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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2726/2023

JTAPI/645/2024 du 26.06.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AMENDE
Normes : LCI.137
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2726/2023 LCI

JTAPI/645/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 juin 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Lucien LAZZAROTTO, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______, sise 2______ C______ depuis 2017.

2.             Par courrier du 6 août 2020, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a informé A______ SA avoir été saisi d’une dénonciation de laquelle il ressortait que le logement autorisé dans le bâtiment selon l’APA 3______ – qui portait sur l’autorisation de construire un garage, un atelier et un appartement – aurait été transformé, que deux studios auraient été créés à la place de bureaux et que le garage du rez-de-chaussée (bâtiment n° 4______) aurait été agrandi, le tout sans autorisation.

Un délai de dix jours lui était octroyé pour transmettre ses observations et explications éventuelles.

3.             A______ SA a confirmé au département, le 20 août 2020, avoir réalisé quelques modifications à l’étage du bâtiment afin de pouvoir plus facilement trouver des locataires.

Elle avait décidé de réduire la surface du grand logement puis de créer deux studios – soit un logement de six pièces et deux studios. Concernant le garage, il n’avait subi aucune transformation.

4.             Le département, par décision du ______ 2020, a ordonné à A______ SA de remettre en état le logement concerné, conformément à ce qui avait été autorisé, référence étant faite à la dernière autorisation de construire en force, soit l’APA 3______ et de démonter le couvert réalisé sans autorisation devant le bâtiment n° 4______, dans un délai de 60 jours.

Elle était informée, pour le surplus, du fait que, si elle le désirait, elle restait libre de déposer, dans un délai de 30 jours, une demande d'autorisation de construire - sous forme de demande définitive complète par le biais d’un mandataire professionnellement qualifié - afin de tenter de régulariser la situation.

Cette décision n'ayant pas été contestée, elle est entrée en force.

5.             Le 9 octobre 2020, Monsieur D______ a informé le département de ce qu'il avait été mandaté pour procéder à la régularisation de ce dossier, mais que, pour ce faire, il avait besoin d'un délai supplémentaire, lequel lui a été octroyé au 15 novembre 2020.

6.             Par courriel du 27 novembre 2020, un nouveau délai au 15 janvier 2021 lui a été octroyé à sa demande.

7.             Le 15 janvier 2021, M. D______ a déposé une demande d’autorisation de construire APA pour régulariser la situation, portant sur la modification du garage et la création de logements sans autorisation.

8.             Le 22 janvier 2021, le département a retourné la demande à M. D______ en lui indiquant que sa requête ne pouvait être instruite en procédure accélérée et qu’il devait déposer une demande d’autorisation de construire en procédure définitive.

9.             Par décision du ______ 2021, le département, n’ayant pas eu de suite à son courrier du 9 septembre 2020, a infligé à A______ SA une amende de CHF 500.- pour ne pas s’être conformée à son ordre du 9 septembre 2020, tout en lui octroyant un nouveau délai de 30 jours pour obtenir un reportage photographique démontrant que l'ordre de remise en état avait bien été mis en œuvre. Il s’agissait d’une mesure d’exécution d’une décision en force.

10.         Aucune suite n’ayant été donnée à son courrier du 22 janvier 2021, le département a infligé à A______ SA, par décision du ______ 2021, une nouvelle amende de CHF 1'000.- pour ne pas s’être conformée à ses ordres des 9 septembre 2020 et 22 janvier 2021 et imposé un nouveau délai pour faire le nécessaire. Il s’agissait d’une mesure d’exécution d’une décision en force.

11.         Par courrier du 28 mai 2021, le département a été informé par M. D______ de ce qu'il travaillait actuellement sur le dossier et qu'il reviendrait à lui le plus rapidement possible.

12.         Constatant, le 20 août 2021, que rien n'avait été entrepris, le département a infligé à A______ SA une nouvelle amende de CHF 1'500.- pour ne pas s’être conformée à ses ordres des ______ 2020, et 22 janvier et 14 mai 2021 et lui a imparti un nouveau délai de 30 jours pour procéder à la remise en état exigée. Il s’agissait d’une mesure d’exécution d’une décision en force.

13.         Par courriel du 21 septembre 2021, M. D______ a interpellé le département afin d'obtenir plus de précisions sur ce qui était exigé de A______ SA, estimant qu’une demande définitive n’était pas nécessaire et qu’une APA suffisait et obtenir un délai supplémentaire. Il lui était également demandé de bien vouloir annuler la dernière amende infligée.

14.         Par courriel du 29 septembre 2021, le département a informé M. D______ que c'est bien le dépôt d'une demande définitive qui était attendu de A______ SA, précisant également qu'aucun délai supplémentaire ne pourrait lui être accordé, au vu de ceux déjà octroyés.

15.         Par courriel du 8 octobre 2021, A______ SA a également été informée par le département qu’il refusait d'entrer en matière sur sa demande de reconsidération.

16.         Le département a adressé à A______ SA un nouveau courrier le 18 février 2022. Son ordre du 20 août 2021 n’ayant pas été respecté, il souhaitait, avant de se déterminer sur la suite à donner à cette affaire, procéder à la visite de la totalité de la parcelle le 15 février suivant.

17.         Le contrôle a pu être réalisé le 18 mars 2022.

18.         Par courrier du 8 avril 2022, le département a fait suite à ce contrôle, lors duquel il avait été constaté que son ordre du 9 septembre 2020 suivi de ses relances des 22 janvier, 14 mai et 20 août 2021 n’avaient pas été respectés.

Il apparaissait que les deux studios créés à la place des locaux destinés à des bureaux et un vestiaire situés au 1er étage étaient encore au jour de la visite utilisés comme logements, que le couvert situé devant le bâtiment n° 4______ n’avait pas été démonté et que l’appartement autorisé n’était toujours pas conforme à l’APA 3______.

Cette manière d’agir ne pouvant être tolérée, le département a infligé une amende de CHF 5’000.- à A______ SA, tout en lui impartissant un nouveau délai de trente jours pour faire le nécessaire. Il lui a également ordonné une interdiction d’habiter immédiate des deux studios.

Il lui était également demandé de se prononcer sur de nouveaux constats effectués, à savoir qu'un logement avait été créé dans la mezzanine, que deux cabines de peinture avaient été créés dans l'atelier et que deux cabanes de rangements avaient été installées sur la terrasse.

Il s’agissait d’une mesure d’exécution pour ce qui concernait son ordre du 9 septembre 2020. En ce qui concernait l’interdiction d’habiter, la remis en état des studios et l’amende, il s’agissait d’une décision sujette à recours.

19.         Cette décision n’ayant pas été contestée elle est entrée en force.

20.         Le ______ 2022, M. D______ a déposé une nouvelle demande d’autorisation de construire en procédure accélérée, portant sur la modification du garage et la création de logements sans autorisation APA 5______.

Cette demande a été refusée par le département le ______ 2022, lui rappelant qu’il devait déposer une demande définitive.

21.         M. D______, par courrier du 29 avril 2022, a informé le département qu'il déplorait cette situation et qu’il avait voulu la régulariser en déposant une demande d’autorisation de construire en procédure accélérée. Les baux avaient effectivement été résiliés, mais les locataires peinaient à se reloger. Le démontage et la remise en état de l’appartement conformément à l’APA 3______ étaient en cours, les cabines de peinture étaient démontables et les cabanes de rangement seraient enlevées. Il sollicitait une nouvelle fois l’annulation de l’amende de CHF 5'000.-.

22.         Par décision du ______ 2022, le département a informé A______ SA qu’il refusait d’entrer en matière sur la demande de reconsidération, aucun motif de révision au sens des art. 48 ou 80 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) n’étant rempli. L’amende de CHF 5'000.- était justifiée par sa persistance à ne pas vouloir mettre en œuvre l'ordre de remise en état qui lui avait été signifié en date du ______ 2020 ainsi qu’aux multiples rappels qui avaient suivi.

23.         A______ SA a résilié les baux des appartements du C______ le 29 juin 2022, suite à la décision du département du ______ 2022.

24.         L'E______ (ci-après : E______), par courrier du 13 juillet 2022, a informé le département de ce qu'elle était chargée de la défense des intérêts de deux des locataires concernés, une procédure ayant été diligentée par-devant la commission de conciliation en matière de baux et loyers. Au vu de la situation - ses clients ignorant que les locations étaient contraires aux règles de droit public - elle lui demandait s'il serait disposé à entrer en matière sur une prolongation exceptionnelle de leur contrat de bail afin de leur permettre de se reloger.

25.         Le 28 octobre 2022, M. D______ a adressé un courriel au département indiquant transmettre une série de photos relatives aux travaux de démontage des éléments non conformes à l’adresse C______. Il demandait également au département s’il souhaitait un complément ou passer sur place et le laissait lui revenir et lui dire de quelle façon il souhaitait clore le dossier.

26.         Par courriel du 11 novembre 2022, le département l'a informé que, pour clôturer le dossier, il lui fallait un reportage photographique une fois les travaux entièrement terminés. Le délai était largement dépassé mais il lui en accordait un ultime au 30 novembre 2022 pour lui fournir les preuves.

27.         Le département a informé l’E______, le 10 janvier 2023 que les différents appels téléphoniques qui lui avaient été adressés étaient restés infructueux ; il restait néanmoins à sa disposition pour discuter de la situation de ses clients.

28.         Dans la mesure où l'ordre de remise en état n'avait été que partiellement exécuté et que ses différents ordres des 9 septembre 2020, 22 janvier 2021, 14 mai 2021, 20 août 2021 et 8 avril 2022 n'avaient pas été respectés, Monsieur F______, pour le compte de A______ SA, s'est vu infliger, le 17 février 2023, une amende administrative de CHF 10'000.-, un nouveau délai au 31 mars 2023 lui étant imparti pour faire le nécessaire.

29.         A______ SA a transmis au département, le 22 février 2023, des photographies relatives aux travaux effectués. Il restait encore à déposer une APA pour mettre les cabines de peinture aux normes.

30.         Par courrier reçu le 23 février 2023, elle s'est étonnée de l'amende infligée, ce d'autant plus qu'elle considérait que cette situation était, de son avis, à mettre sur le compte de M. D______, lequel avait été mandaté pour tenter de régulariser la situation.

Elle demandait l’annulation de l’amende et s’engageait à régler le dossier d’ici le 15 mars 2023.

31.         Par acte du 20 mars 2023, M. F______, sous la plume de son conseil, a recouru contre la décision du département du ______ 2023 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) (cause A/6______).

32.         Le 1er mars 2023, A______ SA a informé le département avoir mandaté le bureau AS Architecte afin qu’il s’occupe du dépôt de l’APA.

33.         Le 31 mars 2023, A______ SA a transmis au département un reportage photographique détaillé des mises en conformité demandées ainsi que la preuve que le logement dans la mezzanine était libre de toute occupation.

34.         Par courrier du 23 juin 2023, le département a informé le tribunal avoir décidé d’annuler sa décision du ______ 2023 dans la mesure où elle avait été adressée à M. F______. Une nouvelle décision serait notifiée ces prochains jours à A______ SA.

35.         Le 30 juin 2023, le département a notifié une décision, au contenu identique à celle du ______ 2023 à A______ SA. Le montant de l’amende tenait compte du fait que A______ SA ne s’était pas conformée à ses ordres des 9 septembre 2020, 22 janvier 2021, 14 mai 2021, 20 août 2021 et 8 avril 2022. Le département lui ordonnait de fournir tout élément attestant de la suppression des deux cabines de peinture et la remise en état du dernier logement en bureau selon l’APA 3______. Seule l’amende et l’ordre concernant la suppression des cabines de peinture pouvaient faire l’objet d’un recours.

36.         Par courrier du 11 juillet 2023, A______ SA a informé le département qu'une situation conforme au droit avait été mise en œuvre, les studios ayant notamment été supprimés et le logement autorisé rétabli.

37.         Par décision du ______ 2023 (RTAPI/7______), le tribunal a pris acte du retrait du recours de M. F______.

38.         Sa décision du ______ 2023 n'ayant pas été retirée à la Poste par A______ SA, alors qu'elle avait été adressée par courrier recommandé, le département la lui a renvoyée par pli simple le 26 juillet 2023.

39.         Par acte du 31 août 2023, A______ SA, sous la plume de son conseil, a recouru contre la décision du ______ 2023 auprès du tribunal, concluant principalement à l’annulation de l’amende et de l’ordre de supprimer les deux cabines de peinture, et constater au surplus que la décision n’avait plus d’objet, subsidiairement réduire considérablement la quotité de l’amende et dire et constater que la régularisation des cabines de peinture devaient être instruites via la procédure accélérée, le tout sous suite de frais et dépens.

Prétendre le 30 juin 2023 qu’elle méritait une amende en raison de son « attitude à ne pas [se] conformer [aux] ordres du 9 septembre 2020, 22 janvier 2021, 14 mai 2021, 20 août 2021 et 8 avril 2022 » supposerait que ces ordres ne fussent toujours pas ou pas complétement respectés à cette date. Or, il avait été démontré que l’ensemble des éléments réalisés sans autorisation par le prédécesseur de A______ SA étaient déjà supprimés. Seules les cabines de peinture subsistaient encore, mais au-delà du fait qu’elle contestait la légitimité de l’ordre visant leur suppression, il était précisé que cet ordre de suppression de ces cabines était sujet à recours : il n’était donc pas encore entré en force et son inexécution ne saurait, partant donner lieu à une amende.

La décision ne précisait pas de quel ordre il s’agissait, tous les courriers adressés n’ayant pas le même contenu et ne portaient pas strictement sur les mêmes objets. S’il s’agissait de l’ordre du 8 avril 2022, le département n’indiquait pas quels seraient les points encore non respectés parmi les trois contestés, à savoir les deux studios, l’appartement et le couvert. Or, le département aurait dû constater que les baux des logements avaient été résiliés et les locaux libérés, et que le couvert avait été démonté. Par conséquent, la situation ne méritait pas une amende, encore moins comme une sanction de « récidive » ou d’une insoumission à un ordre.

Concernant la quotité de l’amende, elle apparaissait disproportionnée, sanctionnant un simple retard dans la régularisation d’une situation ne présentant aucun risque en termes de sécurité, ni aucun enjeu en termes d’aménagement du territoire ou de droit de la construction.

Concernant la suppression des deux cabines de peinture, elle avait été ordonnée la première fois le 17 février 2023, dans une décision révoquée. Dans l’hypothèse où une autorisation de construire devait être requise, elle devrait être instruite sous la forme d’une APA.

40.         Le département a répondu au recours le 3 novembre 2023, concluant à son rejet. Il a produit son dossier.

A______ SA ne contestait pas qu’en date du 9 septembre 2020 un ordre de remise en état portant sur la restitution de l’appartement initialement autorisé le ______ 2008 (APA 3______) et le démontage d’un couvert lui avait été adressé et était en force. Les différents délais lui avaient été accordés afin de tenter de régulariser la situation n’ayant pas été suivis d’effets, plusieurs amendes administratives lui avaient été notifiées en raison du fait que son ordre du 9 septembre 2020 n’avait pas été mis en œuvre - amende du 22 janvier, 14 mai et 20 août 2021. Malgré plusieurs échanges avec M. D______, ceux-ci sont demeurés sans effets, ce qui l’avait mené à notifier une amende le 8 avril 2022. Les photographies envoyées le 28 octobre 2022 montraient que le couvert et cabanes de rangements étaient en cours de démontage.

Deux ans et demi s’étant écoulés sans que la recourante ne restituât une situation conforme au droit, il n’avait pas eu le choix que d’infliger une nouvelle amende CHF 10'000.- le 17 février 2023. Cette amende n’ayant pas été adressée à la bonne personne, il avait rendu une nouvelle décision le ______ 2023, sur la base de la situation préexistante. A cette époque, aucune information ne permettait de constater que les différents logements aménagés avaient été supprimés, les photographies produites le 11 juillet n’étant pas claires à ce sujet.

Concernant la quotité de l’amende, il ne pouvait accepter qu’elle vint se cacher derrière la négligence de M. D______. Par ailleurs, aucune demande d’autorisation de construire n’avait été déposée permettant de constater l’éventuelle légalité des aménagements et autres constructions.

Concernant les cabines de peinture, dans la mesure où aucune demande d’autorisation de construire n’avait été déposée, il n’avait pu se déterminer sur celles-ci, raison pour laquelle il n’avait d’autre choix que d’en demander leur suppression.

41.         La recourante a répliqué le 29 novembre 2023, persistant dans ses conclusions.

La libération des locaux occupés par des locataires ne pouvait être obtenue en quelques semaines ou quelques mois, ce que le département savait. Par conséquent, l’octroi successif de délais relativement brefs n’était déjà pas en soi une approche véritablement adaptée.

Concernant son architecte, elle lui avait fait confiance. Ce dernier s’était du reste lui-même acquitté de l’amende de CFH 5'000.-, assumant sa pleine et unique responsabilité. Dès qu’elle avait repris la gestion de l’immeuble, elle avait tout fait pour rectifier la situation héritée du précédent propriétaire.

Le département avait voulu sanctionner des faits antérieurs à février 2023 ; toutefois, il ne pouvait, sans violer le principe de proportionnalité, faire abstraction de ce qui s’était passé dans l’intervalle. Le montant de l’amende était ainsi disproportionné.

Pour terminer, les cabines de peinture ne lui appartenaient pas mais faisaient partie intégrante des aménagements de la carrosserie : le département devait donc s’adresser à leur propriétaire s’il estimait qu’une autorisation était nécessaire, il en allait de même pour un ordre de suppression.

42.         Le département a dupliqué le 8 janvier 2024, persistant dans ses arguments et conclusions.

La recourante ne l’avait jamais informé du fait qu’elle rencontrait des difficultés à libérer les locaux du fait de l’opposition des locataires. Ce n’était pas moins de cinq décisions qui lui avaient été notifiées avant qu’elle ne recourt contre celle du ______ 2023.

A______ SA ne pouvait prétendre qu’aucune faute ne lui était imputable et se réfugier derrière le comportement de son architecte.

La question pouvait par ailleurs se poser de savoir si ce n’était pas l’amende de CHF 10'000.- infligée le 17 février 2023 qui avait amené la recourante à finalement se conformer à ce qui était attendu d’elle.

Concernant les cabines de peinture, A______ SA avait elle-même indiqué le 11 juillet 2023 que le dépôt d’une APA devrait suffire. A aucun moment elle ne lui avait donné des informations au sujet de l’entreprise exploitant la carrosserie pour qu’il puisse éventuellement l’interpeler.

43.         Le tribunal a tenu une audience le 25 avril 2024.

M. F______, représentant la recourante, a indiqué qu’à ce jour aucune demande d'autorisation de construire définitive n'avait été déposée concernant les cabines de peinture : elles existaient toujours et étaient exploitées par son locataire. Par courrier du 28 octobre 2022 adressé au département, il avait informé ce dernier que l'entier de la remise en état demandée avait été effectuée, sauf la mise en conformité des cabines. Le dernier locataire était parti en juin 2022 et il ne restait dans les appartements que du "cheni". Les photos produites avec le courrier du 28 octobre 2022 démontraient le démontage des deux vérandas (voir pièce 19.1 dont la première photo montre l'état avant démontage). M. G______ du département était venu sur place entre octobre et novembre 2022 pour constater que les deux logements étaient vides d'occupants. Il avait tout remis en état en octobre 2022, à l'exception du dépôt de la DD. Entre le 17 février et le 23 juin 2023, aucuns travaux n'avaient été effectués puisqu'en octobre 2022 tout était déjà en ordre.

Le conseil de la recourante a précisé que, par courrier du 31 mars 2023, A______ SA avait simplement répété que tout était en ordre comme elle l'avait indiqué dans son courrier du 22 février 2023. Il ne savait pas si une réponse avait été donnée au courriel du 11 novembre 2022 adressé à M. D______. Concernant les cabines de peinture, d'une part elles étaient là depuis plus de 30 ans et que, d'autre part, il n'était pas nécessaire de déposer une DD et une APA était suffisante. Préalablement, il a tenu à relever que, pour lui, il ne s'agissait pas d'installations soumises à autorisation.

Le représentant du département a indiqué que le 28 octobre 2022, les bureaux étaient toujours utilisés comme logement, ce qui n'était pas conforme aux autorisations de construire délivrées. Un appartement dans la mezzanine existait toujours. Aucune photo transmise ne lui avait permis de constater que les logements avaient été réaffectés en bureau. Dans le courriel du 28 octobre 2022, il ne ressortait pas clairement des photos que les appartements avaient été vidés (soit deux studios et la mezzanine). Selon les notes présentes dans son dossier, M. G______ se serait rendu sur place le 18 mars 2022. Selon le dossier qu’il avait en main, aucune réponse n'avait été donnée au courriel du 11 novembre 2022, raison pour laquelle la décision du ______ 2023 avait été notifiée. Il contestait que la prescription de 30 ans put être appliquée aux cabines ; une APA aurait pu suffire.

44.         A la demande du tribunal, le département a transmis les dossiers APA 8______ et APA 5______ le 13 mai 2024.

L’APA 8______ a été déposée le ______ 2021 et portait sur la régularisation I-9______ - transformation du garage et agrandissement d’un logement ; une décision de requalification a été rendue par le département le ______ 2021, au motif qu’elle ne pouvait pas être instruite en procédure accélérée – le dossier ne respectant pas le cadre légal définissant une APA et l’agrandissement du logement modifiant l’aspect général du bâtiment. Une demande en procédure définitive devait être déposée.

L’APA 5______ a été déposée le ______ 2022 et portait également sur la régularisation I-9______ – transformation du garage et agrandissement d’un logement, mais aussi création de fenêtres. Une nouvelle décision de requalification a été rendue le 27 avril 2022 au motif que la demande ne pouvait être instruite selon la procédure accélérée car elle portait sur la modification de l’aspect général du bâtiment. Une requête devait être déposée sous forme de demande définitive.

45.         Le 10 juin 2024, le département a transmis ses observations finales, se référant intégralement à ses précédentes explications.

A la suite de la décision de remise en état qui lui avait été adressée, sans qu’aucun recours ne fut formulé à son encontre, il apparaissait que la recourante ne s’était jamais exécutée. S’il était exact que des demandes d’autorisation de construire APA 8______ et APA 5______ avaient été déposées afin de tenter de régulariser la situation, elles avaient fait immédiatement l’objet d’un renvoi d’entrée – la procédure accélérée n’étant pas adaptée à la situation – sans que la recourante ne vint jamais s’y opposer.

Par ailleurs, les projets soumis ne portaient pas que sur l’aménagement de cabines de peinture mais également sur l’agrandissement d’un logement pour l’APA 8______ et sur des interventions sur l’architecture du bâtiment pour l’APA 5______.

Ainsi, dans la mesure où le département n’avait pas reçu, en date du 30 novembre 2022, l’ensemble des informations nécessaires permettant de constater soit que la situation avait été, à tout le moins en partie, régularisée, soit que l’ordre de remise en état avait été intégralement exécuté – ce que les photographies adressées par courriel du 28 octobre 2022 ne permettaient pas de constater -, il n’avait d’autre choix que d’amender à nouveau la recourante.

46.         La recourante a transmis ses observations finales le même jour.

Au 30 juin 2023, et même à la date du 17 juin 2023, tous les aménagements réalisés sans autorisation avaient été éliminés ; seule restait ouverte la question de la régularisation des cabines de peinture de la carrosserie. Elle estimait qu’elles n’étaient pas soumises à autorisation, subsidiairement que leur régularisation pouvait se faire par le biais d’une APA, et un dossier de ce type avait été déposé à deux reprises.

Elle avait transmis toutes les informations par courriel du 28 octobre 2022 et le département n’avait pas jugé utile de venir constater la situation de visu, ce qui ne pouvait lui être reproché. Il lui aurait appartenu d’instruire et établir les faits avant de la sanctionner – en se rendant par exemple sur place. Par ailleurs, l’amende était censée viser le non rétablissement d’une situation conforme au droit et non le doute qui pouvait subsister.

Quant aux cabines de peinture, elles n’étaient pas soumises à autorisation. L’appréciation du département quant à l’obligation de déposer une demande définitive – et non une APA comme elle l’avait fait à deux reprises – était contestable. Or, les éléments litigieux restant à régulariser lors du dépôt de la seconde APA en ______ 2022, soit la transformation d’un espace de stockage au 1er étage du logement, la salle de réunion, au 2 étage de l’espace bureau et de l’appartement et les cabines de peinture étaient des modifications intérieures ne modifiant pas l’aspect général du bâtiment et qui auraient donc pu être traitées via une APA : quoi qu’il en fut, ces éléments n’étaient clairement pas liés structurellement et étaient même totalement indépendants. Le département aurait pu instruire la régularisation des cabines de peinture sur la base d’une APA et exiger, cas échéant, pour le reste, une demande définitive. En rejetant le dossier d’APA dans son intégralité, le département avait artificiellement créé les conditions d’une sanction, ce qui était contraire au principe de la bonne foi.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 179 n. 515).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (cf. ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_641/2018 du 3 août 2018 consid. 3 ; 2C_53/2017 du 21 juillet 2017 consid. 5.1 , 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b et l'arrêt cité ; ATA/590/2017 du 23 mai 2017 consid. 2b ; ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016 consid. 3b). La contestation ne peut donc excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 et les arrêts cités ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b).

6.             En l’espèce, la recourante conteste tout d’abord l’amende de CH 10'000.- qui lui a été infligée le 30 juin 2023.

7.             Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

8.             Selon l'art. 137 al. 1 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à 150'000.- tout contrevenant :

a) à la présente loi ;

b) aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi ;

c) aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci.

Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. La violation des prescriptions par cupidité, ainsi que les cas de récidive constituent notamment des circonstances aggravantes (art. 137 al. 3 LCI).

9.             L'art. 137 al. 1 let. c LCI érige la contravention aux ordres donnés par le département en infraction distincte de la contravention à la LCI et à ses règlements d'application (let. a et b). De par sa nature, cette infraction est très proche de celle visée par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), soit l'insoumission à une décision de l'autorité, qui, d'une part, constitue un moyen d'exécution forcée, dans la mesure où elle permet d'exercer une certaine pression sur le destinataire d'une injonction de l'autorité afin qu'il s'y conforme et, d'autre part, en tant que disposition pénale, revêt un caractère répressif (cf. Alain MACALUSO/ Laurent MOREILLON/ Nicolas QUELOZ [éd.], Commentaire romand du Code pénal II, Art. 111-392 CP, 2017, n. 2 ad art. 292 p. 1887).

La condamnation de l'auteur pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. a LCI n'a pas pour effet de le libérer du devoir de se soumettre à la décision de l'autorité. S'il persiste dans son action ou son omission coupables, il peut être condamné plusieurs fois pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. c LCI, sans pouvoir invoquer le principe ne bis in idem, dès lors que l'on réprime à chaque fois une autre période d'action ou d'omission coupables. De plus, la sanction de l'insoumission peut être augmentée chaque fois qu'une menace de l'appliquer est restée sans effet (ATA/147/2014 du 11 mars 2014 consid. 11 et les références citées).

10.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 4 ; ATA/206/2020 du 25 février 2020, consid. 4b ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020, consid. 7b). En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y a en effet lieu de faire application des dispositions générales (art. 1 à 110) du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

11.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/611/2016 du 12 juillet 2016 consid. 10c et les références citées). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (cf. not. ATA/625/2021 du 15 juin 2021 consid. 4b; ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7c ; ATA/1828/2019 du 17 décembre 2019 consid. 13c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6c ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd., 2020, p. 343 n. 1493).

12.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1024/2020 du 25 janvier 2021 consid. 1.1 ; 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7e) et ses capacités financières (cf. ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 consid. 20 et les références citées).

13.         Néanmoins, toujours selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et, selon l'art. 47 CP, jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014), le juge ne la censurant qu'en cas d'excès (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014). L'autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

14.         Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; cf. ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (cf. ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

15.         En l'occurrence, le département a ordonné à A______ SA, par décision du ______ 2020, la remise en état du logement conformément à l’APA 3______ ainsi que le démontage du couvert réalisé sans autorisation. Cette décision est entrée en force.

Suite à l’intervention d’un architecte mandaté par A______ SA pour procéder à la régularisation du dossier, le département a indiqué, le 22 janvier 2021 que la régularisation ne pouvait se faire que par le dépôt d’une autorisation de construire définitive et a donc renvoyé le dossier de requête en autorisation APA 8______ – qui ne portait pas uniquement sur les cabines de peinture. Par ailleurs, aucune suite n’ayant été donnée à sa décision du ______ 2020, après l’octroi d’un délai supplémentaire, le département a infligé à A______ SA le 22 janvier 2021 également une amende de CHF 500.- pour ne pas s’être conformée à ladite décision. Cette décision est entrée en force.

Le département a infligé une nouvelle amende de CHF 1'000.- à la recourante le 14 mai 2021, puis le 20 août 2021 de CHF 1'500.-, retenant chaque fois que cette dernière ne s’était pas conformée à ses ordres. Ces décisions n’ont pas été contestées.

Suite à un contrôle sur place du 8 avril 2022, constatant que ses ordres n’avaient pas été respectés, le département a infligé une nouvelle amende à la recourante de CHF 5'000.-, laquelle est entrée en force. De nouveaux constats avaient été effectués, à savoir la création d’un logement dans la mezzanine et l’installation de deux cabines de peinture et deux cabanes de rangement sur la terrasse : un délai pour se prononcer lui était imparti.

Le ______ 2022, le département a une nouvelle fois refusé d’entrer en matière sur l’APA 5______ ayant pour but la régularisation de l’infraction au motif que les travaux envisagés modifiant l’aspect général du bâtiment, la requête devait être instruite selon la procédure définitive.

Le 28 octobre 2022, la recourante a transmis des photographies au département relatifs aux travaux de démontage des éléments non conformes. Elle demandait également au département s’il souhaitait un complément ou passer sur place et le laissait lui revenir et lui dire de quelle façon il souhaitait clore le dossier, ce à quoi le département a répondu, le 11 novembre 2023 qu’il attendait un reportage une fois tous les travaux effectués : un ultime délai au 30 novembre 2002 lui était accordé.

Le 17 février 2023, une nouvelle amende de CHF 10’000.- a été infligée à M. F______ dans la mesure où ses différents ordres n’avaient été que partiellement respectés. Elle a toutefois été annulée par le département.

Le 22 février 2023, A______ SA a indiqué qu’il ne restait plus que le dépôt d’une APA pour mettre aux normes des cabines de peinture. Elle a transmis le 31 mars 2023 un reportage photographique détaillant les mises en conformité et prouvant que les logements étaient vides.

Une nouvelle amende de CHF 10'000.- a été infligée à A______ SA le 30 juin 2023. Le montant de l’amende tenait compte du fait que A______ SA ne s’était pas conformée à ses ordres des 9 septembre 2020, 22 janvier 2021, 14 mai 2021, 20 août 2021 et 8 avril 2022. Le département lui ordonnait de fournir tout élément attestant de la suppression des deux cabines de peinture et la remise en état du dernier logement en bureau selon l’APA 3______.

Il découle de ce qui précède qu’au terme de l’ultime délai au 30 novembre 2022 accordé par le département le 11 novembre 2022 pour la régularisation de la situation, la recourante n’avait pas terminé tous les travaux nécessaires pour être conforme à la remise en état demandée puisque, d’une part, elle reconnait que ce n’est qu’en 2023 qu’elle a transmis au département les photographies relatives aux travaux effectués et que, à cette date, elle n’avait toujours pas déposé de demande d’autorisation de construire conforme aux exigences du département portant sur la régularisation des cabines de peinture sous la forme d’une demande définitive. La question de savoir si, pour ces travaux uniquement, une APA serait suffisante n’a pas d’incidence dans la mesure où, au moment du dépôt de chacune des autorisations de construire en procédure accélérée le projet ne portait pas uniquement sur ces cabines mais également sur les logements, et des modifications de l’aspect extérieur du bâtiment et que dès lors, pour l’ensemble de ces travaux, le département estimait que la procédure définitive devait être suivie.

Le fait par ailleurs que l’amende litigieuse soit intervenue après la finalisation des travaux de remise en état – sauf les cabines de peinture – en 2023 est sans incidence puisque le délai au 30 novembre 2022 n’avait de tout façon pas été respecté par la recourante.

Dès lors, c’est à juste titre que le département a infligé une amende à la recourante le 30 juin 2023 pour ne pas s’être conformée à ses ordres, dans le délai maintes fois prolongé, la dernière fois au 30 novembre 2022.

16.         En ce qui concerne sa quotité, rien ne permet de retenir que le département aurait abusé de son pouvoir d’appréciation ou retenu des faits non pertinents en infligeant une amende d’un montant de CHF 10'000.-, la recourante s’était déjà vu infliger trois amendes depuis le début de la procédure, le 9 septembre 2020, et malgré ces sanctions, elle ne s’était toujours pas pleinement exécutée au 30 novembre 2022, ultime délai accordé par le département.

17.         Au vu de ce qui précède, l’amende sera confirmée tant dans son principe que sur sa quotité.

18.         La recourante conteste enfin l’obligation de supprimer les cabines de peinture.

19.         Conformément à l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier, même partiellement, le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b), modifier la configuration du terrain (let. d) et aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voir publique (let. e).

20.         L'art. 1 al. 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) précise que sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol, ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit, notamment, les garages et ateliers de réparations, les entrepôts, les dépôts de tous genres (let. c) et les installations extérieures destinées à l’exploitation d’une industrie ou à l’extraction de matières premières (let. e).

21.         Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescription de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI).

22.         De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit par ailleurs pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux. L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/19/2016 du 12 janvier 2016 consid. 5 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 consid. 6b et les références citées).

Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application de ces deux dispositions (art. 131 LCI).

23.         Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n'est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATA/213/2018 précité consid. 11 ; ATA/738/2017 précité consid. 8 ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016).

24.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

25.         L'autorité renonce à un ordre de démolition si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Même un constructeur qui n'est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/213/2018 précité consid. 11; ATA/738/2017 précité consid. 8).

26.         En l’espèce, il n’est pas contesté que les cabines de peinture ont été installées sans autorisation et qu’aucune requête en autorisation en bonne et due forme n’a été déposée pour les régulariser, les deux requêtes en procédure accélérée ayant été rejetées du fait qu’une requête en autorisation définitive devait être déposée, ce que le département avait indiqué à la recourante à plusieurs reprises, puisque le projet ne portait pas uniquement sur lesdites cabines de peinture. Le fait que le département indique aujourd’hui que la régularisation de ces seules cabines peut faire l’objet d’une demande en procédure accélérée n’y change rien.

Libre maintenant à la recourante de déposer une APA pour obtenir de régularisation les seules cabines de peinture.

27.         Ainsi, non autorisées, c’est à juste titre que le département a demandé la suppression des cabines de peinture.

28.         En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

29.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 31 août 2023 par A______ SA contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 1’200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière