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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/308/2024

JTAPI/102/2024 du 07.02.2024 ( MC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : INTERDICTION DE PÉNÉTRER DANS UNE ZONE
Normes : LEI.74
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/308/2024 MC

JTAPI/102/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 février 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Arnaud MOUTINOT, avocat, avec élection de domicile

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


EN FAIT

1.            Monsieur A______, né le ______ 1983, est ressortissant de Gambie

2.            Le 18 janvier 2024, il a été arrêté par les services de police genevois, dans un immeuble sis rue ______[GE], après perquisition de l'appartement qu'il occupait avec deux autres compatriotes et après que les policiers y aient découvert une quantité importante de marijuana (soit 937 grammes), un doigt de cocaïne de 11 grammes et la somme de CHF 3'840.-.

Lors de son audition, M. A______ a en substance reconnu se livrer au trafic de marijuana exclusivement et pour le compte d’un tiers. Il se trouvait en Suisse depuis une semaine environ, pays où il n’avait aucune attache. Il habitait en Italie normalement et étudiait dans ce pays. Il vivait à Annemasse depuis environ un mois et venait à Genève en fin de semaine pour vendre de la drogue.

3.            Prévenu d’infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), M. A______ a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

4.            Le 19 janvier 2024, après avoir été entendu par le Ministère public et condamné par ce dernier pour, notamment, trafic de stupéfiants, l’intéressé a été remis en mains des services de police.

5.            Le 19 janvier 2024, à 15h10, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès au canton de Genève) pour une durée de douze mois.

6.            M. A______ a, sous la plume de son conseil, formé opposition contre cette décision par courrier du 29 janvier 2024 adressé au Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal).

7.            Lors de l'audience de ce jour, M. A______ a confirmé les déclarations faites lors de son audition le 18 janvier 2024, à savoir qu'il habitait en Italie, où il étudiait, qu'il vivait à Annemasse depuis environ un mois et qu'il venait à Genève en fin de semaine pour y vendre de la drogue.

Il souhaitait respecter la mesure et retourner étudier en Italie. Il trouvait toutefois cette mesure trop longue. Il souhaitait pouvoir revenir à Genève avant une année, car c'était un canton intéressant pour la pratique médicale et il souhaitait éventuellement pouvoir y poursuivre ses études. Il étudiait actuellement dans un établissement d'études supérieures. Il lui restait trois ans d'études, afin d'obtenir son diplôme. Cet établissement s'appelait « B______ ». Il y étudiait notamment la médecine, l'histoire, les mathématiques, la géographie et la technologie informatique. Il ne savait pas s'il avait fait opposition à l'ordonnance pénale. Il entendait en tout état respecter les décisions prises à son encontre.

Son conseil a versé à la procédure l'opposition formée le 29 janvier 2024 à l'encontre de l'ordonnance pénale du 19 janvier 2024. Il a conclu à l'annulation de la mesure d'interdiction. Subsidiairement, il s'en rapportait à justice quant au principe du prononcé d'une telle mesure, laquelle devrait en tout état être limitée à six mois et au centre-ville de Genève.

La représentante du commissaire de police a conclu au rejet de l'opposition et à la confirmation de la mesure tant dans sa durée que son étendue géographique.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.

3.             Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.

4.             Selon l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée notamment lorsque l'étranger n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics (let. a). Cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants, en particulier à éloigner les personnes qui sont en contact répété avec le milieu de la drogue des lieux où se pratique le commerce de stupéfiants (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.1 ; 2C_570/2016 du 30 juin 2016 consid. 5.1).

5.             De son côté, l'art. 6 al. 3 LaLEtr précise que l'étranger peut être contraint à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

6.             Les mesures prévues par l'art. 74 al. 1 LEI visent à prévenir les atteintes à la sécurité et à l'ordre publics, plutôt qu'à sanctionner un comportement déterminé
(cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2a).

7.             D'après la jurisprudence, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie même une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1 ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 2.2). En outre, de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2A.148/2003 du 30 mai 2003 consid. 3.3). Les étrangers qui sont mêlés au commerce des stupéfiants doivent s'attendre à faire l'objet de mesures d'éloignement, la protection de la collectivité publique face au développement du marché de la drogue présentant incontestablement un intérêt public prépondérant justifiant l'éloignement d'un étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_530/2007 du 21 novembre 2007 consid. 5).

8.             Même si la simple présence en des lieux où se pratique le commerce de la drogue ne suffit pas à fonder un soupçon de menace à l'ordre et à la sécurité publics, tel est le cas lorsque la personne concernée est en contact répété avec le milieu de la drogue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1).

9.             Le Tribunal fédéral a du reste confirmé une telle mesure visant un recourant qui avait essentiellement été condamné pour de simples contraventions à la LStup (arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.3 ; cf. aussi ATA/45/2014 du 27 janvier 2014).

10.         A l'instar de l'art. 13e aLSEE, l'art. 74 al. 1 LEI constitue par ailleurs une clause générale permettant de prendre des mesures également à l'encontre d'étrangers qui ont gravement violé les prescriptions de police des étrangers qui tendent à garantir l'ordre public en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3a et la référence citée cum FF 2002 3469, 3570).

11.         Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst.- RS 101) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4), lequel se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/3019/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction d'un droit fondamental, en l'occurrence la liberté de mouvement, doit être apte à atteindre le but visé, ce qui ne peut être obtenu par une mesure moins incisive. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public
(ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4 : arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1).

Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent ainsi être nécessaires et suffisantes pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés ; les moyens doivent être proportionnés au but poursuivi, au regard notamment de la délimitation géographique et de la durée de la mesure (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2002 consid. 2c).

Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles ; elles ne peuvent en outre pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c). Cela étant, le périmètre d'interdiction peut inclure l'ensemble du territoire d'une ville (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2 ; 2A.647/2006 du 12 février 2007 consid. 3.3 pour les villes d'Olten et de Soleure ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 4.2 pour la ville de Berne).

Les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle, le seuil pour ordonner les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée n'a pas été placé très haut. Pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics, il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police. Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue suffisent, de même que la violation grossière des règles classiques de la cohabitation sociale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 et la référence citée ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2b et les références citées ; ATA/45/2014 du 27 janvier 2014 ; ATA/778/2012 du 14 novembre 2012).

12.         La jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) et la pratique du commissaire de police fluctuent s’agissant des durées d’interdiction admises sous l’angle de la proportionnalité, respectivement prononcées.

En 2023, la chambre administrative a ainsi confirmé un jugement du tribunal réduisant de douze à neuf mois la durée d'interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire cantonal prononcée à l'encontre d'une personne condamnée à une reprise pour vol, utilisation frauduleuse d'un ordinateur et infractions contre la LEI (ATA/5/2023 du 10 janvier 2023) ; un jugement du tribunal réduisant de vingt-quatre à douze mois la durée d'interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire cantonal prononcée à l'encontre d'une personne condamnée à neuf reprises en Suisse entre avril 2020 et janvier 2023, notamment pour vol et recel, vol, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, ainsi que lésions corporelles simples (ATA/105/2023 du 31 janvier 2023) ; un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de six mois prononcés contre une personne condamnée une première fois pour infractions contre la LEI puis une seconde fois pour délit et contravention contre la LStup (ATA/133/2023 du 8 février 2023) ; un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de dix-huit mois prononcée contre une personne ayant fait l'objet d'une précédente interdiction cantonale d'une durée de douze mois, puis de deux condamnations pénales pour violation de cette injonction, d'une troisième pour contravention contre la LStup et enfin d'une quatrième pour utilisation frauduleuse ordinateur et délit contre la LStup (ATA/152/2023 du 14 février 2023) ; un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de douze mois prononcée contre une personne condamnée pénalement une première fois pour délit contre la LStup et ayant fait l'objet suite à cette condamnation d'une interdiction cantonale d'une durée de six mois, puis condamnée une deuxième fois pour la violation de cette interdiction et une troisième fois pour délit contre la LStup (ATA/251/2023 du 14 mars 2023) ; un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de dix-huit mois prononcée contre une personne condamnée à 12 reprises entre 2013 et 2022, essentiellement pour des vols et des infractions contre la LEI (ATA/607/2023 du 8 juin 2023) ; un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction de périmètre prononcée pour une durée de six mois contre une personne condamnée à une reprise notamment pour délits et contraventions contre la LStup (ATA/1003/2023 du 14 septembre 2023) ; un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction de périmètre prononcée pour une durée de douze mois contre une personne condamnée à cinq reprises, notamment pour délit contre la LStup (ATA/1263/2023 du 23 novembre 2023) ; un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction de périmètre prononcée pour une durée de douze mois contre une personne extra-européenne titulaire d'un titre de séjour espagnol, condamnée à cinq reprises depuis 2015, notamment pour exercice illicite de la prostitution et délits contre la LStup, sans attache à Genève (ATA/1264/2023 du 23 novembre 2023).

Elle a en revanche annulé un jugement du tribunal réduisant de douze à six mois une interdiction cantonale prononcée contre une personne condamnée une première fois notamment pour délit contre la LStup, et contre laquelle était en cours une seconde procédure pénale l'impliquant dans un trafic de drogue (ATA/337/2023 du 31 mars 2023) ; un jugement du tribunal réduisant de vingt-quatre à dix-huit mois une interdiction de périmètre prononcée à l'encontre d'une personne qui avait fait l'objet de 11 condamnations pénales depuis 2019, notamment pour des infractions à la LStup, ainsi que tu ne précédentes décision d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de 12 mois (ATA/609/2023 du 9 juin 2023) ; un jugement du tribunal confirmant une interdiction de périmètre de six mois prononcée à l'encontre d'une ressortissante française qui avait volé différentes marchandises pour une valeur d'environ CHF 1'150.-, prononçant à la place un avertissement, au motif que l'interdiction de périmètre restreignait excessivement ses possibilités de recherche d'emploi dans le canton de Genève (ATA/709/2023 du 29 juin 2023) ; un jugement du tribunal prononçant un avertissement au lieu de l'interdiction de périmètre prononcée par le Commissaire de police pour une durée de douze mois à l'encontre d'une personne arrêtée et condamnée pour le vol de deux parfums d'une valeur totale de CHF 330.-, sans attache à Genève (ATA/1319/2023 du 8 décembre 2023).

Il résulte de cette revue de la jurisprudence que certains cas de très peu de gravité, c'est-à-dire n'impliquant qu'une seule condamnation pour un vol d'importance relative ou pour le trafic de quelques grammes de drogues dures, font l'objet, de la part du commissaire de police, d'interdictions territoriales pour une durée de six mois, tandis que le même type de situation peut parfois faire l'objet d'interdictions territoriales pour une durée de douze mois. Des cas plus graves, impliquant deux ou trois, voire plusieurs condamnations pénales, ainsi que des situations dans lesquelles des interdictions territoriales avaient déjà été prononcées une première fois (et dans certains cas violées) ont, quant à eux, fait parfois l'objet d'interdictions territoriales pour des durées de douze à dix-huit mois, et non pas systématiquement pour des durées de vingt-quatre mois.

13.         En l'espèce, M. A______ n'est pas au bénéfice d'une autorisation de courte durée (art. 32 LEI), de séjour (art. 33 LEI) ou d'établissement (art. 34 LEI), ce qui n'est pas contesté.

Le 19 janvier 2024, après avoir été entendu par le Ministère public, il a été condamné pour, notamment, trafic de stupéfiants. Même si cette condamnation n’est pas définitive puisqu'elle est frappée d’opposition, il ressort de l’audition de l’intéressé dans ce cadre qu’il a reconnu se livrer au trafic de marijuana exclusivement et pour le compte d’un tiers. Il se trouvait en Suisse depuis une semaine environ, pays où il n’avait aucune attache, dès lors qu’il habitait et étudiait en Italie. Il vivait à Annemasse depuis environ 1 mois et venait à Genève en fin de semaine pour y vendre de la drogue.

Partant, au vu des éléments du dossier, M. A______ peut effectivement être perçu comme une menace pour l'ordre et la sécurité publics et il apparaît clairement, notamment eu égard à sa situation économique assurément précaire qu'il pourrait encore commettre des infractions de même nature que celles pour lesquelles il a été condamné s'il était autorisé à continuer à pouvoir se rendre à Genève.

Les conditions légales d'une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée au sens de l'art. 74 LEI sont donc réunies, cette mesure étant par conséquent, en l'espèce, fondée dans son principe.

14.         M. A______ remet en cause le périmètre de la mesure ainsi que sa durée, qu’il estime excessifs.

S’agissant du périmètre d'interdiction, étendu à l'ensemble du canton de Genève, force est de considérer qu’il ne constitue pas un usage excessif du pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée. Compte tenu des faits qui sont reprochés à M. A______, une interdiction de pénétrer limitée au centre-ville, lieu notoire du trafic de stupéfiants selon la jurisprudence (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2), serait en effet insuffisante au vu du but poursuivi par l'art. 74 LEI, qui vise notamment à combattre le trafic de stupéfiants et à éloigner les trafiquants et consommateurs des lieux où celui-ci se pratique (dans ce sens, cf. not. ATA/199/2017 du 16 févier 2017 ; JTAPI/1381/2016 et JTAPI/1380/2016 du 26 décembre 2016).

En ce qui concerne la durée de la mesure, il doit être constaté que l’intéressé n’a fait l’objet jusqu'ici que d'une seule condamnation pénale en Suisse pour, notamment, infraction à l’art. 19 al.1 let. c et d LStup. Si son trafic ne porte certes pas sur de la drogue dure, les quantités de marijuana et haschich détenues par l’intéressé ne sont pas négligeables. Sa situation se distingue ainsi de celle des ATA/1003/2023 et ATA/133/2023 précités où des mesures d’interdiction de six mois ont été prononcées pour de très faibles quantités de drogues douces mais également de celle de l’ATA/337/2023 où une mesure de douze mois a été prononcée à l’encontre d’une personne faisant l’objet de deux condamnations pour trafic de stupéfiants, dont l’une pour drogue dure. L’on relèvera encore que M. A______ a admis devant la police n’être venu en Suisse que pour s’adonner au trafic de stupéfiants et que les motifs avancés devant le tribunal pour justifier la réduction de la durée de la mesure n’emportent pas conviction. Il ressort de ses déclarations que ses attaches se situent actuellement et pour les années à venir essentiellement en Italie. Au vu de l’ensemble de ces circonstances, le tribunal retiendra donc que le commissaire de police pouvait prononcer une mesure d’interdiction de plus de six mois. Une durée de douze mois apparait en revanche disproportionnée s’agissant d’une première mesure, au regard des circonstances du cas d’espèce et de la jurisprudence rappelée ci-dessus.

15.         Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise à l'encontre de M. A______ mais pour une durée de neuf mois.

16.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

17.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 29 janvier 2024 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 19 janvier 2024 pour une durée de douze mois ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 29 janvier 2024 à l'encontre de Monsieur A______, mais la réduit à neuf mois ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier