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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1510/2013

ATA/20/2015 du 06.01.2015 sur JTAPI/933/2013 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : CHEMIN PÉDESTRE ; CLÔTURE ; PAROI ANTIBRUIT ; PRATIQUE JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIVE ; EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : Cst.5.al2 ; LCI.1.al1.leta ; LCI.3.al3 ; LCI.15.al1 ; LCI.15.al2 ; LCI.79 ; LCI.112
Parties : DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE / COMMUNE DE PLAN-LES-OUATES
Résumé : La commune de Plan-Les-Ouates souhaite ériger une paroi anti-bruit le long d'un chemin devenu propriété de la commune. Selon une pratique constante du département, seuls les murs répondant à un besoin de protection contre le bruit au sens de l'OPB sont autorisés. Cependant, Il existe un intérêt public important à ce que la clôture anti-bruit puisse être érigée, à savoir le maintien de ce passage hautement fréquenté par les écoliers, lequel se confond d'ailleurs avec l'intérêt privé de la propriétaire de la parcelle, à savoir celui de ne plus être dérangée par le bruit des personnes empruntant ledit passage. En ne prenant pas en compte ces éléments et en s'écartant des préavis tous favorables, le département a abusé de son pouvoir d'appréciation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1510/2013-LCI ATA/20/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 janvier 2015

2ème section

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

contre

COMMUNE DE PLAN-LES-OUATES
représentée par Me Lucien Lazzarotto, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 août 2013 (JTAPI/933/2013)


EN FAIT

1. Le chemin du Vieux-Puits est une voie de communication située sur la commune de Plan-les-Ouates (ci-après : la commune), qui permet de relier la route de Saint-Julien au chemin des Pluviers.

Il s'agit d'un chemin privé construit dans sa partie sud sur la parcelle n° 11'110, qui constitue une dépendance de la parcelle n° 10'280, puis jusqu'au chemin des Pluviers, sur la parcelle n° 11'021 dont la propriétaire est Madame Veerle Jeannine VAN MEIR.

2. Dans sa partie sud, la parcelle n° 11'021 est composée de la bande de terrain correspondant à l'assiette du chemin du Vieux-Puits, laquelle passe entre la parcelle n° 10'549 à l'ouest et les parcelles n° 16'417 et 16'418 à l'est. Dans sa partie nord, elle forme un triangle sur lequel est érigée la villa de Mme VAN MEIR.

A la hauteur de celle-ci, le chemin du Vieux-Puits, carrossable jusque-là, devient plus étroit lorsqu'il longe les parcelles n° 16'417 et 16'418. Dans cette partie, il devient un chemin pédestre permettant d'accéder au chemin des Pluviers.

3. La parcelle n° 11'021 est grevée d'une servitude de passage à pied en faveur des parcelles adjacentes qui légitime l’existence dudit chemin.

4. Dans les faits, celui-ci est utilisé par les écoliers de la commune pour rejoindre, depuis le centre du village, le cycle d'orientation des Voirets.

5. En 2009, Mme VAN MEIR s'est plainte auprès de la commune de constantes déprédations et dérangements causés par les usagers du chemin du Vieux-Puits, essentiellement écoliers, en particulier de bruit, de déchets lancés dans son jardin et d'incivilités, comme des déchirures au couteau et de feu sur la bâche tendue contre la barrière qui sépare son jardin dudit chemin.

Partant, la propriétaire a menacé la commune de fermer le chemin du Vieux-Puits au public.

6. Des discussions ont ensuite été engagées entre la commune et la propriétaire de la parcelle n° 11'021.

En échange de la cession gratuite à la commune, par la propriétaire, de la partie de sa parcelle correspondant au chemin du Vieux-Puits, la commune s'est obligée à construire, à ses frais, une clôture anti-bruit de type « NoiStop Green », végétalisée sur le côté donnant sur le chemin, d'une hauteur de deux mètres longeant la nouvelle limite de sa propriété.

7. Le 21 juin 2011, le Conseil municipal de la commune a accepté à l'unanimité la cession à la commune de la parcelle n° 11'021B, telle qu'issue du tableau de mutation établie par un bureau de géomètre le 12 janvier 2011.

8. Le 5 septembre 2011, le département de l'intérieur et de la mobilité (actuellement le département de l'environnement, des transports et de l'agriculture) a approuvé cette délibération.

9. Le 14 février 2012, la commune a déposé auprès du département des constructions et des technologies de l'information, actuellement le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : le DALE) une demande d'autorisation en procédure accélérée ayant pour objet la mise en place de la clôture anti-bruit de type « NoiStop Green » le long de la parcelle de Mme VAN MEIR.

10. Le 22 février 2012, l’office de l’urbanisme, rattaché au DALE, s'est déclaré favorable au projet.

11. Le 23 février 2012, la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP) rattachée au département du territoire, devenu depuis lors le département de l’environnement, des transports et de l’agriculture, s'est déclarée favorable, sous réserve de la conservation des arbres maintenus à proximité du chantier.

12. Le 27 février 2012, le DALE a refusé d'entrer en matière. Le projet ne pouvait pas être autorisé dans la mesure où sa justification n'était pas établie et était de nature à porter préjudice au caractère résidentiel du quartier. Il était donc inutile d'enregistrer ledit dossier.

Dans l'hypothèse où malgré l'empêchement précité, la commune désirait voir sa requête suivre tous les cheminements prévus par la procédure, elle devait le lui faire savoir et lui renvoyer le dossier.

13. Le 21 mars 2012, la commune a transmis au DALE une série de clichés démontrant l'état de la clôture existante, peinant à comprendre en quoi la réalisation d'une paroi végétalisée pourrait porter préjudice au caractère résidentiel du quartier. Elle a prié la DALE de revoir sa position et d'accepter d'entrer en matière sur la requête.

Le long de sa parcelle, Mme VAN MEIR avait installé une barrière composée de poteaux en bois et de treillis, recouverte de canisses ainsi que d'une bâche de couleur verte. La bâche était déchirée à plusieurs endroits.

Les parcelles situées de l'autre côté du chemin étaient également séparées de ce dernier par un muret de pierre, surmonté d'une clôture en treillis installée contre une haie.

14. Le 30 mars 2012, le DALE a répondu à la commune.

La justification du projet n'était pas établie en vertu d'éventuelles nuisances sonores. Le refus d'entrer en matière avait été prononcé en application des art. 15 et 79 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Les clichés produits démontraient qu'une palissade avait été érigée sans autorisation, en bordure de la parcelle de Mme VAN MEIR.

15. Le 28 septembre 2012, le Maire de la commune a écrit un courriel au DALE, lui demandant de revoir sa position, dans la mesure où la construction de la palissade avait été conçue à titre de contrepartie à la cession au domaine public communal d'un tronçon du chemin du Vieux-Puits permettant de maintenir l'accès piétons fortement utilisé, notamment par les élèves du cycle d'orientation.

16. Le 4 octobre 2012, le DALE a confirmé une nouvelle fois au Maire sa position de ne pas entrer en matière.

17. Le 9 novembre 2012, afin d'obtenir une décision formelle du DALE, la commune lui a adressé le dossier relatif à la demande d'autorisation de construire et déclaré qu'elle désirait que sa demande suive tous les cheminements prévus par la procédure accélérée.

18. Le 22 novembre 2012, dans son rapport d'entrée, l'inspection de la construction (actuellement l'inspection des chantiers) s'est déclarée favorable, sous réserve du préavis du service cantonal de la protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants (actuellement le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants, ci-après : le SABRA).

19. Le 28 novembre 2012, le DALE a informé la commune que la demande avait été enregistrée (APA 37'460).

20. Le 18 décembre 2012, la direction générale de la mobilité (actuellement la direction générale des transports) a émis un préavis favorable.

21. Le 22 janvier 2013, le Conseil municipal de la commune a adopté le plan directeur des chemins pour piétons n° 29'873, dans lequel se trouve le chemin du Vieux-Puits.

22. Le 27 février 2013, le SABRA a rendu son préavis.

Celui-ci était sans objet, car bien que le mur projeté ait pour fonction de limiter, voire d'annihiler une problématique de bruit, ce dernier provenait du comportement des écoliers empruntant le chemin. Partant, il ne concernait pas une mesure obligatoire au sens de l’ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41.). Cet écran n'était pas couvert par l'OPB, qui visait uniquement le bruit des installations fixes.

23. Le 8 avril 2013, le DALE a refusé d'accorder l'autorisation de construire.

Le projet n'était pas conforme aux art. 15 et 79 LCI. Selon une pratique constante, seuls les murs répondant à un besoin de protection contre le bruit au sens de l'OPB étaient autorisés.

24. Le 10 avril 2013, le Conseil d'État a approuvé le plan directeur des chemins pour piétons n° 29'873, adopté par le Conseil municipal le 22 janvier 2013.

25. Le 10 mai 2013, la commune a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre la décision du 8 avril 2013. Elle a conclu à son annulation et au renvoi du dossier au DALE pour qu'il délivre l'autorisation de construire sollicitée.

Le DALE avait violé les art. 15 et 79 LCI, lesquels lui conféraient une liberté d'appréciation.

Dès le début de la procédure, le DALE avait adopté une position de rejet de la demande. Malgré les nombreuses explications fournies ainsi que les photos produites, il avait renoncé à exercer son pouvoir d'appréciation, commettant ainsi un excès négatif de son pouvoir d'appréciation.

Le chemin du Vieux-Puits, emprunté par les élèves du cycle des Voirets, constituait un enjeu crucial, raison pour laquelle il avait été d'ailleurs inclus dans le plan directeur communal des chemins piétonniers n° 29'873.

Le refus du DALE la contraignait à procéder par la voie d'une expropriation, rendant l'opération plus longue, ardue, coûteuse et incertaine que la simple mise en œuvre de l'accord de gré à gré trouvé avec Mme VAN MEIR.

Il existait un intérêt public important à ce que la clôture anti-bruit puisse être érigée, lequel se confondait d'ailleurs avec l'intérêt privé de la propriétaire de la parcelle.

Cette construction n'interviendrait pas dans un périmètre dégagé et n'ajouterait pas un obstacle physique et visuel dans une zone qui en serait dépourvue actuellement. Comme cela ressortait des clichés, le chemin était déjà bordé de clôtures. L'installation projetée remplacerait uniquement la clôture existante, constituant une amélioration de la clôture actuelle et donc, par voie de conséquence, de l'esthétique du lieu.

De plus, tous les préavis émis étaient favorables et la hauteur de la clôture projetée respectait la limite de deux mètres, fixée par la loi, dont le but était de préserver le caractère privé des jardins. C'était précisément pour préserver le caractère privé du jardin de Mme VAN MEIR, dérangée par les nuisances, que la commune s'était engagée à ériger la clôture anti-bruit.

Bien qu'étant resté dans le cadre fixé par la loi, le DALE s'était fondé sur des considérations qui manquaient de pertinence et avait ainsi commis un abus de son pouvoir d'appréciation, violant des principes généraux du droit, en particulier le principe de la proportionnalité consacré par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

26. Le 12 juillet 2013, le DALE a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision.

Le DALE avait pour pratique constante d'interdire la construction de murs anti-bruit situés le long des voies de communication ou d'une limite de propriété, afin d'éviter que les parcelles situées en cinquième zone ne soient cloisonnées et, considérant que ces constructions nuiraient au caractère résidentiel des quartiers qui y étaient situés, au niveau de leur esthétique.

Ces constructions étaient autorisées de manière tout à fait exceptionnelle, notamment lorsqu'elles étaient imposées pour des raisons de protection contre le bruit, selon l'OPB. Pour ce faire, le DALE s'était toujours référé au préavis du SABRA.

L'intérêt public à veiller à ce que les quartiers situés en cinquième zone ne soient pas cloisonnés devait clairement l'emporter sur l'intérêt de la commune à veiller au maintien du chemin, d'autant plus qu'elle disposait d'autres moyens tels que l'expropriation pour sauvegarder ses intérêts.

Le fait d'avoir mis en œuvre une pratique et de désirer la défendre ne constituait pas une mauvaise application de la loi.

27. Le 28 août 2013, le TAPI a admis le recours.

Lorsque l'autorité s'écartait des préavis, le tribunal pouvait revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôlait, sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir, l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable, comme en l'espèce, et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable.

Dans des circonstances très proches au cas d'espèce, il avait récemment considéré que le département avait abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de délivrer aux recourants l'autorisation de construire afin de réaliser une paroi anti-bruit végétalisée le long de leur parcelle. La parcelle en question était également située dans un périmètre au sein duquel de nombreux murs, qu'ils aient une fonction anti-bruit ou non, étaient présents en bordure de parcelles donnant sur la voie publique. La paroi litigieuse, entièrement végétalisée, se fondrait dans la végétation et ne serait dès lors que très peu visible depuis la voie publique. Bien que les recourants ne fussent pas soumis à l'OPB, cela ne signifiait pas qu'ils ne pouvaient pas protéger leur maison des nuisances sonores provenant du trafic routier avoisinant.

Le segment du chemin du Vieux-Puits longeant la parcelle n° 11'021 était bordé sur ses deux côtés de clôtures et avait clairement l'aspect d'un couloir cloisonné. Le mur végétalisé litigieux, en lieu et place de la barrière de fortune actuelle permettrait sans conteste d'améliorer l'esthétique de l'endroit. La clôture projetée ne serait pas installée dans un espace dégagé et elle ne changerait pas la configuration actuelle des lieux, les parcelles bordant le chemin étant déjà pourvues de barrières.

Toutes les instances de préavis consultées s'étaient déclarées favorables à ladite construction.

Partant, le DALE avait abusé de son pouvoir d'appréciation. L'intérêt de la recourante à maintenir la liaison entre la route de Saint-Julien et le chemin des Pluviers et celui de la propriétaire de ladite parcelle à ne pas subir de nuisances devaient l'emporter sur l'intérêt à la préservation esthétique du site, dont l'atteinte n'était au demeurant pas avérée.

28. Le 30 septembre 2013, le DALE a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement. Il a conclu à son annulation ainsi qu'à la confirmation du refus d'autorisation rendu le 8 avril 2013.

Comme l'avait à juste titre précisé le TAPI, l'art. 79 LCI concrétisait une volonté d'éviter la prolifération de murs en zone villas dont la justification n'était pas établie et qui seraient nuisibles à l'environnement et à l'esthétique des lieux.

Malgré la délivrance, à quelques rares occasions, d'autorisations de construire pour des murs anti-bruit en rien justifiés, il réaffirmait aujourd'hui sa volonté de mettre en œuvre la pratique susmentionnée, laquelle correspondait à la notion de pratique administrative telle que définie par les juges précédents.

En refusant l'autorisation de construire sollicitée, il avait fait une juste pesée des intérêts en présence.

Si l'installation du mur végétalisé en lieu et place de la barrière de fortune actuelle permettrait certes d'améliorer l'esthétique de l'endroit, il fallait prendre en considération que la situation existante était le fruit de travaux entrepris sans autorisation.

Admettre que les incivilités justifieraient l'octroi de l'autorisation de construire reviendrait à imposer au DALE l'obligation d'accepter l'édification de murs anti-bruit le long des voies de communication qui seraient empruntées par des écoliers, lesquels seraient potentiellement en mesure de commettre des déprédations.

29. Le 31 octobre 2013, la commune a conclu au rejet du recours ainsi qu'à la confirmation du jugement du TAPI.

La volonté du législateur n'était pas d'interdire systématiquement la construction de murs séparatifs en zone villas, mais d'autoriser ceux dont la justification était établie et qui n'étaient pas nuisibles à l'environnement et à l'esthétique des lieux. Le législateur aurait formulé différemment la loi, s'il avait voulu être plus strict.

Le DALE avait manifestement préféré maintenir sa pratique plutôt que de mesurer et peser les intérêts en présence.

Il était complétement disproportionné d'exiger la mise en œuvre d'une procédure d'expropriation, que la jurisprudence qualifiait d'ailleurs d'ultima ratio.

Le SABRA avait reconnu l'efficacité du mur végétalisé pour réduire les bruits générés par le comportement des écoliers empruntant le chemin.

En ce qui concernait l'esthétique, l'édification de la palissade constituerait en tout état une grande amélioration par rapport à la situation actuelle. D'ailleurs, le préavis de la DGNP était favorable.

En adoptant dès le début de la procédure une position déterminée de rejet de la demande et en refusant obstinément par la suite de remettre en cause ce postulat de base, le DALE avait renoncé d'emblée à exercer son pouvoir d'appréciation, en violation de la liberté qui lui était spécifiquement octroyée par la loi.

Le DALE n'avait pas saisi la portée des intérêts qui s'opposaient. Il n'était pas uniquement question de l'intérêt privé de la propriétaire de la parcelle, mais surtout de l'intérêt public à garantir un accès par le chemin litigieux. Le DALE ne pouvait donc craindre que le présent cas soit utilisé comme précédent, du moins chaque fois qu'un intérêt public spécifique ne viendrait pas s'ajouter à l'intérêt privé en cause.

30. Le 16 décembre 2013, le DALE a répliqué.

Autoriser la construction du mur reviendrait à considérer qu'à chaque fois que l'édification d'un mur serait justifiée pour limiter un « bruit comportemental », il devrait systématiquement l'autoriser.

Les nuisances sonores étaient limitées, puisque notamment liées à l'utilisation du chemin par les écoliers se rendant au cycle d'orientation, soit que quatre fois par jour, du lundi au vendredi.

La création d'un muret de pierre surmonté d'une clôture en treillis installée contre une haie, comme c'était le cas de l'autre côté du chemin, serait plus conforme à la volonté du législateur.

Malgré la hauteur du mur proposée, soit 2 m, ce dernier ne permettrait sans doute pas à Mme VAN MEIR de ne plus être l'objet des incivilités qu'elle dénonçait.

Il n'avait pas commis un excès négatif de son pouvoir d'appréciation dans la mesure où la demande avait fait l'objet d'une instruction approfondie avant que la décision de refus ne soit finalement rendue.

31. Le 31 janvier 2014, la commune a dupliqué. Elle a repris pour l'essentiel les arguments invoqués dans sa réponse.

Au demeurant, il était difficile de concevoir en quoi la construction d'un muret en pierre surmonté d'une clôture en treillis installée contre une haie, ayant un impact visuel identique à celui d'une paroi, respecterait davantage la volonté du législateur d'éviter la prolifération de murs en zone villas.

32. Le 7 avril 2014 à 10h.00, la chambre administrative a organisé un transport sur place au 14, chemin des Pluviers, 1228 Plan-les-Ouates.

Le juge délégué a constaté que le passage permettait une jonction entre le chemin des Pluviers et la partie circulable du chemin du Vieux-Puits.

Le long de la parcelle de Mme VAN MEIR se trouvait une haie, ceinturée d'une palissade formée de canisses, recouverte d'une bâche verte lacérée et taguée. De l'autre côté, soit le long des parcelles n° 6'810 et 6'811, ces dernières étaient délimitées par un muret sur lequel on trouvait un grillage, derrière lequel se trouvait une haie.

Les terrains des villas situées aux alentours étaient entourés de haies sur petits murets ou de palissades en bois. Il n'y avait pas de mur construit sur une hauteur de 2 m. Au chemin de la Mère-Voie, à proximité du chemin du Vieux-Puits, le juge délégué a inspecté un mur similaire à celui qui était prévu, ceignant une construction âgée de 2 ans. Ce dernier avait l'apparence d'une paroi grillagée vu de l'extérieur, comportant des trous, dans laquelle poussait du lierre.

Le représentant du DALE a relevé que le muret et les grilles qui séparaient les parcelles n° 6'810 et 6'811 du cheminement n'avaient fait l'objet d'aucune déprédation, contrairement à la palissade de Mme VAN MEIR.

Selon le représentant de la commune, l'apparence du mur projeté serait celle d'une paroi végétalisée, sans petit muret similaire à celui longeant les parcelles n° 6'810 et 6'811.

Le représentant du DALE a expliqué que la pose d'un grillage avec une haie permettait à la petite faune de passer, contrairement à un mur du type de celui projeté, constituant une paroi hermétique. De plus, sitôt la pose du mur effectuée, il y avait un risque que celui-ci fasse l'objet de déprédations et que la végétation n'y pousse pas en raison de cela.

Concernant le mur similaire à celui qui était prévu, il n'était pas sûr que cette paroi ait été autorisée. Il se demandait la raison d'être de cette paroi puisque, partout ailleurs sur le chemin de la Mère-Voie, les parcelles étaient délimitées par des haies vives.

33. Le 8 mai 2014, la chambre administrative a informé les parties du fait que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b).

Cependant, les juridictions administratives n'ont pas la compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée dans le cas d'espèce (art. 61 al. 2 LPA).

Le juge doit vérifier que l'administration n'abuse pas de son pouvoir d'appréciation. Pour cela, le principe de proportionnalité prend une place majeure. Il impose de peser les intérêts pour et contre la mesure en cause (Thierry TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in La pesée globale des intérêts, Droit de l'environnement et de l'aménagement du territoire, 1996, p. 189 ss).

Constitue un excès négatif du pouvoir d'appréciation le fait que l'administration se considère comme liée, alors que la loi l'autorise à statuer selon son appréciation, ou encore qu'elle renonce d'emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 171).

Constitue un abus du pouvoir d'appréciation le cas où l'autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 précité ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 171).

3. Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (art. 1 al. 1 let. a LCI).

Dès que les conditions légales sont réunies, le DALE est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 5 LCI).

4. Les préavis ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu’un caractère consultatif et l’autorité reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (ATA/719/2011 du 22 novembre 2011 et les références). La LCI ne prévoit aucune hiérarchie entre les différents préavis requis (ATA/51/2013 du 29 janvier 2013).

Lorsque l’autorité s’écarte des préavis, le tribunal peut revoir librement l’interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l’excès et de l’abus de pouvoir l’exercice de la liberté d’appréciation de l’administration, en mettant l’accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable, et sur le respect de l’intérêt public en cas d’octroi de l’autorisation malgré un préavis défavorable (ATA/51/2013 précité).

5. Les murs en bordure d’une voie publique ou privée, ou entre deux propriétés ne peuvent, dans la mesure où ils sont autorisés, excéder une hauteur de 2 m. Le département peut exiger que les ouvrages autorisés soient distants jusqu’à 1,20 m du bord d’une voie publique ou privée. Il peut, en outre, exiger la plantation de végétation (art. 112 LCI).

Sous réserve des murs de soutènement et des murets de 80 cm de hauteur au maximum, le département peut refuser les murs séparatifs qui ne sont pas intégrés à un bâtiment (art. 79 LCI).

Cette disposition a été introduite lors de la modification de la LCI en 1988. Elle concrétise une volonté d'éviter la prolifération de murs en zone villas, dont la justification n'est pas établie et qui seraient nuisibles à l'environnement et à l'esthétique des lieux (MGC 1988/II 1643). Il a été convenu, dans le rapport de la commission parlementaire, que le département ne refuserait les murs séparatifs que si ceux-ci faisaient l'objet d'un préavis négatif de la commission consultative compétente ou si le requérant n'apportait pas de justification suffisante à leur réalisation (MGC 1988/II 1628).

 Le département peut interdire ou n’autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l’intérêt d’un quartier, d’une rue ou d’un chemin, d’un site naturel ou de points de vue accessibles au public (art. 15 al. 1 LCI). La décision du département se fonde notamment sur le préavis de la commission d’architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la commission des monuments, de la nature et des sites. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (art. 15 al. 2 LCI). Cette disposition renferme une clause d'esthétique, constituant une notion juridique indéterminée.

Dans la mesure où la paroi végétalisée projetée ne dépasserait pas 2 m de hauteur, et que le DALE n'a pas exigé de retrait de 1,20 m, elle ne poserait aucun problème dans le cas d'espèce, si l'autorisation était délivrée.

En l'espèce, tous les préavis recueillis dans le cadre de la présente procédure sont soit favorables, soit sans objet. En ce qui concerne le préavis du SABRA, une analyse sera proposée ci-après. La justification de la réalisation de la paroi litigieuse sera également analysée par la suite.

6. Les art. 15 et 79 LCI reconnaissent tous deux au DALE un large pouvoir d'appréciation. Ce dernier n'est limité que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation.

7. En l'espèce, le DALE s'est écarté des préavis qui sont tous favorables. Il prétend s'être fondé, conformément à sa pratique, sur le préavis du SABRA pour refuser l'autorisation de construire. Cet argument n'a pas de sens car ledit préavis est sans objet, puisque le bruit provient du comportement des écoliers empruntant le chemin et non d'une installation fixe.

8. En ce qui concerne la justification de l'ouvrage litigieux, il va de soi que ce dernier est essentiel tant pour la commune que pour la propriétaire de la parcelle.

Pour la commune, la réalisation de cette paroi est la seule solution pour pouvoir maintenir le chemin pédestre, dans la mesure où il s'agit de sa contre-prestation à la cession de la bande de terrain par la propriétaire. Pour cette dernière, il est évident que la paroi permettrait de diminuer les nuisances sonores émises par les usagers du chemin.

La réalisation de la paroi de 2 m de hauteur serait totalement conforme à l'un des buts poursuivi par l'art. 112 LCI, à savoir la préservation du caractère privé des jardins (ATA/981/2004 du 21 décembre 2004, consid. 2.d). En effet, ladite paroi aurait précisément pour but de protéger le caractère privé du jardin de la propriétaire de la parcelle.

Le DALE prétend que la faible hauteur de la paroi ne permettrait pas de ne plus être l'objet d'incivilités de la part des passants. S'il est vrai que les passants pourraient toujours jeter des projectiles par-dessus la paroi, il n'en demeure pas moins qu'elle serait très efficace en ce qui concerne les nuisances sonores.

La justification de la paroi tient aussi au fait qu'elle permettrait, comme contrepartie à la cession de la bande de terrain, de maintenir un cheminement prévu par le plan directeur des chemins pour piétons n° 29'873.

9. Selon la prétendue pratique du DALE concernant les art. 15 et 79 LCI, seuls les murs répondant à un besoin de protection contre le bruit au sens de l'OPB sont autorisés.

La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l'application d'une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d'interpréter la loi ou de faire usage d'une liberté d'appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d'opportunité ou d'efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l'égalité de traitement (ATA/473/2011 du 26 juillet 2011).

Récemment, la chambre administrative a confirmé que le DALE avait abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de délivrer aux recourants une autorisation de construire pour réaliser une paroi anti-bruit végétalisée longeant leur parcelle. Cette paroi litigieuse, entièrement végétalisée se fondrait dans la végétation. De plus, bien que les valeurs limites d'immission ne fussent pas dépassées, cela ne signifiait pas que les propriétaires ne pouvaient protéger leur villa des nuisances sonores provenant du trafic routier avoisinant (ATA/475/2014 du 24 juin 2014 confirmant le JTAPI/261/2013 du 6 mars 2013).

Les circonstances de ce cas sont très proches de celles du présent litige. La différence principale tient au fait qu'en l'espèce, la paroi permettrait non seulement de protéger l'intérêt privé de la propriétaire, comme dans le jugement précité, mais également l'intérêt public à la conservation du cheminement très utilisé par les écoliers. De plus, il résulte de cet arrêt que la pratique du DALE consistant à n'autoriser que les murs répondant à un besoin de protection contre le bruit au sens de l'OPB n'est pas acceptable.

En effet, comme le relève à juste titre la commune, si le législateur avait voulu être plus strict, il aurait formulé différemment l'art. 79 LCI.

10. En ce qui concerne l'esthétique, le DALE fait valoir que d'autres solutions qu'une paroi anti-bruit pourraient être mises en œuvre afin de mieux respecter la volonté du législateur, comme la construction d'un muret de pierre surmonté d'une clôture en treillis installée contre une haie. Même à supposer que l'impact visuel d'un muret et d'une haie soit moindre que celui de la paroi anti-bruit, il n'en demeure pas moins que la DGNP a rendu un préavis favorable, si bien que le DALE ne peut que difficilement prétendre que la paroi ne serait pas justifiée esthétiquement.

11. S'il est vrai que la commune dispose en théorie de la voie de l'expropriation pour conserver le cheminement, force est de constater que cette procédure rendrait l'opération beaucoup plus longue, ardue, coûteuse et incertaine que la mise en œuvre de l'accord de gré à gré intervenu avec la propriétaire concernée.

12. Au vu de ce qui précède, en ne tenant compte ni de la totalité des intérêts en présence, ni des préavis requis, ni du critère de l'esthétique, le DALE a commis un excès de son pouvoir d'appréciation, en violant notamment le principe de la proportionnalité consacré à l'art. 5 al. 2 Cst.

13. Le recours sera rejeté. Vu son issue, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la commune, qui compte plus de dix mille habitants. Celle-ci est en effet réputée disposer de son propre service juridique et ne pas avoir à recourir pour le présent type de procédure, au service d’un mandataire extérieur (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/819/2014 du 28 octobre 2014 et jurisprudence citée).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 septembre 2013 par le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 août 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, à Me Lucien Lazzarotto, avocat de la commune de Plan-les-Ouates, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :