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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4413/2022

ATA/1367/2023 du 19.12.2023 sur JTAPI/947/2023 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 31.01.2024, 9C_75/2024
Descripteurs : OBJET DU LITIGE;DÉDUCTION DES FRAIS D'ACQUISITION(DROIT FISCAL);FARDEAU DE LA PREUVE;DROIT FISCAL;IMPÔT;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;RÉVISION(DÉCISION);MOTIF DE RÉVISION;ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE;DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL);PROVISION POUR RISQUES ET CHARGES;DOMMAGES-INTÉRÊTS;PRÉTENTION DE DROIT PUBLIC;IMPOSITION DANS LE TEMPS;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : LIFD.147.al1; LIFD.147.al1.leta; LIFD.147.al2; LIFD.148; LHID.51; LPFisc.55.al1; CC.8; LHID.41.al1; LPFisc.17.al1; LIFD.27.al1; LIPP.30; CP.70; CP.71; Cst.29.al2; LPA.69; LIFD.16.al1; LIFD.27.al2.letf; LIFD.29.al3.letc; CP.106.al3; LPA.67.al1
Résumé : Recours de l’AFC-GE à l’encontre du jugement du TAPI, lequel avait admis la recevabilité et le bien-fondé de la demande de révision de la taxation 2012 déposée par les contribuables. 1) La demande de révision, contrairement à l’avis de l’AFC-GE, a été déposée en temps utile, dès lors qu’avant l’arrêt du Tribunal fédéral confirmant la culpabilité du contribuable, reçu en janvier 2021, ce dernier ne connaissait ni l’ampleur ni le montant à restituer attendus de lui, étant précisé qu’il n’avait jamais reconnu sa culpabilité. 2) Si les dommages et intérêts résultant d’un comportement intentionnel et d’un manquement à ses obligations professionnelles ne sont pas déductibles, il en va différemment d’une créance compensatrice, qui vise à priver son auteur du produit de son infraction, selon l’adage « le crime ne paie pas ». 3) La créance compensatrice est donc déductible, sur le principe, du revenu du recourant pour 2012. 4) Le principe de périodicité ne s’oppose pas à la déductibilité précitée, dès lors que c’est le principe d’une procédure de révision, que de permettre à un contribuable de modifier une taxation entrée en force, en raison de faits importants nouveaux qui font apparaître comme erronée l’appréciation de ces derniers réalisée à l’époque. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4413/2022-ICCIFD ATA/1367/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 décembre 2023

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE recourante

contre

A______ et B______ intimés

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 septembre 2023 (JTAPI/947/2023)


EN FAIT

A. a. Le litige concerne une demande de révision de la taxation 2012 de B______ et A______, qui ont été mariés du 22 novembre 1991 au 6 juillet 2019, date de leur divorce.

b. Le contribuable a exercé la profession d’avocat à titre indépendant au barreau de Genève. Il n’est actuellement plus inscrit au registre cantonal.

c. Par bordereaux du 6 octobre 2014, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) a taxé les époux pour l’année 2012.

Ces taxations n’ont pas été contestées.

d. Après avoir ouvert à leur encontre une procédure en rappel et pour soustraction d’impôt le 5 octobre 2018, l’AFC-GE leur a remis des bordereaux de rappel d’impôt ainsi que des bordereaux d’amende pour l’année 2012, le 10 octobre 2019.

Ces bordereaux n’ont pas fait l’objet d’une réclamation.

e. Dans le cadre d’une nouvelle organisation concernant le mode de facturation des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), le chef du service des comptabilités (ci-après : le comptable) avait mandaté le contribuable, dès janvier 2007, pour s’occuper du contentieux et du recouvrement des créances impayées.

À la suite d’un rapport d’audit interne ordonné en 2013 et rendu en juin 2015, le comptable a été suspendu de ses fonctions, puis de son traitement, respectivement par décisions des 22 juin et 17 juillet 2015. Une enquête administrative a été mise en œuvre à son encontre.

f. Le 24 juin 2015, lors d’un audit mené par ses soins, la Cour des comptes a dénoncé au Ministère public (ci-après : MP) les agissements du comptable.

g. Par courrier du 25 juin 2015, les HUG ont résilié avec effet immédiat le mandat du contribuable.

h. Le 17 juillet 2015, les HUG ont déposé plainte « pour gestion déloyale des intérêts publics ou toute autre infraction à l’encontre du [comptable)] ou tout autre personne impliquée  » se constituant partie plaignante.

i. Le MP a réuni un volumineux dossier et conduit de nombreux actes d’enquêtes sur des faits qui se sont déroulés durant les années 2007 à 2015. Le comptable et le contribuable ont été entendus à plusieurs reprises par le MP en qualité de prévenus.

j. Le 24 septembre 2015, le MP a ordonné le séquestre des avoirs du contribuable, pour confiscation et allocation au paiement de la créance compensatrice des HUG.

Un second séquestre a été prononcé à l’encontre du contribuable en date du 10 février 2017.

k. Selon le procès-verbal d’audience du 8 décembre 2017, le MP a informé le contribuable de son intention de renvoyer ce dernier (ainsi que le comptable) en jugement par-devant le Tribunal correctionnel (ci-après : TCor) pour faux dans les titres, escroquerie par métier et instigation à gestion déloyale des intérêts publics. Le dommage causé aux HUG était chiffré à CHF 22'211'684.-. Le contribuable contestait avoir commis une quelconque infraction.

l. Par jugement du 21 décembre 2018, le TCor a condamné le comptable pour escroquerie et faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques à une peine privative de liberté de trente mois, dont vingt-quatre mois avec sursis durant trois ans. Il a également condamné le contribuable pour escroquerie par métier et faux dans les titres à une peine privative de liberté de trente-six mois, dont vingt-six mois avec sursis durant trois ans.

Il a en outre condamné les deux cités, solidairement, à payer aux HUG la somme de CHF 22'313'750.90 avec intérêts en réparation du dommage matériel, prononcé une créance compensatrice d’un même montant en faveur de l'État de Genève à l'encontre du contribuable, a alloué celle-ci à due concurrence et a ordonné le maintien, en vue de son exécution, des séquestres portant sur diverses valeurs dont ce dernier était titulaire.

m. Par arrêt du 26 mai 2020, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR) a réformé le jugement du TCor en ce sens que le comptable était acquitté du chef d’accusation de faux dans les titres commis dans l’exercice de fonctions publiques, mais condamné pour gestion déloyale à une peine privative de liberté de deux ans, avec sursis durant deux ans. Le contribuable était acquitté de la prévention de faux dans les titres, mais condamné pour complicité de gestion déloyale à une peine privative de liberté de deux ans, avec sursis durant deux ans.

La CPAR a condamné les deux cités, solidairement, à payer aux HUG une somme de CHF 20'460'487.-, avec intérêts, à titre de réparation du dommage matériel. Elle a prononcé à l’encontre du contribuable une créance compensatrice de CHF 20'460'487.-, avec intérêts en faveur de l'État de Genève, allouée aux HUG et ordonné le maintien de divers séquestres et la levée de certains autres.

La différence entre ce que le contribuable avait facturé et ce qui aurait, au plus, été facturable, de 2008 au premier semestre 2015, s’élevait à CHF 20'545'521.-. Pour l’année 2012, ce montant s’établissait à CHF 3'110'231.- (p. 59, let. k''.a.e.).

Les séquestres maintenus portaient sur quatre comptes bancaires, un compte de dépôt de titres, un compte épargne, deux comptes commerciaux et le compte personnel, tous au nom du contribuable, ainsi que sur des parts de propriétés par étages détenues par ce dernier. La restriction au droit d’aliéner l’immeuble séquestré et sa mention au registre foncier, en vue de l’exécution de la créance compensatrice étaient aussi maintenus.

La CPAR a en revanche retenu que le comptable ne s’était pas enrichi (p. 116, ch. 8.3).

n. Par arrêt du 22 décembre 2020 – expédié le 8 janvier 2021 – le Tribunal fédéral a rejeté le recours de B______ contre l’arrêt de la CPAR.

B. a. Dans le cadre du traitement des années fiscales 2008 à 2011, traitées séparément de l’année fiscale 2012, le contribuable a déposé plusieurs demandes de révision, notamment les 29 janvier et 1er février 2018.

b. L’AFC-GE les a déclaré irrecevables, subsidiairement infondées, par décisions du 26 juillet 2019.

c. S’agissant toujours des années fiscales 2008 à 2011, le contribuable a ensuite déposé une demande de révision le 30 mars 2021, joignant une copie de l’arrêt du Tribunal fédéral précité (6B_826/2020). Il convenait de réduire son bénéfice net et la déduction au titre de l’AVS en raison des montants en dommages et intérêts auxquels il avait été condamné.

d. Par décisions sur réclamation du 30 mars 2022, l’AFC-GE a maintenu les taxations, au motif que les demandes de révision étaient irrecevables pour cause de tardiveté. Les événements justifiant la révision des taxations étaient déjà connus en 2015, au moment du dépôt par les HUG de la plainte pénale, voire lors de la résiliation avec effet immédiat du mandat du contribuable par les HUG.

e. B______ a recouru à l’encontre de ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI). Ses demandes en révision étaient recevables. Les bénéfices retenus fiscalement et les déductions déclarées au titre de l’AVS durant les années en cause devaient être réduits.

f. Le TAPI a rejeté le recours le 10 mars 2023.

Les demandes en révision étaient tardives. Celle du 30 mars 2021, examinée par économie de procédure, dès lors que l’AFC-GE s’était prononcée dans les échanges d’écritures, ne pouvait justifier la révision des taxations 2008 à 2011. En effet, les dommages et intérêts résultaient d’un acte intentionnel ayant fait l’objet d’une condamnation pénale. Ils ne pouvaient pas faire partie des charges commerciales et n’étaient donc pas déductibles fiscalement.

g. Par arrêt du 11 juillet 2023, la chambre administrative de la Cour de justice a admis partiellement le recours, annulé le jugement précité en tant qu’il confirmait l’irrecevabilité des demandes de révision des 29 janvier et 1er février 2018 et l’a rejeté pour le surplus.

Les demandes étaient recevables, car déposées dans le délai de 90 jours à compter du jour de la connaissance des faits. Elle s’est également prononcée au fond s’agissant de la demande de 2021, précisant que les dommages-intérêts dont le recourant réclamait la déduction étaient dus au titre de la commission d’une infraction dans le cadre de son activité professionnelle et résultait d’une violation crasse de ses devoirs et obligations en qualité de mandataire. Ils pouvaient apparaitre en lien avec l’activité professionnelle du recourant mais ne pouvaient être appréciés comme étant justifiés par l’usage commercial. C’était donc à juste titre que le TAPI avait retenu qu’ils n’étaient pas déductibles fiscalement.

C. a. Le 30 mars 2021, B______ a adressé à l’AFC-GE une demande de révision concernant l’année fiscale 2012 à l’encontre des bordereaux du 6 octobre 2014 et du 10 octobre 2019.

Il se fondait sur l’arrêt du Tribunal fédéral susmentionné, qu’il indiquait avoir reçu le 11 janvier 2021 et qui constituait un motif de révision. Compte tenu du dommage total calculé par la CPAR, en CHF 20'545'521.-, réparti à hauteur de CHF 3'111'321.- pour l’année 2012, il y avait lieu de réduire son bénéfice à concurrence d’un même montant, ainsi que de déduire au titre de l’AVS un montant de CHF 388'468.-.

b. Par décisions du 30 mars 2022, l’AFC-GE a déclaré la demande de révision irrecevable pour cause de tardiveté.

Les événements justifiant la révision des taxations étaient survenus au plus tard le 17 juillet 2015, lors du dépôt par les HUG de la plainte pénale, voire le 25 juin 2015 déjà, date de résiliation avec effet immédiat de son mandat par les HUG.

Par ailleurs, en annexe à un courrier du 19 octobre 2015, l’intéressé avait remis une nouvelle déclaration fiscale 2013, accompagnée de nouveaux comptes incluant une provision pour pertes de CHF 12'000'000.-. Ses déclarations fiscales 2014 et 2015 intégraient également cette provision. Ce courrier avait été adressé après que le MP ait ordonné le séquestre de certains de ses avoirs, le 24 septembre 2015. La responsabilité pénale potentielle du contribuable et les risques financiers en découlant étaient apparus et étaient ainsi connus de lui au plus tard dans le courant du deuxième semestre de l’année 2015.

c. Le 27 avril 2022, le contribuable et son ex-épouse ont élevé réclamation à l’encontre de ces décisions, sollicitant l’annulation des bordereaux du 6 octobre 2014 et du 10 octobre 2019.

Il n’avait pris connaissance de sa responsabilité pénale ainsi que du dommage à supporter que le 11 janvier 2021, à réception de l’arrêt du Tribunal fédéral. Avant cette date, il ne pouvait pas savoir qu’une partie de son chiffre d’affaires de l’année 2012 posait problème et n’aurait pas dû être facturée ou, à tout le moins, aurait dû faire l’objet d’une provision. Cet arrêt constituait dès lors un fait nouveau. Il avait agi dans les 90 jours à compter de la découverte du motif de révision.

d. Par décisions du 16 décembre 2022, l’AFC-GE a rejeté la réclamation au motif que la demande de révision avait été déposée tardivement. Elle a repris les arguments exposés dans ses décisions du 30 mars 2021.

e. Par acte du 23 décembre 2022, les précités ont recouru devant le TAPI en concluant à ce que l’AFC‑GE révise leurs taxations 2012, subsidiairement, à ce qu’il dise qu’il existait des faits nouveaux, que CHF 3'110'231.- devaient être déduits de leur bénéfice et que la déduction au titre de l’AVS soit réduite à due concurrence.

En 2015, une instruction pénale avait été diligentée. Celle-ci ne mentionnait ni le nom des auteurs de l’infraction de gestion déloyale des intérêts publics, ni la quotité du dommage par auteur, ni la répartition par année. Ce n’était que lors de l’audience finale d’instruction du 8 décembre 2017 que le MP l’avait nommément renvoyé en jugement et requalifié les faits en escroquerie dont il aurait été l’auteur et qu’il contestait en totalité. Or, il avait été acquitté par le TCor des chefs d’accusation d’instigation, respectivement de complicité à gestion déloyale des intérêts publics.

Il avait également été libéré par la CPAR de la prévention d’escroquerie par métier et de faux dans les titres. Le Tribunal fédéral avait confirmé son acquittement du chef d’escroquerie et de faux dans les titres, mais l’avait condamné pour complicité de gestion déloyale simple, soit sans dessein d’enrichissement illégitime, pour des faits n’ayant toutefois jamais été instruits. Il avait dès lors déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Ce n’était ainsi que le 11 janvier 2021, à réception de l’arrêt du Tribunal fédéral, que sa responsabilité pénale et le montant exact du dommage à supporter avaient été connus. Cet arrêt avait fait entrer en force les considérants de la CPAR, notamment le montant du dommage de CHF 20'545'521.-, réparti à concurrence de CHF 3'111'231.- pour l’année 2012. Il convenait de réduire son bénéfice à hauteur de ce montant et la déduction au titre de l’AVS, à concurrence de CHF 388'648.-.

f. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

g. Dans leur réplique, les contribuables ont relevé que le dommage calculé par la CPAR, en CHF 20'545'521.-, correspondait à la différence entre ce que B______ avait facturé et ce qui aurait été au plus facturable. Il s’agissait de remboursement d’honoraires considérés comme excessifs, mais non d’une indemnisation devant être versée par le contribuable qui avait engagé sa responsabilité du fait d’une négligence grave, voire d’un comportement intentionnel. Cette somme ne représentait pas non plus une amende.

La thèse de l’AFC-GE selon laquelle il ne pouvait être redevable que de la moitié du dommage tout au plus contrevenait au texte de l’art. 50 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). Au surplus, l’autorité intimée ne prétendait, ni ne démontrait, que le dommage aurait été couvert par le comptable.

h. Par jugement du 4 septembre 2023, le TAPI a admis le recours et renvoyé la cause à l’AFC-GE pour nouvelle décision de taxation.

Si l’intéressé connaissait l’existence d’un risque que sa responsabilité pénale fût engagée, ce n’était que lorsqu’il avait été définitivement condamné par le Tribunal fédéral en 2020 qu’il avait acquis la certitude qu’il était tenu de verser les montants fixés de manière précise par la CPAR. L’arrêt ayant été expédié le 8 janvier 2021, la demande de révision formée le 30 mars 2021 avait été déposée en temps utile.

L’AFC-GE ne s’était pas prononcée sur le bien-fondé de la requête de révision dans les décisions attaquées, mais elle s’était déterminée au fond dans sa réponse au recours. Par économie de procédure, cette question était donc examinée dès lors qu’il disposait des mêmes compétences que l’autorité intimée dans la procédure de taxation.

L’administré souhaitait que son bénéfice fût diminué du montant que la CPAR l’avait condamné à rembourser, cette somme s’élevant pour l’année 2012 à CHF 3'110'231.-, somme devant encore être réduite au titre de l’AVS. La condamnation de B______ au versement du montant en question, contrairement à une condamnation à une amende ou à une peine pécuniaire, ne visait pas à le punir mais à le priver d’un revenu acquis de manière illicite. Fiscalement, cette obligation de paiement devait être qualifiée de « sanction visant à réduire le bénéfice », qui pouvait être déduite de son revenu imposable à titre de charge justifiée par l’usage commercial.

Enfin, le contribuable pouvait déduire l’intégralité de cette somme et non uniquement la moitié comme le prétendait l’AFC-GE, sous déduction des cotisations AVS y relatives, dès lors que la créance compensatrice n’avait été prononcée qu’à son encontre et non contre le comptable.

D. a. Par acte du 6 octobre 2023, l’AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant principalement à son annulation et subsidiairement au renvoi de la cause au TAPI.

La demande de révision formée le 30 mars 2021 était irrecevable. C’était à tort que le TAPI avait retenu que les contribuables n’avaient eu connaissance d’un motif de révision qu’en date du 11 janvier 2021. L’intéressé avait connaissance des risques financiers liés à la plainte pénale des HUG depuis le 2ème semestre de l’année 2015, puisqu’il avait remis de nouveaux comptes commerciaux 2013. Depuis le 8 décembre 2017, date de l’audience finale par devant le MP, le contribuable disposait d’indices suffisants pour déposer une requête en révision.

Le TAPI s’était fondé sur un élément qui n’avait pas été abordé par les parties. En omettant de l’interpeller sur la problématique liée à la créance compensatrice, le TAPI avait violé son droit d’être entendue, étant précisé que le TAPI savait que son argumentation serait similaire à celle qu’elle avait exposée devant lui et qu’il avait retenu dans le JTAPI/276/2023.

La taxation 2012 ne pouvait pas être révisée, car il n’avait jamais été allégué ni démontré que le montant en cause aurait déjà été restitué aux HUG.

Il ne pouvait être nié que la créance compensatrice se rapprochait d’une sanction pénale et qu’il existait une porosité entre les deux. Il n’y avait pas lieu de retenir que ladite créance revêtait un caractère non pénal autorisant sa déduction du revenu imposable à titre de charge justifiée par l’usage commercial, ce d’autant plus que le versement de dommages et intérêts en cas de dommage causé par négligence grave ne constituait pas une charge justifiée par l’usage commercial.

Le principe de périodicité avait été violé. Le jugement n’avait pas analysé cette question. Il était nécessaire d’examiner le sort de la comptabilisation d’une telle provision en 2012 déjà. Cette provision n’aurait pas été admise en déduction en 2012 mais aurait fait l’objet d’un redressement fiscal en bénéfice et en capital (réserve latente imposée). En 2012, il aurait été prématuré de considérer que le risque couvert par la provision était certain ou quasi-certain, puisque ce n’était qu’en décembre 2017 que le MP avait renvoyé le contribuable en jugement. Une provision pour litige ne pouvait être constituée qu’en raison d’une prétention découlant d’une action judiciaire en cours. L’action judiciaire n’était de loin pas entamée en 2012. Même si « par impossible la chambre administrative devait considérer que le prononcé de la créance compensatrice [constituait] une charge justifiée par l’usage commercial, ce n’[était] – sur le plan fiscal – qu’en 2020 au plus tôt que le contribuable aurait pu bénéficier d’une déductibilité fiscale de la sanction qui lui [avait] été infligée ». L’on ne pouvait donc pas conclure à la diminution du bénéfice en 2012, sauf à violer le principe de périodicité.

b. Les intimés ont conclu au rejet du recours.

Contrairement à ce qu’indiquait l’autorité fiscale, le recours partiel au Tribunal fédéral à l’encontre de l’ATA/762/2023 avait été retiré.

Le jugement retenait à juste titre que les sanctions visant à réduire le bénéfice obtenu illégalement étaient justifiées selon l’usage commercial et fiscalement déductibles, dans la mesure où elles n’avaient pas de caractère pénal. Il avait été acquitté d’avoir été l’auteur d’une infraction. Le comptable avait été condamné à payer la somme de CHF 20'460'487.-, montant non assimilable à une amende ou à une peine pécuniaire à caractère pénal. Lui-même avait été condamné par dol éventuel de complicité de gestion déloyale sans dessein d’enrichissement illégitime et condamné solidairement à la réparation du dommage, ce qui n’était pas assimilable à une amende ou à une peine pécuniaire à caractère pénal.

c. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2002 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             À titre liminaire, la recourante fait valoir une violation de son droit d’être entendue. Le TAPI avait fondé l’admission du recours sur un élément non allégué par le recourant, sur lequel elle n’avait pu se prononcer.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise (ATF 146 IV 218 consid. 2.3).

Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b ; ATA/1108/2019 du 27 juin 2019 consid. 4c et les arrêts cités).

2.2 La juridiction administrative est liée par les conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA). Aux termes de l’art. 67 al. 1 LPA, dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en est l’objet passe à l’autorité de recours. En vertu de l’effet dévolutif du recours ainsi prévu par la loi, la juridiction saisie est habilitée à substituer une autre motivation juridique à celle retenue par l’autorité intimée (ATF 136 II 101 consid. 1.2).

2.3 En l’espèce, il est exact que le TAPI a retenu une autre motivation que celle invoquée par le contribuable et admis le recours sur cette base, sans interpeller les parties sur la problématique liée à la créance compensatrice. Il était cependant habilité à le faire, en vertu de l’art. 69 LPA. Même à retenir une hypothétique violation du droit d’être entendue de l’AFC-GE, la chambre de céans disposant du même pouvoir d’examen que ce dernier, dite éventuelle violation aurait été réparée dans le cadre de la présente procédure, l’AFC-GE ayant pu se déterminer sur la question de la créance compensatrice dans ses écritures devant la chambre de céans. Pour le surplus, il apparaît que la recourante a parfaitement compris le détail de l’argumentation du TAPI, dès lors qu’elle l’a critiquée de manière circonstanciée devant la chambre de céans.

Ce grief doit donc être écarté.

3.             Le litige porte sur la période fiscale 2012 en matière d’ICC et d’IFD. Il concerne la conformité au droit de la révision de la taxation du contribuable et l’admissibilité de la déductibilité de la créance compensatrice à laquelle ce dernier a été condamné, d’un montant de CHF 3'110'231.- pour 2012.

3.1 La question à trancher dans le cadre du recours étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 ; ATA/463/2020 du 7 mai 2020 consid. 6b).

3.2 De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit au vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/1727/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3a).

En l'espèce, le litige porte sur l'ICC et IFD 2012, de sorte que la cause est régie par le droit en vigueur durant cette période fiscale, soit la LIFD et la LIPP.

4.             La recourante fait valoir que la demande de révision était tardive.

4.1 Selon l'art. 147 al. 1 LIFD, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d'office : lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a) ; lorsque l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b) ; lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

4.2 Est nouveau le fait qui était inconnu, mais qui existait déjà au moment de la décision. Les faits en question sont donc des événements antérieurs au prononcé dont la révision est demandée, mais qui ont été découverts par la suite. Les faits et moyens postérieurs à la décision sont donc en principe exclus. S'ils existaient de manière latente dès le début, ils peuvent toutefois justifier une révision en ce qu'ils rétroagissent au jour où la décision a été prise et font apparaître l'appréciation des faits effectuée à cette époque comme inexacte (arrêts du Tribunal fédéral 2C_93/2021 du 9 novembre 2021 consid. 7 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.2 et les références citées).

Tel est le cas, selon une partie de la doctrine, lorsqu'un revenu, imposé au moment de sa réalisation, est soumis ultérieurement à une obligation de restitution ou à une mesure de confiscation. Ce n'est que si la restitution n'a pas lieu que le revenu reste imposable : un accroissement de fortune ne constitue un revenu imposable que si son acquéreur peut en disposer définitivement. En revanche, lorsqu'elle est effective, la restitution constitue une circonstance nouvelle qui doit être prise en compte par le fisc au moyen d'une révision au sens des art. 147 ss LIFD, même si elle ne constitue pas une nova improprement dite, mais bien une pure nova : c'est en effet une circonstance qui rétroagit au jour de la décision de taxation en ce qu'elle met en lumière une erreur dans l'appréciation juridique initiale des faits (arrêt du Tribunal fédéral 9C_674/2022 du 12 avril 2023 consid. 7.1 et les références citées).

Selon la jurisprudence, l'erreur dans l'application du droit ne constitue pas un motif de révision. En particulier, un changement de jurisprudence lié à une nouvelle interprétation légale n'ouvre pas la voie de la révision (arrêts du Tribunal fédéral 2P.198/2003 et 2A.346/2003 du 12 décembre 2003 consid. 3.2).

4.3 La révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 147 al. 2 LIFD). En d'autres termes, selon la jurisprudence, même en présence d'un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n'est pas possible. La jurisprudence souligne qu'il faut se montrer strict à cet égard. Le seul facteur décisif est donc celui de savoir si le contribuable aurait déjà pu présenter les motifs de révision dans la procédure ordinaire. Le but de la procédure extraordinaire de révision n'est en effet pas de réparer les omissions évitables du contribuable commises au cours de la procédure ordinaire. Cette limitation importante à la révision s'explique par le caractère subsidiaire de cette voie de droit et par les exigences de la sécurité du droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées).

4.4 La demande de révision doit être déposée dans les 90 jours qui suivent la découverte du motif de révision, mais au plus tard dans les dix ans qui suivent la notification de la décision ou du prononcé (art. 148 LIFD).

La possibilité pour l'autorité fiscale de procéder d'office à la révision d'une décision ou un prononcé entré en force n'a pas pour effet que le contribuable n'est plus tenu de respecter le délai de l'art. 148 LIFD. Selon la doctrine, l'autorité fiscale doit procéder d'office à la révision d'une décision ou un prononcé entré en force lorsqu'elle découvre un motif de révision par elle-même que le contribuable n'a pas encore découvert ou n'a pas pu découvrir. Il faut éviter que le contribuable qui connaissait ou pouvait connaître le motif de révision ne laisse passer le délai de l'art. 148 LIFD et fasse ensuite grief à l'autorité fiscale de n'avoir pas procédé d'office à la révision d'une manière contraire au principe de la bonne foi ancré à l'art. 9 Cst. ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_660/2017 du 30 janvier 2019 consid. 6.1 et les références citées).

La découverte du motif de révision implique que le requérant a une connaissance suffisamment sûre du fait nouveau pour pouvoir l'invoquer, même s'il n'est pas en mesure d'en apporter une preuve certaine ; une simple supposition ne suffit pas. S'agissant plus particulièrement d'une preuve nouvelle, le requérant doit pouvoir disposer d'un titre l'établissant ou en avoir une connaissance suffisante pour en requérir l'administration (arrêts du Tribunal fédéral 4A_222/2011 du 22 août 2011 consid. 2.1 et 4C.111/2006 du 7 novembre 2006 consid. 1.2 et les références citées). Il appartient au requérant d'établir les circonstances déterminantes pour la vérification du respect du délai précité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_222/2011 précité consid. 2.1 ; ATA/396/2014 du 27 mai 2014 consid. 3).

4.5 Conformément à l'art. 51 al. 1 LHID et à l'art. 55 al. 1 LPFisc, dont la teneur est identique, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d'office, lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b), lorsqu'un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c). La révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 51 al. 2 LHID ; art. 55 al. 2 LPFisc). La demande de révision doit être déposée dans les 90 jours qui suivent la découverte du motif de révision, mais au plus tard dans les dix ans qui suivent la notification de la décision ou du prononcé (art. 51 al. 3 LHID ; art. 56 LPFisc).

Lorsque, comme dans la présente affaire, la disposition de droit fiscal fédéral est semblable à celle du droit harmonisé, il y a lieu, en vue d'une harmonisation verticale, d'interpréter cette dernière de la même manière que celle relative à l'impôt fédéral direct, dont elle reprend la teneur. Selon une jurisprudence constante en relation avec l'impôt fédéral direct, le Tribunal fédéral, dans l'intérêt de la sécurité du droit, refuse de corriger des décisions de taxation entrées en force pour d'autres motifs que ceux énumérés à l'art. 147 al. 1 LIFD. Cette jurisprudence vaut également pour l'art. 51 LHID (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1066/2013 du 27 mai 2014 consid. 3.2 et les références citées).

4.6 En matière fiscale, les règles générales relatives à la répartition du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, impliquent que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_667/2021 du 11 mars 2022 consid. 4.4 et les arrêts cités).

4.7 C'est partant au contribuable qui fait valoir une dépense d'apporter la preuve de son existence, ainsi que de sa justification commerciale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_14/2021 du 27 mai 2021 consid. 5.2 et les arrêts cités). La personne qui exerce une activité lucrative indépendante ne peut dès lors se contenter d'alléguer avoir encouru des frais, mais doit l'établir (arrêt du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 7.1).

4.8 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/330/2023 du 28 mars 2023 consid. 3a ; ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a).

4.9 En principe, selon la jurisprudence, lorsque l’autorité n’entre pas en matière sur une demande de révision, la procédure de recours ne peut pas porter sur le fond du litige, mais seulement sur le fait de savoir si les conditions d’une révision étaient ou non remplies (ATA/413/2021 du 13 avril 2021 consid. 3 ; ATA/338/2020 du 7 avril 2020 consid. 5).

4.10 En l’espèce, l’AFC-GE s’est déterminée au fond dans sa réponse au recours devant le TAPI. Ce dernier a examiné la question du bien-fondé de la requête de révision, par économie de procédure, retenant que, disposant de l’avis de l’AFC- GE, il pouvait se prononcer également sur le fond. Devant la chambre de céans, les parties se sont toutes deux déterminées à ce sujet. Partant, l’objet du litige concerne également cette dernière question et la chambre de céans l’examinera.

S’il est exact qu’avant la condamnation pénale définitive par le Tribunal fédéral en décembre 2020, différents événements avaient eu lieu, dont la résiliation du mandat de l’intimé, le dépôt de la plainte pénale des HUG, l’ouverture de l’instruction pénale et le séquestre des avoirs de l’intimé, ainsi que le 8 décembre 2017, la connaissance de sa mise en prévention et du montant exact du dommage réclamé par les HUG, il n’en demeure pas moins qu’à ces différents stades, sa responsabilité pénale pour les faits investigués et le montant exact du dommage subi par les HUG restaient indéterminés.

Il ne disposait, en effet, pas encore d’indices sûrs lui permettant de déposer une requête en révision, puisqu’il a notamment toujours contesté avoir commis une infraction. Ce n’est que lorsqu’il a été définitivement condamné par le Tribunal fédéral en 2020 qu’il a acquis la certitude nécessaire qu’il était tenu de verser les montants fixés par la CPAR. L’arrêt du Tribunal fédéral a été expédié le 8 janvier 2021. Il y a ainsi lieu de retenir, à l’instar de ce qui a été considéré dans l’ATA/762/2023, que déposée dans le délai de 90 jours à compter du jour de la connaissance des faits, la demande de révision du 30 mars 2021 a été formée en temps utile.

Le grief sera donc écarté.

5.             L’AFC-GE critique la déductibilité de la créance compensatrice.

5.1 Selon l'art. 16 al. 1 LIFD, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Cette disposition exprime la théorie de l'accroissement du patrimoine, respectivement du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.1). L’art. 17 LIPP a un contenu similaire à l'art. 16 LIFD et conforme à l'art. 7 al. 1 LHID.

5.2 Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel (art. 27 al. 1 LIFD, art. 30 LIPP). Depuis le 1er janvier 2022, les sanctions visant à réduire le bénéfice, dans la mesure où elles n’ont pas de caractère pénal, font notamment partie de ces frais (at. 27 al. 2 let. f, introduit par le ch. I 1 de la LF du 19 juin 2020 sur le traitement fiscal des sanctions financières, en vigueur depuis le 1er janvier 2022 - RO 2020 5121 ; FF 2016 8253). Ne sont pas déductibles les amendes et les peines pécuniaires (art. 29 al. 3 let. c LIFD).

Le renvoi du législateur à l'usage, commercial ou professionnel, donne à l'autorité de taxation un pouvoir d'appréciation important. L'autorité de taxation doit notamment apprécier le caractère professionnellement usuel de la dépense. Selon la jurisprudence, sont justifiées par l'usage commercial les dépenses qui apparaissent comme acceptables du point de vue commercial, ce qui dépend du contexte dans lequel elles sont effectuées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_149/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.1).

Seuls les frais justifiés par l’usage commercial ou professionnel sont déductibles du revenu brut. Si l’énumération de ceux-ci n’est qu’exemplative aux art. 27 al. 2 à 31 LIFD, leur déductibilité est conditionnée par la preuve de leur nécessité au regard de l’activité poursuivie. Cette preuve incombe au contribuable, puisqu’elle tend à la diminution de la charge fiscale. La jurisprudence retient que la notion de frais justifiés par l’usage commercial doit être interprétée de manière large. Tout ce qui selon l’usage commercial et la bonne foi peut être considéré comme frais doit être admis du point de vue fiscal (Yves NOËL, Commentaire romand, LIFD, 2017, n°2 ad art. 27 LIFD).

5.3 En revanche, les frais de procédure et condamnations civiles concernant des biens ou des activités privées de l’indépendant ne sont pas déductibles. Les amendes non plus ne sont pas déductibles, même si elles sont en lien direct avec l’activité commerciale ou professionnelle ; on considère qu’elles touchent l’individu personnellement et non son activité commerciale. L’exercice de l’activité ne peut justifier, par exemple, que l’on dépasse les limitations de vitesse routières ou viole les règles sur les cartels ou les denrées alimentaires.

Plus délicate est la question du coût d’une procédure pénale ou pénale administrative, engagée contre l’indépendant ou son personnel, pour un fait relevant de l’activité commerciale. La déduction doit être admise lorsque l’indépendant est acquitté ; dans ce cas, en effet, il s’est agi de la gestion d’un risque entrepreneurial, sans violation de l’ordre juridique par l’intéressé. S’il est condamné, les frais du procès, mais non l’amende, doivent être déductibles pour les cas où seule la négligence est retenue et si le comportement sanctionné entre dans les risques professionnels de l’activité concernés (Yves NOËL, op. cit., n° 17 s. ad art. 27 LIFD). Pour être admise en droit fiscal, la provision doit être justifiée par l'usage commercial. Or, on ne peut en principe pas considérer que des dommages-intérêts qui dérivent d'un manquement crasse et extraordinaire ou d'une négligence grave, voire d'un comportement intentionnel sont dans un rapport suffisamment étroit avec l'activité commerciale en cause. Le versement de dommages-intérêts doit découler d'un risque habituellement encouru dans l'exercice de l'activité en question ; à défaut, la provision n'est pas commercialement justifiée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_396/2022 du 7 décembre 2022 consid. 7.4 et les références citées).

5.4 Le Conseil fédéral s'est également exprimé de la même manière dans son rapport du 12 septembre 2014 sur la question de la déduction fiscale des amendes et sanctions administratives de nature financière (consid. 3.3.2, p. 10 s. du rapport).

Le 16 novembre 2016, il a publié le message concernant la loi fédérale sur le traitement fiscal des sanctions financières (FF 2016, p. 8253 et ss.).

Au ch. 1.4.4 dudit Message (p. 8270 et 8271), il a relevé que les sanctions visant à réduire le bénéfice, dans la mesure où elles n’ont pas de caractère pénal, ouvrent déjà droit à une déduction fiscale dans le droit en vigueur. Cela se déduit de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux charges justifiées par l’usage commercial. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs confirmé cette déductibilité en septembre 2016 (ATF 143 II 8 ; RDAF 2017 II 588). Dans ce dernier arrêt, qui concernait une personne morale, il a jugé que les amendes et sanctions financières à caractère pénal qui ont été infligées à des personnes morales du fait de leur responsabilité pénale propre ne valent en principe pas comme charges justifiées par l'usage commercial et par conséquent ne sont pas déductibles fiscalement. Les amortissements et provisions qui ont été constitués en prévision de telles charges doivent être réintégrés dans le bénéfice net fiscal selon le compte de résultat en vertu de l'art. 58 al. 1 let. b LIFD.

En revanche, les sanctions visant à réduire le bénéfice obtenu illicitement sont justifiées selon l'usage commercial et sont par conséquent fiscalement déductibles, dans la mesure où elles n'ont pas de caractère pénal (consid. 7.8). S’agissant de ces dernières, le Tribunal fédéral a précisé (consid. 7.7) qu’à côté des sanctions à caractère pénal existent des sanctions pécuniaires, lesquelles servent à la résorption des produits des crimes. Ces dernières sont en général indépendantes de la faute par nature et peuvent être infligées à une personne morale déjà en présence d'une infraction objective. Elles n'ont pas pour but une expiation mais plutôt une simple correction d'une situation créée par une infraction ; à cet effet, la situation doit être régularisée dans le sens que le bénéfice doit être réduit de la part du bénéfice qui provient de l'infraction. En ce qui concerne ce genre de sanction, on ne trouve a priori aucune contradiction/tension entre l'appréciation en droit fiscal et en droit pénal, respectivement entre le principe de l'unité de l'ordre juridique et le principe de l'imposition selon la capacité contributive : d'un côté il n'y a précisément pas de culpabilité subjective pour les personnes morales et de l'autre côté, du fait du prélèvement de la partie du bénéfice obtenu de manière illicite, il n'y a plus de fondement pour l'imposition de cette dernière. Par conséquent, les sanctions sans caractère pénal visant à réduire le bénéfice sont qualifiées par la doctrine de manière convaincante comme des dépenses justifiées par l'usage commercial et partant déductibles de l'assiette de l'impôt.

Toujours selon le Message du Conseil fédéral, ces sanctions sont prononcées en raison d’une activité commerciale qui rapporte un bénéfice en enfreignant les conditions légales. Elles visent à rétablir une situation conforme au droit en réduisant, l’année de sa réalisation, la part imposée du bénéfice obtenu au moyen d’une infraction. Elles permettent également de corriger tout avantage concurrentiel obtenu grâce au comportement illicite. La sanction n’a pas pour but de réparer le tort causé (Message, ch. 1.2.2 p. 8265). Typiquement, la confiscation au sens de l’art. 70 CP est un exemple de ce type de sanction (Andreas OPEL, Nouvelle réglementation pour la déduction des amendes pour les entreprises, ch. 2.1.2 in Revue fiscale).

5.5 Le revenu d’une activité commerciale, même s’il a été réalisé en enfreignant une disposition légale, est imposé en tant que bénéfice en vertu du principe de l’imposition selon la capacité économique inscrit dans la Constitution
(art. 127 al. 2 Cst.). En d’autres termes, tous les bénéfices sont soumis à l’impôt, indépendamment de leur provenance. Le Tribunal fédéral a arrêté à ce sujet que rien ne justifie qu’un bénéfice réalisé de manière illicite ne soit pas soumis à l’impôt qui frappe les bénéfices réalisés de manière licite par une entreprise commerciale. Il faut en conclure que la réduction d’un bénéfice réalisé illicitement doit aussi être prise en compte fiscalement. Si une sanction visant à réduire un bénéfice est prononcée en raison d’une activité commerciale en partie illégale, le bénéfice imposé doit pouvoir être réduit du montant de la sanction prononcée, laquelle est portée en déduction dans les dépenses. Cela permet de créer un équilibre sur le plan fiscal (Message, ch. 1.4.4, p. 8271). La doctrine confirme cette interprétation. Madeleine SIMONEK déduit du principe de l’imposition d’après la capacité économique et du principe net qui en découle que les sanctions financières dépourvues de caractère pénal constituent une charge justifiée par l’usage commercial qui réduit le bénéfice imposable en conséquence. D’autres auteurs expriment le même avis. La réglementation proposée crée une distinction entre le traitement fiscal de ces sanctions et celui des amendes, peines pécuniaires et sanctions administratives à caractère pénal (ibid.).

5.6 La confiscation en droit suisse est régie par les art. 69 à 72 CP. L’art. 69 CP régit la confiscation d’objets dangereux, tandis que les art. 70 à 72 CP traitent de la confiscation de valeurs patrimoniales.

Le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d’une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l’auteur d’une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (art. 70 al. 1 CP). Lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l’État d’un montant équivalent ; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l’art. 70 al. 2 ne sont pas réalisées (art. 71 al. 1 CP).

Selon la doctrine, la confiscation ne constitue pas une sanction personnelle (in personam), mais une mesure réelle (in rem) qui est totalement indépendante de la punissabilité de l’auteur ou de la culpabilité du détenteur de valeurs (Madeleine HIRSIG-VOUILLOZ, Commentaire romand du Code pénal I, 2e édition, 2021, art. 70, n. 4 et 11 p. 1140 ss. et les références citées). Elle tend à empêcher l’auteur de bénéficier du produit de l’infraction. L’art. 70 al. 1 CP, comme l’art. 69 CP, est une norme obligatoire, que le juge doit appliquer d’office. Il ne peut y être renoncé parce que le lésé a passé une convention civile avec l’auteur par laquelle il renonce à toute indemnisation. L’art. 70 al. 1 in fine CP in fine exclut toutefois la confiscation lorsqu’il s’agit de rétablir le lésé dans ses droits ; ainsi, le droit de ce dernier à la restitution et à l’attribution prime la confiscation (Madeleine HIRSIG-VOUILLOZ, op. cit., n. 4 et 11 p. 1140 ss. et les références citées).

5.7 La confiscation au sens des art. 70 et ss. CP est également appelée confiscation de compensation (Ausgleichs- oder Abschöpfungseinziehung). Elle s’impose pour des motifs d’éthique sociale. Les avantages financiers obtenus par l’activité illicite doivent être supprimés, non parce qu’ils seraient une source d’infractions pour le futur, mais parce qu’il serait moralement inadmissible de laisser l’auteur de l’infraction en possession de biens patrimoniaux acquis au moyen d’une infraction. Il convient en effet d’enlever toute rentabilité à l’infraction, afin que le crime ne paie pas. La loi pénale ne remplirait pas sa fonction si ceux qui commettent des infractions, au détriment de ceux que les normes pénales sont censées protéger, pouvaient garder le produit de leur infraction.

L’État ne doit pas non plus s’enrichir au dépend du lésé ; l’art. 70 CP ne doit ainsi pas non plus exposer l’auteur à devoir restituer à double l’avantage illicite obtenu au moyen de l’infraction préalable. La confiscation de l’art. 70 CP se distingue donc clairement du but de la confiscation de l’art. 69 CP, qui n’est pas ordonnée dans l’intérêt du lésé, mais vise à protéger la société d’une future menace provoquée par une nouvelle utilisation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d’une infraction (Madeleine HIRSIG-VOUILLOZ, op. cit. art. 70, n. 5, p. 1140 ss. et les références citées).

5.8 La confiscation suppose l’existence d’un acte illicite réunissant aussi bien les éléments objectifs que subjectifs d’une infraction, acte qui ne doit pas nécessairement être fautif. Il doit exister un rapport de connexité entre l’infraction commise, d’une part, et les valeurs saisies, d’autre part. L’infraction doit en effet être la cause essentielle, respectivement adéquate, de l’obtention des valeurs patrimoniales et celles-ci doivent typiquement provenir de l’infraction en cause.

Les valeurs patrimoniales assujetties à la confiscation doivent revêtir la forme d’une augmentation de l’actif, d’une diminution du passif, d’une non-augmentation du passif ou d’une non-diminution de l’actif. La jurisprudence est extrêmement large à ce titre. Contrairement à l’art. 69 CP, la confiscation au sens de l’art. 70 CP ne se limite pas aux choses matérielles telles que l’argent en espèces, les pierres précieuses ou les biens-fonds, mais s’étend aux droits réels limités, aux créances, aux papiers-valeurs et aux droits immatériels. Ainsi un compte bancaire, créancier grâce à des rentrées procurées par la délinquance, peut être confisqué en application de l’art. 70 al. 1 CP (Madeleine HIRSIG-VOUILLOZ, op. cit., art. 70 n. 9, p. 1140 ss. et les références citées).

5.9 La créance compensatrice vise à empêcher que l’auteur d’une infraction demeure en possession d’avantages qu’il s’est procurés au moyen de ses agissements délictueux. S’il s’est déjà débarrassé de ses actifs, la dévolution à l’État du montant correspondant à l’avantage économique au moment de l’infraction enlèvera toute rentabilité à l’infraction (Madeleine HIRSIG-VOUILLOZ, op. cit. art. 71, n. 1, p. 1174 et les références citées).

La créance compensatrice, pas plus que la confiscation ne constituent une forme de réparation du dommage, quand bien même les participants à un acte illicite sont tenus de réparer le dommage qui en découle. En principe, le montant de la créance compensatrice est de la même valeur que le produit de l’activité délictueuse (Madeleine HIRSIG-VOUILLOZ, op. cit. art. 71, n. 3 ss, p. 1174 ss. et les références citées).

5.10 L’amende, au contraire de l’art. 70 CP, n’est pas une mesure, mais une peine. En outre, sanction patrimoniale du Code pénal, la peine d’amende, comme la peine privative de liberté, est de nature strictement personnelle. En effet, dans les limites posées par l’art. 106 al. 3 CP, le juge fixe le montant de l’amende d’après la situation du condamné, afin que la perte à subir par ce dernier constitue un sacrifice correspondant à sa culpabilité. Le juge doit d’abord déterminer, selon les critères de l’art. 47 CP, dans quelle mesure l’accusé doit être frappé d’une sanction pénale. Il doit ensuite, en fonction de la situation financière de l’accusé, fixer la quotité de l’amende de manière à ce qu’il soit frappé de manière adéquate. L’amende doit être déterminée en fonction de la situation financière au moment où elle est prononcée, afin que la sanction soit adéquate au moment où elle doit être subie. L’amende se distingue ainsi, notamment en raison de son caractère punitif, d’une mesure telle que la confiscation. Dès lors, si l’infraction a procuré un avantage illicite à son auteur, une amende, quel qu’en soit le montant, ne suffit pas à supprimer cet avantage. Celui-ci doit être confisqué ou faire l’objet d’une créance compensatrice. C’est en effet la confiscation et non la sanction pénale que représente l’amende qui tend à empêcher le délinquant de tirer profit de l’infraction
(Madeleine HIRSIG-VOUILLOZ, op. cit. art. 70, n. 7 p. 1145 ss. et les références citées).

5.11 En l’espèce, le TAPI a retenu que le bénéfice du contribuable pour l’année 2012 devait être diminué du montant que la CPAR l’avait condamné à rembourser par le biais d’une créance compensatrice. Ce montant, conformément à l’arrêt précité, s’élevait à CHF 3'110'231.- pour 2012 et devait être encore réduit de la déduction au titre de l’AVS. L’AFC-GE soutient que cette somme n’est pas déductible, puisqu’elle résulte d’un comportement intentionnel du recourant, qui a été pénalement condamné pour ce motif.

Il sera tout d’abord souligné que le TAPI n’a pas retenu, contrairement à ce qu’invoque la recourante, que les dommages et intérêts auxquels le contribuable a été condamné seraient déductibles. Tel n’est effectivement pas le cas, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, lorsque ceux-ci dérivent d’un manquement crasse et extraordinaire ou d’une négligence grave, voire d’un comportement intentionnel, et dont on ne peut retenir qu’ils soient dans un rapport suffisamment étroit avec l’activité commerciale en cause (arrêt du Tribunal fédéral 2C_396/2022 précité). Cela étant, contrairement à ce que soutient la recourante, la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant la non-déductibilité des dommages et intérêts précités n’est pas transposable à la créance compensatrice.

Il ressort tant de la jurisprudence que de la doctrine précitées qu’une créance compensatrice, qui vise à priver l’auteur d’une infraction pénale du produit de son infraction, est déductible fiscalement, du moment qu’elle n’a pas de caractère pénal, et qu’elle présente un lien objectif de causalité avec le revenu réalisé. Contrairement à l’avis de la recourante, le raisonnement du TAPI à ce sujet peut être suivi. En effet, il n’est pas contesté que le montant sollicité au titre de déduction présente un lien avec la procédure pénale dans laquelle le contribuable a été condamné. Contrairement à une condamnation à une amende ou à une peine pécuniaire, il doit être retenu, comme exposé ci-dessus, que le versement de la créance compensatrice ne visait pas à punir le contribuable mais à le priver d’un revenu acquis de manière illicite, contrairement à une amende ou un peine pécuniaire, selon l’adage, « le crime ne paie pas ». Comme le Message du Conseil fédéral le précise, « il faut considérer qu’il existe un lien causal reposant sur des faits entre la sanction et l’activité commerciale et que les sanctions visant à réduire le bénéfice constituent donc une charge justifiée par l’usage commercial. En accord avec la doctrine, le Conseil fédéral estime donc que les sanctions visant à réduire le bénéfice qui n’ont pas de caractère pénal donnent droit à une déduction fiscale ».

L’AFC-GE ne peut donc être suivie quand elle estime que la créance compensatrice a un caractère pénal, c’est-à-dire, au sens où elle l’entend, qui viserait à punir l’auteur. En outre, contrairement à ce qu’elle retient, le fait que le juge doive analyser la situation globale de l’auteur pour fixer le montant de la créance compensatrice, conformément à la loi, ne permet pas pour autant d’en déduire, comme le fait l’AFC-GE, que la « créance compensatrice se rapproche d’une sanction pénale », l’analyse prescrite par l’art. 71 al. 2 CP différant de celle requise par l’art. 47 CP.

Dans ces conditions, il doit être retenu que le TAPI a, à juste titre, considéré que le montant de la créance compensatrice était, en principe, déductible de la taxation 2012. En effet, l’objet du présent litige se limite à savoir si ce dernier avait admis à juste titre la recevabilité et le bien-fondé de la demande de révision de la taxation de 2012 présentée par les contribuables. La question de la déductibilité effective de ladite créance compensatoire se posera dans le cadre de la procédure menant aux nouvelles décisions de taxation et devra être admise à condition que les contribuables apportent à l’AFC-GE la preuve de la restitution des montants au titre de la créance compensatrice, puisque conformément à la jurisprudence déjà citée, la personne exerçant une activité lucrative indépendante ne peut se contenter d'alléguer avoir encouru des frais, mais doit l'établir (arrêt du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 7.1). Il incombera donc aux contribuables de démontrer que la créance compensatrice a effectivement été restituée au bénéficiaire.

Dans ces conditions, le grief de la recourante doit être écarté.

6.             Enfin, l’AFC-GE soutient que le principe de périodicité s’opposerait à la déduction requise par le contribuable pour l’année 2012. Si le contribuable avait fait valoir cette provision en 2012, elle n’aurait pas été admise en déduction du bénéfice en 2012 mais aurait fait l’objet d’un redressement fiscal en bénéfice et en capital, au titre d’une réserve latente imposée. Il aurait été prématuré de considérer que le risque que la provision était censée couvrir en 2012 était certain ou quasi certain. Une provision pour litige ne pouvait être constituée qu’en raison d’une prétention découlant d’une action judiciaire en cours.

6.1 En vertu des principes de l'étanchéité des exercices et de la périodicité de l'impôt, chaque exercice est considéré comme un tout autonome, sans que le résultat d'un exercice puisse avoir une influence sur les suivants, et le contribuable ne saurait choisir au cours de quelle année fiscale il fait valoir les déductions autorisées. Les déductions doivent être demandées dans la déclaration d'impôts de l'année au cours de laquelle les faits justifiant l'octroi des déductions se sont produits (ATA/1637/2019 du 5 novembre 2019 consid. 8a ; ATA/1470/2017 du 14 novembre 2017 consid. 5d ; ATA/547/2012 du 21 août 2012 consid. 6) ; plus généralement, les deux principes précités impliquent que tous les revenus effectivement réalisés ainsi que tous les frais engagés durant la période fiscale en cause sont déterminants pour la taxation de cette période (arrêt du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 8.1.2 et les références citées ; Message concernant les lois fédérales sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes ainsi que sur l'impôt fédéral du 25 mai 1983, FF 1983 III p. 177).

6.2 En vertu du principe de la capacité contributive, il est reconnu que le fondement juridique sur lequel repose l’acquisition d’un revenu est sans importance. Même des revenus provenant d’activités illicites ou contraires aux bonnes mœurs sont imposables, dès lors qu’ils accroissent la capacité économique du bénéficiaire (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 2012, p. 99 n. 11 ; Yves NOËL, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, p. 272, n. 22).

Cela étant, la confiscation ultérieure ou l’obligation de rembourser le lésé doit donner lieu à l’ouverture d’une procédure de révision de taxations entrées en force. Par ailleurs, dans ce contexte, une stricte application du principe de périodicité n’est pas applicable (Markus REICH/Markus WEIDMANN, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 2017, p. 201-202 n. 25 ad art. 16).

6.3 Comme déjà mentionné, les faits nouveaux qui existaient de manière latente dès le début peuvent toutefois justifier une révision en ce qu'ils rétroagissent au jour où la décision a été prise et font apparaître l'appréciation des faits effectuée à cette époque comme inexacte (arrêts du Tribunal fédéral 9C_674/2022 du 12 avril 2023 consid. 7.1 ; 2C_93/2021 du 9 novembre 2021 consid. 7 ; 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.2 et les références citées). Tel est le cas, selon une partie de la doctrine, lorsqu'un revenu, imposé au moment de sa réalisation, est soumis ultérieurement à une obligation de restitution ou à une mesure de confiscation. Ce n'est que si la restitution n'a pas lieu que le revenu reste imposable : un accroissement de fortune ne constitue un revenu imposable que si son acquéreur peut en disposer définitivement. En revanche, lorsqu'elle est effective, la restitution constitue une circonstance nouvelle qui doit être prise en compte par le fisc au moyen d'une révision au sens des art. 147 ss LIFD, même si elle ne constitue pas une nova improprement dite, mais bien une pure nova : c'est en effet une circonstance qui rétroagit au jour de la décision de taxation en ce qu'elle met en lumière une erreur dans l'appréciation juridique initiale des faits (arrêt du Tribunal fédéral 2C_660/2017 du 30 janvier 2019 consid. 5.1 et les références citées).

6.4 À teneur de l’art. 27 al. 1er LIFD, les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel. Font notamment partie de ces frais les amortissements et les provisions au sens des art. 28 et 29 LIFD (art. 27 al. 2 let. a LIFD). Les provisions sont des déductions portées à la charge du compte de résultat pour tenir compte de dépenses ou de pertes dont le montant exact ou l'ampleur n'est pas encore établie de façon certaine (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, § 315 p. 203). La provision a un caractère provisoire et doit être justifiée par l'usage commercial. Elle doit porter, conformément au principe de périodicité, sur des faits dont l'origine se déroule durant la période de calcul (Xavier OBERSON, op. cit., § 315 p. 203 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.184/2004 du 21 juin 2004 ; 4C.281/2002 du 25 février 2003).

6.5 En l’espèce, à titre liminaire, la chambre de céans s’étonne de la tardiveté de cet argument, qui a été soulevé seulement à un stade avancé de la procédure.

Pour autant que l’on comprenne correctement son argumentation, l’AFC-GE estime que la créance compensatrice n’aurait pas été déductible en 2012, même si elle avait alors été valablement comptabilisée dans le bilan commercial. Elle n’aurait pas été considérée comme justifiée par l’usage commercial. Dans cette hypothèse, ce n’est qu’en 2020 que la provision non admise fiscalement aurait été dissoute. Contrairement à la prémisse sur laquelle semble reposer l’argumentation de l’AFC‑GE, la question n’est pas de savoir si effectivement le contribuable aurait dû faire figurer une provision en 2012, ce qu’il n’a pas fait, ni comment la question aurait été traitée s’il avait comptabilisé une telle provision. Dans un tel cas, comme l’explique l’AFC-GE, cette provision n’aurait pas été admise en déduction, puisque le contribuable, à ce moment, ne se trouvait pas confronté à un risque de perte réel, concret et imminent, le litige pénal n’étant pas encore en cours à cette période.

Or, en l’espèce, il s’agit de tenir compte, à la suite de l’arrêt du Tribunal fédéral de 2020, de l’existence de la créance compensatrice, qui est une mesure visant à réduire le bénéficie illicite, déductible, et de revoir la taxation de 2012, laquelle est entrée en force, en la prenant en considération. C’est le principe même d’une procédure de révision, que de permettre au contribuable de revenir sur une taxation entrée en force, avec un effet rétroactif, en raison de faits importants nouveaux, qui font apparaître comme erronée l’appréciation de ces derniers réalisée à l’époque. Conformément au principe de périodicité et d’étanchéité des exercices fiscaux, c’est en l’espèce justement la taxation 2012 qui doit être révisée, pour le montant de CHF 3'110'321.-, tel que la CPAR l’a retenu, qu’il aurait fallu déduire du bénéfice imposé en 2012.

Ainsi, contrairement à ce qu’indique l’AFC-GE, la déductibilité fiscale de la sanction ne peut intervenir en 2020, puisque le litige concerne une procédure de révision, qui impose, en raison des faits nouveaux, comme examiné supra, de revenir sur la taxation de 2012 et d’admettre, au titre de charge justifiée par l’usage commercial, le montant de la créance compensatrice liée à la période fiscale concernée, soit CHF 3'110'321.-.

Ainsi, ce grief doit également être écarté.

Au vu de ce qui précède, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu la qualité de la recourante et l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 2ème phr. LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux intimés, ces derniers, agissant en personne, n’alléguant pas avoir exposé de frais pour leur défense (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 octobre 2023 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______, à l’administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :


le greffier-juriste :

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :