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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2074/2022

JTAPI/764/2023 du 05.07.2023 ( OCPM ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;ÉTUDIANT
Normes : LEI.17; LEI.27; LEI.90; LEI.96; OASA.23
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2074/2022

JTAPI/764/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 5 juillet 2023

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Manuel MOURO, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______1999, est ressortissante colombienne.

2.             Par décision du 24 mai 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de lui délivrer une autorisation de séjour pour études et lui a imparti un délai au 30 juin 2022 pour quitter la Suisse.

Le 6 mars 2020, elle avait déposé une demande d'autorisation d'entrée et de séjour auprès de l'OCPM afin de suivre des cours de français auprès de la Swiss French School. Elle était prise en charge et hébergée par sa tante à la rue P____ à Genève. Le 1er décembre 2021, la Swiss French School l'avait informé que l'intéressée ne suivait plus les cours depuis février 2021. Le 21 janvier 2022, elle avait été avertie de l'intention de l'OCPM de lui refuser l'autorisation de séjour sollicitée et de prononcer son renvoi de Suisse. Dans le délai imparti pour présenter ses observations, elle n'avait pas répondu.

Mme A______ n'était inscrite dans aucune école et ne remplissait dès lors par les conditions de l'art. 27 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Sa sortie de Suisse n'était pas garantie dans la mesure où elle ne s'était pas engagée à le faire au terme de ses études, malgré divers rappels. Faute de réponse dans un délai raisonnable, l'OCPM n'avait pas été en mesure de vérifier si les conditions légales étaient respectées ni d'examiner les éléments déterminants pour la réglementation de son séjour pour études. Même dans l'hypothèse la plus favorable où les conditions de l'art. 27 LEI seraient réunies, elle n'avait pas un droit à la délivrance de l'autorité de séjour requise. Il convenait d'examiner la nécessité de suivre sa formation en Suisse sous l'angle de l'opportunité. Or, sa motivation relevait plus de la convenance personnelle que d'une réelle nécessité de suivre cette formation à Genève. Au surplus, son renvoi apparaissait possible, licite et exigible, conformément à l'art. 83 LEI.

Il ressort du dossier produit par l'OCPM que Mme A______ a sollicité une autorisation de séjour le 6 mars 2020 avec comme but d'obtenir le niveau B2 du CECR en français le 13 février 2021. Elle a choisi Genève pour sa meilleure qualité de vie et sa liberté d'expression. Les membres de sa famille vivant en Suisse lui souhaitait une meilleure condition de vie et était prêt à l'aider en ce sens. Au terme de ses études, elle avait l'intention de continuer une autre formation universitaire en Suisse. Elle a suivi des études de commerce à l'université de Sena en Colombie où elle a réalisé et réussi le cursus "système de gestion de la sécurité et santé au travail". Par courriel du 10 mars 2020, l'OCPM lui a demandé de fournir une lettre de motivation, un plan d'étude détaillé, un CV, une copie de ses diplômes, une attestation de logement et son engagement de quitter la Suisse au terme de ses études. Malgré la transmission des documents demandés, l'intéressée ne s'est pas engagée à quitter la Suisse, de sorte que des rappels lui ont été envoyés les 17 septembre 2020 et 27 octobre 2020 ainsi que les 12 mars 2021, 7 juin 2021 et 23 septembre 2021 par l'intermédiaire de son avocat. Ils sont restés lettre morte. Rien au dossier ne concerne l'état de santé de l'intéressée.

Le 24 juin 2022, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation. Préalablement, elle a sollicité sa comparution personnelle ainsi que celle de l'administration.

Elle avait suivi avec assiduité ses cours de français auprès de Swiss French School du 13 janvier 2020 au 15 février 2021. A compter du 12 avril 2021, elle était inscrite auprès de l'école PEG afin de suivre un cours de français intensif. Elle y avait notamment suivi des cours du 1er novembre 2021 au 11 mars 2022 et avait obtenu le niveau B1. Elle devait passer des examens les 11 et 18 juin 2022 et entendait poursuivre son apprentissage du français. Elle n'avait jamais interrompu sa formation. Elle était atteinte d'une leucémie myéloïde chronique nécessitant un traitement inexistant en Colombie de sorte que son renvoi n'était pas possible, licite ni raisonnablement exigible. Concernant son prétendu refus de s'engager à quitter la Suisse au terme de ses études, il allait sans dire qu'elle se conformerait aux prescriptions légales en vigueur, étant précisé que sa maladie faisait obstacle à son renvoi.

Il ressort de l'attestation de Swiss French School du 27 mai 2022 que l'intéressée a atteint le niveau A2.2 du CECR au 15 février 2021. En raison de ses problèmes de santé, elle n'a pas pu suivre les cours de l'école PEG régulièrement et n'était dès lors pas prête pour la session d'examen de juin 2022. Elle a tout de même passé les épreuves mais a eu un malaise, ce qui l'a fait échouer (attestation du 19 août 2022 de l'école PEG).

3.             Par écriture du 14 février 2023, l'OCPM a confirmé sa décision, les arguments avancés en lien avec la formation à Genève n'étant pas de nature à modifier sa position. Le 8 février 2023, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) avait rendu un rapport duquel il ressortait que le traitement de la recourante n'était pas disponible en Colombie, de sorte que son renvoi n'était pas raisonnablement exigible. Dès l'entrée en force de sa décision, l'OCPM s'engageait à transmettre son dossier au SEM en vue d'une admission provisoire.

4.             Par réplique du 10 mars 2023, Mme A______ a pris note de la position de l'OCPM et persisté dans les termes de son recours.

5.             Le 28 mars 2023, l'OCPM a informé le tribunal qu'il n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.


 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

1.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

2.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

3.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3 et les arrêts cités). En matière de droit des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 8.3.3 ; 2C_767/2015 du 19 février 2016 consid. 5.3.1).

4.             Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

5.             La recourante a sollicité sa comparution personnelle et celle de l'administration.

6.             Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1123/2014 du 24 avril 2015 consid. 2.1 ; 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 2.5).

7.             Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_842/2014 du 17 février 2015 consid. 6.2 ; 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.3).

8.             En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

9.             En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu’ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l’autorité intimée, pour statuer en connaissance de cause sur le litige, de sorte qu’il n’apparaît pas utile de procéder à l’audition de la recourante et de l'OCPM. En tout état, la recourante a pu faire valoir ses arguments, dans le cadre de son recours et de sa réplique, et produire tout moyen de preuve utile en annexe à ses écritures, sans qu’elle n’explique ce qui, dans la procédure écrite, l’aurait empêchée d’exprimer ses arguments de manière pertinente et complète. Par conséquent, la requête d’instruction, en soi non obligatoire, sera rejetée.

10.         Le présent litige a pour objet le refus par l'autorité intimée d'octroyer à la recourante une autorisation de séjour pour études.

11.         La LEI et ses ordonnances, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI)

12.         Selon l’art. 17 al. 1 LEI, l’étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d’autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l’étranger.

13.         Aux termes de l'art. 27 al. 1 LEI, un étranger peut être admis en vue d'une formation ou d'un perfectionnement si la direction de l'établissement confirme qu'il peut suivre la formation ou le perfectionnement envisagés (let. a), s'il dispose d'un logement approprié (let. b), s'il dispose des moyens financiers nécessaires (let. c) et s'il a un niveau de formation et les qualifications personnelles requis pour suivre la formation ou le perfectionnement prévus (let. d). Ces conditions étant cumulatives, une autorisation de séjour pour l'accomplissement d'une formation ne saurait être délivrée que si l'étudiant étranger satisfait à chacune d'elles (ATA/40/2019 du 15 janvier 2019 consid. 6 et les références citées).

14.         L'art. 27 LEI est une disposition rédigée en la forme potestative (ou « Kann-Vorschrift »). Ainsi, même dans l'hypothèse où toutes ces conditions sont réunies, l'étranger n'a pas droit à la délivrance d'une autorisation de séjour, à moins qu'il ne puisse se prévaloir d'une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité lui conférant un tel droit (ATF 135 II 1 consid. 1.1 et la jurisprudence citée). Autrement dit, l'autorisation doit être refusée lorsque ces conditions ne sont pas remplies ; lorsqu'elles le sont, l'autorité n'en dispose pas moins d'un large pouvoir d'appréciation pour statuer sur la requête, dont elle est tenue de faire le meilleur exercice en respectant les droits procéduraux des parties (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-6364/2018 du 17 mai 2019 consid. 8.1 ; C-7279/2014 du 6 mai 2015 consid. 7.1).

15.         Conformément à l’art. 96 LEI, il convient de procéder à une pondération globale de tous les éléments en présence afin de décider de l’octroi ou non de l’autorisation de séjour pour études (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-517/2015 du 20 janvier 2016 consid. 7.2 ; C-5718/2013 du 10 avril 2014 ; C-3139/2013 du 10 mars 2014 consid. 7.2 ; C-2291/2013 du 31 décembre 2013 consid. 7.2 ; cf. aussi ATA/303/2014 du 29 avril 2014 consid. 8).

16.         Compte tenu du grand nombre d'étrangers qui demandent à être admis en Suisse en vue d'une formation ou d'un perfectionnement, les conditions d'admission fixées à l'art. 27 LEI, de même que les exigences en matière de qualifications personnelles et envers les écoles (art. 23 et 24 OASA), doivent être respectées de manière rigoureuse. Il y a lieu d’empêcher que les séjours autorisés au motif d'une formation ou d'un perfectionnement ne soient exploités de manière abusive afin d'éluder des conditions d'admission plus sévères (ATA/1129/2022 du 8 novembre 2022 consid. 3h ; ATA/303/2014 du 29 avril 2014 consid. 7).

17.         À teneur de l'art. 23 al. 2 OASA, les qualifications personnelles – mentionnées à l'art. 27 al. 1 let. d LEI – sont suffisantes notamment lorsqu'aucun séjour antérieur, aucune procédure de demande antérieure, ni aucun autre élément n'indique que la formation ou le perfectionnement invoqués visent uniquement à éluder les prescriptions générales sur l'admission et le séjour des étrangers.

18.         À la suite de la modification de l'art. 27 LEI intervenue au 1er janvier 2011, l'absence d'assurance de départ de Suisse de l'intéressé au terme de sa formation ne constitue plus un motif justifiant à lui seul le refus de délivrance d'une autorisation de séjour pour études. Néanmoins, cette exigence subsiste en vertu de l'art. 5 al. 2 LEI, à teneur duquel tout étranger qui effectue un séjour temporaire en Suisse, tel un séjour pour études, doit apporter la garantie qu'il quittera la Suisse à l'échéance de celui-là (ATA/139/2015 du 3 février 2015 consid. 7 et les références citées). L'autorité administrative la prend en considération dans l'examen des qualifications personnelles requises au sens des art. 27 al. 1 let. d LEI et 23 al. 2 OASA (arrêts du TAF C-2291/2013 du 31 décembre 2013 consid. 6.2.1 ; C-4733/2011 du 25 janvier 2013 consid. 6.3).

19.         L'étranger doit présenter un plan d'études personnel et préciser le but recherché (ATA/651/2017 du 13 juin 2017 consid. 6 ; ATA/457/2016 du 31 mai 2016 consid. 5 ; ATA/208/2015 du 24 février 2015 consid. 10).

20.         Le bénéfice d’une formation complète antérieure (arrêts C-5718/2013 du 10 avril 2014 ; C-3143/2013 du 9 avril 2014 ; C-2291/2013 du 31 décembre 2013), l’âge de la personne demanderesse (arrêts C-5718/2013 du 10 avril 2014 ; C-3139/2013 du 10 mars 2014), les échecs ou problèmes pendant la formation (arrêt C-3170/2012 du 16 janvier 2014), la position professionnelle occupée au moment de la demande (arrêt C-5871/2012 du 21 octobre 2013), les changements fréquents d’orientation (arrêt C-6253/2011 du 2 octobre 2013), la longueur exceptionnelle du séjour à fin d’études (arrêt C-219/2011 du 8 août 2013) sont des éléments importants à prendre en compte en défaveur d’une personne souhaitant obtenir une autorisation de séjour pour études (cf. ATA/303/2014 du 29 avril 2014 consid. 8).

21.         Compte tenu de l'encombrement des établissements (écoles, universités, etc.) et de la nécessité de sauvegarder la possibilité d'accueillir aussi largement que possible de nouveaux étudiants sur le territoire de la Confédération, il importe de faire preuve de rigueur dans l'examen des demandes, la priorité étant donnée aux jeunes étudiants désireux d'acquérir une première formation en Suisse. Parmi les ressortissants étrangers déjà au bénéfice d'une première formation acquise dans leur pays d'origine, seront prioritaires ceux qui envisagent d'accomplir en Suisse un perfectionnement professionnel constituant un prolongement direct de leur formation de base (arrêts du TAF C-5015/2015 du 6 juin 2016 consid. 7.1 ; C-5718/2013 du 10 avril 2014 consid. 7.2.3)

22.         Lors de l’admission d’étrangers, l’évolution sociodémographique de la Suisse est prise en considération (cf. art. 3 al. 3 LEI). La Suisse ne peut accueillir tous les étrangers qui désirent y séjourner, que ce soit pour des séjours de courte ou de longue durée, raison pour laquelle la jurisprudence considère qu’il est légitime d’appliquer une politique restrictive d’admission (cf. ATF 122 II 1 consid. 3a ; cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1359/2010 du 1er septembre 2010 consid. 6.1 ; ATA/677/2015 du 23 juin 2015 consid. 6a).

23.         La nécessité d'effectuer des études en Suisse ne constitue certes pas une des conditions posées à l'art. 27 LEI pour l'obtention d'une autorisation de séjour en vue d'une formation ou d'un perfectionnement. Cette question doit toutefois être examinée sous l'angle du large pouvoir d'appréciation conféré à l'autorité dans le cadre de l'art. 96 al. 1 LEI (arrêts du TAF F-6364/2018 précité consid. 8.2.2 ; C-5436/2015 du 29 juin 2016 consid. 7.3).

24.         En l'espèce, il doit être examiné si la recourante remplit les conditions de l'art. 27 al. 1 LEI et cas échéant, si l'autorité intimée a abusé de son pouvoir d'appréciation en lui refusant un titre de séjour pour fréquenter une école de langue.

25.         On ne sait pas quand la recourante est entrée en Suisse. Toutefois, elle vivait déjà sur le territoire helvétique lorsqu'elle a déposé une demande d'autorisation de séjour le 6 mars 2020 puisqu'elle a débuté sa formation auprès de Swiss French School, le 13 janvier 2020. Ainsi, lorsqu’elle a commencé son cursus, elle ne disposait d’aucun titre de séjour. Conformément à l’art. 17 al. 1 LEI, il lui aurait appartenu d’attendre l’issue de la procédure à l’étranger.

26.         La recourante suit la formation envisagée, soit des leçons de français. Elle bénéficie d'un logement approprié et des moyens nécessaires pour assurer son séjour puisqu'elle est totalement prise en charge par sa tante. Il n'existe aucun élément dans le dossier permettant de conclure qu'elle n'aurait pas le niveau de formation requis pour suivre des cours de français. Il convient dès lors d'examiner si elle possède les qualifications personnelles suffisantes au sens de l'art. 27 al. 1 let. d LEI, étant rappelé que cette exigence doit être respectée de manière rigoureuse, conformément à la jurisprudence précitée.

27.         Lors du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour, la recourante a indiqué qu'elle souhaitait suivre une école de langue française afin d'en obtenir le niveau B2 au 13 février 2021, ce qui n'a pas été le cas in fine. Elle avait ensuite l'intention de poursuivre une autre formation universitaire, sans toutefois apporter d'autres précisions à ce sujet ni expliquer le but qu'elle poursuivait. Malgré cinq rappels de l'OCPM, l'intéressée ne s'est jamais engagée à quitter la Suisse au terme de ses études, alors qu'elle a une obligation spécifique de collaborer (art. 90 LEI). Il ressort enfin de sa demande d'autorisation de séjour qu'elle avait choisi Genève pour sa meilleure qualité de vie et que les membres de sa famille étaient prêts à la soutenir car ils lui souhaitaient de meilleures conditions qu'en Colombie. Le tribunal retiendra que sa motivation relève de la pure convenance personnelle et non pas d'une réelle volonté de se former. Il apparaît ainsi que l'intéressée n'avait d'emblée nullement l'intention de quitter la Suisse après sa formation, laquelle vise vraisemblablement à éluder les prescriptions générales sur l'admission et le séjour des étrangers.

28.         A cela s'ajoute que l'acquisition de la langue française n'apparaît pas essentielle dans sa vie professionnelle en Colombie ni en vue d'intégrer une filière de formation. Déjà au bénéfice d'un cursus universitaire commerciale, l'apprentissage du français ne constitue pas un prolongement de sa formation de base. Elle n'a, en tout état, pas de réelle nécessité de suivre des cours de langue à Genève.

Au vu de ces éléments, la recourante n'est pas en possession des qualifications personnelles suffisantes au sens de l'art. 27 al. 1 let. d LEI. L’OCPM n’a ainsi pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de lui octroyer l’autorisation convoitée.

29.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée.

30.         Elles ne disposent à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; C-406/2006 du 2 septembre 2008 consid. 8 et la référence citée ; cf. aussi not. ATA/954/2018 du 18 septembre 2018 consid. 9 ; ATA/598/2014 du 29 juillet 2014 consid. 12 ; ATA/228/2015 du 2 mars 2015 consid. 8 ; ATA/182/2014 du 25 mars 2014 consid. 12).

31.         Dès lors qu'il a refusé de délivrer à la recourante une autorisation de séjour pour études, l'OCPM devait en soi ordonner son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI.

32.         Reste toutefois à déterminer si l'exécution de cette mesure est possible, licite et peut être raisonnablement exigée.

33.         Le SEM décide d'admettre à titre provisoire l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'admission provisoire peut être proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 6 LEI). Aux termes de l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision de renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

Cette disposition s'applique notamment aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet, et ainsi exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois, et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3).

34.         En l’espèce, le traitement de la recourante n'est pas disponible dans son pays d'origine de sorte qu'un renvoi l'empêcherait de recevoir les soins nécessaires et la placerait dans une situation de danger. Partant, son renvoi n'est pas raisonnablement exigible actuellement. Cette appréciation devra être réévaluée en fonction de l'évolution de la maladie et du pronostic envisagé.

35.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté s'agissant du refus d'autorisation de séjour pour études. Il sera partiellement admis concernant le renvoi. Le dossier sera ainsi retourné à l’autorité intimée afin qu'elle le soumette au SEM avec un préavis favorable à une admission provisoire.

36.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-.

37.         La recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010
(RAJ - E 2 05.04).

38.         Vu l’issue du litige et le fait que l'OCPM n'était pas au courant des problèmes de santé de la recourante au moment où il a rendu la décision contestée, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

39.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.

 

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 24 juin 2022 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 24 mai 2022 ;

2.             l'admet partiellement au sens des considérants ;

3.             renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations afin qu'il soumette le dossier au secrétariat d'État aux migrations avec un préavis favorable à une admission provisoire ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

5.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

6.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière