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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1621/2020

JTAPI/236/2021 du 09.03.2021 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;PERMIS DE CONSTRUIRE;AUTORISATION DÉROGATOIRE(EN GÉNÉRAL);EXCEPTION(DÉROGATION);PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ;VILLA;PLAN DIRECTEUR;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;DROIT ACQUIS;ZONE À PROTÉGER;INDICE D'UTILISATION;ZONE D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
Normes : LPA.60; LAT.9; LCI.1.al6; Cst.29.al2; Cst.9; Cst.5.al3; LCI.3.al3; Cst.8
Parties : COMMUNE DE CHÊNE-BOUGERIES, BERMAN Alexander, BERMAN Svetlana / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, BLUM Elliott
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1621/2020 LCI

JTAPI/236/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 mars 2021

 

dans la cause

 

Madame Svetlana et Monsieur Alexander BERMAN, représentés par Me Philippe GOBET, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

Monsieur Elliott BLUM

 


EN FAIT

1.             En avril 2019, Madame Svetlana et Monsieur Alexandre BERMAN (ci-après : les propriétaires) ont acquis de Messieurs Olivier et Stéphane GUINAND et l'hoirie GUINAND, la parcelle no 1'886, en zone 5, sur la commune de Chêne-Bougeries, au chemin de Conches 53.

Elle se trouve dans la zone protégée par la loi sur la protection générale et l'aménagement des rives de l'Arve du 4 mai 1995 (LPRArve - L 4 16).

Une villa contigüe de 152 m2, reliée à sa voisine par le garage y est érigée.

2.             Les anciens propriétaires de cette parcelle avaient déposé, le 21 décembre 2018, avant la vente, auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département), une requête en autorisation de construire pour la transformation et l'agrandissement de la villa en habitation contigüe à haute performance énergétique (ci-après : HPE) (31,1% HPE) et la construction d'une piscine par le biais de leur architecte, Monsieur Salvatore NOLA et par celle de Monsieur Elliott BLUM, mentionné comme requérant.

Cette demande a été enregistrée sous référence DD 112'225.

3.             Le 27 juin 2019, M. BERMAN a déposé une nouvelle demande d'autorisation de construire, par l'intermédiaire de son architecte, M. NOLA, qui avait déjà traité du projet concernant cette parcelle.

Cette demande a été jointe à la DD 112'225.

4.             Dans le cadre de l'instruction de la demande, les préavis suivants ont été délivrés :

-          le 24 janvier 2019, l'office de l'urbanisme (ci-après : OU), soit pour lui la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI) a sollicité une modification du projet. Il convenait de lui fournir un argumentaire faisant état des circonstances pouvant justifier l'octroi de la dérogation souhaitée, selon l'art. 54 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Il a ensuite émis deux préavis défavorables les 9 janvier et 3 février 2020 : le projet sollicitait une dérogation au sens de l'art. 59 al. 4 LCI. Si la parcelle était située dans un secteur identifié par la fiche A04 comme zone villa, l'emplacement du projet était toutefois problématique car il se situait sur une pénétrante de verdure (PDCn 2030) et dans un périmètre naturel protégé par la LPRArve, non compatible avec une densification de la zone de villa. L'annexe aux fiches A01 à A08 - Carte no 1 - principe de densification du PDCn 2030 prévoyait pour ce secteur un IUS maximum de 0.2 afin de préserver les qualités de la pénétrante de verdure. Enfin, dans le cadre de la mise à jour du plan directeur communal, une stratégie de densification était en cours d'élaboration. En l'état, il ne pouvait se prononcer sur ce point, la stratégie communale n'était pas encore applicable ;

-          le 30 janvier 2019, la commune de Chêne-Bougeries (ci-après : la commune) a émis une demande de complément, s'interrogeant sur la contiguïté réelle entre les bâtiments no C878 et C880. Elle souhaitait une détermination de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) avant de rendre son préavis. Elle a finalement émis un préavis défavorable le 28 août 2019. Le plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030) prévoyait un périmètre de protection imposant un indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) de 0.2 (carte 1, principe de densification) : le projet, prévoyant un IUS de 0.31, était incompatible en raison de cette limitation de densité ;

-          le 5 février 2019, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a souhaité une modification du projet. Elle n'était pas opposée à une surélévation mais il convenait de respecter l'emprise au sol actuelle. Le projet devait être modifié pour être à la hauteur de la qualité du site l'accueillant. La nouvelle construction devait présenter des formes plus simple, avec un langage architectural cohérent, tant dans la volumétrie que dans l'expression. Par préavis des 6 août et 15 octobre 2019, favorables sous conditions, elle a sollicité un plan des aménagements paysagers, en précisant divers éléments concernant la nature du sol et les surfaces perméables, les terrasses, cheminements et clôtures et la végétation existante, les plantations nouvelles et le choix des essences, eu égard à la qualité du site et du plan de site en cours de procédure, et requis la mise en place d'une haie d'essences indigènes à l'ouest de la parcelle en lieu et place de la haie de thuyas ;

-          le 4 juillet 2019, l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) a émis un préavis favorable, avec dérogation selon l'art. 59 LCI ;

-          le 30 juillet 2019, la commission d'architecture (ci-après : CA) a émis un préavis favorable à la dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI, confirmant son préavis identique du 29 janvier 2019.

5.             Tous les autres préavis émis dans le cadre de l'instruction de cette requête étaient favorables, cas échéant sous conditions.

6.             Par décision du 7 mai 2020, le département a informé les propriétaires du refus de l'autorisation. Leur demande n'était pas conforme au droit et ne pouvait bénéficier de la dérogation prévue à l'art. 59 al. 4 let. a LCI.

Le projet était contraire aux objectifs de planification prévus dans cette zone, qui faisait partie des zones protégées au sens de l'art. 2 LPRArve. Les travaux, de nature à accroitre les surfaces dédiées au logement, ne s'inscrivaient pas dans les objectifs de planification attendus. L'indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) de 0.31 était incompatible avec l'IUS prévu par le PDCn 2030, de 0.2 au maximum. Ainsi, la première condition de l'art. 59 al. 4 LCI n'était pas remplie, comme la commune le relevait. En outre, c'était également à cette conclusion qu'était parvenue le SPI dans ses préavis défavorables des 24 janvier 2019, 9 janvier et 3 février 2020.

Le projet se trouvait dans une pénétrante de verdure et dans un périmètre naturel protégé, et n'était ainsi pas compatible avec la densification de la zone villa à cet emplacement.

7.             Par acte du 8 juin 2020, les époux BERMAN, représentés par leur avocat, ont interjeté recours contre la décision précitée, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à la délivrance de l'autorisation de construire DD 112'225, sous suite de frais et dépens. Subsidiairement, il convenait de renvoyer le dossier au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Préalablement, diverses personnes ayant rendu les préavis, notamment de l'OAC, de la CMNS et de la CA, ainsi que M. NOLA, l'architecte en charge du projet, devaient être entendues et un transport sur place ordonné. Ils ont produit un chargé de pièces.

Le principe de la confiance avait été violé, dès lors que leur architecte avait reçu l'assurance de l'OAC que le projet pouvait être autorisé, moyennant le préavis favorable de la CMNS. Les échanges de messages entre un inspecteur de l'OAC et leur architecte équivalaient à une promesse ou assurance quant à la délivrance de l'autorisation de construire, pour laquelle ils avaient retardé des travaux de rénovation. Ils estimaient avoir perdu une année en raison de cette procédure.

Le SPI n'avait dans un premier temps pas remis en cause la conformité du projet avec la zone au regard du PDCn 2030. Il lui aurait appartenu de soulever, d'emblée, ce point, de même que l'OAC. Dans ces conditions, le comportement de ces instances avait fait naitre une attente selon laquelle, de bonne foi, ils pouvaient estimer que le projet était conforme à la zone. Le département devait se voir opposer le comportement de l'OAC qui avait instruit le dossier sans jamais remettre en cause sa conformité à la zone.

Le gel des dérogations, applicable à tout nouveau dépôt à partir du 28 novembre 2019, consistait en un changement de pratique et violait plusieurs principes généraux du droit, soit notamment la sécurité du droit, la bonne foi, et la proportionnalité. L'OAC avait achevé l'instruction du dossier avant le 28 novembre 2019, date du moratoire, instruction qui avait duré près de douze mois. Après cette date, l'OAC avait subitement décidé de rouvrir l'instruction, sans aucun fait nouveau : c'était donc en raison de la nouvelle politique décrétant ledit gel des dérogations. L'autorité n'expliquait pas pourquoi elle ne donnait pas la prépondérance aux préavis de la CA et de la CMNS, pourtant favorables, alors qu'il s'agissait de sa pratique avant le moratoire. En effet, celle-ci consistait normalement à écarter les préavis des communes, requis pro forma uniquement. Selon toute vraisemblance, l'autorisation aurait été accordée si le moratoire n'était pas intervenu.

La décision consacrait une violation du pouvoir d'appréciation du département, en se référant au PDCn 2030 et non au droit cantonal applicable, notamment l'art. 6 al. 1 LPRArve. L'autorité n'avait pas procédé à une pesée des intérêts en présence. Il existait pourtant un intérêt public à procéder à une rénovation afin d'atteindre une haute performance énergétique, du point de vue de la consommation d'énergie, tout comme densifier la zone villa, y compris dans une zone protégée. Il était impossible de comprendre pourquoi l'autorité n'avait pas suivi le préavis favorable de la CMNS, qui avait pourtant demandé plusieurs modifications du projet avant de rendre un préavis favorable.

Le principe de la proportionnalité n'avait pas été respecté, dès lors que la construction existante ne respectait de toute manière pas le taux de 0.2 en l'état. En outre, il n'était pas nécessaire d'appliquer ce taux aux constructions existantes.

D'autres autorisations de construire avaient été délivrées dans les zones protégées de l'Arve, entre mai 2018 et janvier 2019 pour des taux de 44%, 54.7% HPE et 47.20 % THPE, et d'autres en « zone grise 0.2 PDCn 2030 » à Bernex, soit notamment au taux de 42.8% HPE, alors que leur projet représentait une dérogation moins grande et portait sur un agrandissement de l'existant uniquement. Ainsi, le refus querellé violait le principe de l'égalité de traitement. Il était ainsi incompréhensible qu'ils se voient refuser le même traitement.

8.             Dans ses observations du 17 août 2020, le département a conclu au rejet du recours. Il a produit son dossier.

Les assurances données aux recourants par l'architecte du projet et par la régie ou le vendeur lors de l'achat de la parcelle ne le liaient aucunement. Aucune déclaration n'avait été faite par les inspecteurs de l'OAC, qui avaient indiqué d'ailleurs expressément que la décision finale appartenait au conseil de direction. Les recourants semblaient remettre en cause le processus d'instruction du dossier. À cet égard, il relevait que la pesée des intérêts s'effectuait à la fin de l'instruction du dossier, lors de la synthèse de l'ensemble.

S'agissant de l'argument des recourants selon lequel il existait un changement de pratique dans l'application de l'art. 59 al. 4 LCI et du fait que celui-ci constituerait le motif de refus de l'autorisation, tel n'était pas le cas. Seule l'incompatibilité du projet avec le PDCn 2030 justifiait le refus de la DD 112'225. Le fait de demander une prise de position supplémentaire à une instance de préavis relevait de son pouvoir d'instruction. Il était correct de préciser que le SPI aurait dû mettre en évidence d'emblée que le projet ne pouvait être autorisé au vu de l'IUS prévu par le PDCn 2030, mais ce préavis n'avait pas valeur de décision et avait d'ailleurs été corrigé les 9 janvier et 3 février 2020.

Le moratoire ne s'appliquait de toute manière pas au projet litigieux, la demande d'autorisation ayant été déposée avant le 28 novembre 2019.

S'agissant de la conformité au projet avec l'art. 59 al. 4 LCI, le tribunal ne pouvait contrôler la première condition, soit le « caractère justifié des circonstances », qui relevait de l'opportunité. Par ailleurs, la jurisprudence citée par les recourants s'agissant de l'intérêt public prépondérant que représentait le PDCn 2030 était obsolète, puisque depuis la novelle du 15 juin 2012, le plan directeur était devenu un instrument central de coordination et de pilotage aux mains des cantons, devant désormais contenir des indications précises. En particulier, dans le canton de Genève, le plan directeur constituait une forme de « plan de pré-affectation », composé d'un texte et d'une carte indiquant un périmètre strictement délimité, éléments déterminant à l'avance le sort constructible exact des parties de son territoire.

S'agissant du principe de la proportionnalité, les recourants confondaient la planification communale et cantonale. Le PDCn 2030 avait force obligatoire pour lui (art. 9 LAT) et si les conditions légales n'étaient pas remplies, aucune autorisation de construire ne pouvait être délivrée (art. 1 al. 6 LCI a contrario).

Concernant les cinq autorisations de construire citées par les recourants, les trois premières ne se trouvaient pas en zone protégée de densité maximale 0.2 selon le PDCn 2030 et les deux suivantes avaient été délivrées en 2018, soit avant la mise à jour, début 2019, du PDCn 2030. Les décisions n'étaient ainsi pas comparables avec la situation du cas d'espèce. Enfin, le principe de la légalité l'emportait sur l'égalité de traitement selon la jurisprudence du Tribunal fédéral. Les recourants n'avaient ainsi pu citer aucun exemple de permis délivré pour une construction sise en zone 0.2 selon le PDCn 2030, en zone protégée et bénéficiant de la dérogation prévue à l'art. 59 al. 4 LCI.

9.             Dans sa réplique du 25 septembre 2020, les recourants ont persisté dans leurs précédentes explications et conclusions.

Ils étaient fondés à considérer, après le préavis favorable de la CMNS, que l'autorisation de construire était « selon toute vraisemblance, en bonne voie d'être obtenue ». Ils avaient subi des pertes financières en raison de la longueur de la procédure. Il était évident que le conseil de direction avait modifié sa pratique à leur détriment. La dérogation était minime par rapport à l'IUS existant de la maison, ce qui expliquait que la CMNS ait donné un avis positif.

Le département avait violé son pouvoir d'appréciation, puisqu'il n'avait pas tenu compte des préavis favorables, dont en particulier celui de la CMNS, et qu'il s'était abstenu de procéder à la pesée globale des intérêts publics et privés déterminants.

10.         Dans sa duplique du 10 novembre 2020, le département a persisté dans ses conclusions et explications.

Le principe de la confiance n'avait pas été violé. Les termes utilisés par les recourants le démontraient par ailleurs, aucune assurance ne leur ayant été donnée ni aucune promesse faite.

Il s'opposait à l'audition des préaviseurs, ceux-ci ayant exprimé leur position dans les préavis.

Même pour une rénovation, au vu de l'emplacement de leur villa, en zone protégée, les recourants auraient dû demander une autorisation, contrairement à leurs allégations. S'agissant de l'art. 59 al. 4 LCI, le refus était basé sur la première condition de cet article, soit le caractère justifié des circonstances. En outre, la parcelle se trouvait dans le périmètre de protection des rives de l'Arve, et le Tribunal fédéral avait précisé qu'en 5ème zone, il était tout à fait possible de prévoir des IUS maximum à respecter.

Enfin, il ne saurait être retenu que les recourants bénéficiaient de droits acquis, s'agissant de la densité du projet litigieux. En outre, si par impossible leur parcelle pouvait en bénéficier, ils ne pouvaient que rénover leur habitation et non modifier la surface brute de plancher, actuellement de 25%, ce qui ne leur donnait aucunement le droit de réaliser un projet d'une densité telle que celui visé.

11.         Le contenu des pièces sera repris, en tant que besoin, dans la partie « En droit » du présent jugement.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Les recourants sollicitent dans un premier temps un transport sur place ainsi que l'audition de leur architecte et des préaviseurs de la CMNS, de la CA et du SPI.

4.             Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

Ces principes s'appliquent en particulier à la tenue d'une inspection locale, en l'absence d'une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d'instruction, étant précisé qu'une telle disposition n'existe pas en droit genevois (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 3).

Par ailleurs, ce droit ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; 8C_8/2012 du 17 avril 2012 consid. 1.2).

5.             En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires à l'examen des griefs et arguments mis en avant par les parties. En particulier, les plans et les photographies versés au dossier, y compris les vues aériennes du périmètre concerné, ainsi que les outils disponibles sur Internet, soit notamment le système d'information du territoire genevois (ci-après : SITG), permettent parfaitement de visualiser l'emplacement du projet litigieux, de sorte que cette mesure d'instruction, non obligatoire en soi, ne fournirait pas d'informations pertinentes supplémentaires.

S'agissant des auditions des préaviseurs et de l'architecte, ces dernières s'avèrent non nécessaires au regard du dossier, et notamment des préavis qui y figurent. Les recourants n'indiquent en outre pas en quoi ces auditions seraient propres à apporter des éléments nouveaux et déterminants pour l'issue du litige.

Partant, le dossier étant complet et le tribunal disposant des éléments nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause, il ne sera pas donné suite aux mesures d'instruction sollicitées.

6.             Les recourants semblent, dans un premier grief, se plaindre d'une violation du principe de la bonne foi.

7.             Le principe de la bonne foi consacré aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale et leur commande de s'abstenir, dans leurs relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1). Le principe de la confiance s'applique aux procédures administratives. Selon ce principe, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent être compris dans le sens que son destinataire pouvait et devait leur attribuer selon les règles de la bonne foi, compte tenu de l'ensemble des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (ATF 135 III 410 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1 in RDAF 2005 71 ; ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3d ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 569 s). L'interprétation objectivée selon le principe de la confiance sera celle d'une personne loyale et raisonnable (ATF 116 II 431 consid. 3a ; ATA/399/2019 du 9 avril 2019 consid. 2). L'interprétation selon le principe de la confiance s'applique aussi aux déclarations de personnes privées (ATA/548/2018 du 5 juin 2018 consid. 4h et les références citées).

Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1 et 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 5). Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit. La protection de la bonne foi ne s'applique pas si l'intéressé connaissait l'inexactitude de l'indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 193 s n. 568 s).

8.             En l'espèce, contrairement à ce les recourants allèguent, il ne ressort pas du dossier que le département aurait donné des assurances ou des promesses ou fait des déclarations devant être comprises comme la délivrance de l'autorisation. Au contraire, il ressort spécifiquement des termes utilisés par les recourants dans leurs écritures, que tel n'est pas le cas, puisqu'ils estiment seulement que l'autorisation de construire aurait dû « selon toute vraisemblance » être délivrée et « paraissait » en bonne voie de l'être. Les échanges de messages entre un inspecteur de l'OAC et leur mandataire ne contiennent d'ailleurs aucune promesse ou assurance quant à la délivrance de l'autorisation de construire. Il faut par ailleurs rappeler que la délivrance ou le refus d'une autorisation de construire est de la compétence du département, qui s'appuie sur les préavis obtenus dans le cadre de l'instruction du dossier.

S'agissant d'éventuelles assurances données par l'architecte voire la régie ou le vendeur, lors de l'achat de la parcelle, ces éléments ne lient pas le département. En outre, contrairement aux allégations des recourants, aucune déclaration expresse n'a été faite par les inspecteurs de la construction en charge de l'instruction du dossier ni par la personne de l'OU, qui n'est d'ailleurs pas en charge de la délivrance des autorisations de construire, ce que les recourants n'ignorent pas. Les recourants ne prouvent ainsi pas qu'ils auraient obtenu une quelconque assurance de la part du département quant à la possibilité de déroger à l'IUS de la parcelle litigieuse. Les multiples jurisprudences, peu pertinentes, citées in extenso par les recourants, ne permettent pas de modifier ces constats.

Dans ces conditions, le principe de la bonne foi, n'a pas été violé et ce grief doit être écarté.

9.             Les recourants se prévalent d'une violation de l'art. 59 al. 4 LCI, au motif que le département aurait violé son pouvoir d'appréciation en refusant l'autorisation. Le changement de pratique induit par le moratoire constituerait la raison pour laquelle l'autorisation leur aurait été refusée.

10.         En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a LCI, nul ne peut, sur tout le territoire du canton, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation (comme l'art. 22 al. 1 de loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 [LAT - RS 700], qui prévoit qu'aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente). Sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment les ascenseurs et monte-charges, les installations de chauffage, de distribution d'eau, de gaz ou d'électricité et les antennes électromagnétiques (art. 1 let. d du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RCI - L 5 05.01).

11.         Les al. 1, 4 et 5 de l'art. 59 LCI ont été modifiés le 1er octobre 2020 ; par ailleurs des al. 3bis, 4bis, 4ter ont été introduits à la même date. Ces modifications sont entrées en vigueur le 28 novembre 2020. Selon l'art. 156 LCI qui traite des dispositions transitoires, l'art. 59 al. 3bis, 4 et 5, dans sa teneur du 1er octobre 2020 s'applique aux demandes d'autorisation déposées après leur entrée en vigueur.

12.         En l'espèce, ce sont donc les anciennes dispositions qui s'appliquent.

13.         À teneur de l'art. 59 al. 1 LCI, en 5ème zone, la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25 % de la surface de la parcelle.

14.         Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la commission d'architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé dont la surface de plancher habitable n'excède pas 44% de la surface du terrain, lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 4 let. a LCI).

15.         La compatibilité du projet avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, exigée par l'art. 59 al. 4 LCI, est une clause d'esthétique, analogue à celle contenue à l'art. 15 LCI. Une telle clause fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2b ; ATA/1371/2018 du 18 décembre 2018 ; ATA/828/2015 du 11 août 2015).

16.         Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le préciser, la première condition imposée par l'art. 59 al. 4 let. a LCI, soit le caractère justifié des circonstances, relève de l'opportunité, que le tribunal ne peut pas contrôler, alors que la seconde relative à la compatibilité du projet pose des critères relatifs à l'esthétique et à l'aménagement du territoire conférant un large pouvoir d'appréciation à l'autorité qui doit s'exercer dans le cadre légal. Cette deuxième condition relève non pas de l'opportunité, mais de l'exercice d'un pouvoir d'appréciation, dont le tribunal est habilité, selon l'art. 61 al. 1 let. a LPA, à sanctionner l'excès ou l'abus (arrêt du Tribunal fédéral 1P.50/2003 du 27 mars 2003 consid. 2.2 et les références citées ; ATA/123/2018 du 6 février 2018 consid. 4c; ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017 consid. 11b).

17.         L'art. 59 al. 4 let. a LCI est issu d'une modification législative qui visait à promouvoir une utilisation plus intensive du sol en zone villas pour répondre à la crise du logement sévissant à Genève. Le département doit cependant recueillir les appréciations de la CA, respectivement celles de la commune du lieu de situation. Malgré cette double consultation, le législateur n'a pas attribué de pouvoir de décision aux communes - ou aux autorités de préavis - concernant l'octroi d'autorisation de construire un projet présentant l'un des IUS dérogatoires prévus par l'art. 59 al. 4 let. a LCI. Ainsi, conformément à l'art. 3 al. 3 LCI, la délivrance de telles autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/318/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/828/2015 du 11 août 2015 ; ATA/699/2015 du 30 juin 2015).

18.         Les préavis recueillis au cours de la procédure d'autorisation ne lient ni l'autorité exécutive cantonale, ni les autorités judiciaires. Ils sont en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative, étant précisé que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi (Stéphane GRODECKI, La jurisprudence en matière d'aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue par le Tribunal administratif genevois en 2008, in RDAF 2009, n° 2, p. 130).

Lorsque la consultation d'une commission de spécialistes est imposée par la loi, le préavis de celle-là est déterminant dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA/246/2016 du 15 mars 2016 consid. 6b ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 9a ; ATA/313/2012 du 22 mai 2012 consid. 10 ; ATA/113/2012 du 28 février 2012 ; ATA/703/2010 du 12 octobre 2010 et les références citées).

19.         Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 168 n. 508 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/51/2013 du 29 janvier 2013 ; ATA/199/2013 du 26 mars 2012).

20.         Le PDCn 2030, adopté le 20 septembre 2013 par le Grand Conseil et approuvé par le Conseil fédéral le 29 avril 2015, veille notamment à la mise à disposition des surfaces nécessaires pour répondre aux besoins de logement. Il a force obligatoire pour les communes et le Conseil d'État, mais ne produit en revanche aucun effet direct à l'égard des particuliers (art. 9 al. 1 LAT ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_ 423/2016 du 3 avril 2017 ; ATA/436/2018 du 8 mai 2018 consid. 5a).

Sa fiche A04, intitulée « Favoriser une utilisation diversifiée de la zone villas », a pour objectif la poursuite de la densification sans modification de zone de la zone villas en favorisant l'habitat individuel groupé. Elle préconise, aux abords de l'agglomération dense, de maintenir la majeure partie de la zone villas, tout en accentuant sa densification, afin de mieux répondre aux besoins pour ce type d'habitat. Ainsi, en excluant les secteurs relevant de la protection du patrimoine et des sites, où une faible densité doit être maintenue, la densification de la 5ème zone villas sans modification de zone doit se faire par application d'indices d'utilisation du sol plus élevés, de façon différenciée en fonction des caractéristiques du site et du contexte urbain. Ladite fiche précise qu'il s'agit d'une diversification des types de logements et des morphologies urbaines au moyen d'une meilleure utilisation des zones villas et du sol. Cette fiche donne mandat aux communes de proposer, dans leurs plans directeurs communaux, des stratégies communales pour leur zone villas en identifiant les secteurs à densifier, les éléments remarquables à protéger, le maillage arborisé à maintenir ou à créer, les espaces verts et publics à créer.

Il ressort de la jurisprudence qu'en 5ème zone, le PDCn 2030 peut prévoir des indices maximums à respecter selon les quartiers (arrêt du Tribunal fédéral 1C_416/2018 du 15 juillet 2019, consid. 5).

21.         La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l'application d'une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d'interpréter la loi ou de faire usage d'une liberté d'appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d'opportunité ou d'efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l'égalité de traitement (ATA/596/2015 du 9 juin 2015 ; ATA/20/2015 du 6 janvier 2015).

22.         S'agissant du gel des dérogations à la densité en zone 5 décrété par le Conseil d'État le 28 novembre 2019, il s'applique à toutes les autorisations déposées après le 28 novembre 2019 et non aux autorisations déposées avant cette date (https://www.ge.ch/document/18326/telecharger, en particulier p. 14, consulté le 1er février 2021).

23.         En l'occurrence, la parcelle concernée se trouve, selon l'annexe à la fiche A04, carte no 1, en périmètre de protection, où l'IUS est limité à 0.2 au maximum. Le département a considéré que les circonstances du cas d'espèce ne justifiaient pas l'octroi de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, sous peine de mettre en péril l'objectif de protection de cette zone tel que défini par le PDCn 2030. Ce faisant, le département a considéré que la première condition de l'art. 59 al. 4 let. a LCI, soit le caractère justifié des circonstances, n'était pas remplie. Or, comme susmentionné, cette condition relève de l'opportunité, (ATA/1529/2019 du 15 octobre 2019 ; ATA/1426/2019 du 24 septembre 2019), que le tribunal n'est pas compétent pour apprécier.

À titre superfétatoire, il sera relevé que rien ne permet de considérer que le département se serait laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Il apparaît au contraire que le département a fondé sa décision - suivant alors également le préavis du SPI et de la commune - sur la protection de cette zone prévue par le PDCn 2030 et en cours.

S'agissant enfin de la question du gel des dérogations, la demande d'autorisation a été déposée une première fois en décembre 2018, et une seconde fois, par les nouveaux propriétaires, le 27 juin 2019, soit quelques mois avant l'entrée en vigueur de ce moratoire. Partant, elle n'est pas concernée par celui-ci. Dans ces conditions, les longs développements des recourants sur le changement de pratique, qui aurait prétérité leur dossier, s'agissant en particulier du préavis du SPI, ne sont pas pertinents. En effet, il ressort du dossier que le premier préavis du SPI aurait déjà dû mettre en évidence l'incompatibilité du projet avec l'IUS prévu par le PDCn 2030. Néanmoins, celui-ci, qui n'a au demeurant pas valeur de décision, a été corrigé par le second et le troisième préavis de cette instance. Ces derniers ont ainsi souligné l'incompatibilité de l'IUS du projet avec l'IUS maximal prévu par le PDCn 2030 pour cette zone. Ainsi, le refus d'autorisation découle de la limitation de l'IUS prévue par le PDCn 2030, et non, comme les recourants semblent l'affirmer, d'une application, « anticipée » du gel des dérogations en zone villa, consécutive à un changement de pratique du département.

Partant, ce grief peut être écarté.

24.         Au stade de leur réplique, les recourants ont invoqué la protection des droits acquis, laquelle devrait, pour autant que leur grief soit compréhensible, leur permettre de réaliser le projet querellé.

25.         Sous le terme de droit acquis est désigné un ensemble assez hétérogène de droits des administrés envers l'État dont la caractéristique commune est qu'ils bénéficient d'une garantie particulière de stabilité. Des droits acquis peuvent être conférés par la loi lorsque celle-ci les qualifie comme tels ou lorsqu'elle garantit leur pérennité, soit si le législateur a promis dans la loi que celle-ci ne serait pas modifiée ou sera maintenue telle quelle pendant un certain temps. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral considère que les prétentions financières des fonctionnaires n'ont en général pas le caractère de droit acquis, sauf si la loi les a fixées une fois pour toute en les soustrayant aux effets de la législation postérieure ou si des assurances particulières ont été données lors d'un engagement individuel (ATF 143 I 65 ;134 I 23).

Un droit acquis peut être créé dans les mêmes conditions que par la loi par une décision individuelle. On notera à cet égard que le simple octroi d'une autorisation de police comme par exemple une autorisation de construire ne crée pas de droits acquis. En tant que telle, la répétition de décisions successives de contenu identique n'en fait pas non plus de droits acquis. La catégorie la plus importante de droits acquis est constituée de ceux qui sont créés par un contrat entre l'État et les administrés. La stabilité particulière du droit est ici fondée sur le principe pacta sunt servanda (principe de la confiance ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., p. 266 et 267).

26.         En l'espèce, les recourants, dans une argumentation confuse, semblent retenir qu'ils devraient bénéficier de droits acquis s'agissant de la densité de leur propriété, et que par conséquent celle-ci pourrait être augmentée en cas de rénovation. Contrairement à leurs affirmations, il ne peut être retenu qu'ils bénéficient de droit acquis s'agissant de la densité, laquelle pourrait évoluer en fonction d'une modification législative par exemple. En outre, s'ils bénéficiaient de tels droits, cela ne leur permettrait que de rénover leur habitation sans modifier la surface brute de plancher, laquelle devrait être maintenue à 25%. Ainsi, la densité qu'ils visaient dans leur projet ne pourrait pas être réalisée par ce biais non plus.

Partant, ce grief doit être écarté.

27.         Les recourants invoquent ensuite une violation du principe de la proportionnalité. La pesée des intérêts aurait dû être faite en leur faveur, dès lors qu'ils avaient eu des frais importants pour mettre la maison aux standards HPE. Le refus d'autorisation n'était ni apte ni nécessaire pour réaliser les constructions futures.

28.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

29.         En l'espèce, l'autorisation dérogatoire a été refusée dès lors que la première condition figurant à l'art. 59 al. 4 LCI n'était pas remplie. Les conditions légales n'étant pas remplies, l'autorisation ne peut être délivrée (art. 1 al. 6 LCI a contrario). Le PDCn 2030 a par ailleurs force obligatoire pour le département (art. 9 LAT). Dans ces conditions, l'argumentation des recourants selon laquelle le taux de 0.2 ne concernerait que les nouvelles constructions ne peut être suivie. La question des coûts engagés par les recourants en raison de la procédure d'autorisation de construire n'est ici pas pertinente et ne saurait être prise en compte, étant précisé qu'une pesée des intérêts, au vu de l'impossibilité de délivrer l'autorisation en raison de l'existence du PDCn 2030, n'a pas à être faite.

Partant, leur grief sera également écarté.

30.         Les recourants considèrent que le principe de l'égalité de traitement aurait été violé par le département. Ils citent cinq exemples d'autres autorisations qu'ils considèrent comme similaires à leur cas à cet égard, et pour lesquelles la dérogation aurait été octroyée.

31.         Une décision viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 131 I 1 consid. 4.2 p. 6-7 ; 129 I 346 consid. 6 pp. 357 ss ; 129 I 113 consid. 5.1 p. 125 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, Zürich-Bâle-Genève 2003, pp. 260 ss).

Le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut en principe sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité devant la loi lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas. Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi. Il faut encore que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant n'impose de donner la préférence au respect de la légalité (ATF 139 II 49 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_482/2010 du 14 avril 2011 consid. 5.1 ; ATA/352/2012 du 5 juin 2012 consid. 7).

32.         En l'espèce, les recourants citent le cas de cinq autres autorisations, qui seraient similaires à leur cas et pour lesquelles le département aurait octroyé la dérogation refusée en l'espèce. Ils précisent eux même que « ces projets concernant la construction de nouveaux logements soit dans la même zone protégée des rives de l'Arve, soit dans la zone grise PDCn 2030 ».

S'agissant des DD 108'519, 110'114 et 108'032, si elles sont situées en zone de protection des rives de l'Arve, elles ne se trouvent pas dans une zone protégée de densité maximale 0.2 conformément au PDCn 2030. Les recourants ne démontrent d'ailleurs pas le contraire.

S'agissant des DD 109'478 et 108'489, elles ont été délivrées en 2018, soit avant la mise à jour du PDCn 2030 et de ses annexes.

Partant, les éléments de faits des diverses autorisations étant différents, un traitement juridique distinct se justifie également. En outre, il sera mentionné qu'il n'y a pas d'égalité dans l'illégalité, les conditions jurisprudentielles mentionnées supra n'étant pas remplies. Dans ces conditions, ce grief doit également être écarté.

33.         Au vu de ce qui précède, mal fondé, le recours sera rejeté.

34.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés, conjointement et solidairement, au paiement d'un émolument s'élevant à CHF 1'800.- ; il est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 900.-versée à la suite du dépôt du recours.

35.         Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 8 juin 2020 par Madame Svetlana et Monsieur Alexander BERMAN contre la décision du département du territoire du 8 mai 2020 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'800.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Patrick BLASER et Michel GROSFILLIER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière