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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/515/2024

JTAPI/610/2024 du 24.06.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DURÉE MINIMALE DE SÉJOUR;AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;DÉCISION DE RENVOI
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31; LEI.64
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/515/2024

JTAPI/610/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom et celui de ses enfants mineurs, B______ et C______, représentés par Me Lida LAVI, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1990, son fils B______, né le ______ 2007 et sa fille C______, née le ______ 2011, sont tous ressortissants du Brésil.

2.             En date du 7 février 2023, Mme A______ a fait l'objet d'un contrôle par des agents du Corps des gardes-frontière, au cours duquel il a été constaté qu'elle séjournait et travaillait en Suisse sans autorisation, depuis le 13 mars 2020.

3.             Lors de son audition, elle a notamment indiqué qu'elle vivait à Genève avec son mari et ses deux enfants. Ses parents ainsi qu'une sœur habitaient au Brésil.

4.             Par ordonnance pénale du 8 février 2023, le Ministère public du canton de Genève a condamné Mme A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.-, avec un sursis et un délai d’épreuve de trois ans, pour infraction à l’art. 115 al. 1 let. b et let. c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

5.             Le 15 février 2023, l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a reçu un formulaire C la concernant annonçant son changement d'adresse.

6.             Entre le 25 avril 2023 et la fin août 2023, l'OCPM et le conseil de l'intéressée ont eu divers échanges, le premier ayant invité la seconde à déposer une demande d'autorisation de séjour.

7.             Par courrier du 18 août 2023, Mme A______ a, par l'intermédiaire de son conseil, déposé une demande d'autorisation de séjour auprès de l'OCPM.

Elle était arrivée à Genève le 13 mars 2020. Elle était mariée et mère de deux enfants. Son mari travaillait et vivait au Portugal et n'avait pas l'intention de venir en Suisse pour l'instant. Elle avait une promesse d'embauche, n'avait pas de poursuites et n'avait jamais bénéficié de l'aide sociale. Elle était inscrite pour passer le test de français FIDE. Elle remplissait les conditions pour pouvoir bénéficier d'une autorisation de séjour sous l'angle du cas de rigueur.

À l'appui de sa requête, elle a joint divers documents dont notamment une lettre d'accompagnement mentionnant une arrivée le 13 mars 2020, un formulaire M, différentes preuves de séjour, une promesse de contrat de travail, une attestation d'absence d'aide financière de l'Hospice général, une attestation de non poursuites et une inscription pour un test de français, prévu le 4 juillet 2023.

Elle a également joint une attestation selon laquelle B______ était inscrit en classe d'orientation professionnelle pour l'année scolaire 2022-2023 et une attestation selon laquelle C______ était scolarisée à Genève depuis 2021, d'abord en alternance classe d'accueil et 7P puis en 8P pour l'année 2022-2023.

8.             Par courrier du 30 août 2023, réceptionné le 12 septembre 2023 par l'OCPM, son mandataire a déposé une demande d'autorisation de travail en sa faveur.

9.             Le 10 octobre 2023, l'OCPM lui a accordé une autorisation de travail provisoire, révocable en tout temps.

10.         Par courrier du 7 novembre 2023, l’OCPM a fait part à Mme A______ de son intention de refuser de faire droit à sa demande et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de 30 jours lui était imparti pour exercer, par écrit, son droit d’être entendue.

11.         Par courrier du 8 décembre 2023, Mme A______ s'est déterminée.

Depuis le dépôt de sa demande d'autorisation de séjour, elle avait obtenu le niveau B1 à l'oral du CECR. Elle avait été engagée par Monsieur D______ en qualité d'aide-soignante pour s'occuper de sa mère, Madame E______, avec laquelle elle avait créé un lien particulièrement fort, celle-ci la considérant comme un membre de la famille. Elle s'occupait de Mme E______, au quotidien, créant ainsi un lien de dépendance et rendant sa présence totalement indispensable. Elle devait ainsi être considérée comme une proche aidante. Sa présence auprès de Mme E______ avait permis à cette dernière de sortir de son isolement social, améliorant ainsi son moral et son bien-être. Son employeur craignait que l'état de santé de sa mère ne se détériore si elle devait partir. Le lien de dépendance ainsi crée devait conduire à la délivrance d'une autorisation de séjour.

Elle produisait un courrier de son employeur, expliquant dans quelles circonstances il l'avait engagée.

12.         Par décision du 11 janvier 2024, l'OCPM a refusé de faire droit à la demande de régularisation des conditions de séjour de Mme A______ et de ses enfants et partant de soumettre leur dossier avec un préavis favorable au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM), et prononcé leur renvoi de Suisse dans un délai fixé au 30 mars 2024.

Le séjour de Mme A______ en Suisse était beaucoup trop court pour réunir les conditions du cas de rigueur. Elle ne justifiait pas d'un séjour en Suisse d'une durée de cinq ans et sans interruption, critères exigés pour une famille avec des enfants scolarisés.

Son séjour était prouvé depuis juin 2020 par sa condamnation pénale, celui de B______, depuis août 2022 et celui d'C______ depuis août 2021. Quand bien même elle serait en mesure de justifier sa présence en Suisse depuis mars 2020, la durée de son séjour sur le territoire était trop courte par rapport à la durée exigée. Si elle présentait un bon niveau de français, elle n'avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Bien qu'elle donnait entière satisfaction à son employeur et que sa présence auprès de Mme E______ était très appréciée, son employeur en choisissant de l'engager connaissait les risques liés à son statut. Sa situation ne lui permettait pas de déroger aux critères requis quand bien même Mme E______ s'était attachée à elle et qu'une nouvelle personne appelée à s'occuper de cette dernière pourrait la déstabiliser.

S'agissant de la prise en compte de l'intérêt supérieur des enfants, selon les justificatifs remis, B______ était arrivé en Suisse en août 2022 et C______ en août 2021. Même s'ils étaient scolarisés et adolescents (ils étaient âgés de 16, respectivement 12 ans), leur intégration en Suisse n'était pas encore déterminante en raison de leur court séjour en Suisse. Ils étaient en bonne santé, de sorte que leur réintégration dans leur pays d'origine ne devrait pas leur poser des problèmes insurmontables.

Enfin, elle n’invoquait, ni a fortiori ne démontrait l’existence d’obstacles à leur retour au Brésil et le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas raisonnablement être exigée.

13.         Par acte du 12 février 2024, Mme A______, sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision, le tout sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle sollicitait son audition par le tribunal.

La décision violait les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Elle séjournait sur le territoire suisse depuis le 13 mars 2020, soit depuis presque quatre ans et la durée de séjour de cinq ans requise n'était qu'une valeur indicative selon les directives du SEM.

Son intégration était réussie. Elle avait atteint en français un niveau B1 à l'oral. En outre, elle était employée en qualité d'aide-soignante par un contrat de travail de durée indéterminée. Son employeur était pleinement satisfait de son travail et de son implication. Il estimait à ce sujet qu'en comparaison avec ses précédents employés, la qualité de son travail était « sans équivalent ». En effet, l'état de santé physique et psychique de Mme E______ s'était considérablement amélioré depuis son arrivée à leur service. Elle était indépendante financièrement, n'avait pas de dettes et n'avait jamais bénéficié de l'aide sociale.

La décision contrevenait à l'art. 8 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) en raison du lien de dépendance qui s'était créée depuis son arrivée ce qui permettait d'établir avec évidence l'absolue nécessité pour la recourante de demeurer en Suisse afin d'apporter l'aide et l'assistance dont avait besoin Mme E______ et, partant, d'éviter que son état de santé physique et psychique ne se dégrade.

L'OCPM avait procédé à une appréciation arbitraire de sa demande d'autorisation de séjour. En effet, il n'avait pas suffisamment pris en considération le lien de dépendance qui existait entre la recourante et la mère de son employeur malgré la lettre de témoignage de ce dernier et malgré le certificat médical de son médecin qui affirmait que sa présence était absolument indispensable. Enfin, l'OCPM n'avait pas tenu compte des attestations de parcours scolaire de ses enfants qu'elle avait produites le 8 décembre 2023.

14.         Dans ses observations du 9 avril 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

Les conditions restrictives de l’art. 30 al. 1 let. b LEI en lien avec l’art. 31 OASA, n’étaient manifestement pas réalisées dans le cas d’espèce. En effet, aucun élément ne permettait de considérer que la recourante se trouverait dans une situation personnelle d'extrême gravité en cas de retour dans son pays d'origine. Jeune et en bonne santé et bénéficiant d'une expérience professionnelle dans le domaine de la santé, la recourante ne devrait pas être confrontée à des difficultés majeures de réintégration au Brésil, pays où elle avait passé l'essentiel de sa vie et où vivaient plusieurs membres de sa famille.

Il ne s'agissait pas ici d'examiner la situation personnelle de Mme E______ mais bien celle de la recourante. L'art. 8 CEDH ne pouvait pas davantage être invoqué en l'espèce. La relation entre la recourante et sa patiente, régie par un contrat de travail, sortait manifestement du champ d'application de cette disposition conventionnelle. S'agissant des deux enfants, bien qu'ils étaient désormais tous deux adolescents, la durée de leur séjour et de leur scolarisation en Suisse (entre un et deux ans au moment du dépôt de la demande) était beaucoup trop brève pour justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

15.         Dans sa réplique du 6 mai 2024, la recourante a indiqué persister dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La recourante sollicite préalablement son audition.

6.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

Par ailleurs, ce droit ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).

7.             En l’espèce, la recourante a eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises par écrit durant la procédure, d’exposer son point de vue et de produire tous les justificatifs qu’elle estimait utiles à l’appui de ses allégués. L’OCPM a répondu à ses écritures et la recourante a eu l’occasion de répliquer. Le dossier comporte de plus tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige, de sorte qu’il n’y a pas lieu de procéder à la comparution personnelle des parties, cet acte d’instruction, non obligatoire, ne s’avérant pas nécessaire.

8.             La recourante conteste l’application faite par l’OCPM, des critères de reconnaissance d’un cas individuel d’une extrême gravité.

9.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des personnes étrangères dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Brésil.

10.         Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte des cas individuels d’extrême gravité.

11.         L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’une telle situation, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Selon l’art. 58a al. 1 LEI, les critères d’intégration sont le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), ainsi que la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d).

12.         Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

13.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2).

14.         L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique qu’il se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/92/ 2020 du 28 janvier 2020 consid.4f).

15.         La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d’existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d’autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3).

16.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse et la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3).

17.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l’examen d’un cas d’extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l’étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d’un cas de rigueur. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée, soit une période de sept à huit ans (ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c ; ATA/200/2021 du 23 février 2021 consid. 8c ; ATA/684/2020 du 21 juillet 2020 consid. 7e; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

18.         Le Tribunal fédéral a considéré qu’on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les années passées sur le territoire suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_926/2010 du 21 juillet 2011 consid. 6.2, cf. aussi ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 consid. 6d).

19.         S’agissant de l’intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d’admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l’octroi d’un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d et les arrêts cités).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

20.         De plus, il ne faut pas non plus perdre de vue qu’il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3 ; C-7467/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

21.         Lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

22.         Il doit également être tenu compte de l’art. 3 par. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), qui impose d’accorder une importance primordiale à l’intérêt supérieur de l’enfant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2012 du 13 février 2013 consid. 4.3). Les dispositions de la CDE ne font toutefois pas de l’intérêt de l’enfant un critère exclusif, mais un élément d’appréciation, dont l’autorité doit tenir compte lorsqu’il s’agit de mettre en balance les différents intérêts en présence, étant relevé que les dispositions de cette convention ne confèrent aucune prétention directe à l’octroi d’une autorisation de séjour (ATF 139 I 315 consid. 2.4).

23.         Les enfants mineurs partagent, du point de vue du droit des étrangers, le sort des parents qui en ont la garde (arrêts du Tribunal fédéral 2C_529/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.3 ; 2C_257/2020 du 18 mai 2020 consid. 6.1). Afin de tenir compte de la situation spécifique des familles, une présence de cinq ans en Suisse doit être retenue comme valeur indicative (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 – état au 1er avril 2024 [ci-après : directives LEI], ch. 5.6.10.4). Comme pour les adultes, il y a lieu de tenir compte des effets qu’entraînerait pour les enfants un retour forcé dans leur pays d’origine. Il faut prendre en considération qu’un tel renvoi pourrait selon les circonstances équivaloir à un véritable déracinement, constitutif d’un cas personnel d’extrême gravité. Pour déterminer si tel serait le cas, il faut examiner plusieurs critères. La situation des membres de la famille ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global (ATF 123 II 125 consid. 4a ; ATA/434/2020 du 30 avril 2020 consid. 10a).

D’une manière générale, lorsqu’un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d’origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêts du TAF F-3493/2017 du 12 septembre 2019 consid. 7.7.1 ; C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l’intégration au milieu suisse s’accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l’âge de l’enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l’état d’avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l’école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L’adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b). Sous l’angle du cas de rigueur, le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, telle qu’elle est prescrite par l’art. 3 par. 1 CDE (arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; cf. aussi ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7).

24.         Dans un arrêt de principe (ATF 123 II 125), le Tribunal fédéral a mentionné plusieurs exemples de cas de rigueur en lien avec des adolescents. Ainsi, le cas de rigueur n’a pas été admis, compte tenu de toutes les circonstances, pour une famille qui comptait notamment deux adolescents de 16 et 14 ans arrivés en Suisse à, respectivement, 13 et 10 ans, et qui fréquentaient des classes d’accueil et de développement (arrêt non publié Mobulu du 17 juillet 1995 consid. 5). Le Tribunal fédéral a précisé dans ce cas qu’il fallait que la scolarité ait revêtu une certaine durée, ait atteint un certain niveau et se soit soldée par un résultat positif (ATF 123 II 125 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a admis l’exemption des mesures de limitation d’une famille dont les parents étaient remarquablement bien intégrés ; venu en Suisse à 12 ans, le fils aîné de 16 ans avait, après des difficultés initiales, surmonté les obstacles linguistiques, s’était bien adapté au système scolaire suisse et avait achevé la neuvième primaire ; arrivée en Suisse à 8 ans, la fille cadette de 12 ans s’était ajustée pour le mieux au système scolaire suisse et n’aurait pu se réadapter que difficilement à la vie quotidienne scolaire de son pays d’origine (arrêt non publié Songur du 28 novembre 1995 consid. 4c, 5d et 5e). De même, le Tribunal fédéral a admis que se trouvait dans un cas d’extrême gravité, compte tenu notamment des efforts d’intégration réalisés, une famille comprenant des adolescents de 17, 16 et 14 ans arrivés en Suisse cinq ans auparavant, scolarisés depuis quatre ans et socialement bien adaptés (arrêt Tekle du 21 novembre 1995 consid. 5b ; arrêt non publié Ndombele du 31 mars 1994 consid. 2, admettant un cas de rigueur pour une jeune femme de près de 21 ans, entrée en Suisse à 15 ans).

25.         Dans le cas d’une famille avec deux enfants dont l’aîné était âgé de 13 ans, le Tribunal fédéral a estimé que l’âge de l’aîné et l’avancement relatif de son parcours scolaire étaient des éléments de nature à compliquer sa réintégration dans son pays d’origine mais qu’ils n’étaient pas suffisants, à eux seuls, pour faire obstacle au renvoi de la famille. Il était établi que l’enfant parlait parfaitement l’espagnol et qu’il n’avait pas encore terminé sa scolarité obligatoire ; la poursuite de celle-ci dans son pays d’origine devrait donc pouvoir se faire dans des conditions satisfaisantes. À cet égard, il a considéré que sa situation n’était pas comparable à celle d’un jeune qui aurait entrepris des études ou une formation professionnelle initiale en Suisse, par exemple un apprentissage, qu’il ne pourrait pas mener à terme dans son pays d’origine » (arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4). On ne saurait toutefois en déduire, sous peine de vider de son sens l’arrêt de principe cité ci-dessus, que seuls les mineurs ayant déjà terminé leur scolarité obligatoire et ayant entamé une formation professionnelle peuvent être reconnus comme se trouvant dans un cas d’extrême gravité. Ainsi, la chambre administrative a déjà admis l’existence d’un tel cas pour un jeune de 14 ans né à Genève, vivant seul avec sa mère et n’ayant pas encore terminé sa scolarité obligatoire (ATA/163/2013 du 12 mars 2013).

26.         L'art. 8 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) peut être invoqué par un ressortissant étranger pour s'opposer à une séparation d'avec sa famille et obtenir une autorisation de séjour en Suisse à la condition qu'il entretienne des relations étroites, effectives et intactes avec un membre de celle-ci disposant d'un droit de présence assuré en Suisse, ce qui suppose que celui-ci ait la nationalité suisse ou qu'il soit au bénéfice d'une autorisation d'établissement ou d'un droit certain à une autorisation de séjour (ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1023/2016 du 11 avril 2017 consid. 5.1).

Les relations familiales qui, sous cet angle, peuvent fonder un droit à une autorisation de police des étrangers sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux, ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2018 du 5 octobre 2018 consid. 1.4).

Le Tribunal fédéral admet aussi qu’un étranger puisse, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l’art. 8 par. 1 CEDH s’il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent (hors famille nucléaire) au bénéfice d’un droit de présence assuré en Suisse (nationalité suisse ou autorisation d’établissement), par exemple en raison d’une maladie ou d’un handicap (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_71/2022 du 26 janvier 2022 consid. 4.2). Le handicap ou la maladie grave doivent nécessiter une présence, une surveillance, des soins et une attention que seuls les proches parents sont généralement susceptibles d'assumer et de prodiguer (arrêt du Tribunal fédéral 2C_614/2013 du 28 mars 2014 consid. 3.1).

Le Tribunal fédéral a reconnu l'existence d'une relation irremplaçable s'agissant de grands-parents qui avaient développé une relation forte avec les petits-enfants après qu'ils étaient venus s'en occuper en Suisse suite à la mort de leur fille. La médication et le jeune âge de l'un des petit-fils, qui était malade, nécessitaient dans ce cas une flexibilité et une disponibilité que seuls les grands-parents étaient à même d'apporter, la grand-mère ayant adopté une position de mère de substitution (arrêt 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1).

27.         Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2 ; 2C_498/2018 du 29 juin 2018 consid. 6.1). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée. Lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

Dans un arrêt récent du 3 mai 2023 (ATF 149 I 207), le Tribunal fédéral a expressément admis que la reconnaissance finale d’un droit à séjourner en Suisse issu du droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 § 1 CEDH pouvait s’imposer même sans séjour légal de dix ans, à condition toutefois que le requérant atteste d’une intégration particulièrement réussie.

28.         Selon le Tribunal administratif fédéral, l’autorité de recours prend en considération l’état de fait existant au moment où elle statue (ATAF 2014/1 consid. 2). Appliquant ce principe dans une affaire jugée le 24 mai 2022 (F-5352/2021 consid. 7.1), le Tribunal administratif fédéral a ainsi retenu que le recourant en cause, qui avait immigré en juillet 2015, séjournait en Suisse depuis près de sept ans.

29.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). L’autorité compétente dispose d’un très large pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’examen des conditions de l’art. 31 al. 1 OASA.

30.         En l’espèce, il ressort des considérants précédents que pour calculer la durée de présence en Suisse de la recourante et de ses deux enfants mineurs, il convient de se placer au moment où le tribunal de céans statue.

En l’occurrence, il est établi que la recourante réside en Suisse, à tout le moins depuis le mois de juin 2020, et que selon les attestations de parcours scolaire les concernant, ses enfants y résident depuis août 2021 respectivement août 2022, à savoir depuis quatre ans – ou si l'on retient la date alléguée par la recourante, un peu plus de quatre ans la concernant –, respectivement un peu moins de deux ans et neuf mois et moins de trois ans et neuf mois, s'agissant de ses enfants. Ainsi, les membres de la famille ne comptabilisent pas à ce jour cinq années de séjour en Suisse. Si la durée de cinq ans de présence pour l’examen d’une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur pour une famille avec enfants mineurs scolarisés est certes indicative selon les directives du SEM, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, la durée de séjour ne saurait être qualifiée de longue. En outre, elle doit être relativisée dès lors qu'il s’est déroulé dans l’illégalité puis, dès le dépôt de la demande en août 2023, moyennant une simple tolérance des autorités. Partant, la durée de séjour de la famille en Suisse ne saurait, en soi, être déterminante.

31.         La recourante ne peut pas non plus se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle particulièrement marquée. Même si elle parvient à subvenir aux besoins de sa famille, n’a jamais émargé à l’aide sociale et possède un bon niveau de français, ces éléments ne sont pas encore constitutifs d’une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Active dans le domaine des soins à la personne et même si son travail est grandement apprécié par son employeur, elle ne peut se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu’elle ne pourrait les utiliser dans sa patrie. Elle n’a pas non plus fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse. Pour le surplus, arrivée en Suisse à l’âge de 30 ans, la recourante a passé toute son enfance et son adolescence, périodes décisives pour la formation de la personnalité, ainsi qu’une partie de sa vie d’adulte et la majeure partie de son existence dans son pays d’origine. Elle en maîtrise la langue ainsi que les us et coutumes. Dans ces circonstances, sa réintégration au Brésil, où elle pourra également faire valoir les compétences professionnelles et linguistiques acquises en Suisse, ne parait pas gravement compromise en soi, étant relevé qu’elle est encore jeune et en bonne santé. En tout état, rien n’indique que les difficultés auxquelles elle pourrait faire face en cas de retour dans son pays seraient plus lourdes que celles que rencontrent d’autres compatriotes contraints de retourner dans leur pays d’origine au terme d’un séjour régulier en Suisse, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que la recourante n’a pas établi. Il faut enfin rappeler que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Ainsi, au vu de son statut précaire en Suisse, la recourante ne pouvait à aucun moment ignorer qu’elle risquait d’être renvoyée dans son pays d’origine.

32.         S’agissant des enfants, ils sont nés au Brésil, où ils ont vécu jusqu’à l’âge de 14 ans pour B______ et de 10 ans pour C______.

La cadette, âgée désormais de 13 ans, a été scolarisée à Genève en septembre 2021, d'abord partiellement dans des classes d'accueil puis, durant l'année scolaire 2023-2024, dans une classe ordinaire. Elle n’a ainsi pas encore atteint un degré scolaire particulièrement élevé et son intégration scolaire et sociale ne témoigne pas d'une ascension remarquable. Les connaissances qu’elle a acquises sont avant tout d’ordre général et lui seront donc profitables pour la suite de sa scolarité ailleurs qu’en Suisse. Par ailleurs, venant tout juste d’entamer la période de l’adolescence, on ne saurait traiter sa situation de la même manière que les enfants ayant vécu toute leur adolescence dans le pays et qui peuvent ainsi se prévaloir d’une intégration sociale accrue pour ce motif. Si son retour au Brésil nécessitera de sa part un effort d’adaptation, dont l’importance ne saurait être sous-estimée, il ne faut pas perdre de vue qu’elle sera accompagnée de sa famille. Sa réintégration dans son pays d’origine, où elle vécue la majeure partie de sa vie et effectué le début de sa scolarité, paraît ainsi possible.

Ces considérations valent également pour B______, âgé de 17 ans, lequel a été scolarisé à Genève en septembre 2022 et fréquente actuellement une classe d'insertion (ACCES). Son intégration scolaire et sociale ne témoigne pas d'une ascension remarquable. Quoi qu’il en soit, les deux ans dans le système scolaire genevois, en particulier en classe d’insertion, ne permettent pas de retenir que le jeune homme se serait d’ores et déjà engagé dans une formation professionnelle. Si son retour au Brésil nécessitera pour lui aussi un effort d’adaptation, dont l’importance ne saurait être sous-estimée, il ne faut pas perdre de vue qu’il sera accompagnée de sa famille, et qu'il y a vécu toute sa vie d'enfant comportant également le début de son adolescence. Sa réintégration dans son pays d’origine, où il a vécu la majeure partie de sa vie et effectué le début de sa scolarité, paraît ainsi possible.

33.         La recourante tente en vain de se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH au motif qu'elle aurait créé un lien de proche-aidant avec la mère de son employeur. Or, cette disposition ne saurait être invoquée aux fins de préserver un lien résultant d'une relation contractuelle de travail avec la mère de son employeur, laquelle ne fait assurément pas partie de sa famille.

Par ailleurs, vu l'analyse effectuée précédemment, notamment le manque d’intégration accrue et l’absence de dix ans de séjour effectué légalement sur le territoire, la recourante ne peut pas non plus se prévaloir de la protection de sa vie privée.

Le grief de violation de l’art. 8 CEDH sera par conséquent écarté.

34.         Au vu de l'ensemble des circonstances, il apparaît que l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation en rejetant la requête de la recourante. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

35.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

36.         En l’occurrence, au vu de l’absence de délivrance de titre de séjour, c’est à juste titre que l’autorité intimée, qui ne dispose d’aucune latitude de jugement à cet égard, a ordonné le renvoi de Suisse de la recourante et de ses enfants.

Quant à l’exécution de ce renvoi, aucun élément au dossier ne laisse supposer que celle-ci ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

37.         Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

38.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

39.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 12 février 2024 par Madame A______, agissant en son nom et celui de ses enfants mineurs, B______ et C______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 11 janvier 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière