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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1806/2023

JTAPI/60/2024 du 25.01.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : INTÉRÊT ACTUEL;EXCEPTION(DÉROGATION);POUVOIR D'APPRÉCIATION;PROPORTIONNALITÉ;ZONE DE PROTECTION DES EAUX;LAC;PROTECTION CONTRE LE BRUIT
Normes : LPA.60; LEaux-GE.15; OEaux.41; LPRLac.1; LPRLac.13; LCI.14; LCI.109; LAT.24; LaLAT.24; OHyg; LPMNS.47; OROEM; LChP; RaCIIS.6; RaCIIS.12; LChP
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1806/2023 LCI

JTAPI/60/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 janvier 2024

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

B______ SÀRL Sàrl, représentée par Me Bruno MEGEVAND, avocat, avec élection de domicile

 


EN FAIT

1.                  B______ SÀRL (ci-après : B______), inscrite au registre du commerce depuis le ______ 2015, est active, notamment, dans l'exploitation de restaurants et bars et dans l'organisation d'évènements et de spectacles. Elle a pour associé gérant président, avec signature individuelle, Monsieur C______.

Elle exploite, à l'enseigne « D______ » (ci-après : D______), un établissement saisonnier installé durant la période estivale sur la parcelle n° 1______ de la commune de A______ (ci-après : la commune), sis ______[GE], propriété de l'État de Genève.

Cette parcelle est située en zone de verdure avec mention « équipements sportifs », selon le plan 2______ adopté le 12 septembre 1985 par le Grand Conseil. Elle est en partie située dans le périmètre de protection instauré par la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPRLac - L 4 10).

La zone dite événementielle de E______ a été mise à disposition de l’établissement D______, depuis juin 2013 par l’Association de E______ (ci-après : E______), gérante des installations du site. Aucune exploitation de l’établissement n’a eu lieu en 2020 en raison du Covid-19 et, après une procédure de mise au concours pour l’exploitation du site pour les saison estivales 2021 à 2024 par l’E______, le contrat d’exploitation pour cette période a été attribué à B______ pour les quatre saisons.

2.                  En vue de l’exploitation des lieux pour la saison estivale 2022, B______ avait déposé, le 28 février 2022, une demande d'autorisation de construire DD 3______portant sur l'installation provisoire d'un café-restaurant et terrasse sur la parcelle précitée, du 1er mai au 30 septembre 2022. La surface brute de plancher projetée était de 1'173 m2 pour l’accueil potentiel de 1'000 personnes. Le projet était constitué d’un bar extérieur avec terrasse, partiellement fermée, mais ouverte face au lac.

3.                  Le 9 mai 2022, au terme de l'instruction, le département du territoire (ci-après : DT) a délivré l’autorisation de construire DD 3______pour une durée de quatre mois.

4.                  La commune a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant principalement à son annulation.

5.                  Par jugement du 8 décembre 2022, le Tribunal a rejeté le recours (JTAPI/4______ rendu dans la cause A/5______).

Par arrêt du 9 août 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours formé par la commune contre ce jugement (ATA/6______), un recours déposé par cette dernière étant actuellement pendant par-devant le Tribunal fédéral.

6.                  Le 20 janvier 2023, B______ a déposé une requête en autorisation de construire pour l'installation provisoire d'un café-restaurant et terrasses sur la parcelle n° 1______ précitée pour une durée de cinq mois, dont le projet est similaire à celui traité par la chambre administrative.

7.                  Dans le cadre de l’instruction de la requête, les préavis suivants ont notamment été délivrés :

- le 25 janvier 2023, préavis favorable de l'office de l'urbanisme (ci-après : OU), sous conditions ;

- le 30 janvier 2023, préavis favorable du service de la consommation et affaires vétérinaires (ci-après : SCAV), sous conditions ;

- le 30 janvier 2023, préavis favorable du service des monuments et de sites (ci-après : SMS), à la dérogation selon les art. 15 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L 2 05) et 15 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), se référant au préavis rendu par la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) du 28 mars 2022 rendu dans l'autorisation de construire DD 3______en tant que le projet était quasi identique à celui de l'année précédente ;

- le 31 janvier 2023, préavis de la police du feu demandant la modification du projet, notamment l'élargissement des sorties de secours et de la rampe et de montrer comment les sorties de secours seraient traitées lorsque toutes les façades vitrées seraient fermés ;

- le 2 février 2023, préavis favorable de la commission d'urbanisme (ci-après : CU), sous conditions que l'autorisation ne soit pas reconduite en 2024 et d'élaborer à la place un projet pour les années à venir qui s'intègre au caractère exceptionnel de la Rade ;

- le 13 février 2023, préavis favorable de la Commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCDB) ;

- le 16 février 2023, préavis défavorable de la commune de A______ ;

- le 16 février 2023, préavis favorable de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) à la dérogation à l'art. 13 LPRLac ;

- le 28 février 2023, préavis favorable du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA), sous conditions notamment que l'établissement ne soit pas sonorisé après 22h00 ;

- le 17 mars 2023, préavis favorable de l'office cantonal de l'eau (ci-après : OCEau), sous conditions, avec dérogations aux art. 15 al. 3 let. a LEaux-GE et 41c al. 1 de l'ordonnance sur la protection des eaux du 28 octobre 1998 (OEaux - RS 814.201);

- le 11 avril 2023, suite à la nouvelle version du projet (n° 2) présentée le 29 mars 2023, préavis favorable de la DAC, avec dérogations ;

- le 19 avril 2023, préavis favorable de la police du feu, sous conditions.

8.                  Par décision du 17 mai 2023, le DT a délivré l'autorisation sollicitée.

9.                  Par acte du 26 mai 2023, la commune a recouru contre cette décision auprès du tribunal de céans, concluant principalement à son annulation. Sur mesures superprovisionnelles ainsi que provisionnelles, l'arrêt immédiat du chantier relatif à l'autorisation de construire devait être ordonné et il devait être interdit à B______ de poursuivre le chantier jusqu'à droit connu sur le recours, le tout sous la menace des peines prévues à l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

10.              Par deux décisions rendues le 30 mai 2023, le tribunal a rejeté les demandes de mesures superprovisionnelles formées par la commune.

11.              En date des 8 juin, respectivement 9 juin 2023, les parties intimées se sont déterminées sur la demande de mesures provisionnelles.

12.              Le 16 juin 2023, la commune a complété son recours en précisant que sa demande de mesures provisionnelles était devenue sans objet.

L'instruction du dossier était lacunaire. La version n° 2 des plans présentée à la Police du feu n'avait pas été soumise aux autres instances de préavis, en particulier le SMS et le SABRA. Plus grave encore, la CMNS n'avait pas été consultée alors qu'au moins trois lois rendaient sa consultation obligatoire. La décision était également contradictoire avec les préavis émis, la décision querellée faisant expressément référence à la version n° 2 des plans alors que les plans visés correspondaient à la première version. Le projet autorisé en 2022 était soumis à la condition expresse de la CU que l'autorisation ne fût pas reconduite en 2023 et qu'il fallait élaborer un projet s'intégrant au site exceptionnel de la Rade. Or cette condition n'avait pas été respectée puisque le projet était similaire et toujours provisoire. De manière incompréhensible, la CU avait simplement repris les termes de son précédent préavis et en avait changé la date (2024). Enfin, l'office fédéral de l'environnement n'avait pas été consulté alors que le DT en avait l'obligation vu l'impact des nuisances sur la zone de réserve naturelle d'importance nationale à proximité du projet.

L’ordonnance sur les réserves d’oiseaux d’eau et de migrateurs d’importance internationale et nationale du 21 janvier 1991 (OROEM - RS 922.32) et la loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages du 20 juin 1986 (LChP - RS 922.0) avaient été violés. En l'absence de consultation de la CMNS, les art. 15 LEaux-GE, 13 LPRLac et 5 du règlement d’application de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 mars 2023 (RPMNS - L 4 05.01) avaient également été violés. Dans la pesée des intérêts, l'éventuel intérêt de la population à disposer d'un bar-restaurant provisoire devait céder le pas face à l'intérêt public du respect des particularités de cette zone de verdure, destinée à la pratique des activités nautiques, et à proximité d'une réserve naturelle. Les conditions d'une dérogation n'étaient ainsi manifestement pas remplies.

La décision querellée violait par ailleurs les normes sur le bruit et le principe de prévention. Le préavis du SABRA s'inscrivait en totale contradiction avec son préavis de 2022 et avec les documents figurant dans l'autorisation de construire, respectivement son préavis reposait sur des documents qui ne présentaient en aucun cas la réalité des nuisances sonores. A cela s'ajoutait qu'il n'avait pas pris en compte le bruit généré par la clientèle. Le SABRA n'avait pas non plus examiné si le principe de prévention était respecté.

Seuls trois WC étaient prévus, sans aucune séparation « hommes et femmes » ni urinoirs, en violation des art. 142 ss RCI. Or en l'absence de lieux d'aisance en nombre suffisants, la commune recourante courait le risque que la clientèle de l'établissement souille son espace public et le site de la Rade, et également d'importuner les utilisateurs des espaces publics. La décision querellée consacrait également une violation des art. 12 et 6 al. 1 et 2 du Règlement d'exécution de la convention intercantonale relative aux institutions sociales du 6 février 2008 (RaCIIS - K 1 37.01).

Le projet n'était par ailleurs pas conforme à la zone et violait l'art. 24 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) en tant qu'il ne visait nullement une activité sportive, ni ne facilitait l'accès au lac auxdites activités. Il ne pouvait pas non plus être considéré comme une destination de délassement ou une construction d'intérêt publique dont l'emplacement serait imposé par sa destination.

Enfin, la recourante a fait valoir une violation des art. 14 LCI et 4 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) en tant que l'établissement ne répondait pas aux conditions de sécurité et de salubrité et en raison de l'existence de nuisances sonores graves pour le voisinage.

13.              Dans sa réponse du 21 août 2023, B______ a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Toutes les instances de préavis avaient été consultées, comme chaque année, pour préaviser ce dossier. Cette année, la CU avait émis un préavis favorable contrairement à l'année dernière, une mise en service et un permis d'occuper avaient été délivrés suite à une visite minutieuse des services de l'Etat in situ ainsi qu'à divers échanges. Les arguments de la recourante étaient les mêmes que l'année dernière et ne reflétaient pas la réalité de l'instruction de cette DD. L'élément nouveau relatif à une réserve naturelle n'avait aucun lien avec le projet et rien ne s'opposait ainsi à l'installation de cette structure qui, cette année, fêtait ses dix ans.

L'implantation de cette installation était bien imposée par les circonstances et la dérogation à l'art. 24 LAT était conforme au droit. Le grief relatif à l'art. 145 al. 2 a contrario LCI était irrecevable et s'agissant de l'art. 14 LCI, la recourante voulait surseoir aux préavis rendus par les instances compétentes en matière de sécurité et de salubrité.

14.              Dans ses observations du 31 juillet 2023, le DT a conclu au rejet du recours.

La recourante n'expliquait pas en quoi les modifications apportées, à la demande de la police du feu pour la sécurité incendie, auraient dû faire l'objet d'une analyse des autres instances. Elle n'expliquait pas non plus en quoi les légères modifications apportées au présent projet par rapport à celui de 2022 nécessiteraient impérativement de consulter à nouveau la CMNS, ni pourquoi l'art. 47 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) ne serait pas applicable au cas particulier.

L'incohérence existant effectivement dans la version de quatre plans visés ne varietur ne prêtait toutefois pas à conséquence puisque le contenu de l'autorisation de construire primait sur les plans visés ne varietur, comme elle le spécifiait d'ailleurs, et qu'en réalité sur ces plans, seule la dimension de la rampe PMR était erronée alors que celle correcte résultait d'une exigence expresse de la Police du feu. Enfin, l'on ne discernait pas en quoi une instance - en l'occurrence la CU - ne pourrait pas modifier son avis et surtout en quoi cela serait constitutif d'une violation de la loi.

Le grief de la violation de l'OROEM et de la LChP était dénué de pertinence puisque l'installation n'était pas située dans la zone régie par l'ordonnance que la recourante invoquait. Elle ne pouvait rien tirer non plus du silence des instances de préavis à ce sujet puisque, de jurisprudence constante, le fait de ne pas mentionner un aspect particulier ne saurait être interprété comme ignoré.

La SMS avait repris les motivations qui avaient amené la CMNS à se prononcer favorablement à la dérogation prévue à l'art. 15 al. 3 LEaux dans son préavis du 28 mars 2022, émis pour le précédent projet. Le café-restaurant litigieux revêtait par ailleurs indéniablement un intérêt public, le caractère provisoire de l'installation n'étant pas de nature à relativiser cet intérêt public ou le besoin de la population. Ce raisonnement valait mutatis mutandis s'agissant des art. 41c al. 1 OEaux et 13 LPRlac.

L'autorité intimée ne distinguait guère dans le développement de la recourante en quoi le préavis de l'instance spécialisée sur la sonorisation violerait l'OPB et le SABRA avait soumis la mise en œuvre de la sonorisation à diverses conditions préalables nécessaires à garantir le respect des prescriptions en la matière.

Le nombre de WC était conforme à l'art. 142 RCI et l'indication de la séparation hommes-femmes, pour autant qu'elle fût encore d'actualité, n'était pas nécessaire à ce stade et à cette échelle des plans. S'agissant d'une installation provisoire, le département n'avait pas estimé que la présence d'urinoirs était nécessaire (art. 156 RCI).

L'art. 6 al. 1 RACI prévoyait de pouvoir déroger au pourcentage fixé et la pente, de 6.75%, se situait nettement plus près du pourcentage ordinaire que de celui dérogatoire. Quant à la largeur de la rampe, elle respectait la largeur d'1.20 m comme exigé par le premier préavis de la Police du feu et prévu par la version 2 du projet et les plans y relatifs du 29 mars 2023. Enfin, le projet litigieux était en réalité conforme à la zone.

15.              Les parties ont déposé un second échange d'écritures, respectivement en date des 6 septembre 2023, 26 septembre 2023, et 29 septembre 2023,

16.              En date du 12 décembre 2023, le tribunal a proposé la suspension de la procédure, l'installation litigieuse ayant été démontée en septembre 2023 et l'arrêt du Tribunal fédéral qui devrait être rendu semblant à même de trancher définitivement les griefs de la recourante, ce qui serait susceptible de rendre sans objet la présente cause.

Dans sa réponse du 21 décembre 2023, la recourante s'y est fermement opposée, faisant valoir que le présent projet était différent de celui présenté dans l'autorisation de construire de 2022 et que les griefs étaient en partie différents, de sorte que le présent litige n'allait pas devenir sans objet suite à l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral.

17.              Le détail des arguments des parties et des pièces à la procédure seront repris en tant que de besoin dans la partie « en droit ».

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             A teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/905/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3b; ATA/186/2019 du 26 février 2019 consid. 3 ; ATA/1159/2018 du 30 octobre 2018 consid. 4a).

4.             Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel (ATF 138 II 42 consid. 1). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2). Si l'intérêt actuel fait défaut lors du dépôt du recours, ce dernier est déclaré irrecevable (ATF 139 I 206 consid. 1.1) ; s'il s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 137 I 23 consid. 1.3.1).

Il n'est qu'exceptionnellement fait abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de la portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 142 I 143 consid. 1.3.1 et les références citées ; ATA/905/2022 précité consid. 3d).

5.             On pourrait se poser la question ici de l'intérêt actuel au recours puisque l'installation litigieuse a déjà été démontée et que malgré le fait que le tribunal de céans avait rendu un jugement de principe le 8 décembre 2022 concernant la précédente autorisation de construire du 9 mai 2022, la commune de A______ a de nouveau recouru contre la nouvelle autorisation de construire délivrée le 17 mai 2023 ; de plus, il semble plus que probable qu'elle recourra également contre celle qui sera rendue en 2024 si elle consistait en la délivrance d'une nouvelle autorisation de construire.

Toutefois, cette question souffrira de rester indécise au vu des considérants qui suivent.

6.             La recourante estime en premier lieu que l'instruction du dossier est lacunaire. La version n° 2 des plans présentée à la Police du feu n'avait pas été soumise aux autres instances de préavis, en particulier le SMS qui accordait une grande importance à l'esthétique et à l'intégration au site, qualifié d'exceptionnel, alors même que la façade face au lac avait été entièrement modifiée (« façade vitrée » devenue « bâches plastiques souples transparentes avec fermeture éclair »). Il en allait de même du SABRA. Plus grave encore, la CMNS n'avait pas été consultée alors qu'au moins trois lois rendaient sa consultation obligatoire. La décision était également contradictoire avec les préavis émis, la décision querellée faisant expressément référence à la version n° 2 des plans alors que les plans visés correspondaient à la première version. Outre l'incohérence flagrante entre les préavis et les plans, vu les éléments relevés par la Police du feu dans ses préavis, il existait un risque sérieux en cas d'incendie nécessitant une évacuation rapide de la clientèle par cette façade indiquée comme "sortie de secours". A noter également que le projet autorisé en 2022 était soumis à la condition expresse de la CU que l'autorisation ne fût pas reconduite en 2023 et qu'il fallait élaborer un projet s'intégrant au site exceptionnel de la Rade. Or cette condition n'avait pas été respectée puisque le projet était similaire et toujours provisoire. De manière incompréhensible, la CU avait simplement repris les termes de son précédent préavis et en avait changé la date (2024). Enfin, l'office fédéral de l'environnement n'avait pas été consulté alors que le DT en avait l'obligation vu l'impact des nuisances sur la zone de réserve naturelle d'importance nationale à proximité du projet.

7.             A l'instar du DT, on ne voit pas en quoi les modifications apportées, à la demande de la police du feu pour la sécurité incendie, auraient dû faire l'objet d'une analyse des autres instances, notamment du SMS qui, dans son préavis du 30 janvier 2023, n'a exprimé aucune exigence pour la matérialité des façades - que la vue 3D ne définit pas non plus -, ni pour les bâches. Il en va de même du SABRA pour qui l'existence ou non d'une façade côté lac, quelle que soit sa matérialité, est dépourvue de pertinence en matière de respect de l'OPB. Preuve en est encore que, comme cela sera développé ci-après, la recourante n'a pas pu démontrer que l'installation litigieuse, qui a bien été érigée durant l'été 2023, aurait occasionné des nuisances sonores.

8.             Selon l'art. 47 LPMNS, la commission des monuments, de la nature et des sites est consultative. Elle donne son préavis sur tous les objets qui, en raison de la matière, sont de son ressort. Elle se prononce en principe une seule fois sur chaque demande d’autorisation, les éventuels préavis complémentaires étant donnés par l’office du patrimoine et des sites par délégation de la commission.

Or la CMNS a déjà rendu un préavis lors du précédent projet soumis pour l'été 2022, soit le 28 mars 2022, et le préavis favorable du SMS du 30 janvier 2023 se réfère expressément au préavis de la CMNS du 28 mars 2022 rendu dans l'autorisation de construire DD 3______en motivant sa position par le fait que « le projet est quasi identique à celui de l'année précédente ». Contrairement à ce que soutient la recourante dans sa réplique, les légères modifications apportées à la construction litigieuse ne nécessitaient manifestement pas de consulter la CMNS à nouveau. Aussi, ce grief doit également être rejeté.

Si la décision querellée fait effectivement référence à la version n° 2 des plans alors que les plans visés (plan de la cuisine/plan d'ensemble/plan de la terrasse couverte /plan de la terrasse non couverte) correspondaient à la première version, on ne voit pas en quoi cela prête à conséquence, la recourante n'en tirant d'ailleurs aucune conclusion, étant précisé encore que le contenu de l'autorisation de construire prime sur les plans visés ne varietur.

9.             Enfin, si dans son ancien préavis du 1er avril 2022, la CU avait effectivement soumis à condition que l'autorisation ne soit pas reconduite en 2023 et que soit élaboré à la place un projet pour les années à venir qui s'intègre au caractère exceptionnel de la Rade et qu'elle est revenue sur ce préavis dans le cadre du présent projet, on ne voit pas non plus quelle conclusion juridique ou violation de la loi la recourante en tire. Aucune prescription n'interdit en effet aux instances de préavis de changer d'avis ou les termes de leurs conditions, dans le respect des dispositions du droit des constructions et des principes généraux du droit administratif. Aucun élément au dossier ne permet en réalité de retenir que les instances préavisées n'auraient pas examiné de façon attentive la requête d'autorisation de construire.

10.         Le grief sera donc écarté.

11.         La recourante invoque ensuite une violation de l’OROEM et de la LChP.

12.         Comme la chambre administrative a eu l'occasion de le relever (ATA/6______ consid. 5), « la parcelle concernée par le projet n’est pas située dans une réserve mais à côté de la réserve F______, d’une surface de 635.4 ha. Plus précisément, elle côtoie la partie III de la réserve, dans laquelle, la chasse est interdite mais où il n’y a pas de restrictions pour la navigation (https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/ home/themes/biodiversite/info-specialistes/infrastructure-ecologique/reserves-d-oiseaux-d-eau-et-de-migrateurs.html). (…). La construction n’est pas prévue à l’intérieur de la réserve et rien dans les dispositions légales citées ne permet de retenir que la protection prévue, tant par l’OROEM que par la LChP, s’appliquent à l’extérieur du périmètre des réserves ».

Comme la recourante l'admet, l'installation n'est pas située dans la zone régie par l'OROEM. Il n'est pas non possible de suivre la recourante lorsqu'elle soutient que ce sont les conséquences du projet (et non seulement son implantation en limite de zone protégée), en particulier le bruit et l'agitation qui en découleraient, qui en justifieraient d'en contrôler la conformité à ces deux lois, ce d'autant que comme on le verra encore après, elle n'a pas été en mesure de démontrer l'existences des gênes qu'elle allègue. Pour les mêmes raisons, le grief relatif à l'absence de consultation de l'OFEV est dénué de pertinence.

Le grief sera donc écarté.

13.         La recourante estime également que le projet viole les art. 15 LEaux-GE, 41c OEaux, l'art. 13 LPRLac et 5 RPMNS en l'absence de consultation de la CMNS. Dans la pesée des intérêts, l'éventuel intérêt de la population à disposer d'un bar-restaurant provisoire devait céder le pas face à l'intérêt public du respect des particularités de cette zone de verdure, destinée à la pratique des activités nautiques, et à proximité d'une réserve naturelle. Les conditions d'une dérogation n'étaient ainsi manifestement pas remplies

14.         La LPRLac a pour sa part pour but de protéger les rives du lac et les zones sensibles voisines ainsi que de faciliter des accès publics aux rives du lac en des lieux appropriés dans la mesure où il n'est pas porté atteinte à des milieux naturels dignes de protection (art. 1 al. 1 LPRLac). Par rive du lac, on entend la partie terrestre riveraine et la partie aquatique délimitée par la zone littorale effective (art. 1 al. 2 LPRLac).

L'art. 2 al. 1 LPRLac précise que le périmètre du territoire à protéger, délimité en l'occurrence par le plan n°7______, constitue une zone à protéger au sens de l'art. 17 LAT et de l'art. 29 LaLAT. Il indique, notamment, les secteurs accessibles, ou destinés à être accessibles au public, les secteurs inaccessibles au public, les secteurs de port, les secteurs de baignade, ainsi que les secteurs déclarés inconstructibles, sous réserve de constructions ou d'aménagements d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par leur destination.

15.         Selon l'art. 6 LPRLac, aucune construction lacustre, telle que mur, digue, remblai, hangar, ne peut être édifiée sur les parties immergées des parcelles riveraines du lac (al. 1). S'il n'en résulte pas d'atteinte au site, le département peut cependant autoriser des installations en rapport avec l'utilisation du lac (al. 2).

Sous l'intitulé « dérogation », l'art. 13 LPRLac dispose que si les circonstances le justifient et que cette mesure ne porte pas atteinte au but général poursuivi par la loi, le département peut déroger aux art. 6 à 11 LPRLac après consultation de la commune, de la CMNS, le cas échéant de la direction générale de la nature et du paysage et de la CCDB.

16.         La LEaux-GE a pour but de fixer des objectifs de qualité des eaux (let. a), de régler la gestion quantitative des cours d'eau (let. b), de définir et de gérer l'espace nécessaire aux cours d'eau (let. c), de veiller à une utilisation parcimonieuse de l'eau (let. d), d'assurer la protection des cours d'eau et favoriser leur amélioration (let. e) et de gérer les systèmes d'évacuation et de traitement des eaux (let. f) (art. 1 al. 1 LEaux-GE).

Les cours d'eau et leurs rives doivent être protégés afin de préserver et de rétablir leurs fonctions hydrauliques, biologiques et sociales (art. 10 LEaux-GE).

17.         Selon l'art. 15 LEaux-GE, intitulé « surfaces inconstructibles », aucune construction ou installation, tant en sous-sol qu'en élévation, ne peut être édifiée à une distance de moins de 10, 30 ou 50 m de la limite du cours d'eau, selon la carte des surfaces inconstructibles annexée (al. 1).

Toutefois, dans le cadre de projets de construction, le département peut accorder des dérogations, pour autant que celles-ci ne portent pas atteinte aux fonctions écologiques du cours d'eau et de ses rives ou à la sécurité des personnes et des biens, notamment pour des constructions ou installations d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par leur destination (al. 3 let. a) ou pour des constructions ou installations en relation avec le cours d'eau (al. 3 let. b). Ces dérogations doivent être approuvées par le département et faire l'objet d'une consultation de la commune et de la CMNS (al. 4) ; elles peuvent être assorties de charges ou conditions (al. 5).

18.         Quant à l'art. 41c OEaux, il dispose que ne peuvent être construites dans l'espace réservé aux eaux que les installations dont l'implantation est imposée par leur destination et qui servent des intérêts publics, tels que les chemins pour piétons et de randonnée pédestre, les centrales en rivières et les ponts. Si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose, les autorités peuvent en outre autoriser notamment les parties d'installations servant au prélèvement d'eau ou au déversement d'eau dont l'implantation est imposée par leur destination (let. c).

Cette marge de manœuvre permet une urbanisation à l’intérieur du milieu bâti et une concentration urbaine souhaitable en termes d’aménagement du territoire (p. ex. pour éviter le mitage du milieu bâti) (Rapport explicatif de l’office fédéral de l’environnement du 20 avril 2011 ad art. 41c p. 15).

19.         Selon l'art. 5 RPMNS invoqué par la recourante, la CMNS a pour mission de conseiller l’autorité compétente (al. 1). Elle a principalement les attributions suivantes : donner son préavis sur tout projet de travaux concernant un immeuble situé en zone protégée, sous réserve de l'alinéa 5 du présent article (let. e); (…); donner son préavis sur tout projet de travaux concernant un immeuble situé dans le périmètre d'un plan de site, sous réserve de l'alinéa 5 du présent article (let. g).

20.         Selon la jurisprudence bien établie, chaque fois que l’autorité inférieure suit les préavis requis, étant précisé qu’un préavis sans observation équivaut à un préavis favorable, la juridiction de recours doit s’imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 176 n. 508). L’autorité de recours se limite ainsi à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1261/2022 du 13 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/807/2020 du 25 août 2020 consid. 9a).

L'autorité administrative jouit d'un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d'une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation. L'intervention des autorités de recours n'est admissible que dans les cas où le département s'est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l’octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/665/2023 du 20 juin 2023 consid. 4.10 ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d).

21.         Selon la doctrine, l'ensemble des avis exprimés par les divers services concernés ne constitue pas une pesée complète des intérêts ; c'est à l'autorité compétente de pondérer et d'évaluer les intérêts déterminants (Rudolf MUGGLI, dans : Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire pratique LAT : Construire hors zone à bâtir, 2017, ad art. 24 n° 15). Par ailleurs, de jurisprudence constante, un préavis favorable n'a pas à être motivé (cf. ATA/123/2018 du 6 février 2018 consid. 5 ; ATA/414/2017 du 11 avril 2017 consid. 7b, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_297/2017 du 6 décembre 2017).

22.         En l'espèce, quant au fait que la parcelle est située en zone protégée au sens de la LPRLac, tant l'OCEau, le SMS que l'OCAN et la CU se sont prononcés favorablement au projet, ce qui démontre qu'il ne porte pas atteinte à cette zone. Par ailleurs, l'OCeau a expressément visé la dérogation prévue par l'art. 41c al. 1 OEaux.

Contrairement à ce que soutient la recourante, et comme vu ci-devant, la CMNS a déjà été consultée « au moins une première fois » dans le cadre de l'autorisation de construire de 2022, conformément à l'art. 47 LPMNS, de sorte que la délégation de compétence de la CMNS au SMS était possible. Par ailleurs, dans son préavis du 30 janvier 2023, la SMS s'est référé au préavis de la CMNS du 28 mars 2022 rendu dans l'autorisation de construire DD 3______en tant que le projet était quasi identique à celui de l'année précédente. Dans l'ancien jugement, le tribunal a déjà eu l'occasion de retenir que l'analyse du projet par la CMNS n'apparaissait pas contestable et avait été effectuée aux termes d'une instruction complète - la recourante n'essayant que de substituer sa propre appréciation à celle de cette instance spécialisée à cet égard.

Le département pouvait parfaitement, conformément à son pouvoir d'appréciation, se fonder sur ce préavis imposé par la loi, malgré le préavis défavorable de la commune, A cela s'ajoute le fait que l'autorisation n'a été délivrée que pour cinq mois et qu'aucun danger pour la sécurité ou pour les fonctions écologiques des rives du lac n'a été mis en évidence par les différents services appelés à se prononcer sur le projet. La recourante n'en a pas non plus relevé.

23.         Par ailleurs, le café-restaurant litigieux revêt indéniablement un intérêt public, contrairement à ce que soutient la recourante, à ce que la population genevoise puisse bénéficier, durant les soirées d'été, d'un café-restaurant au bord du lac, des établissements étant ouverts le soir étant rares autour du lac à Genève. Comme l'ATA/6______ l'a relevé au consid. 3.9 : « C’est sans succès également que la recourante tente de mettre en doute le fait que, malgré le lac qui borde le canton, Genève compte très peu de restaurants au ras de l’eau, comme cela avait déjà été constaté (ATA/215/2007 du 9 mai 2007). À cet égard, la recourante échoue à prouver le contraire en produisant un plan indiquant les établissements de restauration sis à proximité de la Rade, mais pas au bord même de l’eau et ne citant qu’un établissement, G______, ouvert à l’année et aménagé au bout de H______. Il faut donc retenir que l’intérêt public à la construction provisoire de cet établissement, qui permet à la population genevoise de bénéficier d’un café-restaurant au bord du lac, reste indéniable, comme c’est toujours le cas pour les différentes infrastructures prévues, en été, pour se délasser en plein air au bord du lac, tels les pavillons glacier et les pergolas installés sur la rade (ATA/644/2016 du 26 juillet 2016 consid. 4 ; ATA/86/2015 du 20 janvier 2015 consid. 6d). On ne distingue pas en quoi la taille de la terrasse et le nombre de clients potentiels pouvant être reçus dans l’établissement concerné mis en exergue par la recourante modifierait ce raisonnement ». A l'inverse, comme on vient de le voir, rien ne permet de considérer que les installations litigieuses auraient des effets importants sur l'environnement, le paysage, la protection des rives de la rivière ou l'aménagement du territoire. Aussi, c'est également sans succès que la recourante invoque l'ATA/244/2013 et l'arrêt du10 janvier 1990 car il n'a jamais été soutenu que le cas était similaire à ceux traités dans ces jurisprudences. C'est enfin sans pertinence qu'elle soutient que les constructions examinées dans les ATA/537/2013, ATA/86/2015 et ATA/644/2016 se distingueraient très nettement du projet litigieux.

24.         Dans ces circonstances, il ne peut pas être retenu un quelconque abus ou excès du pouvoir d’appréciation du département dans l'application de la dérogation prévue à l'art. 15 al. 3 LEaux-GE, forgée sur la base de préavis favorables d'instances spécialisées et après avoir effectué une pesée complète des intérêts en jeu.

Ceci vaut également pour l'art. 13 LPRLac, étant rappelé que les conditions d'application de l'art. 13 LPRLac se recoupent avec celles de l'art. 15 LEaux-GE (ATA/393/2021 du 13 avril 2021 consid. 4c et les références citées).

25.         La recourante reproche ensuite une violation des normes sur le bruit et du principe de prévention. Selon elle, le préavis du SABRA s'inscrivait en totale contradiction avec son préavis de 2022 et avec les documents figurant dans l'autorisation de construire, respectivement son préavis reposait sur des documents qui ne présentaient en aucun cas la réalité des nuisances sonores. A cela s'ajoutait qu'il n'avait pas pris en compte le bruit généré par la clientèle. Le SABRA n'avait pas non plus examiné si le principe de prévention était respecté.

26.         Il n'est pas contesté que les habitations à proximité du projet se situent en degré de sensibilité II ni que les valeurs de référence y relatives doivent être respectées s'agissant du projet en question. Toutefois, le SABRA, qui est le service spécialisé en matière de protection contre le bruit, a préavisé favorablement le projet, sous conditions, qui fait partie intégrante de l'autorisation de construire, de l'interdiction de la musique dès 22h00.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la recourante, ce n'est pas parce que l'interdiction de sonorisation n'avait pas été respectée en 2022 et que l'intimée a commis des infractions à cet égard que le DT ne pourrait pas autoriser cette année le projet querellé, cette fois avec de la « musique » jusqu'à 22h00, l'autorité intimée étant tenue de délivrer l'autorisation de construire conformément à l'art. 1 al. 6 LCI si les conditions légales de sa délivrance sont réalisées, à savoir si les normes relatives au droit de la construction sont respectées. Pour le même motif, on ne saurait retenir que le préavis du SABRA s'inscrirait en « totale contradiction » avec son précédent préavis et avec les documents figurant dans l'autorisation de construire, de sorte que l'argumentation de la recourante relative à cette étude tombe à faux.

Il ressort de ce qui précède que la recourante n'a pas apporté la preuve d'une violation de l'OPB ou d'une évaluation erronée de la part de l'instance spécialisée sur cet aspect du projet. Pour les mêmes raisons, elle n'a pas démontré que le SABRA aurait dû solliciter une étude acoustique actualisée pour se prononcer en toute connaissance de cause ni une violation du principe de prévention.

27.         Partant, ce grief doit également être écarté.

28.         La recourante se prévaut encore d'une violation des art. 142 RCI, 6 et 12 RACI.

29.         Selon l'art. 142 RCI, les locaux au sens de la présente section sont ceux pouvant accueillir plus de 100 personnes, notamment les salles polyvalentes, les salles de sport, les halles d'exposition, les théâtres, les cinémas, les restaurants, et locaux similaires.

L'art. 144 RCI let. b RCI prévoit que les établissements pouvant contenir plus de 200 personnes doivent être pourvus de W.-C. séparés pour hommes et femmes et d’urinoirs en nombre suffisant; il doit y avoir au minimum 2 W.-C. pour femmes, 1 W.-C. pour hommes et 3 urinoirs.

30.         A teneur de l'art. 109 LCI, les constructions et installations, de même que leurs abords, doivent être conçus et aménagés de manière à en permettre l’accès et l’utilisation par tous les usagers, y compris ceux qui éprouvent des difficultés à s’orienter, à se mouvoir ou à communiquer (al. 1). Le département peut déroger aux prescriptions du présent article si leur stricte application alternativement : entraîne des mesures disproportionnées en fonction de leur coût ou de leur utilité (let. a) ; se heurte à des obstacles techniques trop importants (let. b) ; est incompatible avec des impératifs liés à la protection de l’environnement, de la nature ou du patrimoine bâti (let. c) ; est de nature à compromettre les qualités d'usage ou spatiale d'un logement, alors que son utilisation par des personnes en situation de handicap demeure possible (let. d). Les demandes de dérogation doivent être motivées.

31.         Selon l'art. 2 al. 1 RACI, les nouvelles constructions et installations, de même que leurs abords, doivent être conçus et aménagés de manière à les rendre accessibles et utilisables par tous les usagers, y compris ceux qui éprouvent des difficultés à s’orienter, à se mouvoir ou à communiquer.

L'art. 6 RACI prévoit que la pente des rampes doit être aussi faible que possible mais ne peut dépasser, en tous les cas, 6%. Exceptionnellement, une dérogation peut être admise jusqu'à une pente maximum de 9%, pour une rampe d’une longueur totale de 10 m, ou de 12% pour une rampe d’une longueur totale de 5 m. Les rampes doivent avoir une largeur de 1,20 m au minimum et leur revêtement doit assurer une bonne adhérence (al. 1). Un dégagement horizontal de 1,40 m x 1,40 m au moins doit être aménagé à chaque extrémité de la rampe, à chaque changement de direction de plus de 45° et devant les portes, pour que la personne en fauteuil roulant puisse manœuvrer. Si la porte s’ouvre à l’extérieur, la largeur ou la longueur du palier doit être augmentée de 0,30 m au minimum (al. 2). Les rampes doivent être dotées d’une main courante d’un profil facile à saisir et placée à une hauteur de 1 m. Les rampes d’une largeur de plus de 1,50 m doivent être dotées de deux mains courantes (al. 3).

Enfin, selon 12 RACI, dans les groupes de WC, l'une des cabines au moins doit être praticable en fauteuil roulant. Ses dimensions doivent être de 1,65 m x 1,80 m au minimum. La porte doit s’ouvrir vers l’extérieur. Au cas où la porte s'ouvre à l'intérieur, la profondeur ou la largeur du local doit être augmentée de 0,50 m au moins 8l. 1). La disposition des appareils et des accessoires doit être conforme à la norme SIA 500 (al. 2). Dans les installations de sport notamment, l’accessibilité en fauteuil roulant des douches et des vestiaires doit être assurée (al. 3)

32.         En l'espèce, le nombre de WC qui était prévu dans le projet querellé est conforme à l'art. 142 RCI précité et conformément à l'art.156 RCI, l'autorité intimée pouvait, comme elle l'a allégué, ne pas considérer la présence d'urinoirs nécessaire pour une installation provisoire. S'agissant de l'absence de séparation de WC hommes-femmes, ce grief n'est manifestement pas recevable en tant que la recourante n'est pas directement affectée par cette problématique et qu'il s'agit de dispositions édictées dans l’intérêt général (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_442/2020 du 4 mars 2021 consid. 1.2.1 ; ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3c et les références citées). Enfin, malgré ses affirmations, la recourante n'a en tout état pas démontré que la clientèle de l'établissement aurait souillé l'espace public ou aurait importuné les utilisateurs le temps où l'installation était ouverte durant l'été 2023.

Partant, ce grief, dans la mesure de sa recevabilité, devra de toute façon être écarté.

33.         Enfin, comme l'autorité intimée le concède, la pente de l'une des rampes excède légèrement les 6% fixés par l'art. 6 al. 1 RACI précité, puisqu'elle est de 6.75%. Toutefois, cette disposition prévoit la possibilité de déroger à ce pourcentage et la pente se situe plus près du pourcentage ordinaire que de celui dérogatoire, l'on ne peut reprocher au département un excès de son pouvoir d'appréciation à cet égard.

Quant à la largeur de la rampe, contrairement à ce que soutient la recourante, elle respecte la largeur d'1.20 m comme exigé par le premier préavis de la Police du feu et prévu par la version 2 du projet et les plans y relatifs du 29 mars 2023.

Partant, les griefs de violation des art. 6 et 12 RACI devront également être écartés.

34.         À teneur de l'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT ; cf. aussi l'art. 1 al. 1 let. a LCI, qui prévoit que nul ne peut, sur tout le territoire du canton, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation).

En dérogation à l'art. 22 al. 2 let. a LAT, l'art. 24 LAT prévoit que des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation si l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination (let. a) et si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (let. b).

35.         Sur le plan cantonal, la LaLAT prévoit que l'ensemble du territoire cantonal est subdivisé en 3 types de zones, à savoir les zones ordinaires, les zones de développement et les zones protégées (art. 12 al. 1 et 2 LaLAT).

Selon l'art. 24 LaLAT, la zone de verdure comprend les terrains ouverts à l’usage public et destinés au délassement, ainsi que les cimetières (al. 1). Les constructions, installations et défrichements sont interdits s’ils ne servent l’aménagement de lieux de délassement de plein air, respectivement de cimetières (al. 2). Toutefois, si la destination principale est respectée, le département peut exceptionnellement, après consultation de la commission d’urbanisme, autoriser des constructions d’utilité publique dont l’emplacement est imposé par leur destination, et des exploitations agricoles (al. 3).

36.         S'agissant du respect de l'affectation de la zone de verdure, le DT a suivi le préavis favorable - et au demeurant non contesté par la recourante - de l'instance de préavis compétente, à savoir la CU, qui a ainsi considéré que l'installation querellée ne posait pas d'inconvénient en lien avec cette affectation, étant précisé que la jurisprudence a déjà eu l'occasion de confirmer que des constructions qui répondent à l'objectif de délassement sont conformes à la destination de la zone de verdure (ATA/86/2015 du 20 janvier 2015 consid. 6b). Le fait que cet arrêt portait sur des installations "modestes" n'y change rien car c'est sa vocation qui est pertinente ici. A l'instar de l'autorité intimée, il convient encore de relever que le fait que le plan de zone n° 27'621-516 prévoit expressément une zone de verdure avec « mention sportive » n'est non plus d'aucun secours à la recourante puisque l'affectation principale est respectée. S’agissant de la conformité du projet avec l’affectation de la zone, le préavis de la CU est favorable et la jurisprudence a déjà eu l’occasion de confirmer que les constructions répondant à l’objectif de délassement étaient conformes à la destination de la zone de verdure (arrêt du Tribunal fédéral 1A.232/2000 du 29 mars 2001 consid. 3e ; ATA/86/2015 du 20 janvier 2015 consid. 6b).

Le grief relatif à l'art. 14 LaLAT sera donc également écarté.

37.         Selon l'art. 14 al. 1 LCI, le département peut refuser les autorisations prévues à l'art. 1 lorsqu'une construction ou une installation, notamment, peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a) ou ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l'égard des voisins ou du public (let. c) ou peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (let. e).

38.         Selon la jurisprudence constante, l'art. 14 LCI fait partie des normes de protection destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d'une zone déterminée. Il ne vise pas au premier chef à protéger l'intérêt des voisins (ATA/335/2010 du 18 mai 2010 consid. 7).

La notion d'inconvénients graves est une norme juridique indéterminée, qui doit s'examiner en fonction de la nature de l'activité en cause et qui laisse à l'autorité une liberté d'appréciation. Celle-ci n'est limitée que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (ATA/926/2016 du 1er novembre 2016 ; ATA/126/2013 du 26 février 2013).

39.         Au vu de tous les éléments qui précèdent, il faut aussi admettre que le projet n'induira pas d'inconvénients graves ou durables en raison des "nuisances sonores" ou du "manque de sécurité" pour les usagers à mobilité réduite au sens de l'art. 14 LCI.

40.         Ce dernier grief sera donc également écarté.

41.         En tous points infondés, le recours doit être rejeté.

42.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe sur mesures superprovisionnelles et sur le fond de la procédure, est condamnée au paiement d'un émolument s'élevant à CHF 2'000.- ; il est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 2'400.-, à la charge de la recourante, sera allouée à l'intimée (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 26 mai 2023 par la commune de A______ contre la décision du département du territoire du 17 mai 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante émolument de CHF 2'000.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             condamne la recourante à verser à B______ SÀRL une indemnité de procédure de CHF 2'400.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS et Julien PACOT, juges assesseurs.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de cette décision est communiquée aux parties

Genève, le

 

La greffière