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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2969/2022

JTAPI/440/2023 du 25.04.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : CONVENTION SUR LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS;CAS DE RIGUEUR
Normes : CEDH.4; CETH.4; CETH.14; LEI.30.al1.lete; OASA.36
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2969/2022

JTAPI/440/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 avril 2023

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Sibel CAN-UZUN, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1990, est ressortissante du Pérou.

2.             Lors de son audition par la police le 30 janvier 2020, Mme A______, entendue en qualité de prévenue de séjour illégal, a indiqué être arrivée en Suisse le 30 janvier 2019, en possession d’une carte d’invitation - établie par Monsieur B______, concubin de Madame C______, qui était l’une de ses tantes - pour des vacances d’une durée d’un mois. Elle n’avait plus quitté ce pays depuis cette date et y avait fait le ménage et gardé le fils de Mme C______, âgé de 4 ans, jusqu’en mai 2019, sans être rémunérée. Elle devait s’acquitter d’un loyer auprès de Mme C______ et de M. B______, chez qui elle vivait. Quand elle avait décidé de quitter ce logement, sa tante l’avait menacée de la dénoncer à la police. Son passeport était en possession de cette dernière, qui n’avait jamais donné suite à sa requête de dépôt d’une demande de titre de séjour en sa faveur, et elle avait dû prétendre qu’elle souhaitait déposer une demande de titre de séjour en Espagne pour pouvoir récupérer son document d’identité et quitter cet appartement. Elle avait ensuite été hébergée dans le canton, de mai à août 2019, chez une amie prénommée Elsa puis, par la suite et jusqu’à ce jour, par une autre de ses tantes, Madame D______. Elle percevait environ CHF 200.- par mois grâce à une activité de femme de ménage chez un particulier. Ses parents ainsi que ses trois frères et sœurs vivaient au Pérou. Sans fortune, elle avait des dettes à hauteur de CHF 1'000.-.

3.             Eu égard au trafic d’êtres humains dont elle estimait être victime et à la plainte déposée à ce titre contre Mme C______, elle a été entendue par la police, le 30 janvier 2020 également, en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Elle avait convenu avec la précitée qu’elle viendrait en Suisse pour garder le fils de cette dernière et faire le ménage chez elle, en contrepartie de quoi sa tante la logerait, la nourrirait, et lui chercherait un emploi déclaré. Dès son arrivée à Genève, cette dernière lui avait demandé CHF 300.- pour la location de sa chambre, qu’elle avait payés en utilisant ses économies, et lui avait pris son passeport. Depuis janvier 2019, elle avait ainsi gardé le fils de sa tante et fait le ménage de cette dernière sans aucune rémunération et s’était acquittée d’un loyer mensuel de CHF 300.-, qu’elle avait ensuite été en mesure de payer en effectuant, sur demande de sa tante, des ménages rémunérés chez des connaissances de cette dernière. Depuis janvier 2019 également, elle avait subi des menaces et des contraintes. Sa tante l’enfermait dans son appartement depuis l’extérieur sans lui donner de jeu de clés et lui parlait avec méchanceté et mépris. Lorsqu’elle avait fait part à la précitée de son souhait de demander un permis de séjour, elle l’avait menacée d’appeler la police et il en avait été de même lorsqu’elle n’avait pas été en mesure de lui remettre les CHF 300.- dus pour le loyer. Après avoir réussi à récupérer son passeport en prétextant en avoir besoin pour tenter de régulariser sa situation en Espagne, elle s’était réfugiée chez une amie. Fâchée de son départ, Mme C______ avait mis ses menaces à exécution et l’avait dénoncée à la police, raison pour laquelle elle avait été interrogée ce même jour en qualité de prévenue de séjour illégal. Elle souhaitait désormais bénéficier d’une autorisation de séjour et de travail.

4.             Suite à la plainte déposée par Mme A______ pour menace et contrainte, la police a procédé aux auditions de Mme C______ et de M. B______, lesquels ont nié les faits qui leur étaient reprochés.

En substance, Mme C______, entendue en qualité de prévenue le 6 mai 2020, a déclaré avoir hébergé Mme A______, qui était la fille de son demi-frère, en avril 2019 durant un mois uniquement, sur demande de cette dernière, qui avait déclaré à son concubin vouloir visiter la Suisse. Sa nièce ne s’était nullement occupée sans rémunération du ménage et de son fils mais le père de cet enfant, dont elle était séparée, l’avait payée pour aller le chercher le mercredi lorsqu’il n’était pas lui-même disponible. Elle n’avait demandé aucune contrepartie pour la nourriture et le logement de la précitée, qui avait partagé la chambre de l’une de ses filles. Elle ne l’avait pas davantage menacée de la dénoncer si elle ne lui remettait pas CHF 300.- par mois mais l’avait par contre prévenue qu’elle préviendrait la police si elle continuait à utiliser, sans son accord, son adresse pour conclure des abonnements auprès de E______. Il était impossible qu’elle ait enfermé sa nièce dans son appartement, dès lors que la porte de celui-ci s’ouvrait sans clés depuis l’intérieur. Cette dernière ne lui avait jamais demandé de l’aider à obtenir un permis de séjour et de travail et elle ne l’avait, quant à elle, jamais obligée à travailler pour des amis à elle. Enfin, elle n’avait jamais été en possession du passeport de sa nièce.

M. B______, entendu le 29 mai 2020 en qualité de personne appelée à donner des renseignements, a précisé qu’il ne faisait pas ménage commun avec Mme C______. Mme A______ était arrivée en Suisse fin janvier 2019 et avait logé chez lui à F______ (Genève) durant le mois de février 2019, gratuitement dès lors qu’il s’agissait de la nièce de sa concubine, avant de partir vivre chez des amis car elle voulait se rapprocher de la ville, puis d’aller habiter chez sa compagne, durant le mois d’avril 2019 uniquement. Il ignorait si Mme A______ avait payé un loyer à sa concubine pour le mois d’avril 2019 mais supposait que ce n’était pas le cas, vu leur lien de parenté. Ils avaient emmené Mme A______ avec eux en vacances en Suisse et il lui avait même offert un billet d’avion pour qu’elle aille passer quelques jours à G______ en février 2019. Sa compagne n’avait jamais menacé Mme A______ d’appeler la police si elle ne lui remettait pas CHF 300.- par mois. Mme A______ n’avait pas vécu cinq mois chez sa concubine, ne s’occupait de l’enfant que lorsque celle-ci emmenait ses autres enfants à l’école ou allait faire des achats et ne participait au nettoyage de l’appartement que lorsque toute la famille nettoyait. Mme A______ n’avait jamais été enfermée à l’intérieur de l’appartement de sa compagne, qui pouvait d’ailleurs s’ouvrir sans clé depuis l’intérieur. Il n’avait jamais vu le passeport de Mme A______ et cette dernière n’avait, à sa connaissance, jamais été obligée de faire le ménage chez des connaissances de sa concubine. Il s’agissait selon lui d’un « coup monté ».

5.             À l’issue de ces auditions, un rapport de renseignements a été établi par la police le 29 mai 2020 à l’attention du Ministère public, à teneur duquel suite à la dénonciation de Mme C______ le 25 octobre 2019 à l’encontre de Mme D______ en raison de l’hébergement de plusieurs personnes - dont Mme A______ - en séjour illégal dans son appartement, cette dernière, Mme A______, Mme D______ et les autres intéressés avaient été interpellés et entendus.

6.             Par ordonnance pénale du 15 septembre 2020 publiée dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du ______ 2020 et désormais entrée en force, le Ministère public a condamné Mme A______ à une peine pécuniaire de trente jours-amende à CHF 30.- l’unité avec sursis de trois ans pour violation de l’art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

7.             Par pli du 2 décembre 2020, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a informé Mme A______ qu’au vu de l’absence de titre de séjour valable, fait ayant fondé sa condamnation du 15 septembre 2020, le prononcé de son renvoi de Suisse et la proposition du prononcé d’une mesure d’éloignement (interdiction d’entrée) auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) à son encontre étaient envisagés, un délai de cinq jours lui étant imparti pour faire usage de son droit d’être entendue.

8.             Faisant usage de ce droit, Mme A______ a sollicité auprès de l’OCPM, par courrier du 8 décembre 2020, son admission provisoire ou, à tout le moins, qu’aucune mesure d’éloignement ne soit prononcée à son encontre afin qu’elle puisse déposer plainte pénale contre la personne qui l’avait exploitée et suivre la procédure y relative.

Sous la pression familiale, elle avait quitté un travail qui lui plaisait au Pérou pour venir à Genève chez sa tante, qui lui avait promis qu’elle y ferait fortune en travaillant dans une cafétéria. Une fois arrivée en Suisse, elle avait été exploitée et avait subi des violences psychiques et économiques, des pressions et le vol de son passeport, de sorte qu’elle envisageait de déposer une plainte pénale pour traite d’êtres humains. Elle ne pouvait désormais plus revenir dans son pays. Sa tante, qui y avait beaucoup d’influence, lui avait « fait une terrible réputation » et elle risquait d’être reniée par sa famille. De plus, elle s’y retrouverait sans emploi ni attaches.

9.             Par correspondance du 6 janvier 2021, l’OCPM a informé Mme A______ que sa requête d’admission provisoire ne pouvait être traitée à ce stade, une décision de renvoi devant d’abord être rendue, étant précisé qu’elle n’avait déposé aucune demande de titre de séjour.

10.         Par courrier du 22 janvier 2021, Mme A______ a sollicité auprès de l’OCPM, sous la plume d’un juriste du Centre social protestant (ci-après : CSP), l’octroi d’un délai de réflexion et de rétablissement au sens des art. 30 al. 1 let. e LEI et 35 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) afin de tenter de se rétablir des événements subis, de stabiliser son séjour et de réfléchir à un dépôt de plainte.

Plusieurs documents étaient joints, notamment un courriel adressé le 20 janvier 2021 par une psychologue du centre H______ à son conseil, à teneur duquel les faits rapportés lors de l’entretien du même jour relevaient effectivement de la traite d’êtres humains. Ainsi, seraient pris en charge par le centre H______ les frais d’avocat en lien avec la procédure pénale, l’intéressée ayant été orientée vers un avocat, et les frais de consultations psychothérapeutiques. Dès lors que la traite d’êtres humains avait eu lieu en 2019, le centre ne pouvait toutefois pas couvrir les frais d’hébergement.

11.         Par pli du 26 janvier 2021, l’OCPM a accordé à Mme A______ un délai de rétablissement et de réflexion jusqu’au 22 avril 2021.

12.         Par courrier du 17 mai 2021, Mme A______, sous la plume de son conseil, a informé le Ministère public, tout en indiquant n’avoir jamais reçu l’ordonnance pénale du 15 septembre 2020, qu’elle demeurait, suite à ses déclarations à la police de mai 2020 selon lesquelles elle avait été exploitée, dans l’attente d’être entendue par un procureur.

13.         Le Ministère public a répondu à la précitée, par pli du 18 mai 2021, tout en lui transmettant l’ordonnance pénale du 15 septembre 2020 qui lui avait été valablement notifiée par publication FAO, qu’il lui appartenait d’adresser aux autorités une dénonciation, respectivement une plainte, distincte qui donnerait lieu, cas échéant, à l’ouverture d’une nouvelle procédure, si elle estimait avoir été victime d’infractions qui n’étaient pas visées par l’ordonnance pénale précitée, l’ensemble des faits visés par la procédure en question ayant fait l’objet de diverses décisions désormais toutes entrées en force.

14.         Par demande du 3 août 2021, Mme A______ a sollicité auprès de l’OCPM, sous la plume de son conseil, la délivrance d’un titre de séjour pour cas de rigueur au sens des art. 31 al. 1 let. b LEI et 31 et 36 al. 6 OASA, subsidiairement, la constatation de l’inexigibilité de son renvoi et l’octroi d’une admission provisoire. Elle a également sollicité la délivrance d’une autorisation d’exercer une activité lucrative.

Alors qu’il avait été convenu qu’elle viendrait vivre, moyennant un loyer de CHF 400.-, chez sa tante et le concubin de cette dernière, qui lui trouverait un emploi rémunéré dès son arrivée, sa tante avait saisi son passeport dès son arrivée, sous prétexte que les prétendues recherches d’emploi à effectuer nécessitaient ce document. Partageant une chambre avec l’une des filles de la famille, elle avait dû s’occuper, week-ends inclus, du ménage (lessives, nettoyages, repas) et du benjamin de la famille. Sa tante lui avait trouvé, à une reprise, un emploi de serveuse lors d’un événement culturel péruvien, les dix heures de travail effectuées à ce titre ayant été rémunérées à hauteur de CHF 100.-. La précitée l’avait également mise en contact avec deux employeurs, pour lesquels elle effectuait des ménages rémunérés CHF 25.- l’heure, ceux-ci ayant toutefois mis fin à cette activité après avoir appris qu’elle était en situation irrégulière. Dès lors qu’elle n’avait ensuite plus été en mesure de payer son loyer, sa relation avec sa tante s’était fortement dégradée, celle-ci lui ayant retiré sa clé de l’appartement. Courant avril 2019, sa tante avait menacé de la dénoncer aux autorités si elle quittait le logement familial et de recruter des malfrats afin d’attenter à son intégrité physique lorsqu’elle retournerait au Pérou. Le frère de sa tante étant incarcéré au Pérou et bénéficiant d’un réseau permettant de faire pression sur les gens, un éventuel retour dans son pays n’était, pour elle, pas envisageable. Elle avait très mal vécu ces pressions, qui avaient eu des conséquences sur sa santé psychologique et physique. Prétextant une inscription à des cours de français, elle avait pu récupérer son passeport et avait quitté, après quatre mois d’exploitation, mi-mai 2020 [recte : 2019], l’appartement de sa tante. Une passante, qui l’avait vue en état de détresse, l’avait accueillie quelques temps chez elle puis elle avait contacté son autre tante, qui l’avait hébergée dès octobre 2019. Le 30 janvier 2020, elle-même et cette tante avaient été arrêtées par la police suite à la dénonciation de Mme C______ et aucune suite n’avait été donnée à la plainte pénale qu’elle avait déposée contre la précitée lors de son audition. Elle demeurait très impactée psychologiquement par les événements vécus, bien qu’ils remontaient à plus de deux ans, sa tante ayant, cette année encore, proféré des menaces à son encontre. En cas de retour au Pérou, elle ne serait pas à l’abri de représailles violentes de la part de sa tante, ce d’autant qu’elle l’avait désormais dénoncée sur le plan pénal à Genève. Les faits relatés à son conseil et au centre H______ étaient les mêmes que ceux exposés à la police et le centre précité ainsi que le secteur d’assistance aux victimes de traite d’êtres humains du CSP, entitées habilitées pour l’identification de victimes de traite d’êtres humains dans le canton, l’avait reconnue comme telle. Le Ministère public n’avait quant à lui vraisemblablement pas suffisamment examiné cette question. S’agissant de sa situation médicale, elle bénéficiait d’un suivi psychologique auprès de l’I______ (ci-après : I______) et souffrait d’une dépression, de tristesse et d’idées noires suite aux événements subis. Différentes pathologies somatiques étaient également à déplorer, comme le confirmerait le rapport du Docteur J______ à produire. Au bénéfice de l’aide de l’hospice général (ci-après : HG) et hébergée au foyer K______, elle travaillait à temps partiel comme aide à domicile chez un particulier.

Plusieurs pièces étaient jointes, notamment un formulaire M établi le 26 février 2021 par Monsieur L______ indiquant employer la précitée en qualité d’aide à domicile (baby-sitting), dès le 15 mars 2021, à hauteur de dix-sept heures et demie hebdomadaires, moyennant un salaire mensuel brut de CHF 1'775.-.

15.         Par courriel du 26 août 2021, l’OCPM a autorisé Mme A______ à travailler en tant qu’aide à domicile jusqu’à droit connu sur sa requête de titre de séjour.

16.         Par pli du 30 août 2021, l’OCPM a prié la précitée de lui transmettre les rapports médicaux annoncés, un curriculum vitae et tout élément susceptibles de confirmer ses allégations d’exploitation (notamment des témoignages d’autres membres de la famille, de voisins, d’anciens employeurs de janvier à mai 2019) et de lister les membres de sa famille et leur lieu de résidence.

17.         Faisant suite à cette requête, Mme A______, sous la plume de son conseil, a indiqué à l’OCPM, par pli du 16 novembre 2021, que les deux rapports médicaux en sa possession – joints – faisaient état d’une symptomatologie anxio-dépressive. Un traitement médicamenteux lui avait été prescrit afin de contenir les séquelles de l’exploitation subie, par laquelle elle demeurait impactée, même si son état s’était aujourd’hui stabilisé. Malgré sa formation et son expérience professionnelle au Pérou, sa réinsertion sur le marché du travail de ce pays n’était pas garantie. La reprise économique suite à la pandémie de Covid-19 y étant lente et le taux de chômage très élevé, elle risquait de s’y exposer « à un risque de re-victimisation » au vu de sa situation vulnérable. Quant à l’exploitation subie, l’attestation – jointe également – rédigée par Madame M______, qui était la passante mentionnée dans son écriture du 3 août 2021, faisant état de sa profonde tristesse, ce qui revenait à décrire un état anxio-dépressif, et confirmait la maltraitance subie de la part de sa tante. S’agissant de sa famille, ses parents, respectivement pêcheur et femme au foyer, ainsi que ses trois frères et sœurs vivaient au Pérou. Elle avait quitté cette famille modeste, qui vivait dans le département d’N______, à l’âge de 18 ans, en raison notamment du manque d’accès à l’éducation dans cette province, pour aller étudier et travailler à O______, à plusieurs centaines de kilomètres. En cas de retour au Pérou, sa famille, qui vivait sur le maigre revenu du père, ne pourrait pas la soutenir financièrement. Les deux seuls membres de sa famille vivant à l’étranger étaient Mmes C______ et D______, qui se trouvaient à Genève.

Étaient joints :

-          Un rapport établi par un médecin et un psychologue de l’I______ le 24 septembre 2021 fondé sur neuf entretiens effectués du 28 janvier au 31 août 2021, selon lequel la patiente avait indiqué être arrivée en Suisse en 2019 sur invitation d’une tante qui lui avait promis un hébergement et de l’aide pour trouver un emploi, avoir quitté le domicile de cette tante au bout de quatre mois en raison d’une situation d’exploitation et de violences psychologiques puis avoir trouvé refuge chez une autre tante. Elle avait également précisé que, durant ce séjour de quatre mois en 2019, sa tante lui avait confisqué son passeport, l’avait humiliée, avait crié sur elle, lui avait ordonné de quitter le domicile durant la journée tout en lui en retirant les clés, lui avait interdit de s’asseoir et l’avait contrainte à effectuer des tâches domestiques chez elle et chez des connaissances, l’avait accusée à tort de vol, l’avait endettée et exhortée à se prostituer puis, après son départ du domicile, l’avait menacée de mort via des tiers et diffamée. La patiente s’était plainte de différents symptômes en rapport avec la situation, soit une crainte de représailles de la part de sa tante, une labilité de l’humeur, une tristesse, des pleurs, des idées suicidaires, des troubles du sommeil, des cauchemars, des ruminations anxieuses, de l’évitement, de l’anxiété, des troubles de la concentration et une perte de poids. Sur le plan physique, elle s’était plainte d’une réaction dermatologique (acné) et d’une perte de cheveux. Elle avait également mentionné d’autres facteurs de stress liés à la précarité de son statut en Suisse comme pouvant influencer son état, notamment une interpellation dans la rue en janvier 2020 par la police qui l’avait emmenée au poste et déshabillée ainsi que l’avis d’expulsion reçu de l’OCPM en décembre 2020. L’état de la patiente avait nécessité l’intervention d’un médecin au début de sa prise en charge, lequel lui avait prescrit un traitement médicamenteux à visée anxiolytique et somnifère et la précitée avait rapporté une amélioration de la symptomatologie dans le temps. Sur le plan psychique, les auteurs du rapport avaient constaté une symptomatologie anxio-dépressive s’amendant dans le temps et ils avaient convenu de rester à disposition de la patiente en cas de besoin ;

-          Un rapport médical édicté par le SEM complété le 4 octobre 2021 par le Dr J______ à teneur duquel la patiente, qu’il avait reçue en consultation à deux reprises, soit le 2 mars et le 24 juin 2021, avait demandé une consultation dermatologique en raison d’acné sur le visage et un bilan sanguin avant introduction d’antidépresseur par l’I______. Les examens réalisés (examen radiopulmonaire, « TA » et « FC ») étaient sans particularités. La rubrique « évolution » comportait deux points d’interrogation. Le diagnostic était « Acné. Rhinoconjonctivite atopique. Probable trouble dépressif » et le traitement du 24 juin 2021 était « Aerius/dymista ». Aucune réponse n’avait été fournie quant à la durée de ce traitement, l’existence d’un traitement nécessaire et adéquat à entreprendre, le pronostic et les possibilités de traitement dans son pays, aucun médecin n’étant en outre connu au Pérou par l’auteur du rapport. La rubrique relative aux contrôles médicaux à effectuer en vue d’un traitement précisait que la patiente n’avait été vue qu’à deux reprises et la rubrique « Remarques » indiquait que l’auteur du rapport n’avait aucune information concernant le suivi de la patiente à l’I______ ;

-          Son curriculum vitae selon lequel, diplômée en administration des affaires avec une expérience professionnelle d’assistante administrative du contrôle des coûts dans le domaine des opérations, elle bénéficiait d’une capacité de planifier et organiser les tâches opérationnelles et administratives, une aisance à travailler en équipe avec un désir d’évolution. Elle avait obtenu dans son pays en 2010 un diplôme en manutention de conteneurs, en 2011 un diplôme en administration d’entreprise puis suivi une seconde formation en matière d’administration d’entreprise de 2012 à 2015. Elle avait travaillé, dans son pays, pour la société P______ SA, de juillet 2008 à septembre 2009 en tant qu’opératrice d’équilibre, d’octobre 2009 à avril 2011 au service du contrôle documentaire, de mai 2011 à septembre 2014 en qualité d’assistante administrative des opérations et d’octobre 2014 à décembre 2018 en tant qu’assistante de contrôle des coûts ;

-          Une attestation du 6 octobre 2021 par le biais de laquelle Mme M______ indiquait l’avoir rencontrée dans un parc public du canton, alors qu’elle s’occupait d’un enfant dans le cadre de son activité de nounou. Mme A______ lui avait indiqué garder le fils de sa tante et chercher du travail. Au fil des rencontres, elle avait remarqué son expression récurrente de tristesse de plus en plus profonde. Cette dernière lui avait confié qu’elle ne se sentait pas bien là où elle vivait et être maltraitée par sa tante, de sorte qu’elle l’avait accueillie chez elle de mai à octobre 2019, avant qu’elle était parte vivre chez une autre de ses tantes, et l’avait aidée à trouver un autre emploi. Durant cette période, elle avait été témoin du stress et de la tristesse que vivait l’intéressée, qui avait développé une alopécie et une acné sévère. Cette dernière était une personne extrêmement correcte qu’elle appréciait beaucoup et qui était très importante pour elle ;

-          Une attestation établie le 28 juillet 2021 par la fondation K______ indiquant qu’elle accueillait l’intéressée depuis le 23 juillet 2021.

18.         À teneur de l’attestation de l’HG du 11 mai 2022, Mme A______ perçoit des prestations financières depuis le 1er décembre 2021, d’un montant total de CHF 10'340.85 pour 2022, soit CHF 14'284.85 moins CHF 3'944.- de recettes.

19.         Par courrier du 12 mai 2022, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser l’octroi d’une autorisation de séjour fondée sur les art. 14 let. a de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005 (CTEH - RS 0.311.543) et 31 et 36 al. 6 OASA et de prononcer son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai de trente jours pour faire usage de son droit d’être entendu.

La précitée n’avait pas rendu vraisemblable son statut de victime. Ses explications relatives à l’exploitation qu’elle aurait subie pendant les quatre mois passés chez sa tante et le concubin de cette dernière n’avaient pas été retenues par les autorités pénales, la plainte déposée à la suite de son interpellation en janvier 2020 pour menaces et séquestration n’ayant pas abouti. Le témoignage de Mme M______ et le rapport de consultation du 24 septembre 2021 ne constituaient pas des preuves ni des indices suffisants, dès lors qu’ils se fondaient sur les seules déclarations de Mme A______. En tout état, la reconnaissance du statut de victime de traite d’êtres humains n’était pas suffisante pour donner droit à l’octroi d’un permis de séjour et la précitée ne se trouvait pas dans une situation de détresse personnelle.

20.         Faisant usage de ce droit, Mme A______ a indiqué, sous la plume de son conseil, par pli du 10 juin 2022, que les faits allégués avaient été rendus vraisemblables. Elle avait été identifiée comme victime par le centre H______ et le CSP, entités spécialisées en la matière, le premier ayant d’ailleurs relevé l’impact psychologique important des violences subies et le fait que ses propos avaient été cohérents et constants. Comme le démontrait le rapport de renseignements de police du 29 mai 2020, elle avait déposé plainte pénale contre sa tante pour menaces et contrainte et avait déclaré qu’elle se considérait victime de traite d’êtres humains. Suite à cela, aucune réelle instruction n’avait été effectuée et aucune condamnation n’avait été rendue, l’autorité pénale s’étant apparemment limitée à des auditions sommaires et la parole de sa tante, qui l’avait devancée en la dénonçant à la police, l’ayant emporté sur sa propre parole. Ainsi, l’absence de condamnation n’excluait pas sa qualité de victime de traite d’êtres humains et le fait qu’aucune instruction n’avait été ouverte à son encontre pour induction de la justice en erreur démontrait que ses déclarations n’avaient pas été remises en cause. À l’issue du délai de réflexion et de rétablissement, elle avait renoncé à s’opposer à l’ordonnance pénale du 15 septembre 2020, cette dernière étant déjà entrée en force, et avait décidé de ne pas déposer de nouvelle plainte contre sa tante, vu la suite donnée à la première. Même si cette plainte pénale s’était soldée par une ordonnance de non-entrée en matière, les faits dont elle expliquait avoir été victime n’avaient pas été remis en cause par l’autorité de poursuite pénale. Elle avait également dû bénéficier d’un suivi psychologique en raison des événements vécus et le rapport médical de l’I______ du 24 septembre 2021 précisait qu’elle avait souffert d’une symptomatologie anxio-dépressive, de troubles du sommeil, de ruminations anxieuses, d’anxiété et d’idées suicidaires. En plus de ces entretiens, elle avait bénéficié d’un traitement médicamenteux à visée anxiolytique et somnifère. Ainsi, dès lors qu’elle avait présenté une atteinte à sa santé psychique consécutive à la traite d’êtres humains subie et avait déposé plainte pénale pour ces faits, elle avait rendu vraisemblable son statut de victime et lui nier cette qualité reviendrait à violer les engagements internationaux de la Suisse.

Les conditions des art. 4 CTEH et 4 CEDH étaient remplies. Elle avait été recrutée, hébergée et avait accepté de rejoindre sa tante en Suisse car cette dernière lui avait fait de fausses promesses, soit qu’elle trouverait facilement un emploi rémunéré et régulariserait sa situation en Suisse alors qu’elle avait été, une fois arrivée sur le sol helvétique, contrainte de travailler pour sa tante et son passeport avait été confisqué. Le travail domestique imposé sous la menace d’une dénonciation aux autorités migratoires s’apparentait à de l’exploitation, sa tante ayant ainsi épargné les frais qu’elle aurait dû débourser pour employer un tiers. Une fois le logement de sa tante quitté, cette dernière l’avait effectivement dénoncée aux autorités, de sorte que la contrainte exercée sur elle était bien réelle. Pour le surplus, les conditions posées par l’art. 36 al. 6 OASA étaient discutables et cette disposition ne respectait pas la séparation des pouvoirs, dès lors qu’il appartenait au pouvoir législatif de prévoir les conditions auxquelles la situation personnelle d’une victime commandait la délivrance d’un titre de séjour.

Comme confirmé par un article de presse publié en 2010 par l’organisation internationale pour les migrations, l’aide offerte au Pérou aux victimes de traite d’êtres humains était jugée inadéquate, une personne ayant été une fois victime de traite présentant un risque estimé à 50 % de l’être à nouveau en cas de retour. Le fait qu’elle avait été recrutée alors qu’elle était employée au Pérou démontrait qu’elle s’y trouvait dans une certaine précarité et avait quitté ce pays dans l’espoir d’améliorer sa situation. En cas de retour, elle serait à nouveau obligée de subvenir à ses besoins et livrée à elle-même, dans un pays où le taux de chômage des femmes avoisinait 10 %. Même si elle pourrait peut-être compter sur le soutien moral de ses proches, il en irait différemment de leur soutien financier, vu leur situation économique, qui s’était encore péjorée en raison d’une récente maladie de son père. En cas de retour, elle risquait d’être victime d’actes de représailles orchestrées par sa tante qui l’avait menacée, à plusieurs reprises, d’engager une personne au Pérou afin de la défigurer. Les menaces de cette dernière devaient être prises au sérieux, compte tenu du fait qu’elle avait déjà mis en œuvre certaines d’entre elles, notamment la dénonciation aux autorités suisses.

Enfin, elle travaillait à hauteur de dix-huit heures hebdomadaires pour un salaire mensuel brut de CHF 2'030.-. Même si elle était actuellement financièrement soutenue, son contrat de travail devrait être revu à la hausse prochainement, ce qui lui permettrait de quitter l’aide sociale. Son intégration sociale était bonne, eu égard au fait qu’elle venait de terminer son deuxième cours de français intensif de niveau A2.

Étaient notamment joints :

-          Une attestation établie par le centre H______ le 1er juin 2022, selon laquelle Mme A______ avait été reçue à plusieurs reprises dès le 20 janvier 2021, en raison de l’infraction de traite d’êtres humains à visée d’exploitation du travail et des menaces de mort qu’elle avait subies. Le CSP l’avait sollicité en urgence le 18 janvier 2021 pour une prise en charge de la précitée. Au vu de l’impact psychologique des violences subies, un soutien psychologique au sein de l’I______ avait été mis en place. Elle avait été accompagnée dans sa réflexion quant à une dénonciation pénale des faits et une rencontre avait été organisée avec un avocat spécialisé dans la représentation de victimes. Les propos de l’intéressée avaient toujours été cohérents et elle s’était montrée constante dans ses explications, malgré l’impact psychologique important des violences subies. Elle avait toujours activement collaboré avec les différents acteurs du réseau psychosocial et le centre soutenait sa demande de régularisation ;

-          Des fiches de salaire établies par Madame Q______ pour les mois de mars et avril 2022 faisant état d’un salaire mensuel net de CHF 1'410.80 pour une activité de garde d’enfants depuis le 1er janvier 2021 ;

-          Une confirmation de participation à un cours intensif de français de niveau A2 du 16 mai au 3 juin 2022.

21.         Par décision du 19 août 2022, l’OCPM a refusé de délivrer à Mme A______ une autorisation de séjour fondée sur les art. 14 let. a CTEH, 31 et 36 al. 6 OASA et a prononcé son renvoi, un délai au 30 septembre 2022 lui étant imparti pour quitter la Suisse.

Reprenant les motifs invoqués dans son courrier d’intention, cet office a confirmé qu’il ne ressortait pas du dossier qu’un retour au Pérou l’exposerait à des difficultés particulières.

22.         Par acte du 14 septembre 2022 accompagné de pièces figurant déjà au dossier, Mme A______ a interjeté recours, sous la plume de son conseil, devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de cette décision, concluant, préalablement, à sa comparution personnelle afin de prouver sa qualité de victime et, principalement, à l’annulation de la décision attaquée, au constat de sa qualité de victime de traite d’êtres humains au sens des art. 4 CTEH et 4 CEDH et, cela fait, au constat que les conditions de l’art. 14 CTEH étaient réalisées puis au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision dans le sens des considérants, subsidiairement au renvoi à cet office pour nouvelle décision, plus subsidiairement au constat que son renvoi était inexigible, voire illicite au sens de l’art. 83 LEI, sous suite de frais et dépens.

Tout en reprenant les éléments de fait et les griefs exposés dans son droit d’être entendu du 10 juin 2022 devant l’OCPM, la précitée a confirmé avoir rendu vraisemblable de façon prépondérante qu’elle avait été victime de traite d’êtres humains, eu égard notamment à la plainte pénale déposée par ses soins, même si la procédure y relative s’était soldée par une ordonnance de non-entrée en matière, ainsi que les rapports médicaux et les attestations des associations spécialisées produites qui l’identifiaient comme victime de traite d’êtres humains. Elle avait présenté, durant les divers entretiens avec lesdites associations puis dans son recours, des explications cohérentes et détaillées sur les motifs de son départ et les allégations de traite qui entouraient ce départ. Elle avait toujours pleinement collaboré et produit tous les moyens de preuve à sa disposition. Une personne contrainte, sous la menace d’une dénonciation aux autorités migratoires, à effectuer du travail domestique par un seul auteur devait être appréhendé comme une victime de traite d’êtres humains lorsque les autres conditions étaient, comme in casu, remplies. Si des doutes devaient subsister quant à la vraisemblance de sa qualité de victime, il convenait d’ordonner sa comparution personnelle. En outre, elle pouvait se prévaloir d’un droit à l’octroi d’un titre de séjour en vertu de l’art. 14 CTEH, dès lors que, dépourvue de réseau social et souffrant de dépression, elle présentait le profil vulnérable que les autorités suisses étaient tenues de protéger en vertu de la CTEH. Vu les événements de traite subis, les risques objectifs qu’elle puisse à nouveau en être victime et le manque de soutien à de telles victimes au Pérou, un retour dans ce pays n’était en effet pas exigible.

Subsidiairement, elle pouvait prétendre à la délivrance d’un titre de séjour pour cas de rigueur, compte tenu de sa bonne intégration en Suisse, de son bon niveau de français et de son important investissement en vue de s’intégrer sur le marché du travail. Elle a confirmé que son employeur souhaitait augmenter son taux d’activité, de sorte qu’elle serait probablement financièrement autonome prochainement.

Enfin, plus subsidiairement et en tout état, son renvoi était inexigible, voire illicite, en raison de sa situation personnelle. En tant que femme seule, victime de traite d’êtres humains, sans soutien financier et familial au Pérou, pays qui inquiétait les experts en raison de l’augmentation des violences faites à l’égard des femmes selon un article de presse du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, elle devait être considérée comme une personne vulnérable.

23.         Dans ses observations du 17 novembre 2022 accompagnées du dossier, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

La plainte pénale déposée par la recourante n’avait pas abouti et l’ordonnance rendue par le Ministère public ne saurait être remise en cause. Quand bien même la précitée rendrait hautement vraisemblable sa qualité de victime de traite d’êtres humains, un retour au Pérou ne la placerait pas dans une situation personnelle d’extrême gravité au sens de l’art. 14 al. 1 let. a CTEH. Elle avait vécu au Pérou jusqu’à l’âge de 28 ans, dont les dernières années à O______ où elle avait étudié et travaillé de manière indépendante. La présence de ses parents et de ses frères et sœurs représenterait un soutien moral bénéfique, même s’ils ne pouvaient l’aider financièrement. Elle pourrait également bénéficier au Pérou des traitements nécessaires pour soigner la dépression. Le risque de « re-trafficking » pouvait être relativisé dans la mesure où elle avait quitté son emploi et son pays à l’instigation d’un membre de sa famille résidant en Suisse, soit dans des circonstances tout à fait particulières.

24.         Par réplique du 14 décembre 2022, sous la plume de son conseil, la recourante a persisté dans ses conclusions sans formuler d’observations complémentaires.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La recourante sollicite sa comparution personnelle.

6.             Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 484 consid. 2.1 ; 138 I 154 consid. 2.3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 4.1 ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2 ; ATA/134/2015 du 3 février 2015 ; ATA/66/2015 du 13 janvier 2015).

Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_842/2014 du 17 février 2015 consid. 6.2 ; 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.3 ; 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 2.5 ; ATA/158/2016 du 23 février 2016 consid. 2a ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2 ; ATA/5/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/118/2014 du 25 février 2014).

En revanche, le droit d'être entendu ne confère pas celui de l'être oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; 125 I 209 consid. 9b ; 122 II 464 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; 8C_8/2012 du 17 avril 2012 consid. 1.2).

7.             En l'occurrence, le dossier contient les éléments utiles permettant au tribunal de statuer en connaissance de cause sur le recours, de sorte qu'il ne se justifie pas de donner suite à l’offre de preuve formulée par la recourante. En effet, cette dernière a eu la possibilité de se déterminer par écrit durant la présente procédure. Il sera en outre relevé qu’elle a indiqué, dans le cadre de sa réplique, ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler, ce qui démontre qu’elle considère avoir été en mesure de faire état de tous les éléments pertinents pour le traitement de son cas et de produire tout document utiles. Partant, la requête de comparution personnelle des parties, en soi non obligatoire, sera rejetée.

8.             La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité et le juge établissent les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est toutefois pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA ; ATF 128 II 139 consid. 2b). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuve (arrêts du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 et les arrêts cités).

Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille, pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit. Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées). Le fardeau de la preuve est supporté par celui qui entend se prévaloir d'un droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/429/2010 du 22 juin 2010 consid. 4f). Il incombe à l'administré d'établir les faits qu'il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu'ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle. En matière de droit des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 4.2 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 3.1 ; 2C_787/2016 du 18 janvier 2017 consid. 3.1 ; 2C_777/2015 du 26 mai 2016 consid. 3.3). Cette obligation a été qualifiée de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu'il s'agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé et qu'il connaît donc mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2 ; ATA/424/ 2016 du 24 mai 2016 consid. 4c et les références citées).

Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

9.             Lorsque le complexe de faits soumis au juge administratif a fait l'objet d'une procédure pénale, le juge administratif est en principe lié par le jugement pénal et ne peut s'en écarter que s'il est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de faits inconnues du juge pénal ou que ce dernier n'a pas prises en considération, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés ou si celui-ci n'a pas élucidé toutes les questions de droit. Il convient d'éviter autant que possible que la sécurité du droit soit mise en péril par des jugements opposés, fondés sur les mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2).

10.         La recourante allègue être victime de traite d'êtres humains au sens des art. 4 CTEH et 4 CEDH et conclut principalement à ce que ce statut soit reconnu en vue de la délivrance d'une autorisation de séjour en application de l'art. 14 CTEH.

11.         Selon l'art. 4 let. a CTEH, l'expression « traite des êtres humains » désigne le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation ; l'exploitation comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral E-1999/2020 du 14 août 2020 consid. 7.2 ; F-2753/2020 du 8 juin 2020 consid. 6.3).

12.         Selon l'art. 4 CEDH, nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude (par. 1) et nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire (par. 2).

Il n'est pas fait mention de la traite des êtres humains dans l'art. 4 CEDH. La Cour européenne des droits de l'homme a toutefois estimé qu'il n'était pas nécessaire, dans ce contexte particulier, de déterminer si les traitements qui faisaient l'objet des griefs d'un requérant constituaient de l'« esclavage », de la « servitude » ou un « travail forcé ou obligatoire », considérant qu'en elle-même, la traite d'êtres humains entrait dans le champ d'application de l'art. 4 CEDH (cf. Guide sur l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme, mis à jour au 31 août 2022 ; https://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_4_FRA.pdf, n. 10 à 11 pp. 6-7 ; cf. aussi arrêt du Tribunal administratif fédéral E-1999/2020 du 14 août 2020 consid. 7.2).

13.         Selon l'art. 14 par. 1 CTEH, chaque Partie délivre un permis de séjour renouvelable aux victimes, soit dans l'une des deux hypothèses suivantes, soit dans les deux :

a) l'autorité compétente estime que leur séjour s'avère nécessaire en raison de leur situation personnelle ;

b) l'autorité compétente estime que leur séjour s'avère nécessaire en raison de leur coopération avec les autorités compétentes aux fins d'une enquête ou d'une procédure pénale.

14.         L'art. 14 par. 1 let. a CTEH vise à offrir à la victime un certain degré de protection et l'art. 14 par. 1 let. b CTEH permet de garantir la disponibilité de ladite victime pour l'enquête pénale, ces deux dispositions allant de pair puisque la volonté de coopérer avec les autorités de poursuite pénale suppose que la victime ait confiance en ces autorités, ce qui n'est concevable que si ces dernières tiennent suffisamment compte de son besoin de protection (ATF 145 I 308 consid. 3.4.2).

Pour que la victime se voie accorder un permis de séjour, il faut, selon le système choisi par l'État partie, soit que la victime se trouve dans une situation personnelle (comme la sécurité, l'état de santé ou sa situation familiale) telle qu'il ne saurait être raisonnablement exigé qu'elle quitte le territoire, soit qu'une enquête judiciaire ou une procédure pénale soit ouverte et que la victime collabore avec les autorités. Ces critères ont pour but de permettre aux États parties de choisir entre l'octroi d'un permis de séjour en échange de la collaboration avec les autorités pénales et l'octroi d'un permis de séjour eu égard aux besoins de la victime, soit encore de suivre ces deux approches (rapport explicatif du Conseil de l'Europe relatif à CTEH du 16 mai 2005 n. 182 ss).

Le Tribunal fédéral a précisé que l'art. 14 par. 1 let. b CTEH fonde un droit à l'octroi d'une autorisation de séjour de courte durée lorsque les autorités de poursuite pénale compétentes considèrent que la présence de la personne étrangère concernée est nécessaire pour les besoins de la procédure pénale (ATF 145 I 308 consid. 3.4.2 et 3.4.4 ; ATA/471/2021 du 4 mai 2021).

15.         Un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour peut découler de l'art. 4 CEDH ainsi que de l'art. 14 al. 1 let. b CTEH, dès lors que cette dernière disposition possède un caractère « self-executing », soit applicable directement (cf. ATF 145 I 308 consid. 3.2 et 3.4.1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral E-1999/2020 du 14 août 2020 consid. 7.3 ; E-3763/2018 du 27 avril 2020 consid. 9.5). L'art. 6 CEDEF n'a pas une portée plus large. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé qu'il fallait assurer aux victimes de traite humaine un droit à un court séjour pendant la durée de l'enquête et de la poursuite pénale, lorsque leur présence en Suisse était requise par les autorités en charge de celle-ci, de manière conforme à leurs besoins, pour une lutte efficace et prompte contre la traite humaine (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-1999/2020 du 14 août 2020 consid. 7.3, se référant à l'ATF 145 I 308 précité).

16.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Pérou.

17.         Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. e LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de régler le séjour des victimes ou des témoins de la traite d'êtres humains et des personnes qui coopèrent avec les autorités de poursuite pénale dans le cadre d'un programme de protection des témoins mis en place en Suisse, dans un État étranger ou par une cour pénale internationale.

Il ressort de la formulation de cette disposition, rédigée en la forme potestative, que l'étranger n'a aucun droit à l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission et, ce faisant, à l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur cette disposition (ATF 145 I 308 consid. 3.3.1).

18.         Les art. 35, 36 et 36a OASA précisent le champ d'application de l'art. 30 al. 1 let. e LEI (ATF 145 I 308 consid. 3.3.2) et concrétisent, en droit suisse, les art. 13 et 14 CTEH (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4436/2019 du 1er février 2021 consid. 5.4.1).

19.         Ainsi, selon l'art. 35 al. 1 OASA, l'autorité migratoire cantonale accorde à un étranger, dont le séjour en Suisse n'est pas régulier, un délai de rétablissement et de réflexion de trente jours au moins - période durant laquelle aucune mesure d'exécution, notamment de renvoi, n'est appliquée - s'il y a lieu de croire qu'il est une victime ou un témoin de la traite d'êtres humains.

20.         Aux termes de l'art. 36 OASA, lorsque la présence de la victime est encore requise, les autorités compétentes pour les recherches policières ou pour la procédure judiciaire en informent l'autorité migratoire cantonale (al. 1), qui délivre une autorisation de séjour de courte durée pour la durée probable de l'enquête policière ou de la procédure judiciaire (al. 2). La personne concernée doit quitter la Suisse lorsque le délai de réflexion accordé a expiré ou lorsque son séjour n'est plus requis pour les besoins de l'enquête et de la procédure judiciaire (al. 5). Le passage à une autre forme de séjour n'est toutefois pas prohibé ; il faut alors que la personne concernée se trouve dans un cas individuel d'une extrême gravité au sens de l'art. 31 OASA, la situation particulière des victimes devant être prise en compte (al. 6).

Selon la jurisprudence, l’on ne se trouve dans le champ d'application matériel de l'art. 30 al. 1 let. e LEI que dans le cas où les autorités de police ou de justice compétentes interviennent auprès de la police des étrangers - conformément à l'art. 36 al. 1 OASA - en l'informant que la présence de la personne étrangère en Suisse est requise pendant une période déterminée pour les besoins d'une enquête policière ou d'une procédure judiciaire dans laquelle celle-ci apparaît comme victime ou témoin de la traite d'êtres humains. Si ces conditions ne sont pas réalisées, le cas doit être traité à l'aune de l'art. 30 al. 1 let. b LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4436/2019 précité consid. 5.4 ; ATA/471/2021 du 4 mai 2021).

21.         En l'espèce, suite à la plainte pénale déposée par la recourante à l’encontre de Mme C______ le 30 janvier 2020 lors de son audition par la police pour menaces et contrainte dans le cadre du trafic d’êtres humains dont elle estimait avoir été victime, le Ministère public a, de l’aveu même de la précitée conformément aux explications exposées par cette dernière dans son écriture à l’OCPM du 10 juin 2022 puis confirmées dans le cadre de son recours, rendu une ordonnance de non-entrée en matière. À ce titre, la recourante n’a pas démontré, ni même allégué, qu’une quelconque procédure y relative, notamment d’opposition, serait actuellement pendante. Partant, il y a lieu de constater, faute d’éléments contraires, que le séjour en Suisse de la recourante ne peut plus se justifier par des impératifs liés à la poursuite de la procédure pénale pour traite d'êtres humains, ce que l’intéressée ne semble d'ailleurs pas contester, dès lors qu’elle ne fonde pas sa demande de titre de séjour sur l'art. 30 al. 1 let. e LEI.

22.         La recourante se prévaut toutefois, à titre principal, du fait que son cas correspondrait à la définition de victime de traite des êtres humains au sens de l'art. 4 CTEH, avec pour conséquence que l'art. 14 CTEH lui confèrerait un droit direct à un titre de séjour.

23.         In casu, seule l’application éventuelle de l'art. 14 par. 1 let. a CTEH entre en ligne de compte.

À ce titre, la recourante se prévaut notamment des évaluations du Centre H______ et du CSP, lesquels l'ont identifiée comme victime de la traite d'êtres humains. Toutefois, il sera rappelé que ces institutions ont procédé à une telle identification sur la base des seules déclarations de la recourante. À cet égard et en tout état, quand bien même la qualité de victime de traite d’êtres humains lui serait reconnue, il faudrait encore que sa situation personnelle, soit sa sécurité, son état de santé ou sa situation familiale, puissent justifier sa présence sur le territoire helvétique.

Or, en l’occurrence, la question de savoir si la recourante a rendu vraisemblable sa qualité de victime de traite d’êtres humains peut rester ouverte, dès lors qu’il n’apparaît pas que sa situation personnelle lui permette de rester en Suisse sur la base de l’art. 14 par. 1 let. a CTEH, lequel, il faut le rappeler, vise à offrir à la victime un certain degré de protection en demeurant en Suisse.

En effet, la recourante explique avoir subi des actes de contrainte et des menaces de la part de sa tante dans l’appartement de cette dernière à Genève. Partant, les faits reprochés par la recourante se sont déroulés sur le territoire du canton et non au Pérou. Pour le surplus, Mme C______, qui en serait l’auteur, vit actuellement à Genève et rien n’indique qu’elle envisage de repartir vivre au Pérou. Pour le surplus, la recourante n’a d’ailleurs pas démontré bénéficier d’attaches particulières à Genève, à l’exception de la présence d’une amie, Mme M______, et d’une autre de ses tantes, Mme D______, qui l’ont successivement hébergée temporairement, étant rappelé qu’elle est désormais logée en foyer, alors que toute sa famille proche vit au Pérou. Ses allégations selon lesquelles sa tante aurait menacé de recruter des personnes pour l’intimider, voir attenter à son intégrité physique au Pérou n’apparaissent pas convaincantes. En effet, ces dernières ne sont nullement démontrées et, selon ses propres explications, la recourante vivait en tout état, avant son arrivée en Suisse, de manière totalement indépendante à plusieurs centaines de kilomètres du district où résidait sa famille, de sorte que rien ne laisse à penser qu’elle risquerait de subir des représailles de la part de sa tante, qui vit en Suisse, ou de proches de cette dernière en cas de retour au Pérou. En tout état, il apparaît surprenant que la recourante, qui explique avoir gardé des séquelles physiques et psychologiques importantes suite au traitement subi, souhaite rester dans la ville où les faits se sont déroulés, dans lequel elle exerce un emploi à temps partiel de garde d’enfants qui n’a aucun lien avec sa formation initiale, et qui ne lui permet pas d’être financièrement indépendante, et loge dans un foyer, alors que ses parents et ses frères et sœurs se trouvent au Pérou, pays où elle a grandi et vécu jusqu’à l’âge de 29 ans, s’est formée et a travaillé durant dix ans dans le domaine de l’administration des affaires, dans le cadre d’un emploi qui, selon son courrier à l’OCPM du 8 décembre 2020, lui plaisait. Par conséquent, l’on voit mal en quoi sa sécurité serait menacée si elle devait retourner au Pérou.

En ce qui concerne l’état de santé psychique de la recourante, les auteurs du rapport de l’I______ du 24 septembre 2021 ont indiqué avoir constaté une symptomatologie anxio-dépressive chez cette dernière. Ils ont toutefois également précisé que cette symptomatologie s’était amendée dans le temps. En outre, il ressort de ce même rapport que l’état de la recourante avait nécessité la prescription d’un traitement médicamenteux à visée anxiolytique et somnifère au début de sa prise en charge seulement, le rapport précisant d’ailleurs que la recourante avait elle-même fait état d’une amélioration de la symptomatologie dans le temps. Les auteurs du rapport indiquaient en outre qu’ils avaient convenu de rester à disposition de la recourante en cas de besoin, ce qui tend à démontrer qu’aucun suivi médical particulier n’est nécessaire à ce stade. Quant à la situation de la recourante sur le plan somatique, le seul rapport au dossier, rédigé le 4 octobre 2021 par le Dr J______, qui précise n’avoir reçu cette dernière qu’à deux reprises, soit pour une consultation dermatologique en raison d’acné et pour un bilan sanguin avant introduction d’antidépresseurs par l’I______, pose un diagnostic d’acné, de rhinoconjonctivite atopique et d’un probable trouble dépressif, tout en précisant qu’il ignore tout du suivi de la patiente par l’I______. Ce rapport ne fait pas davantage état d’un éventuel traitement nécessaire à entreprendre. Partant, vu le diagnostic précité et les pathologies relativement bénignes et communes sur lesquelles il porte, il ne peut être retenu que la situation de la recourante sur le plan somatique serait problématique en cas de retour au Pérou. Il en va de même de son état de santé psychique qui, comme vu supra, n’apparaît plus nécessiter de traitement ni de suivi particulier. Pour le surplus, excepté les explications de la recourante, reprises pour certaines d’entre elles par le centre H______ et le CSP, aucun élément ne permet de démontrer que les problématiques médicales rencontrées par cette dernière, qui ressortent de rapports établis près de deux ans après le séjour effectué chez sa tante, sont en lien avec les événements vécus lors dudit séjour. Outre le fait que les rapports médicaux se contentent de reprendre les déclarations de la recourante selon lesquelles sa situation médicale est due aux mauvais traitements subis chez sa tante sans toutefois attester du lien de causalité y relatif, le rapport de l’I______ précise également, en tout état, que la recourante a elle-même mentionné d’autres facteurs qui avaient pu influer sur son état de santé, notamment son interpellation par la police en janvier 2020 et le courrier d’intention de renvoi de l’OCPM de décembre 2020. Partant, force est de constater qu’il n’a pas été démontré que les séquelles alléguées étaient en rapport avec la traite d’êtres humains invoquée. Même dans le cas contraire, elles n’en découleraient en tout état pas exclusivement.

Enfin, il y a lieu de rappeler, comme exposé supra, que la recourante n’a aucune famille en Suisse, hormis Mme C______, contre laquelle elle avait déposé une plainte pénale, et Mme D______, dont il ne ressort pas des éléments au dossier qu’elle serait toujours en contact avec cette dernière et dont aucune attestation de soutien ne figure notamment au dossier. Dès lors, des raisons familiales ne sauraient pas non plus justifier la poursuite de son séjour en Suisse.

Par conséquent, compte de tous ces éléments, le tribunal considère que la recourante ne se trouve pas dans une situation lui permettant d’obtenir une autorisation de séjour en Suisse sur la base de l’art. 14 par. 1 let. a CTEH.

24.         La recourante conclut également, à titre subsidiaire, à l’octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

25.         À teneur de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission, prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment dans le but de tenir compte de cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, qui précise les critères déterminants pour la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dispose que, lors de l'appréciation du cas, il convient de tenir compte, notamment, de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse par celui-ci (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) et de ses possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019du 12 novembre 2019 consid. 7b).

26.         Il ressort de la formulation de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, qui est rédigé en la forme potestative, que l'étranger n'a aucun droit à l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission pour cas individuel d'une extrême gravité et, partant, à l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur cette disposition (cf. ATF 138 II 393 consid. 3.1 et ATF 137 II 345 consid. 3.2.1).

Aussi, conformément à la pratique et à la jurisprudence constantes en la matière, les conditions mises à la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu'une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. La reconnaissance d'une situation d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré (au plan professionnel et social) et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas individuel d'extrême gravité ; encore faut-il que la relation de l'intéressé avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger de lui qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4478/2016 du 29 janvier 2018 consid. 4.5 et références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et références citées).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid.4.6 et les références citées ; ATA/1669/2019du 12 novembre 2019 consid. 7d).

La durée totale du séjour constitue un critère important de reconnaissance d'un cas de rigueur. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées). A été considérée comme une durée assez brève la présence de deux ans et demi, entre 2006 et 2008, puis de trois ans, entre mai 2009 et mai 2012 (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5048/2010 du 7 mai 2012 ; Minh Son NGUYEN, op. cit., p. 269). Une durée de quatre ans n'a pas été considérée comme longue (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-770/2015 du 16 octobre 2015 ; Minh Son NGUYEN, op. cit., p. 269). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN, op. cit., p. 269).

Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Enfin, selon la jurisprudence, seuls de graves problèmes de santé nécessitant, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales d'urgence indisponibles dans le pays d'origine peuvent, selon les circonstances, justifier la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI ; en revanche, le seul fait de pouvoir obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une dérogation aux conditions d'admission. De plus, une grave maladie (à supposer qu'elle ne puisse être soignée dans le pays d'origine) ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d'un cas de rigueur au sens des dispositions précitées, l'aspect médical ne constituant qu'un élément parmi d'autres (durée du séjour, intégration socioprofessionnelle et formations accomplies en Suisse, présence d'enfants scolarisés en Suisse et degré de scolarité atteint, attaches familiales en Suisse et à l'étranger, etc.) à prendre en considération (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.3 et les références citées ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5450/2011 du 14 décembre 2012 consid. 6.4). Les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi au sens de l'art. 83 al. 4 LEI et une personne qui ne peut se prévaloir que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4125/206 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1).

27.         En l’espèce, selon ses déclarations, la recourante est arrivée en Suisse en janvier 2019. Dès lors, la durée de son séjour – effectué sans aucune autorisation puis au bénéfice d’une simple tolérance à compter du dépôt de sa demande de titre de séjour - d’un peu plus de trois ans, doit être qualifiée de brève, de sorte qu’elle ne saurait être déterminante.

Son intégration socioprofessionnelle est loin d’être exceptionnelle. En effet, la recourante exerce une activité lucrative à temps partiel qui ne lui permet pas de subvenir à ses besoins et dépend, pour le surplus, de l’aide sociale. Ses allégations selon lesquelles une augmentation de son taux d’activité était attendue ne repose sur aucun élément, tels que notamment un nouveau contrat de travail ou même une attestation écrite y relative du particulier qui l’emploie actuellement comme garde d’enfants. Partant, une sortie de l’aide sociale n’a, à court ou moyen terme, pas été démontrée et il sera retenu que la recourante n’est pas financièrement autonome, étant en outre rappelé qu’elle est actuellement logée par une fondation.

Dans le même sens, il ne peut être retenu que la recourante a fait preuve d’une intégration sociale remarquable. La seule attestation de soutien figurant au dossier est celle de de Mme M______, de sorte qu’elle ne peut se prévaloir d’attaches particulières dans le canton. Quant au fait que la recourante suive des cours de français et que son niveau dans cette langue se soit amélioré, il s’agit là d’initiatives que l’on peut attendre de toute personne qui souhaite obtenir un titre de séjour dans un pays dans lequel elle vit depuis plusieurs années et non d’éléments suffisants pour retenir une intégration particulière en Suisse.

Comme vu supra, les problèmes de santé rencontrés par la recourante qui sont confirmés par les rapports médicaux au dossier, consistent en une symptomatologie anxio-dépressive, de l’acné et une rhinoconjonctivite, et ne nécessitent actuellement pas de traitement particulier, en l’état du dossier. Partant, ces problèmes de santé, qui ne peuvent être qualifiés de graves, ne sauraient justifier la reconnaissance d’un cas de rigueur.

Pour le surplus, la recourante ne possède aucun proche parent en Suisse. Les deux seuls membres de sa familles présents dans le canton sont la tante dont les agissements ont donné lieu au dépôt d’une plainte pénale par ses soins ainsi qu’une seconde tante chez laquelle elle logeait lorsqu’elle a été interpellée par la police et dont rien ne laisse à penser qu’elle aurait conservé des liens avec cette dernière depuis ladite arrestation.

Quant aux conséquences que pourrait avoir le retour de la recourante dans son pays d'origine, il convient de constater que la précitée est arrivée à Genève à l’âge de 28 ans, de sorte qu’elle a passé son enfance et son adolescence, périodes décisives pour la formation de la personnalité, dans son pays d'origine, ainsi que le début de sa vie d’adulte et la majeure partie de sa vie au Pérou. Elle a en outre effectué ses études et obtenu des diplômes dans ce pays où elle a, pour le surplus, été employée durant dix ans dans son domaine d’activité. Partant, force est de constater qu’elle maîtrise les us et coutumes de son pays, dans le cadre duquel elle a été intégrée sur le marché de l’emploi pendant de nombreuses années. Pour le surplus, ses parents et ses frères et sœurs y vivent, de sorte que ces derniers devraient être à même de la soutenir en cas de retour. Quant au fait qu’ils ne seraient pas en mesure de l’aider financièrement, il sera relevé qu’elle a, en tout état, selon ses propres déclarations à la procédure, alors qu’elle était plus jeune, quitté ces derniers pour aller effectuer ses études à plus d’une centaine de kilomètres de son village natal puis trouvé un emploi. Partant, rien ne laisse à penser qu’elle ne serait pas en mesure de se réinsérer sur le marché de l’emploi péruvien et de vivre à nouveau de manière financièrement autonome par rapport à sa famille, si nécessaire.

Ainsi, actuellement âgée de 32 ans, célibataire, sans enfants, titulaire de diplômes péruviens en administration des affaires et forte d’une expérience professionnelle de dix ans dans ce domaine au Pérou, où vit toute sa famille proche, elle ne devrait normalement pas rencontrer d’obstacles insurmontables pour s’y réintégrer. Le fait que la situation socio-économique au Pérou soit plus difficile qu'en Suisse ne constitue pas en soi un motif permettant de retenir un cas d'extrême gravité. À cet égard, il convient en effet de ne pas confondre le fait que la recourante préférerait désormais poursuivre son existence en Suisse avec la question de savoir si cette dernière serait malgré tout capable de se réintégrer au Pérou, ce qui paraît manifestement être le cas, eu égard aux considérations précitées.

Enfin, sur le plan de sa réintégration professionnelle, les craintes exprimées par la recourante se réfèrent à la situation économique générale que connaît le pays, selon elle suite à la pandémie de Covid-19, et donc aux difficultés rencontrées par la majorité de la population, notamment féminine selon les allégations de la précitée, ce qui, comme rappelé plus haut, ne saurait être pris en compte dans l'évaluation d'un cas individuel d'extrême gravité.

Dans ces circonstances, le tribunal considère que l'autorité intimée n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en estimant que la recourante ne satisfaisait pas aux conditions restrictives prévues par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA pour la reconnaissance d'un cas de rigueur.

28.         Les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (art. 64 al. 1 let. c LEI).

29.         Selon l'art. 83 LEI, le SEM décide d'admettre provisoirement l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (al. 1). L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

30.         L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (ATAF 2009/52 consid. 10.1, ATAF 2008/34 consid. 11.2.2 et ATAF 2007/10 consid. 5.1).

L'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (ATAF E-6672/2013 du 22 mai 2015).

Les motifs résultant de difficultés consécutives à une crise socio-économique (pauvreté, conditions d'existence précaires, difficultés à trouver un travail et un logement, revenus insuffisants, absence de toute perspective d'avenir), ou encore, la désorganisation, la destruction des infrastructures ou des problèmes analogues auxquels chacun peut être confronté, dans le pays concerné, ne suffisent pas en soi à réaliser une mise en danger concrète selon l'art. 83 al. 4 LEI (ATAF D-3039/2014 du 13 mai 2015). Si, dans un cas d'espèce, le mauvais état de santé ne constitue pas en soi un motif d'inexigibilité sur la base des critères qui précèdent, il peut demeurer un élément d'appréciation dont il convient alors de tenir compte dans le cadre de la pondération de l'ensemble des éléments ayant trait à l'examen de l'exécution du renvoi (JICRA 2003 n° 24 consid. 5b p. 157).

31.         En l’espèce, comme vu supra, le renvoi de la recourante n’apparaît pas contraire est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international, notamment en lien avec les dispositions applicables à la traite des êtres humains. Partant, le renvoi de la recourante n’est pas illicite au sens de l’art. 83 al. 3 LEI.

Pour le surplus, l’exécution de son renvoi apparaît raisonnablement exigible. En effet, l’état de santé de la recourante tel qu’exposé supra, soit une symptomatologie anxio-dépressive, de l’acné et une rhinoconjonctivite atopique pour lesquels aucun traitement particulier n’était nécessaire, n’est pas susceptible de conduire à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse à sa santé. En tout état, il sera rappelé que, conformément à la jurisprudence, une réaction anxio-dépressive est couramment observée chez une personne ayant l'obligation de quitter la Suisse après y avoir séjourné durant plusieurs années, sans qu'il faille pour autant y voir un obstacle sérieux à l'exécution du renvoi. On ne saurait de manière générale prolonger indéfiniment le séjour d'une personne en Suisse au motif que la perspective d'un retour exacerbe un état dépressif et réveille des troubles sérieux subséquents, dans la mesure où des médicaments peuvent être prescrits et un accompagnement par un psychiatre, ou par toute autre personne susceptible d'apporter un soutien adéquat, peut être mis en place afin de prévenir une atteinte concrète à la santé (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral D-7243/2018 du 4 février 2019 et les arrêts cités ; E-2305/2018 du 9 mai 2018 ; E-7011/2017 du 26 janvier 2018 ; D-5756/2012 du 13 décembre 2012 ; cf. aussi ATA/675/2014du 26 août 2014 consid. 8c ; ATA/585/2013 du 3 septembre 2013).

Par conséquent, eu égard aux développements qui précèdent, l’exécution du renvoi de la recourante apparaît possible, licite et raisonnablement exigible, de sorte qu’il sera également confirmé.

32.         En conclusion, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

33.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

34.         La recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

35.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2022 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 19 août 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière