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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/896/2016

ATA/123/2018 du 06.02.2018 sur JTAPI/232/2017 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; DISTANCE À LA FORÊT ; IMPLANTATION DE LA CONSTRUCTION ; ALIGNEMENT ; EXCEPTION(DÉROGATION) ; PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ ; MOTIVATION DE LA DÉCISION ; VILLA ; GARAGE(CONSTRUCTION) ; ENSOLEILLEMENT ; EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LCI.59.al4; Cst.29.al2; LFo.17.al1; LForêts.11; LForêts.4.al4; LCI.59.al1; LCI.59.al4.leta; LPA.61.al1.leta; LCI.15
Parties : BRUSSON Alain, BRUSSON Carol, BECK Erika, FLUCKIGER Martin, DEERE BIRKBECK Carolyn, BIRKBECK Anthony et autres, BEE Anne / DUKE Anne, MATSUURA Kumiko, MÜLLER Joachim, DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, ALLEN Mark
Résumé : Dérogation octroyée pour la construction en 5ème zone de trois villas contigües, trois garages et trois couverts. Pas de violation du droit d'être entendus des recourants. Les préavis son clairs. De plus, les recourants ont pu se déterminer sur le préavis de la commune interpellée par le TAPI en cours de procédure. Si le projet diminuera certainement la qualité de la vue des voisins directs, voire limitera par moment leur ensoleillement, il ne s'agit pas d'éléments permettant de remettre en cause l'appréciation faite par les autorités de préavis, par le département puis par le TAPI. Enfin, le projet a fait l'objet d'une adaptation pour répondre aux exigences des autorités de préavis, lesquels sont tous favorables. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/896/2016-LCI ATA/123/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 février 2018

3ème section

 

dans la cause

Madame Carolyn DEERE BIRKBECK, Monsieur Anthony BIRKBECK, Madame Anne BEE, Madame Carol et Monsieur Alain BRUSSON, Monsieur Martin FLUCKIGER et Madame Erika BECK
représentés par Me Michel Schmidt, avocat

contre

Monsieur Mark ALLEN

représenté par Me Jean-Marc Siegrist, avocat

et

Madame Kumiko MATSUURA

et

Monsieur Joachim MÜLLER

et

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er mars 2017 (JTAPI/232/2017)


EN FAIT

1) Monsieur Mark ALLEN est propriétaire de la parcelle n° 96 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy, à l'adresse 22A, chemin de la Fontaine. Ce terrain, d'une surface de 1'525 m2, est en 5ème zone de construction. Il est délimité à l'ouest par un chemin sans issue, excroissance du chemin de la Fontaine (parcelle n° 98) et, à l'est, par le chemin du Ravin (parcelle n° 99). À sa limite nord, côté ouest, se trouve la parcelle n° 95 du même cadastre et à l'est une partie de la parcelle n° 820 située dans un périmètre indicatif du cadastre forestier.

2) Le 27 août 2014, M. ALLEN a obtenu du département de l'aménagement du logement et de l'énergie (ci-après : DALE ou le département) une autorisation préalable de construire trois villas et trois couverts à voitures (DP 18'529-2), laquelle a, suite à un recours des voisins, été annulée par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) par jugement du 11 mars 2015 (JTAPI/573/2015), car la commission d'architecture (ci-après : CA) n'avait pas été consultée.

3) Le 24 juin 2015, M. ALLEN a déposé en mains du DALE une nouvelle demande préalable d'autorisation de construire ainsi qu'une demande d'autorisation de démolir visant à remplacer la villa existante sur la parcelle par trois villas contigües, trois garages et trois couverts.

4) Au cours de la procédure d'instruction, un certain nombre de voisins ont, par un courrier unique, émis des observations.

Le projet n'était pas compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier ; la villa à détruire faisait partie d'un groupe de quatre anciennes villas historiques, les trois autres étant toujours existantes. Les copropriétaires du chemin du Ravin n'étaient pas d'accord que l'ensemble de la circulation des futures constructions utilise cette artère. Le projet de construction était trop dense, les gabarits prévus trop grands et ne respectant pas les distances aux limites de propriété.

De plus, des arbres devaient être abattus dans la forêt.

5) a. Les préavis suivants ont été recueillis par le DALE :

- la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP) a émis un préavis favorable sous conditions, soit la mise en place d'une prairie extensive sur le périmètre jouxtant la forêt et, lors du dépôt de la demande définitive de l'autorisation de construire, la production d'une requête en autorisation d'abattage d'arbres, d'un plan mentionnant l'ensemble de la végétation arborée conservée et la plantation d'un arbre en bordure du chemin du Ravin afin de pérenniser l'image paysagère du site. La DGNP était aussi favorable à l'octroi d'une dérogation au sens de la législation sur la forêt ;

- préavis favorable du service de géologie, sols et déchets ;

- préavis favorable de la commune ;

- préavis favorable, sous conditions, de la direction générale de l'eau, laquelle précisait que seul le respect des conditions indiquées dans ledit préavis permettrait l'obtention d'un préavis favorable lors du dépôt de la demande définitive en autorisation de construire ;

- préavis favorable de la direction de la mensuration officielle ;

- préavis favorable, sous conditions, de la direction des autorisations de construire ; les distances aux limites devraient être vérifiées lors du dépôt de l'autorisation de la demande définitive en autorisation de construire ;

- préavis favorable, avec une dérogation et des conditions, de la commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCDB) ; cette commission était favorable à l'octroi d'une dérogation au sens de la législation sur la forêt et précisait qu'une prairie extensive devait être installée ;

- préavis favorable, avec conditions, de la police du feu ;

- préavis favorable, sans observation, de la direction générale des transports ;

- préavis favorable, avec dérogation, de la sous-commission nature et site de la commission des monuments de la nature et des sites (ci-après : CMNS) ; la dérogation concernait la question de la législation forestière.

b. La CA a, quant à elle, demandé à ce que le projet initial soit modifié pour que les accès soient regroupés au nord, de même que les garages et les couverts, afin d'augmenter la végétation au sol. D'autre part, cette commission n'était pas convaincue par l'implantation des villas et souhaitait que d'autres variantes soient proposées envisageant une éventuelle augmentation de la densité à laquelle elle ne serait pas opposée.

Un second préavis, suite à la modification du projet, a été émis le 13 octobre 2015, lequel était favorable avec l'octroi d'une dérogation concernant la densité des constructions.

6) Par décision du 11 février 2016 publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève du 19 février 2016, le DALE a délivré l'autorisation préalable de construire sollicitée, renvoyant aux directives contenues dans les préavis.

Le même jour, les opposants ont été informés du rejet de leurs observations.

7) Le 16 mars 2016, Madame Carolyn DEERE BIRKBECK, Monsieur Anthony BIRKBECK, Madame Anne BEE, Madame Carol et Monsieur Alain BRUSSON, Madame Anne DUKE, Monsieur Martin FLUCKIGER, Madame Kumiko MATSUURA, Monsieur Joachim MÜLLER et Madame Erika BECK (ci-après : les recourants) ont saisi le TAPI d'un recours contre l'autorisation préalable de construire précitée, concluant à son annulation.

Le projet était incompatible avec l'harmonie et le caractère du quartier ; seules deux villas du même genre que celle existante pouvaient être édifiées. Le gabarit du projet créerait trop d'ombre pendant l'après-midi et boucherait la vue des habitants du chemin du Ravin. La haie annoncée n'était pas mentionnée sur le plan. Les véhicules des futurs habitants et du chantier ne devaient pas utiliser le chemin du Ravin. Le raccordement aux eaux pluviales et de ruissellement ne devait pas se faire par la parcelle n° 99.

8) Après un double échanges d'écritures, une confirmation par la commune du fait qu'elle appuyait la dérogation aux dispositions régissant les distances à la forêt, l'obtention du plan de relevé de la lisière forestière approuvé par l'inspecteur cantonal des forêts le 18 avril 2011 et de la décision de constatation de la nature forestière du même jour, un courrier du directeur du service des paysages et des forêts confirmant au conseil des recourants que, même si de la végétation ligneuse s'était installée sur la parcelle no 96, elle ne pouvait être considérée comme de la forêt et un droit à la réplique accordé aux recourants, lesquels demandaient à ce qu'un transport sur place soit organisé, le TAPI a rejeté le recours par jugement du 1er mars 2017.

Il avait en mains les éléments nécessaires pour pouvoir statuer en toute connaissance de cause. La décision constatant la nature forestière d'une partie des parcelles nos 92, 820, 821, 844, 845 et 1078 de la commune de Pregny-Chambésy, du 18 avril 2011, était entrée en force et la limite de la zone forestière ressortait des plans produits, lesquels n'avaient pas été modifiés depuis le prononcé de cette décision.

Les préavis délivrés par les autorités consultatives étaient favorables, y compris celui de la commune de Pregny-Chambésy, laquelle avait ultérieurement et à la demande du TAPI formellement indiqué être d'accord avec l'octroi d'une dérogation concernant la distance à la forêt. Une dérogation fondée sur l'art. 59 al. 4 loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) était justifiée. Dès lors que la direction générale des transports avait émis un préavis favorable et au vu des dimensions du projet, ce dernier n'entraînerait pas des inconvénients graves du fait de l'augmentation de la circulation routière.

Le tracé de l'écoulement des eaux pluviales et usées des futurs bâtiments n'avait pas à être déterminé dans le cadre de l'autorisation préalable de construire ; il en était de même en ce qui concernait la végétalisation de la parcelle.

Les recourants étaient condamnés conjointement et solidairement à verser à l'intimé une indemnité de procédure de CHF 1'500.- ainsi qu'un émolument de CHF 1'000.-.

9) Par acte mis à la poste le 3 avril 2017, Mme DEERE BIRKBECK et M. BIRKBECK, Mme BECK, Mme BEE, Mme et M. BRUSSON ainsi que M. FLUCKIGER (ci-après : les recourants) ont saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d'un recours contre le jugement précité, concluant préalablement à ce qu'un transport sur place soit ordonné, à ce que les parties, un représentant de la CA, le maire de la commune de Pregny-Chambésy, un représentant de la CMNS ayant approuvé le projet et l'inspecteur cantonal des forêts soient entendus, et au fond à ce que l'autorisation préalable de construire délivrée le 19 février 2016 soit annulée, M. ALLEN et le DALE devant être condamnés à leur verser une indemnité de procédure.

Le TAPI avait violé leur droit d'être entendus en ne procédant pas aux actes requis devant lui.

Les dispositions de la loi sur la forêt n'étaient pas respectées dès lors que le projet visait à implanter des constructions à moins de 20 m de la lisière. Ladite lisière avait été définie en 2011, et la forêt s'était étendue sur la parcelle de M. ALLEN depuis lors, ce qui amènerait les constructions à être à moins de 10 m de la lisière.

De plus, le projet ne respectait pas l'alignement prévu par cette loi.

Il était flagrant que le style architectural, le volume et la densité du projet ne respectaient pas celui du quartier, et une dérogation à l'art. 59 al. 4 LCI ne pouvait être accordée.

Les préavis indiquant être favorables à des dérogations n'étaient pas motivés.

La procédure aurait dû être renvoyée d'office au DALE dès lors que la commune n'avait pas été initialement consultée sur l'octroi d'une dérogation concernant la distance à la forêt.

10) Le 25 avril 2017, le conseil des recourants, à la demande de la chambre administrative, a précisé que Mme DUKE, Mme MATSUURA et M. MÜLLER avaient décidé de ne pas recourir contre le jugement du TAPI.

11) Le 8 mai 2017, le département a conclu au rejet du recours. Le droit d'être entendu des recourants avait été respecté ; il en était de même de la législation sur la forêt. La dérogation à l'art. 59 al. 4 LCI devait être confirmée.

12) Le 8 mai 2017 aussi, M. ALLEN a conclu au rejet du recours, pour des motifs similaires à ceux développés par le département.

13) Le 19 juin 2017, la chambre administrative a procédé à un transport sur place. Le juge délégué et les participants ont repéré la limite de la parcelle qui, selon les plans, serait juxtaposée à la lisière de la forêt, ce que les recourants contestaient. De même, la dimension et la situation du chemin du Ravin et celui du chemin de la Fontaine et du bras « sans issue » où se situaient les villas 20, 22A et 22B avaient été repérées.

14) Le 25 juillet 2017, les recourants ont persisté dans leurs écritures et leurs conclusions. Le transport sur place avait, selon eux, démontré que les dispositions de la loi sur la forêt n'étaient pas respectées au vu de la végétation qui avait poussé sur la parcelle de M. ALLEN. Le projet de bâtiment ne respectait pas l'alignement exigé par cette loi. La dérogation concernant la densité des bâtiments, prévue à l'art. 59 al. 4 let. a LCI, ne pouvait être appliquée en l'espèce.

Au surplus, les éléments figurant dans le recours initial étaient repris.

15) Le 21 août 2017, M. ALLEN a conclu au rejet du recours, reprenant son argumentation antérieure et la développant au vu des constats faits lors du transport sur place.

16) Le département a fait de même, le 25 août 2017.

17) Le 29 septembre 2017, les recourants ont exercé leur droit à la réplique s'en rapportant à leurs écritures antérieures.

18) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants considèrent que le TAPI a violé leur droit d'être entendus en ne procédant pas aux mesures d'instructions sollicitées et en interpellant la commune au sujet d'un préavis sans renvoyer le dossier au DALE.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves. Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. L'autorité de décision peut donc se livrer à une appréciation anticipée de la pertinence du fait à prouver et de l'utilité du moyen de preuve offert et, sur cette base, refuser de l'administrer. Ce refus ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation à laquelle elle a ainsi procédé est entachée d'arbitraire. La garantie constitutionnelle précitée n'empêche pas non plus l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATA/1639/2017 du 19 décembre 2017 et les références citées).

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure. Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure. En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/425/2017 du 11 avril 2017 et les références citées).

b. En l'espèce, la chambre administrative a procédé à un transport sur place.

Les auditions sollicitées par les recourants en premier lieu devant le TAPI, puis devant la chambre administrative, concernent soit des auteurs de préavis soit, pour l'inspecteur cantonal des forêts, l'auteur d'une décision définitive et exécutoire. Dès lors que les préavis en question sont clairs, ces auditions apparaissent inaptes à modifier l'issue du litige, tous les éléments nécessaires à ce qu'il soit tranché figurant déjà dans le dossier.

En dernier lieu, le fait que la commune ait été interpellée pendant la procédure afin qu'elle préavise l'octroi d'une dérogation à la législation forestière ne constitue pas non plus une violation du droit d'être entendus des recourants, dès lors que ces derniers ont pu se déterminer au sujet de cette pièce avant que le TAPI ne tranche le litige.

En conséquence, les griefs concernant les violations du droit d'être entendus des recourants seront écartés.

3) a. Selon l'art. 17 al. 1 de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0), les constructions et installations à proximité de la forêt peuvent être autorisées uniquement si elles n'en compromettent ni la conservation, ni le traitement, ni l'exploitation. Les cantons fixent la distance minimale appropriée qui doit séparer les constructions et les installations de la lisière de la forêt. Cette distance est déterminée compte tenu de la situation et de la hauteur prévisible du peuplement (ATA/558/2013 du 27 août 2013 et les références citées).

b. L'art. 11 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) prévoit que l'implantation de constructions à moins de 20 m de la lisière de la forêt est interdite (al. 1). Cette distance était de 30 m avant la modification de cette disposition, votée par le Grand Conseil le 1er septembre 2016 et entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Selon l'art. 11 al. 2 LForêts, le DALE peut accorder des dérogations pour :

- des constructions ou installations d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par leur destination ;

- des constructions de peu d'importance contiguës au bâtiment principal ou des rénovations, reconstructions, transformations, ainsi que pour un léger agrandissement de constructions existantes ;

- des constructions respectant l'alignement fixé par un plan d'affectation du sol, un plan d'alignement, ou s'inscrivant dans un alignement de constructions existantes, pour autant que la construction nouvelle soit réalisée sur un terrain en zone à bâtir et située à 10 m au moins de la lisière de la forêt et qu'elle ne porte pas atteinte à la valeur biologique de la lisière.

Sauf pour les procédures instruites en procédure accélérée, le département compétent en matière de forêts, la commune, la CMNS et la CCDB doivent être préalablement consultés (art. 11 al. 3 LForêts).

L'octroi de dérogations est subordonné aux intérêts de la conservation de la forêt et de sa gestion, au bien-être des habitants, ainsi qu'à la sécurité de ces derniers et des installations ; ces dérogations peuvent être assorties de conditions relatives à l'entretien de la lisière et de compensations, au sens des art. 8 et 9 LForêts (art. 11 al. 3 LForêts).

c. En l'espèce, la lisière de la forêt a été déterminée par un plan, aujourd'hui définitif et exécutoire. L'autorité compétente a de plus précisé que le fait que de la végétation ligneuse se soit développée n'était pas apte à modifier la limite de la forêt, ce qui interdit de réexaminer celle-ci (art. 4 al. 4 LForêts à contrario).

S'agissant de l'alignement, le raisonnement suivi par les autorités ayant préavisé favorablement l'octroi de la dérogation à la loi sur la forêt et par le TAPI doit être confirmé. De plus, l'exigence d'alignement doit manifestement être relativisée, lorsque, comme en l'espèce, la lisière concernée ne concerne qu'un petit tronçon de la limite de propriété. De plus, la chambre administrative, lors du transport sur place qu'elle a effectué, a pu s'assurer de la cohérence du projet.

4) a. En 5ème zone, la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25 % de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,5 % lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 1 LCI).

b. Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la CA, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé dont la surface de plancher habitable n'excède pas 40 % de la surface du terrain, 44 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 4 let. a LCI).

c. La première condition imposée par l'art. 59 al. 4 let. a LCI, soit le caractère justifié des circonstances, relève de l'opportunité, que la chambre de céans ne peut pas contrôler, alors que la seconde relative à la compatibilité du projet pose des critères relatifs à l'esthétique et à l'aménagement du territoire conférant un large pouvoir d'appréciation à l'autorité qui doit s'exercer dans le cadre légal. Cette deuxième condition relève non pas de l'opportunité, mais de l'exercice d'un pouvoir d'appréciation, dont la chambre administrative est habilitée, selon l'art.  61 al. 1 let. a LPA, à sanctionner l'excès ou l'abus.

La compatibilité du projet avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier exigée par l'art. 59 al. 4 LCI est une clause d'esthétique, analogue à celle contenue à l'art. 15 LCI. Une telle clause fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 et la jurisprudence citée).

d. En l'espèce, le projet vise à réaliser trois villas contiguës qui, au stade de la demande préalable, ont déjà fait l'objet d'une adaptation du projet pour répondre aux exigences des autorités de préavis, lesquels ont tous été favorables s'agissant du projet autorisé. Si, ainsi que le relèvent les recourants, il diminuera certainement la qualité de la vue des voisins directs, voire limitera par moment leur ensoleillement, il ne s'agit pas d'éléments permettant de remettre en cause l'appréciation faite par les autorités de préavis, par le département puis par le TAPI.

Dès lors, ce grief sera aussi écarté.

5) Les autres reproches formulés par les recourants apparaissent aussi sans substance. La jurisprudence n'exige en effet pas la motivation de tous les préavis favorables. Il est certes arrivé que la chambre administrative reproche à un préavis favorable de ne pas être motivé dans des circonstances exceptionnelles non réalisées en l'espèce.

De même, le fait que la commune ai été interpellée directement par le TAPI ne prête à aucune conséquence. Les recourants ont eu, déjà devant la juridiction de première instance, l'occasion de se déterminer au sujet de la prise de position de la commune et ont pu faire valoir leurs arguments devant la chambre administrative.

6) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mise à la charge conjointe et solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA), lesquels comprennent les frais de transport sur place, et une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge des recourants prit conjointement et solidairement, sera allouée à M. ALLEN, qui y a conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 avril 2017 par Madame Carolyn DEERE BIRKBECK, Monsieur Anthony BIRKBECK, Madame Anne BEE, Madame Carol et Monsieur Alain BRUSSON, Monsieur Martin FLUCKIGER et Madame Erika BECK contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er mars 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge conjointe et solidaire de Madame Carolyn DEERE BIRKBECK, Monsieur Anthony BIRKBECK, Madame Anne BEE, Madame Carol et Monsieur Alain BRUSSON, Monsieur Martin FLUCKIGER et Madame Erika BECK, lesquels comprennent les frais de transport sur place ;

alloue à Monsieur Mark ALLEN une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la charge conjointe et solidaire de Madame Carolyn DEERE BIRKBECK, Monsieur Anthony BIRKBECK, Madame Anne BEE, Madame Carol et Monsieur Alain BRUSSON, Monsieur Martin FLUCKIGER et Madame Erika BECK ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Schmidt, avocat des recourants, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, à Me Jean-Marc Siegrist, avocat de Monsieur Mark ALLEN, à Madame Kumiko MATSUURA, à Monsieur Joachim MÜLLER, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin, et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :