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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4174/2022

JTAPI/830/2023 du 02.08.2023 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/1342/2023

Descripteurs : TRAVAILLEUR;DROIT DE DEMEURER;CAS DE RIGUEUR;AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT;BÉNÉFICIAIRE DE RENTE;RENTE DE VIEILLESSE;BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS;PRESTATION COMPLÉMENTAIRE;ASSISTANCE PUBLIQUE
Normes : ALCP.4; ALCP-I.6; LEI.61a; ALCP-I.4.al1; ALCP-I.24.al1; ALCP-I.24.al2; OLCP.16.al1; OLCP.16.al2; OLCP.20; LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1; CEDH.8; LEI.34; LEI.34.al2; LEI.62.al1.lete; LEI.64.al1.letc; LEI.83
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4174/2022

JTAPI/830/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 août 2023

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Maxime CLIVAZ, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, tel qu’indiqué dans son passeport (ci-après : Mme A______), née le 24 septembre 1958, est ressortissante française.

2.             Elle a effectué un premier séjour à Genève, au bénéfice d’une autorisation d’établissement, du 4 septembre 1979 au 30 juin 1997, date à laquelle elle a annoncé son départ pour le Canada.

3.             Arrivée à Genève le 1er octobre 2012, Mme A______ a saisi l’office cantonal de la population et des migrations, anciennement dénommé l’office cantonal de la population (ci-après : OCPM), d’une demande de « permis d’établissement B », le 23 novembre 2012.

Après avoir séjourné durant quinze ans au Canada, elle avait décidé de revenir à Genève auprès de son fils et de ses petits-enfants. Elle logeait à Genève et travaillait en France voisine, en attendant d’obtenir un titre de séjour lui permettant de travailler en Suisse.

4.             Le 26 avril 2013, elle a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour L-CE, valable jusqu’au 29 septembre 2013 puis, dès le 4 mai 2015, d’une autorisation de séjour B-CE, régulièrement renouvelée jusqu’au 29 septembre 2018.

5.             Le 5 novembre 2015, Mme A______ s’est inscrite auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage. Un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert jusqu’au 4 novembre 2017.

6.             Par courrier reçu par l’OCPM le 27 août 2018, Mme A______ a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour.

7.             Par courrier du 24 mai 2022, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser de renouveler son autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

Elle n’avait pas démontré remplir les conditions d’octroi ou de renouvellement d’une autorisation de séjour en application de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), en l’absence d’une prise d’emploi, de moyens financiers suffisants et de raisons personnelles majeurs au sens de l’art. 20 de l’ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (Ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP – RS 142.203). Il ne ressortait pas non plus du dossier qu’elle reprendrait une activité lucrative à brève échéance.

Elle avait bénéficié d’indemnités de chômage du 5 novembre 2015 au 4 novembre 2017. « De manière générale », son autorisation de séjour aurait dû prendre fin six mois après la fin des versements d’indemnité de chômage, soit le 4 avril 2018, étant précisé qu’elle n’avait pas repris d’activité lucrative depuis la perte de son emploi en 2015. Les délais légaux étant dépassés, elle ne pouvait pas bénéficier d’une autorisation de séjour pour recherche d’emploi. Elle ne pouvait pas non plus bénéficier d’une autorisation de séjour pour l’exercice d’une activité indépendance, ni, faute de moyens financiers propres, pour effectuer un « séjour privé ».

De plus, elle réalisait un motif de révocation au sens de l’art. 62 al. 1 let. e de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr), dès lors qu’elle émargeait à l’assistance publique depuis le 1er novembre 2017 et qu’elle avait perçu des prestations financières au sens de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) pour un montant de CHF 133'070'611.-, au 21 mai 2022.

Enfin, aucune raison personnelle majeure ne justifiait la poursuite de son séjour en Suisse et l’exécution de son renvoi apparaissait être a priori possible, licite et exigible au sens de l’art. 83 LEI.

Un délai de trente jours lui était accordé pour exercer son droit d’être entendu par écrit.

8.             Mme A______ a usé de ce droit le 16 juin 2022.

Cela faisait quatre ans qu’elle avait sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour et sa situation avait changé depuis. Elle ne dépendait plus de l’Hospice général depuis fin 2021. Son revenu mensuel, de l’ordre de CHF 3'000.-, était désormais constitués de trois rentes de vieillesse (suisse, française et canadienne), ainsi que de prestations complémentaires, étant précisé qu’elle ne percevait aucune prestation à titre d’aide sociale. Dans la mesure où les conditions de l’art. 16 OLCP étaient remplies, elle sollicitait le renouvellement de son autorisation de séjour.

Elle a notamment produit les pièces suivantes :

-          une décision de la caisse cantonale genevoise de compensation du 7 septembre 2021, indiquant le droit à une rente mensuelle de CHF 1'082.- dès le 1er octobre 2021 ;

-          une décision du service des prestations complémentaires datée du 25 avril 2022, indiquant un droit rétroactif à des prestations complémentaires cantonales et fédérales de CHF 12'904.- du 1er octobre 2021 au 30 avril 2022, dont CHF 7'629.25 en faveur de l’Hospice général, ainsi que le droit à des prestations complémentaires cantonales et fédérales, dès le 1er mai 2022, de CHF 2'325.- par mois, comprenant la part réservée au règlement des primes d’assurance-maladie, soit CHF 485.- ;

-          un document daté du 8 mars 2022, indiquant le versement par la sécurité sociale française d’une rente de retraite d’un montant mensuel brut de EUR 156.31, date de départ au 1er juillet 2021 (document actualisé le 14 septembre 2022 : EUR 107.25) ;

-          un avis d’acceptation daté du 8 mars 2022, indiquant le versement par une caisse de rentes canadienne d’un montant net de CAD 200.23, dès le mois de juillet 2021 (document actualisé le 7 mai 2022 : CAD 226.93).

9.             Interpellé par l’OCPM le 11 octobre 2022, le service des prestations complémentaires a notamment indiqué que Mme A______ ne percevait plus d’aide de l’Hospice général depuis le 1er mai 2022.

10.         Par décision du 8 novembre 2022, l’OCPM a refusé de prolonger l’autorisation de séjour de Mme A______, de lui octroyer une autorisation d’établissement et a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 15 décembre 2022 pour quitter la Suisse.

L’OCPM a repris en substance les arguments invoqués dans sa lettre d’intention du 24 mai 2022, ajoutant qu’elle réalisait également le motif de révocation de l’art. 63 al. 1 let. c LEI, compte tenu de sa dépendance à l’assistance publique pour un montant de plus de CHF 133’000.- depuis le 1er novembre 2017. De plus, en dépit des trois rentes qu’elle percevait, elle ne parvenait pas à subvenir à ses besoins et avait été contrainte de solliciter une aide compensatoire. Ses revenus n’atteignaient pas le minimum requis par les normes de calcul du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) permettant de ne pas recourir à une aide compensatoire et de se voir octroyer une autorisation de séjour en application de l’ALCP, notamment des art. 24 annexe I ALCP et 16 al 2 OLCP.

11.         Par acte du 8 décembre 2022, Mme A______ (ci-après : la recourante), sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour, subsidiairement à la constatation de l’illicéité de son renvoi.

Elle a rappelé son parcours, précisant qu’elle avait quitté la France depuis quarante-trois ans. Elle n’avait plus jamais résidé dans son pays d’origine où elle n’avait qu’un frère qu’elle ne voyait que très rarement. Elle était venue en Suisse pour se rapprocher de son fils et de ses petits-enfants avec lesquels elle entretenait des rapports intenses. Désormais à la retraite, elle percevait des rentes mensuelles dont le montant se situait entre CHF 2’922.- et CHF 3'190.-. Ses revenus permettaient quasiment de couvrir ses charges qui étaient relativement faibles, dont un loyer de CHF 892.- par mois. Elle percevait également des prestations complémentaires à l’AVS mais n’émargeait plus à l’assistance publique, depuis le 1er mai 2022.

Elle avait fait un infarctus en 2017, puis un arrêt cardiaque en 2020 qui avait entrainé un coma d’une semaine et nécessité l’implantation d’un défibrillateur cardiaque.

Sous l’angle de l’art. 20 OLCP, elle pouvait se prévaloir d’un séjour de vingt-huit ans en Suisse, dont les dix derniers de manière continue, d’une parfaite intégration, d’un comportement irréprochable et de liens étroits avec la Suisse où vivaient son fils et ses petits-enfants et où elle était suivie pour ses problèmes cardiaques. Âgée de 64 ans, ses possibilités de réintégration en France, après quarante ans d’absence, étaient extrêmement limitées. Elle se trouvait ainsi dans une situation d’extrême gravité.

La décision contestée violait aussi l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et elle devait également se voir reconnaître le statut d’immigré de longue durée au sens de la recommandation sur la sécurité de résidence des immigrés de longue durée adopté le 13 septembre 2000 par le Conseil des Ministres du Conseil de l'Europe (Rec (2000) 15) (ci-après : la Recommandation).

Elle a notamment produit les pièces suivantes :

-          une lettre de sortie établie par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) le 3 octobre 2017, indiquant notamment qu’elle avait été victime le 25 septembre 2017 d’un infarctus de type STEMI et qu’un stent actif avait été mis en place ;

-          un avis de sortie des HUG daté du 4 juin 2019, indiquant notamment une hospitalisation du 13 mai au 4 juin 2019 en raison d’un choc cardiogénique sur STEMI antérieur, l’implantation d’un défibrillateur le 3 juin 2019 et un traitement médicamenteux ;

-          un curriculum vitae, à teneur duquel elle avait travaillé en qualité d’hôtesse de caisse en France voisine de 2012 à 2015 puis, à Genève en qualité de secrétaire/assistante comptable en 2017, de commise administrative en 2018 et de responsable administrative/comptable en 2019.

12.         Dans ses observations du 8 février 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

La recourante ne réalisait pas les conditions lui permettant d’obtenir une autorisation de séjour UE/AELE sans activité lucrative, dès lors qu’elle percevait des prestations complémentaires vieillesse et que l'octroi ou la demande de prestations complémentaires devait être pris en compte pour l'examen des moyens financiers dans le cadre de l'art. 24 al. 1 let. a et al. 8 Annexe I ALCP. Or, une revendication relative à des prestations complémentaires pouvait, conformément à la jurisprudence conduire à un refus de titre de séjour, le but de cette norme étant d'assurer que l'étranger ne représenterait pas une charge pour les finances de l'État d'accueil.

De plus, elle avait perçu un montant d'aide sociale de près de CHF 133’000.- au total pendant cinq ans, ce qui justifiait la révocation d'une autorisation d'établissement pour dépendance importante et durable à l’aide sociale (art. 63 al. 1 let. c LEI) et, a fortiori, la révocation d’une autorisation de séjour (art. 62 al. 1 let. d LEI). Ces circonstances étaient également dirimantes au regard de l'art. 24 annexe I ALCP.


Par ailleurs, la recourante ne pouvait pas se prévaloir de l’art. 8 CEDH dans la mesure où elle n’avait pas établi l’existence d’un rapport de dépendance particulier, tel que défini par la jurisprudence, envers son fils et ses petits-enfants dont elle alléguait la présence à Genève.

Enfin, il ne ressortait pas du dossier qu’elle se trouverait dans une situation relevant de l’art. 20 OLCP, son intégration en Suisse ne pouvant être qualifiée de particulièrement bonne. Comme elle disposait de la nationalité française, il lui serait loisible de s'installer en France voisine afin de demeurer proche de son fils, de ses petits-enfants et de bénéficier d'un train de vie similaire. De plus, elle continuerait à percevoir ses rentes vieillesses qui étaient exportables dans tous les pays de l'UE/AELE. Ses problèmes de santé pourraient également être traités en France, pays qui disposait d'un système de santé comparable à la Suisse, ainsi que d’un système de sécurité sociale et d'aide sociale.

13.         Le 6 mars 2023, la recourante a répliqué sous la plume de son conseil.

Lorsque la décision attaquée avait été prononcée, elle percevait des prestations complémentaires et non pas des prestations d’aide sociale. Or, dans l’arrêt 2C_60/2022 du 27 décembre 2022, le Tribunal fédéral examinant le cas d’un étranger ayant perçu des prestations d'assistance publique avant de toucher une retraite anticipée, avait jugé que, dès lors que la dépendance à l'aide sociale n'était plus donnée au moment de la décision attaquée et que la perception de prestations complémentaires ne constituait pas un motif de révocation, l'autorisation d'établissement devait être maintenue. Partant, il n’existait pas de motif de révocation au sens de l'art. 62 LEI et, a fortiori, aucun motif justifiant le non-renouvellement de l'autorisation de séjour.

De plus, la recourante disposait d’un droit à l’octroi d’une autorisation d’établissement en application de l'art. 34 al. 2 LEI, dès lors qu’elle avait séjourné en Suisse au moins dix ans au bénéfice d'une autorisation de séjour, qu'il n'existait pas de motif de révocation et qu'elle était parfaitement intégrée. Il convenait de relever que selon sa pratique, l’OCPM examinait d’office les conditions d’octroi d’une autorisation d’établissement et qu’elle les réalisait toutes, étant souligné que le législateur n'avait pas souhaité faire de la perception de prestations complémentaires un motif de révocation.

