l’intéressé n’atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2092/2023 du 3 novembre 2023 consid. 7.2 ; ATA/137/2022 du 8 février 2022 consid. 9d).

13.         Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci‑après : CourEDH), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l'angle de l'art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu'il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l'État d'origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d'être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C'est notamment le cas si sa vie est en danger et que l'État vers lequel elle doit être expulsée n'offre pas de soins médicaux suffisants et qu'aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1 ; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).

Le renvoi d'un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'État contractant reste compatible avec l'art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89). Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ACEDH Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10, § 173 ss, not. 183), la Grande Chambre de la CourEDH a clarifié son approche en rapport avec l'éloignement de personnes gravement malades et a précisé qu'à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH les cas d'éloignement d'une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ; ces cas correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'art. 3 CEDH dans les affaires relatives à l'éloignement des étrangers gravement malades. La CourEDH a aussi fixé diverses obligations procédurales dans ce cadre (ACEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, req. n° 57467/15, § 130).

14.         Selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral (ci-après: TAF), l'exécution du renvoi d'une personne infectée par le VIH est en principe raisonnablement exigible tant que la maladie n'a pas atteint le stade C (selon la classification CDC), ou tant que le sida n'est pas déclaré. Pour apprécier le caractère raisonnablement exigible ou non de l'exécution du renvoi, il faut toutefois tenir compte non seulement du stade de l'infection, mais aussi de la situation concrète dans le pays d'origine ou de provenance de la personne infectée, en particulier ses possibilités d'accès aux soins médicaux et sa situation personnelle (réseau familial et social, qualifications professionnelles, situation financière ; ATAF D-5131/2020 du 26 mai 2021 consid. 7.3.2 et la référence citée).

15.         Le TAF a, ces dernières années, considéré comme raisonnablement exigible le renvoi d'une personne transsexuelle en Colombie (arrêt du TAF E-3455/2020 du 17 août 2021 consid. 6) ainsi que d'une personne homosexuelle au Pérou (arrêt du TAF F-1055/2019 du 20 décembre 2021 consid. 7.2).

16.         En l’espèce, il ressort du rapport médical du 1er mars 2022 produit par la recourante, que cette dernière est suivie médicalement depuis 2019, année durant laquelle elle avait été diagnostiquée séropositive en Argentine, probablement au stade A1, faute de documentation clinique. Elle bénéficie actuellement d'un bon contrôle virologique et son traitement se composait d'Atripla avant de changer et se compose désormais de Dovato, lequel se compose de la Lamivudine et Dolutégravir. Un rendez-vous tous les six mois aux HUG afin de contrôler l'infection au VIH et la toxicité liée au médicament est prévu.

Faute pour la recourante d’avoir fourni un rapport médical actualisé, le tribunal retiendra que ces informations sont toujours valables et en particulier que sa maladie n’a pas atteint le stade C. La recourante ne prétend au demeurant pas le contraire et s'est gardée de donner une quelconque précision à ce sujet dans ses écritures.

Sans minimiser les problèmes de santé dont souffre la recourante, force est de constater qu’ils n’atteignent clairement pas le seuil exigé par la jurisprudence pour faire échec à l'exécution de son renvoi. Pour le surplus, si l’accès aux médicaments antirétroviraux apparait certes plus difficile au Pérou qu’en Suisse, il doit néanmoins être admis, à teneur des informations fournies par l’ambassade, que ces derniers sont disponibles et accessibles dans ce pays, où il existe en outre des programmes étatiques destinés aux personnes séropositives, de nombreux centres de santé publics et privés spécialisés dans le domaine du VIH, ainsi que des ONGs et fondations apportant notamment un soutien financier et/ou logistique aux personnes en question, tout comme d’ailleurs aux personnes transgenres, ainsi que cela ressort de la documentation fournie par la recourante à l’appui de son recours. En outre, afin de parer à l’éventualité d’une latence à l’accès aux médicaments, immédiatement après son retour, la recourante aura la possibilité d’emporter avec elle une réserve de médicaments suffisante pour couvrir ses besoins jusqu’à ce que sa prise en charge puisse à nouveau être assurée au Pérou et, si la disponibilité permanente du traitement antirétroviral qui lui est actuellement administré ne devait pas y être garantie, changer de médication avec l’aide du corps médical, voire de s’organiser pour se faire acheminer la médication prescrite depuis l’étranger. À cet égard, contrairement à l'affirmation de la recourante, selon laquelle les solutions alternatives proposées par l'autorité intimée ne seraient fondée sur aucune expertise médicale, force est de constater que ces alternatives ont été indiquées par le médecin de confiance de l'ambassade de Suisse au Pérou, d'après le courriel du 14 décembre 2023 versé au dossier de l'OCPM. Au surplus, une telle aide au retour ne résulterait pas uniquement de l’assurance-obligatoire des soins, puisque la Croix-Rouge genevoise, par le biais de son service d’aide au retour, fournit des prestations d’aide au retour, listées à l’art. 19A du règlement d’exécution de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), dont une aide médicale destinée à la prise en charge de médicaments pendant une durée de trois mois, à concurrence de CHF 1’500.-, aux personnes remplissant les conditions de l’art. 17A RIASI, ce qui semblerait être le cas de la recourante. De plus, le canton de Genève peut également verser une aide financière (art. 33 al. 2 RIASI ; cf. ATA/1279/2019 du 27 août 2019 consid. 8). Au besoin, une assistance et une coordination médicales pourront aussi lui être octroyées au moment de l’exécution du renvoi afin de la soutenir dans cette phase de retour (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6799/2018 du 11 février 2019 consid. 6.2.2.2).

Dans un arrêt récent, la chambre administrative de la Cour de justice a confirmé qu'il apparaissait que la prise en charge médicale des personnes séropositives au Pérou s’améliorait (ATA/735/2024 du 18 juin 2024 consid. 4.6). Ainsi, selon les chiffres d'ONUSIDA (https://www.unaids.org/fr/regionscountries/countries/peru [page consultée le 26 juillet 2024]), le taux de personnes bénéficiant d’un traitement est passé de 60% à 82% et le nombre des décès liés au sida a fortement diminué entre 2010 et 2022 alors que la population séropositive a augmenté. Il résulte certes de la lecture des pièces produites par la recourante que la gestion des problématiques liées à cette maladie rencontre encore des difficultés au Pérou, mais cela n’implique toutefois pas que les personnes séropositives soient livrées à leur sort. À cela s’ajoute que les difficultés résultant du coût des soins ne se posent pas, les traitements contre le VIH étant gratuits, ainsi qu’il résulte d’une des pièces fournies par la recourante (pièce 6, « antiretroviral therapy has been available throughout Peru since 2004 without cost in all regions »). En toute hypothèse, il sera rappelé que le fait que la qualité des soins au Pérou ne soit pas la même qu’en Suisse ne saurait être considéré comme un obstacle insurmontable au retour dans le pays d’origine. Quand bien même elle devrait en financer une partie – ce qui ne ressort pas du dossier –, il est vraisemblable qu’elle en a les moyens nécessaires, au vu de l’expérience professionnelle acquise en Suisse et de son aptitude à travailler.

Enfin, si le tribunal ne met pas en doute que les personnes transgenres sont plus particulièrement exposées aux risques d’agression, d’exclusion, de discrimination et de précarité dans certaines régions du monde, et notamment en Amérique latine (cf notamment dans ce sens https://www. unaids.org/fr/resources/presscentre/featurestories/2018/april/injustices-faced-by-tr ansgender-women-in-peru), il doit également retenir que les personnes transgenres vivant au Pérou ne sont pas systématiquement, et de ce seul fait, exposées à des traitements contraires à l'art. 3 CEDH. La recourante ne prétend pas que le décret adopté par le gouvernement péruvien, selon lequel la transidentité constituerait une maladie mentale, ouvrirait la voie à une politique comportant des risques de traitements inhumains ou dégradants de la part de l'Etat, ou, à un degré de gravité moins élevé, à une politique systémique visant tout de même des persécutions et discriminations ayant pour but ou pour conséquence directe ou indirecte de rendre l'existence particulièrement difficile pour les personnes transgenres. Selon les informations fournies au tribunal par la recourante, il s'agit certes d'une nouvelle atteinte à la dignité des personnes transgenres par l'Etat péruvien, mais le décret en question se limite apparemment à inclure des thérapies liées à l'identité de genre dans la liste des prestations minimales auxquelles peuvent avoir droit les patients. Il doit en outre être relevé que la recourante a vécu plusieurs années en tant que femme transgenre dans son pays natal et que si elle allègue certes avoir fait l'objet d'une grave agression sexuelle – laquelle semblerait s'être déroulée en Argentine, selon la chronologie des faits exposés par la recourante – force est de constater qu'elle ne démontre pas avoir elle-même fait l’objet de traitements contraires aux engagements de la Suisse relevant du droit international, étant rappelé que des allégués d’ordre général ne sauraient suffire pour surseoir à l’exécution du renvoi (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1737/2017 du 22 janvier 2019 consid 6.6.2 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016 consid. 6c). Outre ce qui précède, le tribunal relève encore que la recourante ne présente pas un grave problème de santé, qui nécessiterait une prise en charge particulière, indisponible au Pérou, et que seule la Suisse serait en mesure de fournir.

En conclusion, en l’absence d’éléments démontrant que le retour de la recourante au Pérou la mettrait concrètement en danger compte tenu de sa transidentité et/ou de sa situation médicale, il convient de retenir que l’exécution de son renvoi est possible, licite et raisonnablement exigible au sens de l’art. 83 LEI, de sorte que l’OCPM n’avait pas à proposer son admission provisoire au SEM.

17.         En tous points mal fondé, le recours sera dès lors rejeté.

18.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

19.         La recourante étant au bénéfice de l’assistance juridique suite à la décision de la vice-présidente du Tribunal de première instance du 26 octobre 2023, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d’une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l’assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d’office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

20.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 4 mars 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 1er février 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière