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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/547/2024

JTAPI/638/2024 du 26.06.2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE
Normes : LCI.59.al3bis
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/574/2024 LCI

JTAPI/638/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Christian D'ORLANDO, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Madame A______ et Monsieur B______ sont propriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de C______ (ci-après : la commune), d'une surface de 336 m2.

2.             Madame D______, fille des précités, et son mari, Monsieur E______, sont propriétaires de la parcelle voisine n° 2______.

3.             Ces parcelles, qui résultent de la division de la parcelle n° 3_______ par acte authentique du 10 septembre 2018, sont sises en zone 5.

4.             En date du 19 février 2019, les époux ont déposé une demande d'autorisation de construire (DD 4______/1) portant sur la construction d'une villa jumelée (37.86 % HPE), d'un couvert à voiture et d'un réduit de jardin, avec abattage d'arbres, sur les parcelles n°1______ et 2_______.

5.             Le ______ 2020, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a délivré l'autorisation sollicitée.

6.             Par courrier du 5 octobre 2021, le service de la planification de l'eau du DT a invité le mandataire architecte des époux, Madame F______, à déposer une autorisation complémentaire dès lors qu’il avait été constaté, lors d’un contrôle des écoulements d'eaux polluées et non polluées de leur parcelle, effectué le 28 septembre 2021, que les aménagements extérieurs ne correspondaient pas à ceux autorisés.

7.             En date du 7 janvier 2022, les époux ont soumis au département, par l'intermédiaire de leur architecte, une demande d'autorisation complémentaire (DD 4______/2) portant sur la modification du projet initial, à savoir la création d'une terrasse et la réalisation d'une liaison entre la toiture du réduit et celle du garage, sur leur parcelle.

8.             Dans le cadre de l’instruction de cette requête, la commission d'architecture
(ci-après : CA) a notamment émis un préavis défavorable le 29 novembre 2023, considérant que l'agrandissement de la terrasse venait péjorer de façon importante l'espace végétal qui ne serait plus que résiduel, soit d'environ 36%, ce qui n'était pas conforme aux critères de la marche à suivre « une densification de qualité en zone 5 » et des pratiques qui en découlaient. L'office cantonal de l'agriculture et de la nature, la direction des autorisations de construire et l'office cantonal de l'eau ont rendu des préavis favorables sans ou sous conditions.

9.             Par décision du 17 janvier 2024, le département, se référant à la position exprimée par la CA, a refusé de délivrer l'autorisation de construire complémentaire sollicitée, retenant que le projet ne respectait pas, tant qualitativement que quantitativement, la condition posée par l'art. 59 al. 3bs de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), car il impactait de manière trop importante la pleine terre.

10.         Par acte du 16 février 2024 portant la signature de leur mandataire architecte, les époux ont recouru à l'encontre de cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

Lors de la demande du permis de construire, la parcelle concernée, qui portait encore le n° 3______, avait une surface 1'270 m2 et une villa individuelle y était érigée. Or, en additionnant les surfaces constructibles de la villa existante et la villa future, le projet était tout à fait conforme à l'art. 59 al. 3bis LCI. De plus, étant âgés de 90 et 92 ans, tout avait été mis en œuvre pour qu'ils puissent vivre dans la maison avec des aménagements appropriés à leur âge, conformément aux recommandations de CSD (Construire sans obstacle), à la norme SIA 500 et aux recommandations de « PROCAP pour les personnes avec handicap ».

Vu la brièveté du délai, ils invitaient le tribunal à leur octroyer un délai pour compléter leur recours avec l’aide de leur avocat.

11.         Par courrier du 27 février 2024, le tribunal a invité le mandataire architecte des époux à lui préciser s’il agissait en son nom ou celui des propriétaires, lui impartissant un délai au 14 mars 2024 pour lui répondre et compléter son recours.

12.         Dans le délai imparti, le conseil constitué pour la défense des époux a confirmé que le recours avait été déposé à leur nom et pour leur compte, invitant le tribunal à lui accorder un ultime délai au 29 mars 2024 pour compléter son recours. Il a joint une procuration.

13.         En date du 28 mars 2024, sous la plume de leur conseil, les époux ont complété leur recours, concluant principalement à l’annulation de la décision du 17 janvier 2024 et au renvoi de la cause au département pour qu'il délivre l'autorisation de construire, soit, subsidiairement, pour nouvelle décision à la suite d'un complément d'instruction au sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.

Sur le plan quantitatif, il ressortait des plans produits dans le cadre de la DD 4______/2 que les surfaces de pleine terre de la parcelle no 1_______ représentaient, après construction, 119.60 m2, soit environ 36% de la surface de la parcelle (336 m2). Comme exposé lors des débats parlementaires, le ratio de pleine terre devait tendre vers les 40% mais cela ne constituait pas une obligation en tant que telle. Or, en l’occurrence, le ratio de 36% de pleine terre était obtenu du fait de la surface retenue après la division parcellaire de septembre 2018, à une date où la question des surfaces en pleine terre n'était pas encore dans la LCI. Ainsi, si la construction de la villa jumelle avait été décidée après l'entrée en vigueur de l'art. 59 al. 3bis LCI, la surface de la parcelle no 3_______ aurait pu être divisée de telle sorte à pouvoir maintenir un ratio de pleine terre suffisant sur leur parcelle. Après division, la parcelle n° 2______ disposait d’une surface de pleine terre de 58% et il aurait été ainsi tout à fait possible de mieux répartir, lors de la division parcellaire, les surfaces de pleine terre entre les deux parcelles. L'appréciation de la CA aurait dès lors dû se faire à l'aune des deux parcelles précitées, prises dans leur ensemble et qui disposaient de 52% de pleine terre.

Cela devait également s'appliquer à l'examen qualitatif. La vue aérienne des deux parcelles témoignait que les espaces verts de cet ensemble étaient similaires au paysage environnement, bâti de villas et d'habitations groupées.

Sous l'angle de la proportionnalité, au-delà des aspects purement économiques qu'ils auraient à supporter pour démolir en partie la terrasse carrelée et/ou les pavés drainants, il convenait surtout de prendre en compte que les aménagements incriminés avaient été rendus nécessaires compte tenu de leur âge, pour faciliter leurs déplacements en extérieur sur leur terrasse et autour de leur maison. Le maintien de la décision querellée les obligerait à revoir leurs déplacements en extérieur ce qui, compte tenu du faible dépassement constaté des surfaces des aménagements extérieurs, ne paraissait pas répondre à un intérêt public prépondérant.

Ils soulignaient encore que 7% (22.14 m2) de la surface de leur parcelle étaient constitués de pavés drainants, perméables, destinés eux aussi à faciliter leurs déplacements. Bien que cette surface n'était pas en tant que telle un espace vert au sens de l'art. 59 al. 3bis LCI, l'autorité intimée, voire la CA, aurait pu en tenir compte dans le cadre de son pouvoir d'appréciation.

Ils ont joint des pièces, notamment un récapitulatif des surfaces perméables/imperméables avant et après division parcellaire.

14.         Dans ses observations du 29 avril 2024, le département a conclu, à la forme à l’irrecevabilité du recours et, au fond, à son rejet et à la confirmation de sa décision, sous suite de frais et dépens.

Le mandataire architecte avait recouru en son nom propre exclusivement et aucune procuration des époux en sa faveur n'avait été produite. Or, de jurisprudence constante, l'architecte n'avait qu'un intérêt indirect et économique à la délivrance d'une autorisation de construire. Il n'avait par conséquent pas qualité pour recourir contre une décision n'autorisant pas un projet de construction.

Au fond, la surface de pleine terre, se basant sur le plan « surfaces perméables et imperméables » enregistré le 27 septembre 2023, était de 35,6%. La CA était ainsi parvenue à la constatation que l'agrandissement de la terrasse venait péjorer de façon importante l'espace végétal qui ne serait plus que résiduel, contrairement à ce que commandait la marche à suivre « une densification de qualité en zone 5 » et les pratiques qui en découlaient.

Le projet ne concernant que la parcelle no 1________, la CA n’avait pas à procéder au calcul de la pleine terre à l'aune des parcelles n° 1________ et 2________. Cela ne reposait par ailleurs sur aucun fondement légal ou jurisprudentiel et les recourants n'exposaient en outre aucun motif objectif justifiant de tenir compte des mutations parcellaires historiques.

15.         Invités à répliquer, les recourants ont informé le tribunal, par courrier du 24 mai 2024, ne pas souhaiter faire usage de ce droit.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Les parties, à moins qu’elles ne doivent agir personnellement ou que l’urgence ne le permette pas, peuvent se faire représenter par un conjoint, un ascendant ou un descendant majeur, respectivement par un avocat ou par un autre mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) pour la cause dont il s’agit
(art. 9 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ; LPA-GE - E 5 10).

Sur demande, le représentant doit justifier ses pouvoirs par une procuration écrite (art. 9 al. 2 LPA).

3.             Par cette disposition, reprise de la loi genevoise instituant le code de procédure administrative du 6 décembre 1968, le législateur cantonal a manifesté clairement son intention de ne pas réserver le monopole de représentation aux avocats en matière administrative, dans la mesure où un nombre important de recours exigent moins des connaissances juridiques que des qualifications techniques (Mémorial des séances du Grand Conseil 1968/3, p. 3027).

4.             L’aptitude à agir comme MPQ devant le tribunal doit être examinée de cas en cas, au regard de la cause dont il s’agit, ainsi que de la formation et de la pratique de celui qui entend représenter une partie à la procédure. Il convient de se montrer exigeant quant à la preuve de la qualification requise d’un mandataire aux fins de représenter une partie devant le Tribunal administratif, dans l’intérêt bien compris de celle-ci et de la bonne administration de la justice (ATF 125 I 166 consid. 2b/bb p. 169 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P 416/2004 du 28 septembre 2004 consid. 2.2, confirmant l’ATA/418/2004 du 18 mai 2004). Pour recevoir cette qualification, les mandataires doivent disposer de connaissances suffisantes dans le domaine du droit dans lequel ils prétendent être à même de représenter une partie (ATA/162/2010 du 9 mars 2010 ; ATA/330/2005 du 10 mai 2005 consid. 1).

5.             De jurisprudence constante, la signature olographe originale est une condition nécessaire que doit respecter tout acte pour être considéré comme un recours (ATA/655/2017 du 13 juin 2017 et les références citées), l'autorité de recours devant, sous réserve d'un éventuel abus de droit, accorder à l'auteur d'un mémoire d'un recours non signé un bref délai supplémentaire pour corriger le vice, même lorsque le délai de recours est échu (arrêt du Tribunal fédéral 1C_39/2013 du 11 mars 2013 consid. 2.3).

6.             En l’occurrence, la question de savoir si Mme F______, architecte diplômée EPFL auprès du bureau d'architectes G______ SA basé à H_______ et actif en Suisse romande, disposait des compétences pour représenter les époux dans la présente procédure souffrira de rester ouverte dans la mesure où, en tout état, dans le bref délai imparti par le tribunal au recourant pour compléter leur recours, et, cas échéant, corriger l’éventuel vice dont il souffrait, ces derniers, sous la plume de leur conseil, ont transmis au tribunal un recours dûment complété ainsi qu’une procuration.

Partant, interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, leur recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

7.             Les recourants contestent le refus du DT de leur délivrer l'autorisation de construire sollicitée, considérant sa décision infondée et disproportionnée. Ils estiment que l'analyse de la CA, sous l'angle de l'art. 59 al. 3bis LCI, aurait dû porter sur les parcelles n° 1________ et 2________ dans leur ensemble.

8.             À teneur de cette disposition, une surface en pleine terre, à savoir dénuée de toute construction en surface ou en sous-sol et non revêtue de la parcelle ou du groupe de parcelles considérées par la demande d’autorisation de construire doit être préservée.

9.             Dans l’exercice de la compétence que lui confère l’art. 59 al. 3bis LCI, le département dispose d’une grande liberté d’appréciation celle-ci n'étant limitée que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA).

10.         Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9). Elle doit en outre en outre utiliser sa marge de manœuvre conformément à ses devoirs en tenant compte du but de la loi, afin de servir au mieux l'intérêt public (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème édition, 2018, p. 179 n. 513).

11.         Commet un excès positif de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui exerce son appréciation alors que la loi l'exclut, ou qui, au lieu de choisir entre les deux solutions possibles, en adopte une troisième. Il y a également excès du pouvoir d'appréciation dans le cas où l'excès de pouvoir est négatif, soit lorsque l'autorité considère être liée, alors que la loi l'autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée, en tout ou partie, à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 116 V 307 consid. 2 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_472/2016 du 14 février 2017 consid. 5.1.2 ; 1C_263/2013 du 14 mai 2013 consid. 3.1), par exemple en appliquant des solutions trop schématiques ne tenant pas compte des particularités des cas d'espèce, que l'octroi du pouvoir d'appréciation avait justement pour but de prendre en considération ; on peut alors estimer qu'en refusant d'appliquer les critères de décision prévus explicitement ou implicitement par la loi, l'autorité viole directement celle-ci (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 514 p. 179).

12.         D’après la jurisprudence, afin d’assurer l’application uniforme de certaines dispositions légales, l’administration peut expliciter l’interprétation qu’elle leur donne dans des directives. Celles-ci n’ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l’administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d’espèce (ATF 145 II 2 consid. 4.3). Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu’elles sont censées concrétiser. En d’autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3 ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 8d ; ATA/829/2019 du 25 avril 2019 consid. 6a).

13.         Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré.

Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 129 V 205 consid. 3.2 ; 127 V 61 consid. 3a ; ATA/552/2013 du 27 août 2013 ; ATA/114/2010 du 16 février 2010). Ces directives ne dispensent pas de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 138 II 536 consid. 5.4.3 ; 133 II 305 consid. 8.1). Ces principes sont applicables mutatis mutandis en droit cantonal (ATA/1278/2018 précité consid. 10b ; ATA/1000/2018 du 25 septembre 2018 consid. 6d).

14.         En janvier 2021, le département a publié en ligne une « Marche à suivre pour la densification de la zone 5, Modalités d’application du nouvel article 59 LCI »
(ci-après : la marche à suivre) (https://www.ge.ch/document/marche-suivre-densification-zone-5-mise-jour-2022).

Cette marche à suivre décrit les nouvelles exigences de contenu et de forme à respecter dans la zone 5, tant pour les projets de construction que pour les plans directeurs communaux. Elle « vise notamment à renforcer la qualité des projets de densification et à améliorer leur intégration dans le contexte local, tout en limitant leur impact environnemental » (p. 6). En effet, « chaque nouvelle construction dans la zone 5 participe au processus de transformation du territoire. Pour préserver la qualité de vie dans ces secteurs qui bénéficient d'une végétalisation importante, il est nécessaire de veiller à la bonne prise en compte des aspects notamment patrimoniaux et environnementaux » (p. 8). Pour toute les demandes d'autorisation de construire en zone 5, le dossier doit fournir une information concernant la pleine terre et l'IQVER. Celui-ci quantifie les effets induits de la construction sur les trois éléments naturels suivants : pleine terre, stratégie végétale et eau (p. 10). Dans le cadre de la présentation du projet, « il s'agit de préciser comment le projet contribue au maintien et au développement de la qualité paysagère du site dans lequel il s'inscrit ». Pour la pleine terre, « un plan ou schéma doit illustrer les différents types d'espaces non bâtis en pleine terre, de la situation projetée et, selon leur taille et l'implantation du projet (espaces majeurs/résiduels). On entend par espaces majeurs en pleine terre, les espaces d'un seul tenant pouvant par exemple accueillir la plantation d'arbres de première et deuxième grandeur. Une valeur cible de 40 % de pleine terre sera recherchée, l’objectif étant de ménager des espaces en suffisance permettant d’accueillir des sujets d’une certaine importance, ceux-ci caractérisant la zone 5 » (p. 13).

Dans sa version mise à jour en novembre 2022, la marche à suivre n'indique plus le pourcentage de pleine terre recherchée mais prévoit : « Une quantité de pleine terre cohérente avec les enjeux de paysage, de biodiversité et les usages souhaités sera recherchée, en lien avec la stratégie de densification zone 5 du PDCom approuvé le cas échéant » (p 13).

Cette version de la marche à suivre précise également le rôle de la CA. Cette dernière « instruit toutes les demandes d’autorisation de construire en zone 5. En application du cadre légal, la CA doit analyser la compatibilité du projet avec « le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier ». Elle doit désormais également évaluer le projet à l'échelle du groupe de parcelles. Pour cela elle prend en compte, d'une part, la quantité de pleine terre préservée par le projet, et d'autre part, elle se base sur le PDCom, notamment en ce qui concerne les secteurs de densification accrue et les voies à créer ou à modifier. En l'absence d'un PDCom approuvé, la CA applique les critères d'évaluation présentés dans le schéma du chapitre A.2 de la marche à suivre et utilise la note explicative produite par le requérant pour produire son préavis (p. 14).

De plus, selon la directive LCI 021-v7 sur le rapport des surfaces en zone 5 émise par le département le 1er mars 2013 et modifiée le 15 août 2022 (ci-après: directive 021-v7 ; https://www.ge.ch/document/4365/telecharger), il est précisé, s'agissant de l'art. 59 al. 3bis LCI, que « cet alinéa indique qu'une surface pleine terre doit être préservée. Il définit précisément la notion de pleine terre. Par contre, il ne définit rien sur les aspects qualitatif ou quantitatif de cette dernière. A cette effet, le département a établi une marche à suivre intitulée "Densification de la zone 5" (www.ge.ch/document/marche-suivre-densification-zone-5). Selon l'expérience de la CA, il peut être considéré, en règle générale, qu'une surface pleine terre inférieure à 40% n'est ni qualitative, ni suffisamment quantitative. À l'inverse une surface supérieure à 60% peut être considérée comme suffisamment quantitative et qualitative ».

S’il ressort ainsi d'une interprétation historique de l'art. 59 al. 3bis LCI que le législateur a renoncé à fixer un ratio minimal de surface de pleine terre afin de conférer une importante marge de manœuvre au département, sous réserve d'un préavis défavorable de la CA, il en découle néanmoins que la proportion de surface de pleine terre devrait, dans la mesure du possible, avoisiner les 40%.

15.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/462/2020 du 7 mai 2020 consid.18 et les références citées).

16.         Selon une jurisprudence constante, s’ils sont favorables, les préavis de la CA n’ont, en principe, pas besoin d’être motivés (ATA/792/2022 du 9 août 2022 consid. 6d ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 6, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2021 du 28 octobre 2021), même s’il peut arriver qu’une motivation plus explicite soit requise lorsque, par exemple, l’augmentation de la hauteur du gabarit légal est trop importante (cf. ATA/95/2022 du 1er février 2022 consid. 7c ; ATA/824/2013 du 17 décembre 2013 consid. 5).

17.         Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7c ; ATA/109/2008 du 11 mars 2008 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 508 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/284/2016 précité consid. 7c ; ATA/51/2013 du 29 janvier 2013 consid. 5d).

18.         En l'occurrence, l’art. 59 al. 3bis LCI est applicable à la demande d'autorisation de construire querellée, déposée le 7 janvier 2022 (art. 156 al. 5 LCI), ce qui n'est pas contesté. Pour rappel, cette disposition vise, en particulier, à favoriser une certaine végétation caractérisant la zone 5 et éviter l'imperméabilisation des sols.

Aucune valeur n'étant proposée par la marche à suivre en vigueur, le département dispose dès lors d’une marge d'appréciation pour appréhender chaque cas d'espèce en fonction des circonstances et en se fondant, en particulier, sur les préavis rendus dans le cadre de l’instruction de la requête.

Dans le cadre de l’analyse de l’art. 59 al. 3bis LCI, la CA, composée de spécialistes, s'est déterminée défavorablement quant aux travaux d'agrandissement de la terrasse projetés, retenant que ces derniers viendraient péjorer de façon importante l'espace végétal qui ne serait plus que résiduel, soit d'environ 36 %, ce qui n'était pas conforme au critères de la marche à suivre « une densification de qualité en zone 5 » et des pratiques qui en découlaient. Il ressort en effet des pièces du dossier que le projet refusé supprime 35.47 m2 de pleine terre, soit 10.56 % de la surface de la parcelle, abaissant le taux de pleine terre de 46,15 % à 35.60 %.

Le DT, se fondant sur ce préavis, a refusé le projet en considérant que celui-ci ne respectait pas tant qualitativement que quantitativement la condition posée par l'art. 59 al. 3bis LCI car il impactait de manière trop importante la pleine terre. Au vu des éléments du dossier, rien ne permet de penser que, ce faisant, il aurait fait un usage excessif ou abusif de son pouvoir d'appréciation en refusant de délivrer l'autorisation de construire querellée.

S’agissant pour le surplus de l'argument des recourants qui estiment que l'appréciation de la CA aurait dû se faire en prenant en compte les parcelles n° 2________ et 1________ dans leur ensemble, il ne peut être suivi. En effet, il ressort de la lettre claire de l’art. 59 al. 3bis LCI que l'analyse de la surface de pleine terre préservée doit porter sur la parcelle ou groupe de parcelles considéré par la demande d’autorisation de construire. L’interprétation des recourants est par ailleurs manifestement contraire à la ratio legis de la disposition précitée dès lors qu’elle aurait pour conséquence qu'une parcelle jouxtant une autre peu densifiée pourrait imperméabiliser massivement ses sols et malgré tout respecter le critère de pleine terre, ce qui n’était précisément pas l’objectif poursuivi par le législateur au moment de l’adoption de l’art. 59 al. 3bis LCI.

Enfin, la décision querellée n’apparaît pas disproportionnée, étant rappelé que les recourants ont effectués les travaux, dont ils demandent aujourd’hui la régularisation, sans autorisation, mettant le département devant le fait accompli. En soutenant que le dépassement constaté est faible et qu'une partie de celui-ci est constituée de pavés drainants, les recourants entendent avant tout substituer leur propre appréciation subjective à celle de l'instance spécialisée. Ces éléments pourront tout au plus être pris en considération dans le cadre de l’ordre de remise en état qui pourrait être prononcé à leur rencontre ultérieurement.

19.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision querellée confirmée.

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnées au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 février 2024 par Monsieur B______ et Madame A______ contre la décision du département du 17 janvier 2024 ;

2.             le rejette;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

Le greffier