L’OCPM n’avait pas non plus pris position par rapport à la Recommandation relative aux immigrés de longue durée dont elle pouvait également tirer un droit d'établissement et n’avait examiné la proportionnalité que sous l'angle très restreint du cas individuel d'extrême gravité. En limitant sans droit son pouvoir d'examen à certains critères seulement, il avait abusé de son pouvoir d'appréciation et violé le principe de la proportionnalité.

14.         Dans sa duplique du 27 mars 2023, l’OCPM a indiqué qu’à son retour dans sa patrie, la recourante, en sa qualité de ressortissante française, pourrait librement se rendre en Suisse et traverser la frontière sans avoir à demander de visa. Elle pourrait même résider sur le territoire suisse trois mois par période de six mois, sans solliciter un titre de séjour. Dans la mesure où elle pourrait continuer à entretenir des liens avec sa famille de manière régulière et aisée, la recourante ne pouvait pas se prévaloir du caractère disproportionné de la mesure d'éloignement.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment l’ALCP.

Ainsi, l’ALCP et l’OLCP s’appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l’Union européenne, la LEI ne s’appliquant à eux que pour autant que ses dispositions soient plus favorables que celles de l’ALCP et si ce dernier ne contient pas de dispositions dérogatoires (art. 12 ALCP et 2 al. 2 LEI).

6.             En l’espèce, la recourante étant de nationalité française, sa situation doit être examinée sous l’angle des dispositions de l’ALCP et de l’OLCP.

7.             Les droits d'entrée, de séjour et d'accès à une activité économique conformément à l'ALCP, y compris le droit de demeurer sur le territoire d'une partie contractante après la fin d'une activité économique, sont réglés par l'annexe I de l'accord (art. 3, 4 et 7 let. c ALCP).

8.             Selon l’art. 4 ALCP, le droit de séjour et d’accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l’art. 10 et conformément aux dispositions de l’annexe I. Les ressortissants d’une partie contractante ont le droit de séjourner et d’exercer une activité économique sur le territoire de l’autre partie contractante selon les modalités prévues aux chapitres II à IV de l’Annexe I ALCP (art. 2 al. 1 Annexe I ALCP).

9.             L’art. 6 al. 1 Annexe I ALCP prévoit que le travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante qui occupe un emploi d’une durée égale ou supérieure à un an au service d’un employeur de l’État d’accueil reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance. Celui-ci est automatiquement prolongé pour une durée de cinq ans au moins. Lors du premier renouvellement, sa durée de validité peut être limitée, sans pouvoir être inférieure à un an, lorsque son détenteur se trouve dans une situation de chômage involontaire depuis plus de douze mois consécutifs.

10.         La qualité de travailleur salarié constitue une notion autonome de droit de l’UE, qui doit s’interpréter en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (ci-après : CJUE ; ATF 140 II 460 consid. 4.1). Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de préciser que, conformément à la jurisprudence de la CJUE, la notion de travailleur, qui délimite le champ d’application du principe de la libre circulation des travailleurs, doit être interprétée de façon extensive, tandis que les exceptions et dérogations à cette liberté fondamentale doivent, au contraire, faire l’objet d’une interprétation stricte. Doit ainsi être considérée comme un « travailleur » la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération (existence d’une prestation de travail, d’un lien de subordination et d’une rémunération). Cela suppose l’exercice d’activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires (ATF 141 II 1 consid. 2.2.4).

11.         Pour apprécier si l’activité exercée est réelle et effective, on peut tenir compte de l’éventuel caractère irrégulier des prestations accomplies, de leur durée limitée ou de la faible rémunération qu’elles procurent. Ainsi, le fait qu’un travailleur n’effectue qu’un nombre très réduit d’heures - dans le cadre par exemple d’une relation de travail fondée sur un contrat de travail sur appel - ou qu’il ne gagne que de faibles revenus, peut être un élément indiquant que l’activité exercée n’est que marginale et accessoire. À cet égard, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser qu’un travail exercé au taux de 80 % pour un salaire mensuel de CHF 2'532.65 ne représentait pas un emploi à tel point réduit ou une rémunération si basse qu’il s’agirait d’une activité purement marginale et accessoire sortant du champ d’application de l’art. 6 Annexe I. En revanche, il a considéré qu’une activité à taux partiel donnant lieu à un salaire mensuel d’environ CHF 600.- à CHF 800.- apparaissait tellement réduite et peu rémunératrice qu’elle devait être tenue pour marginale et accessoire (arrêt 2C_945/2021 du 11 août 2022 consid. 6.2 et les références citées).

12.         Un étranger au bénéfice d’une autorisation de séjour UE/AELE peut ainsi perdre le statut de travailleur au sens de l’ALCP et par conséquent se voir refuser la prolongation, respectivement se voir révoquer l’autorisation de séjour dont il est titulaire si 1) il se trouve dans un cas de chômage volontaire ; 2) on peut déduire de son comportement qu’il n’existe (plus) aucune perspective réelle qu’il soit engagé à nouveau dans un laps de temps raisonnable ou 3) il adopte un comportement abusif, par exemple en se rendant dans un autre État membre pour y exercer un travail fictif ou d’une durée extrêmement limitée dans le seul but de bénéficier de prestations sociales meilleures que dans son État d’origine ou que dans un autre État membre. Dans ce cas, en vertu de l’art. 23 al. 1 de l’OLCP, les autorités peuvent révoquer ou refuser de prolonger l’autorisation de séjour, si les conditions requises pour leur délivrance ne sont plus remplies (ATF 144 II 121 consid. 3.1).

13.         Une fois que la relation de travail a pris fin, l'intéressé perd en principe la qualité de travailleur, étant entendu cependant que, d'une part, cette qualité peut produire certains effets après la cessation de la relation de travail et que, d'autre part, une personne à la recherche réelle d'un emploi doit être qualifiée de travailleur durant la période de douze mois visée par l’art. 6 par. 1 annexe I ALCP (ATF 141 II 1 consid. 2.2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F5969/2015 du 13 juin 2017 consid. 5.4.2 et la jurisprudence citée).

La jurisprudence a notamment retenu que le détenteur d’une autorisation de séjour CE/AELE au chômage involontaire pendant dix-huit mois - mois durant lesquels la personne était restée inactive et avait touché des indemnités de chômage puis des prestations d’assistance - perdait le statut de travailleur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_390/2013 du 10 avril 2014 consid. 4.3 et les références citées).

14.         Par ailleurs, l’art. 61a LEI prévoit que le droit de séjour des ressortissants des États membres de l’UE ou de l’AELE titulaires d’une autorisation de courte durée prend fin six mois après la cessation involontaire des rapports de travail. Le droit de séjour des ressortissants des États membres de l’UE ou de l’AELE titulaires d’une autorisation de séjour prend fin six mois après la cessation involontaire des rapports de travail lorsque ceux-ci cessent avant la fin des douze premiers mois de séjour (al. 1). Si le versement d’indemnités de chômage perdure à l’échéance du délai de six mois prévu à l’al. 1, le droit de séjour prend fin à l’échéance du versement de ces indemnités (al. 2).

15.         L'art. 4 par. 1 annexe I ALCP prescrit que les ressortissants d'une partie contractante ont le droit de demeurer sur le territoire d'une autre partie contractante après la fin de leur activité économique. L'art. 4 par. 2 annexe I ALCP renvoie sur ce point au règlement (CEE) 1251/70.

Conformément à l'art. 2 par. 1 du règlement, a le droit de demeurer à titre permanent sur le territoire d'un État membre :

a) le travailleur qui, au moment où il cesse son activité, a atteint l'âge prévu par la législation de cet État pour faire valoir des droits à une pension de vieillesse et qui y a occupé un emploi pendant les douze derniers mois au moins et y a résidé d'une façon continue depuis plus de trois ans ;

b) le travailleur qui, résidant d'une façon continue sur le territoire de cet État depuis plus de deux ans, cesse d'y occuper un emploi salarié à la suite d'une incapacité permanente de travail ; si cette incapacité résulte d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ouvrant droit à une rente entièrement ou partiellement à charge d'une institution de cet État, aucune condition de durée de résidence n'est requise ;

c) le travailleur qui, après trois ans d'emploi et de résidence continus sur le territoire de cet État, occupe un emploi de salarié sur le territoire d'un autre État membre, tout en gardant sa résidence sur le territoire du premier État où il retourne, en principe, chaque jour ou au moins une fois par semaine.

16.         Aux termes de l’art. 22 OLCP, les ressortissants de l’UE qui ont le droit de demeurer en Suisse selon l’accord sur la libre circulation des personnes reçoivent une autorisation de séjour UE/AELE.

17.         En vertu de l’art. 23 al. 1 OLCP, les autorisations de séjour de courte durée, de séjour et frontalières UE/AELE, notamment, peuvent être révoquées ou ne pas être prolongées, si les conditions requises pour leur délivrance ne sont plus remplies.

18.         En l’espèce, la recourante s’est inscrite auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage le 5 novembre 2015 et n’a pas démontré avoir repris une activité lucrative par la suite. Elle a bénéficié d’un délai-cadre d’indemnisation jusqu’au 4 novembre 2017 et a émargé à l’Hospice générale du 1er novembre 2017 à fin avril 2022.

Dans la mesure où la recourante ne disposait plus de la qualité de travailleuse lorsqu’elle a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour, le 27 août 2018, elle ne peut pas se prévaloir d’un droit au renouvellement de son autorisation de séjour fondé sur l’art. 4 par. 1 et 2 annexe I ALCP.

19.         À teneur de l’art. 24 par. 1 annexe I ALCP, une personne ressortissant d’une partie contractante n’exerçant pas d’activité économique dans le pays de résidence reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins, à condition qu’elle prouve aux autorités nationales compétentes qu’elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l’aide sociale pendant son séjour (let. a) et d’une assurance-maladie couvrant l’ensemble des risques (let. b).

20.         Le droit de séjour demeure tant que les bénéficiaires de ce droit répondent à ces conditions (art. 24 par. 8 annexe I ALCP).

21.         L’art. 24 par. 2 annexe I ALCP précise que les moyens financiers nécessaires sont réputés suffisants s’ils dépassent le montant en-dessous duquel les nationaux, eu égard à leur situation personnelle, peuvent prétendre à des prestations d’assistance.

22.         Selon l’art. 16 al. 1 OLCP, tel est le cas si ces moyens dépassent les prestations d’assistance qui seraient allouées en vertu des directives « Aide sociale : concepts et normes de calcul » de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (ci-après : normes CSIAS), à un ressortissant suisse, éventuellement aux membres de sa famille, sur demande de l’intéressé et compte tenu de sa situation personnelle. En d’autres termes, on considère que la condition de l’art. 16 al. 1 OLCP est remplie si les moyens financiers d’un citoyen suisse, dans la même situation, lui fermeraient l’accès à l’aide sociale (ATF 144 II 113 consid. 4.1).

23.         Selon l’art. 16 al. 2 OLCP, les moyens financiers d’un ayant droit à une rente, ressortissant de la CE ou de l’AELE ainsi que les membres de sa famille, sont réputés suffisants s’ils dépassent le montant donnant droit à un ressortissant suisse qui en fait la demande, éventuellement aux membres de sa famille, à des prestations complémentaires au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 19 mars 1965 (LPC - RS 831.30).

Les conditions posées à l’art. 24 par. 1 annexe I ALCP servent uniquement à éviter de grever les finances publiques de l’État d’accueil. Ce but est atteint, quelle que soit la source des moyens financiers permettant d’assurer le minimum existentiel de l’étranger communautaire et sa famille (ATF 144 II 113 consid. 4.3).

24.         Le ressortissant étranger qui perçoit des prestations complémentaires ou de l’aide sociale représente une charge importante pour les finances publiques en raison de ressources financières insuffisantes pour couvrir les besoins vitaux. Dans cette optique, il est logique d’assimiler les prestations complémentaires à l’aide sociale sous l’angle de l’art. 24 par. 1 let. a annexe I ALCP (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4993/2021 du 9 mars 2023 consid. 9.2 ; ATA/183/2023 du 28 février 2023 consid. 7a). Ainsi, les ressortissants de l’UE/AELE qui perçoivent des prestations complémentaires selon la LPC ne disposent pas de moyens financiers suffisants au sens de l’ALCP et ne peuvent donc pas faire valoir de droit au séjour (ATF 135 II 265 consid. 3.7).

En effet, ce qui importe, surtout, dans le cadre du droit au séjour fondé sur l'art. 24 annexe I ALCP, c'est que le requérant ne grève pas indûment les finances de l'Etat d'accueil lors de son séjour (cf. ATF 142 II 35 consid. 5.1; 135 II 265 consid. 3.3). Tel est le cas aussi longtemps qu'il ne recourt pas aux prestations complémentaires; s'il y fait appel, il ne remplit plus les conditions à la poursuite du séjour sur la base de l'art. 24 annexe I ALCP (arrêt du Tribunal fédéral 2C_975/2022 du 20 avril 2023 consid. 7.2 et les références citées ; ATA/183/2023 du 28 février 2023 consid. 7b).

25.         En l’espèce, la recourante, désormais âgée de près de 65 ans, perçoit trois rentes de vieillesse : une rente suisse (depuis le 1er octobre 2021), une rente française (depuis le 1er juin 2021) et une rente canadienne (depuis juillet 2021). Ces trois rentes mensuelles se montent à, respectivement, CHF 1'082.-, EUR 107.25 et CAD 226.93, ce qui correspond à un total d’environ CHF 1'340.-. Or, ce montant est nettement insuffisant pour couvrir les charges de la recourante, aussi modestes soient-elles. Preuve en est qu’elle a dû recourir aux prestations complémentaires. Il est ainsi établi et non contesté qu’elle perçoit depuis le 1er mai 2022 des prestations complémentaires cantonales et fédérales à hauteur de CHF 2'325.- par mois, comprenant la part réservée au règlement des primes d’assurance-maladie, soit CHF 485.-.

Force est ainsi de constater, en application des principes et de la jurisprudence précités, que la recourante ne dispose pas de moyens financiers suffisants et que partant, elle ne remplit pas les conditions auxquelles l'art. 24 annexe I ALCP subordonne la poursuite de son séjour.

26.         Aux termes de l’art. 20 OLCP, si les conditions d’admission sans activité lucrative ne sont pas remplies notamment au sens de l’ALCP, une autorisation de séjour UE peut être délivrée lorsque des motifs importants l’exigent. Il n’existe cependant pas de droit en la matière, l’autorité cantonale statuant librement, sous réserve de l’approbation du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM ; art. 29 OLCP ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_59/2017 du 4 avril 2017 consid. 1.3). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). Cette liberté d’appréciation est toutefois limitée par les principes généraux de droit tels que notamment l’interdiction de l’arbitraire et l’égalité de traitement (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).

Les conditions posées à l’admission de l’existence de motifs importants au sens de cette disposition correspondent à celles posées à la reconnaissance d’un cas de rigueur en vertu de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, en lien avec l’art. 31 OASA, de sorte qu’une application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI ne saurait entrer en ligne de compte si les exigences prévues par l’art. 20 OLCP ne sont pas réalisées (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).

27.         À teneur de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

28.         L’art. 31 OASA énumère, à titre non exhaustif, une liste de critères qui sont à prendre en considération dans l’examen de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, à savoir l’intégration, le respect de l’ordre juridique, la situation familiale, la situation financière et la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation, la durée de la présence en Suisse et l’état de santé, étant précisé qu’il convient d’opérer une appréciation globale de la situation personnelle de l’intéressé. Aussi, les critères précités peuvent jouer un rôle déterminant dans leur ensemble, même si, pris isolément, ils ne sauraient fonder en soi un cas de rigueur (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3).

29.         Selon la jurisprudence constante relative à la reconnaissance des cas de rigueur en application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, applicable par analogie à l’art. 20 OLCP, il s’agit de normes dérogatoires présentant un caractère exceptionnel et les conditions auxquelles la reconnaissance d’un cas de rigueur est soumise doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu’une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences (ATF 138 II 393 consid. 3.1).

Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas particulier. La reconnaissance d’un cas individuel d’une extrême gravité n’implique pas forcément que la présence de l’étranger en Suisse constitue l’unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il s’y soit bien intégré (au plan professionnel et social) et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas individuel d’une extrême gravité ; encore faut-il que la relation de l’intéressé avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger de lui qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5).

30.         Les directives et commentaires du SEM concernant l’ordonnance sur la libre circulation des personnes, état janvier 2023, (ci-après : directives OLCP) (ch. 6.5), précisent que dans la mesure où l’admission des personnes sans activité lucrative dépend simplement de l’existence de moyens financiers suffisants et d’une affiliation à une caisse maladie, les cas visés par l’art. 20 OLCP en relation avec l’art. 31 OASA ne sont envisageables que dans de rares situations, notamment lorsque les moyens financiers manquent ou, dans des cas d’extrême gravité, pour les membres de la famille ne pouvant pas se prévaloir des dispositions sur le regroupement familial (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5).

31.         Des motifs médicaux peuvent, suivant les circonstances, conduire à la reconnaissance d'une raison personnelle majeure, lorsque l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à sa santé, qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas pour pouvoir y demeurer (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; 123 II 125 consid. 5b/dd et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2019 du 4 novembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 6a). En outre, l'étranger qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour y poursuivre son séjour (ATF 128 II 200 consid. 5.3 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 et les références citées ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 6a).

32.         Une grave maladie (à supposer qu'elle ne puisse être soignée dans le pays d'origine) ne saurait justifier à elle seule la reconnaissance d'un cas de rigueur, l'aspect médical ne constituant que l'un des éléments, parmi d'autres (durée du séjour, intégration socioprofessionnelle et formations accomplies en Suisse, présence d'enfants scolarisés en Suisse et degré de scolarité atteint, attaches familiales en Suisse et à l'étranger, etc.), à prendre en considération (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.1 à 5.4 ; 123 II 125 consid. 5b/dd et les références citées ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6545/2010 du 25 octobre 2011 consid. 6.4 ; C-7939/2007 du 29 mars 2010 consid. 7.2 et 7.2.2). Ainsi, en l'absence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, le facteur médical ne saurait constituer un élément suffisant pour justifier la reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité. Les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi au sens de l'art. 83 al. 4 LEI et un individu ne pouvant se prévaloir que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie ou d'un état de santé d'une gravité similaire (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_396/2014 du 27 mars 2015 consid. 4.5 ; 2C_187/2008 du 15 mai 2008 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4436/2019 du 1er février 2021 consid. 6.3.2 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid.6.6 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 6.1 et les références citées).

33.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal constate qu’aucun motif important ne commande que la recourante puisse demeurer en Suisse en vertu de l’art. 20 OLCP.

Elle séjourne en Suisse depuis le 1er octobre 2012. Bien que la durée de son séjour puisse être qualifiée de longue, elle doit toutefois être relativisée, dès lors que son séjour n’a été effectué au bénéfice d’une autorisation de séjour que du 26 avril 2013 au 29 septembre 2018. En effet, l’autorisation de séjour de la recourante est arrivée à échéance à cette date et l’OCPM a refusé de la renouveler le 8 novembre 2022. Depuis le 8 décembre 2022, date de dépôt du recours, la recourante bénéficie de l’effet suspensif dont celui-ci est assorti.

En outre, elle ne peut se prévaloir d’une quelconque intégration socio-professionnelle. Depuis son arrivée en Suisse en 2012 et bien qu’elle ait été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour, elle n’a pas démontré y avoir exercé une quelconque activité lucrative. Elle a continué à travailler en France voisine en qualité d’hôtesse de caisse jusqu’en 2015. Après avoir bénéficié d’indemnités de chômage jusqu’au 4 novembre 2017, elle a émargé à l’assistance publique jusqu’au 1er mai 2022, percevant ainsi plus de CHF 133'000.-, sous déduction d’un montant de CHF 7'629.- compensé par le rétroactif des prestations complémentaires. Elle n’a pas non plus démontré avoir noué avec la Suisse des liens allant au-delà de ce qui peut être attendu de tout étranger au terme d’un séjour d’une durée comparable.

S’agissant des problèmes de santé de la recourante, sans les minimiser, force est de constater que le certificat médical le plus récent qui figure au dossier remonte au 4 juin 2019. La recourante n’a produit aucune pièce prouvant qu’elle suivrait actuellement un quelconque traitement médical. Quoi qu’il en soit, un suivi relatif à ses problèmes cardiaques pourrait être effectué en France de sorte qu'un départ de Suisse n'est pas susceptible d'entrainer de graves conséquences pour sa santé. En tout état et en l’absence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, les problèmes médicaux de la recourante ne justifient pas l’octroi d’une autorisation de séjour en application des dispositions précitées.

Enfin, la recourante est née en France où elle a passé son enfance, son adolescence, soit les années essentielles pour la formation de la personnalité, ainsi que les premières années de sa vie d’adulte. Après un premier séjour en Suisse du 4 septembre 1979 au 30 juin 1997, elle a annoncé son départ pour le Canada. Elle n’est revenue en Suisse que quinze ans plus tard, à l’âge de 54 ans. Il lui sera loisible de s’installer en France voisine, à proximité de Genève, de façon à pouvoir maintenir aisément le contact avec son fils et ses petits-enfants. Il n’apparaît ainsi pas que la recourante serait confrontée à des problèmes insurmontables pour se réintégrer dans sa patrie où vit, à tout le moins son frère et sans doute certains de ses anciens collègues, étant rappelé qu’elle a travaillé en France voisine de 2012 à 2015.

Dans ces circonstances, aucun motif important n’exige la poursuite du séjour de la recourante en Suisse.

34.         La recourante invoque également l’art. 8 CEDH.

35.         Selon la jurisprudence, un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l'art. 8 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu'il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 137 I 284 consid. 1.3 ; 136 II 177 consid. 1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 1.1 ; 2C_786/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.1 et les références citées). Les relations ici visées concernent en premier lieu la famille dite nucléaire, c'est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2017 du 29 juin 2017 consid. 3 ; 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 1.1 ; 2C_1023/2016 du 11 avril 2017 consid. 5.1).

Le Tribunal fédéral admet aussi qu'un étranger puisse, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l'art. 8 par. 1 CEDH s'il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent (hors famille nucléaire) au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse (nationalité suisse ou autorisation d'établissement), par exemple en raison d'une maladie ou d'un handicap (ATF 137 I 154 consid. 3.4.2 ; 129 II 11 consid. 2 ; arrêts 2C_584/2017 du 29 juin 2017 consid. 3 ; 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 1.1 ; 2C_369/2015 du 22 novembre 2015 consid. 1.1 ; 2C_253/2010 du 18 juillet 2011 consid. 1.5). Tel est notamment le cas si la personne dépendante nécessite un soutien de longue durée en raison de graves problèmes de santé et que ses besoins ne seraient pas convenablement assurés sans la présence en Suisse de l'étranger qui sollicite une autorisation de séjour (arrêt 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1). L'extension de la protection de l'art. 8 CEDH aux ressortissants étrangers majeurs suppose l'existence d'un lien de dépendance comparable à celui qui unit les parents à leurs enfants mineurs. Le handicap ou la maladie grave doivent nécessiter une présence, une surveillance, des soins et une attention que seuls les proches parents sont généralement susceptibles d'assumer et de prodiguer (arrêts 2C_614/2013 du 28 mars 2014 consid. 3.1 ; 2C_546/2013 du 5 décembre 2013 consid. 4.1 ; 2D_7/2013 du 30 mai 2013 consid. 7.1 ; 2C_194/2007 du 12 juillet 2007 consid. 2.2.2). En revanche, une dépendance financière, des difficultés économiques ou d'autres problèmes d'organisation ne rendent en principe pas irremplaçable l'assistance de proches parents et ne fondent donc pas un droit à se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour obtenir le droit de séjourner en Suisse (cf. arrêts 2C_155/2019 du 14 mars 2020 consid. 7.5 ; 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_817/2010 du 24 mars 2011 et les références citées).

36.         En l'espèce, la recourante est majeure et n’a pas démontré souffrir d’une maladie grave ou d’un handicap, au sens défini par la jurisprudence. Elle n’a pas non plus allégué ni a fortiori établi qu’elle se trouverait, d'une manière ou d'une autre, dans un rapport de dépendance particulier avec son fils ou l’un des membres de sa famille vivant à Genève ou, inversement, que ces derniers le seraient vis-à-vis d’elle, même à admettre que ceux-ci disposent d’un droit de présence durable en Suisse. Elle ne peut ainsi revendiquer l'application de l'art. 8 CEDH en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour, sous l'angle du respect de sa vie familiale.

37.         Par ailleurs, sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (cf. not. ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2).

Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1025/2022 du 5 juin 2023 consid. 6.1).

Sous l'angle du droit au respect de la vie privée, il faut d'emblée relever que les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance - par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours - ne sont pas déterminantes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_91/2021 consid. 5). Dans l’arrêt 2C_919/2019 du 25 février 2020 (consid. 7), le Tribunal fédéral, examinant la situation d’une recourante qui considérait que la totalité de son séjour devait être prise en compte, notamment les six années qui s’étaient écoulées entre le début de la procédure de renouvellement et la décision de refus d’approbation du SEM, a rappelé que le séjour effectué en Suisse après l'échéance de l'autorisation de séjour correspondait à un séjour passé dans ce pays au bénéfice d'une simple tolérance et ne pouvait pas être assimilé à un séjour légal.

Dans le même sens, dans un récent arrêt, le Tribunal fédéral a notamment retenu que le recourant qui séjournait en Suisse depuis quinze ans, n’avait bénéficié que de cinq années de séjour dûment autorisées en Suisse. Il avait obtenu une autorisation de séjour en 2007, renouvelée en dernier lieu jusqu’au 26 mars 2012. Il avait sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 27 mars 2012. L’OCPM avait fait part de son intention de refuser de faire droit à sa demande le 17 septembre 2020, puis avait rendu une décision de refus le 14 juillet 2021 (arrêt 2C_1025/2022 du 5 juin 2023 consid. 6.2).

Sous l’angle de l’intégration, le Tribunal fédéral a notamment retenu, s’agissant d’un recourant qui ne s’était pas investi dans la vie associative, culturelle ou sociale locale, et qui ne s'était créé aucune attache particulièrement étroite avec d'autres personnes que sa sœur, que le fait de parler deux langues nationales, d'exercer seul une activité professionnelle en raison individuelle en sus d'une activité salariée à temps partiel, de ne pas émarger à l'aide sociale et de n'avoir pas de dettes, ainsi que de ne pas avoir été condamné pénalement, même s'il plaidait en sa faveur, ne suffisait pas à démontrer l'intégration remarquable dont il se prévalait et que, partant, il ne pouvait pas invoquer de manière défendable la protection de la vie privée garantie par l'art. 8 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 2C_72/2021 du 7 mai 2021 consid. 6.3).

38.         En l’espèce, la recourante qui n’a bénéficié d’une autorisation de séjour que du 26 avril 2013 au 29 septembre 2018, ne peut se prévaloir d’un séjour légal de plus de dix ans en Suisse. En outre, tel que cela ressort des considérants qui précèdent - elle n’a pas non plus fait preuve d’une intégration sortant de l’ordinaire au sens exigé par la jurisprudence, si bien qu’elle ne peut invoquer le droit à la protection de sa vie privée pour demeurer en Suisse.

39.         Ne pouvant se prévaloir de l'art. 8 CEDH, c'est en vain que la recourante invoque la Recommandation qui ne constitue qu'un instrument d'interprétation de la CEDH et qui n'a aucun caractère juridiquement contraignant, ce qu’elle admet d’ailleurs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_72/2021 du 7 mai 2021 consid. 6.4 ; 2C_988/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.3).

40.         La recourante soutient remplir les conditions de l’art. 34 al. 2 LEI.

41.         Selon l'art. 34 LEI, l’autorisation d’établissement est octroyée pour une durée indéterminée et sans conditions (al. 1). L’autorité compétente peut octroyer une autorisation d’établissement à un étranger aux conditions suivantes : a) il a séjourné en Suisse au moins dix ans au titre d’une autorisation de courte durée ou de séjour, dont les cinq dernières années de manière ininterrompue au titre d’une autorisation de séjour ; b) il n’existe aucun motif de révocation au sens des art. 62 ou 63 al. 2 LEI ; c) l’étranger est intégré (al. 2).

42.         Dans la mesure où l’ALCP ne réglemente pas la question de l’autorisation d’établissement d’un ressortissant communautaire, celle-ci doit être examinée sous l’angle des traités et accords d'établissement en la matière ainsi qu’au regard de la LEI (arrêts du Tribunal fédéral 2C_139/2014 du 4 juillet 2014 consid. 3.1 ; 2C_473/2011 du 17 octobre 2011 consid. 2.1).

43.         La Suisse a conclu un accord d’établissement avec la France (Convention d'établissement du 1er août 1946 avec la France, non publiée), [directives et commentaires du SEM, domaine des étrangers, état au 1er mars 2023 (ci-après : Directives LEI) annexe au ch. 0.2.1.3.2].

Malgré leur contenu parfois différent, les accords d’établissement conclus par la Suisse coïncident sur les points suivants :

-          ils confèrent un droit à l’obtention d’une autorisation d’établissement après un séjour régulier et ininterrompu de 5 ans (dérogation à la formulation potestative de l’art. 34 al. 2 LEI).

-          ils dérogent uniquement à la durée du séjour d’au moins dix ans visée à l’art. 34 al. 2 let. a LEI ; pour le reste, les dispositions de la LEI s’appliquent à titre complémentaire (cf. arrêt 2C_881/2021 du 9 mai 2022 consid. 4.2 et 4.3 concernant l’accord d’établissement entre la Suisse et l’Allemagne). L’octroi d’une autorisation d’établissement en vertu de l’art. 34 al. 2 LEI sur la base d’un accord d’établissement n’est donc possible que s’il n’existe aucun motif de révocation (art. 62 al. 1 LEI) ou de rétrogradation (art 63 al. 2 LEI) et que l’étranger est intégré, notamment qu’il dispose des compétences linguistiques requises (art. 58a LEI).

Le Tribunal fédéral s’est prononcé à quelques reprises sur l'interprétation d’un accord d’établissement. Sous le régime de la LSEE, qui ne prévoyait aucune condition à l’octroi d’une autorisation d’établissement, il était arrivé à la conclusion que le droit à l’obtention d’une telle autorisation devait être accordé aux seules conditions posées par l’accord, à savoir le séjour régulier d’une durée ininterrompue de cinq ans (cf. ATF 120 Ib 360 consid. 3b concernant l’accord d’établissement entre la Suisse et l’Autriche). Sous le régime de la LEtr, qui a introduit la condition de l’absence de motif de révocation (art. 34 al. 2 let. b LEtr), il avait précisé que cette condition devait être examinée. Enfin, sous le régime de la LEI, qui a introduit la condition de l’intégration (art. 34 al. 2 let. c, LEI), il a ajouté que cette condition devait également être examinée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_881/2021 du 9 mai 2022 consid. 4.2 et 4.3 précité) (Directives SEM op. cit.).

44.         Selon l'art. 34 al. 2 let. b LEI, l’autorité compétente peut octroyer une autorisation d’établissement à un étranger s’il n’existe aucun motif de révocation au sens des art. 62 ou 63 al. 2 LEI.

Il s’agit de motifs de révocation au sens de l’art. 62 LEtr et non au sens de l’art. 63 al. 1 LEtr (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 331).

À cet égard, l’art. 62 al. 1 let. e LEI, stipule que l'autorité compétente peut révoquer une autorisation de séjour si l'étranger lui-même ou une personne dont il a la charge dépend de l'aide sociale.

L'arrêt 2C_60/2022 cité par la recourante traite du motif de révocation de l’art. 63 al. 1 let. c LEI.

 

À la différence de l'art. 63 al. 1 let. c LEI qui concerne les autorisations d'établissement, l'art. 62 al. 1 let. e LEI ne prévoit pas que la personne dépende « durablement et dans une large mesure » de l'aide sociale (arrêt 2C_633/2018 du 13 février 2019 consid. 6.2 et les références) pour justifier un refus. Cela s’explique par le fait que le candidat à une autorisation d’établissement doit franchir un seuil élevé en matière d’autonomie financière. Partant, une fois cette autorisation octroyée, son anéantissement doit répondre à des exigences plus strictes (Code annoté de droit des migrations op. cit.). La révocation ou le non-renouvellement de l'autorisation de séjour d'un étranger pour des raisons de dépendance à l'aide sociale suppose qu'il existe un risque concret d'une telle dépendance. De simples préoccupations financières ne suffisent pas. Pour évaluer ce risque, il faut non seulement tenir compte des circonstances actuelles, mais aussi considérer l'évolution financière probable à plus long terme, compte tenu des capacités financières de tous les membres de la famille. Une révocation ou un non-renouvellement entrent en considération lorsqu'une personne a reçu des aides financières élevées et qu'on ne peut s'attendre à ce qu'elle puisse pourvoir à son entretien dans le futur (arrêt 2C_984/2018 du 7 avril 2020 consid. 5.2 et les références). Dans ce contexte, il s'agit de tenir compte à la fois du montant total des prestations déjà versées et de la situation financière à long terme de l'intéressé, afin d'estimer - en se fondant sur sa situation financière présente et son évolution probable - s'il existe des risques qu'il se trouve à l'avenir à la charge de l'aide sociale (cf. ATAF 2018 VII/3 consid. 5.2.2.1 et jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5474/2019 du 16 septembre 2021 consid. 10.1).

45.         Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la notion d'assistance publique ou d'aide sociale doit être interprétée dans un sens technique. Elle comprend l'aide sociale traditionnelle et les revenus minima d'aide sociale, à l'exclusion des prestations d'assurances sociales, comme les indemnités de chômage ou les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (cf. notamment arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5660/2015 du 6 janvier 2016 consid. 6.3 ; ATF 141 II 401 consid. 5.1 ; ATF 135 II 265 consid. 3.7 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_95/2019 consid. 3.4.2 ; 2C_268/2011 du 22 juillet 2011 consid. 6.2.2 ; ATA1331/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3b).

46.         En l’espèce, entre novembre 2017 et le 1er mai 2022, soit durant près de cinq ans, la recourante a perçu une aide financière de l’Hospice général pour un montant de plus de CHF 133'000.-, sous déduction d’un montant de CHF 7'629.- compensé par le rétroactif des prestations complémentaires. Certes, elle n’émarge plus à l’assistance publique depuis le 1er mai 2022. Cela étant, elle ne dispose que d’un revenu mensuel de CHF 3'665.- au total comprenant ses trois rentes de vieilles (CHF 1'340.-) et des prestations complémentaires (CHF 2'325.- part réservée au règlement des primes d’assurance-maladie comprise).

Considérant le nombre d’années pendant lesquelles la recourante a bénéficié de prestations financières de l’Hospice général et du montant élevé de ces dernières, il convient de retenir une dépendance à l’aide sociale réalisant le motif de révocation de l’art. l'art. 62 al. 1 let. e LEI. Le fait qu'elle ne bénéficie plus des prestations financières de l'Hospice général et ce, depuis un peu plus d’une année, ne suffit pas à infirmer sa dépendance à l’aide sociale. En effet, compte tenu du faible montant de ses revenus mensuels actuels et malgré la modicité alléguée de ses charges mensuelles, sa situation financière demeure précaire et ne peut être qualifiée de stable et durable. En l’état, elle ne permet en tous cas pas de juger de son autonomie financière et le risque qu’elle retombe à la charge de l’assistance publique demeure hautement vraisemblable, étant rappelé qu’un seuil élevé en matière d’autonomie financière est exigé du candidat à une autorisation d’établissement.

47.         Concernant l'examen de la proportionnalité sous l'angle de l'art. 96 LEI, il implique notamment de prendre en compte la gravité de l'éventuelle faute commise par l'étranger, la durée de son séjour en Suisse, son degré d'intégration, le préjudice que l'intéressé et sa famille auraient à subir du fait de la mesure et les liens qu'il entretient encore avec son pays d'origine (cf. ATF 139 I 145 consid. 2.3 ; 135 II 377 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1039/2019 du 6 février 2020 consid. 6), ainsi que la part de responsabilité qui lui est imputable s'agissant de son éventuelle dépendance à l'aide sociale (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_452/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités).

48.         En l’espèce, s’agissant des critères précités et pour éviter d’inutiles redites, le tribunal renverra aux motifs exposés ci-dessus au considérant 33. À ces motifs s’ajoutent le fait qu’aucun élément du dossier n’indique que la recourante aurait été empêchée de subvenir à ses besoins en exerçant une activité lucrative, durant les cinq années au cours desquelles elle a émargé à l’Hospice général, ce d’autant qu’elle disposait d’une autorisation de séjour. Partant, il y a lieu de retenir que sa dépendance à l’aide sociale lui est clairement imputable.

Procédant à une pesée des intérêts en présence, le tribunal considère que l’intérêt public à éviter que la recourante se retrouve à nouveau à la charge de la collectivité publique à l’avenir doit l’emporter sur son intérêt privé à demeurer en Suisse.

49.         Il apparaît ainsi que c’est également à bon droit que l’OCPM a refusé de mettre la recourante au bénéfice d’une autorisation d’établissement.

50.         Au vu de ce qui précède, l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (cf. art. 96 LEI) en rejetant la demande formulée par la recourante, s’agissant tant du renouvellement de son autorisation de séjour que de l’octroi d’une autorisation d’établissement.

51.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (cf. ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a ; ATA/991/2020 du 6 octobre 2020 consid. 6b ; ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 ; ATA/1694/2019 du 19 novembre 2019 consid. 6).

52.         La recourante n’obtenant pas le renouvellement de son autorisation de séjour, c’est également à bon droit que l’autorité intimée a prononcé son renvoi de Suisse.

53.         Pour le surplus, il n'apparaît pas que l'exécution de cette mesure serait impossible, illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée au sens de l'art. 83 LEI, étant rappelé qu’il ne ressort pas du dossier qu’elle suive actuellement un quelconque traitement médical et qu’elle n’a ni démontré ni même allégué qu’elle ne pourrait pas bénéficier en France de soins et de traitements médicaux adéquats.

54.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 800.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

55.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 8 décembre 2022 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 8 novembre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 800.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier