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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3174/2023

ATA/561/2024 du 07.05.2024 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3174/2023-PRISON ATA/561/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mai 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Toni KERELEZOV, avocat

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON intimée

 



EN FAIT

A. a. A______, de nationalité française, est né le ______ 1995.

b. Il est en détention provisoire au sein de la prison de Champ‑Dollon (ci-après : la prison ou Champ-Dollon) depuis le 23 juillet 2023.

B. a. Le 1er septembre 2023, il a fait l’objet d’une sanction disciplinaire consistant en cinq jours de suppression des promenades collectives pour attitude incorrecte envers le personnel.

Selon le rapport d’incident du même jour, lors de la douche, à 17h50, A______ avait insulté un détenu, se douchant nu, de « sale PD de merde ». Il avait, « avec un ton élevé » interpelé l’agent de détention en ces termes : « T’as pas honte de me mettre quelqu’un comme ça sous la douche, je ne suis pas un PD moi ». Le gardien lui avait demandé, en vain, de se calmer, l’intéressé continuant à s’énerver à son encontre avec un ton agressif. Informé, le sous-chef responsable de l’unité (ci-après : le sous-chef) avait décidé de sanctionner le détenu. Le rapport mentionne que A______ a été entendu à 18h et que la sanction lui a été signifiée à 18h05.

L’intéressé a refusé de signer le document notifiant la sanction, et la case correspondante a été cochée par le gardien sous-chef.

La sanction a été exécutée du 2 au 6 septembre 2023.

b. Le 26 septembre 2023, A______ s’est plaint du comportement du sous‑chef auprès du directeur de la prison. Il avait fait l’objet d’une nouvelle sanction le 18 septembre 2023 et avait le sentiment d’avoir été « pris en grippe » par le responsable. Ce dernier refusait de tenir compte de son statut de personne atteinte de handicap, au bénéfice d’une allocation française équivalente à une rente d’invalidité suisse.

C. a. Par courrier expédié le 2 octobre 2023, A______ a interjeté recours contre la décision du 1er septembre 2023 devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à sa nullité, subsidiairement à son annulation et en tous les cas au constat de l’illicéité de la sanction. Préalablement, il a sollicité la production d’un rapport non caviardé, et les notes internes concernant la délégation de compétences au sous-chef pour prononcer les sanctions. Son audition et celle du sous-chef devaient être ordonnées.

Autorisé à compléter son recours, il a précisé qu’il se trouvait aux douches « arrivants ». N’ayant pas ce statut, les gardiens n’auraient pas dû l’y conduire. Alors qu’il prenait sa douche, il avait été approché par un autre détenu (ci-après : le détenu 2), qui s’exhibait nu devant lui, le regardait de manière gênante, et, alors qu’il se trouvait à moins d’un mètre, avait pris son sexe dans sa main et avait cherché le contact physique avec lui. Pris de panique, il avait crié fort pour appeler les agents de détention. Un gardien était intervenu et lui avait expliqué que le détenu 2, psychologiquement « atteint », avait commis un meurtre et ne devait pas prendre de douches collectives, mais qu’une décision contraire avait été prise par le sous‑chef. A______, choqué de ce qu’il venait d’apprendre, lui avait demandé s’il n’avait pas honte de le mettre en contact avec une telle personne. Il n’avait pas traité l’autre détenu de « sale PD de merde ».

Peu de temps après, le sous-chef lui avait présenté la sanction, déjà signée. Lorsqu’il avait demandé des explications, le responsable lui avait expliqué qu’il lui avait compliqué son travail. Le sous-chef avait indiqué que le détenu 2 souffrait effectivement de troubles psychiques et ne voulait pas prendre sa douche seul ; pour le convaincre, il avait décidé de le faire bénéficier d’une douche collective avec le recourant, d’où sa présence dans le secteur « arrivants ». Le sous-chef lui avait expliqué qu’il lui « faisait confiance », mais avait été déçu par sa réaction et allait « prendre des mesures contre lui ».

La décision était nulle, car la prison ne prouvait pas que le sous-chef était compétent pour prononcer la sanction.

Il n’avait pas été entendu par le sous-chef et n’avait eu aucune explication sur les motifs de la sanction. Ni celle-ci, ni le rapport d’incident ne mentionnaient les propos tenus par le responsable, qui avait mis en application ses « mesures » de rétorsion.

Il contestait avoir adopté un comportement fautif. La sanction avait été prononcée par le sous-chef avec pour objectif premier de détourner l’attention de son propre comportement fautif. Il avait en effet admis aux douches collectives un détenu qui ne devait pas s’y trouver, le mettant ainsi en danger.

La sanction ne respectait pas le principe de la proportionnalité. Il n’avait pas d’antécédents. Le prononcé du sursis aurait été plus adéquat.

b. La direction de la prison a conclu au rejet du recours.

Les deux détenus impliqués se trouvaient dans la même unité. Chaque unité disposait de deux locaux de douche comportant chacun cinq douches et un vestiaire. Les douches étaient séparées les unes des autres par une paroi métallique allant des mollets jusqu’au haut de la tête. Les personnes détenues de la même unité se douchaient de manière aléatoire dans l’un ou l’autre local selon les places disponibles. Il n’existait pas de mesures interdisant à un détenu d’utiliser les douches collectives. Les détenus étaient libres de se doucher nus s’ils le souhaitaient. Un agent de détention se positionnait, à l’extérieur, à la porte d’entrée du local de douche.

C’était à tort que le recourant soutenait que le détenu 2 avait été inculpé pour l’infraction de meurtre et était interdit de douches collectives.

Les noms du sous-chef et du détenu 2 avaient été caviardés dans un souci de confidentialité et de sécurité. Il était souhaitable d’éviter que les identités des agents de détention ainsi que celles des détenus circulent au sein de la prison et/ou à l’extérieur, sauf si ces informations étaient nécessaires pour la résolution du litige. Les noms pouvaient, sur demande, être transmis à la chambre de céans.

Les modalités de délégation étaient prévues dans un ordre de service B 24 dont la chambre administrative disposait. Il prévoyait une telle délégation pour la suppression des promenades collectives d’un à sept jours au sous-chef responsable de l’unité ou son remplaçant gradé. Cet ordre de service ressortait d’ailleurs de la jurisprudence.

Suite à l’incident, le recourant avait été auditionné, le jour même à 18h, par le sous‑chef qui lui avait exposé les faits reprochés, soit son attitude incorrecte avec le personnel. Le détenu avait pu se déterminer sur ces faits et avait également pu faire valoir son point de vue dans son recours.

L’intérêt public à sanctionner immédiatement les transgressions au règlement d’un établissement pénitentiaire pour maintenir la sécurité et son bon fonctionnement était prépondérant. L’intérêt public à ne pas encourager de tels comportements devait l’emporter sur les intérêts privés, d’autant plus lorsque le détenu était en détention provisoire et pouvait à tout moment être transféré ou libéré.

La sanction respectait le principe de la proportionnalité. Le maximum de la durée était de six mois et le détenu n’avait été privé que des promenades collectives. Son droit à la promenade n’avait pas été entaché puisqu’il avait pu continuer à l’effectuer quotidiennement, mais seul.

c. Dans sa réplique, le recourant a relevé que l’autorité intimée ne s’était pas déterminée sur ses allégués. Il persistait dans ses demandes préalables en production du rapport d’incident non caviardé de la note interne autorisant la délégation prévue à l’art. 47 al. 7 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP ‑ F 1 50.04), en comparution personnelle des parties et en audition du sous‑chef. La sanction était illégale, l’autorité intimée ayant échoué à prouver qu’une faute avait été commise et qu’elle méritait sanction.

d. À la demande de la juge déléguée, la prison a produit le rapport non caviardé qui a été mis à disposition du conseil du recourant.

e. Par écritures du 12 avril 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions. Les agents impliqués devaient être entendus, à l’instar du détenu 2 concerné. Certains gardiens se retrouvaient impliqués de manière récurrente à ses incidents, particulièrement le sous-chef, auteur de la présente sanction et de celle du 18 septembre 2023.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

g. Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

1.1 En tant que le recourant entend émettre des prétentions pénales ou civiles à l’encontre du comportement du personnel de la prison, ses conclusions sont irrecevables. De même, une éventuelle dénonciation administrative à l’encontre du personnel fait l’objet d’une procédure distincte (art. 59 RRIP). La présente contestation ne peut en effet excéder l’objet de la décision attaquée (ATA/383/2021 du 30 mars 2021 consid. 2 ; ATA/1008/2019 du 11 juin 2019 consid. 2b), de sorte que les questions autres que le strict examen du bien-fondé de la sanction querellée ne seront pas examinées.

1.2 Par ailleurs, bien que la sanction ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l’examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu’il ne ressort pas du dossier qu’il aurait quitté la prison et qu’il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire. Le recours conserve ainsi un intérêt actuel (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/1286/2023 du 29 novembre 2023 consid. 2 ; ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consid. 2).

Le recours est ainsi recevable, sous réserve du point évoqué ci-dessus (consid. 1.1).

2.             Le recourant sollicite la production de la note interne autorisant la délégation prévue à l’art. 47 al. 7 RRIP.

2.1 Le directeur peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions prévues à l’art. 47 al. 3 RRIP à d’autres membres du personnel gradé. Les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service.

2.2 En l’espèce, le recourant ne conteste pas que la personne qui l’a sanctionnée a le grade de sous-chef. À teneur de l’art. 40 du règlement sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 22 février 2017 (ROPP ‑ F 1 50.01) qui définit les grades et fonctions des agents de détention, un sous-chef est un officier (al. 1 let. f 1°) et remplit donc la condition d’être gradé au sens de l’art. 47 al. 7 RRIP. La sanction a donc été prononcée par une personne qui y est habilitée. La production de l’ordre de service B24 n’est ainsi pas nécessaire, le ROPP fondant la compétence de l’agent de détention concerné. Il est pour le surplus relevé que ledit ordre de service B24 du 4 février 2019 ne fait que confirmer que la suppression de promenades collectives pour 1 à 7 jours peut être prononcée, notamment, par un sous-chef, un responsable d’unité ou leur remplaçant gradé.

Cette requête sera en conséquence écartée.

3.             Le recourant sollicite son audition et celle du sous-chef. Dans ses observations après consultation du rapport non caviardé, il a sollicité l’audition de l’autre gardien présent lors de l’incident ainsi que du détenu 2.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n’empêche pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n’implique pas le droit à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

3.2 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/502/2018 du 22 mai 2018 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/679/2023 précité consid. 5.6 et les références citées).

3.3 En l’espèce, le recourant s’est vu offrir l’occasion de s’exprimer par écrit et de produire toute pièce utile devant la chambre de céans, dans son recours, son complément au recours puis sa réplique. Il n’expose pas quels éléments utiles pour trancher le sort de la cause, qu’il n’aurait pu produire par écrit, son audition serait susceptible d’apporter. Le témoignage du sous-chef n’apparaît pas nécessaire, l’objet du litige étant limité au bien-fondé de la sanction du 1er septembre 2023. Les éventuelles sanctions ultérieures ne font pas l’objet du présent recours. À ce titre, le recourant ne peut être suivi lorsqu’il sollicite l’audition du sous-chef en alléguant que le rapport d’incident n’a aucune valeur probante vu le contexte de représailles que ce dernier lui fait subir depuis les événements du 1er septembre 2023. En effet, les événements du 1er septembre 2023 étant les premiers intervenus, le « contexte de représailles depuis le 1er septembre 2023 » n’est pas déterminant pour trancher le présent litige.

La jurisprudence constante de la chambre de céans sur la valeur probante des rapports écrits par des agents assermentés conserve donc toute sa pertinence. Ce qui s’est passé à l’intérieur des douches n’est connu et n’a été vu que par les deux détenus. L’audition du sous-chef serait ainsi sans pertinence pour établir les faits qui se sont déroulés sous la douche. Par ailleurs, comme déjà rappelé, l’objet du litige ne porte pas sur le comportement du sous-chef, ni d’ailleurs sur le comportement du détenu 2, dont l’audition n’apparait pas pertinente pour l’issue du litige. L’attitude incorrecte reprochée au recourant s’est déroulée à l’encontre d’un agent de détention et non du sous-chef. Or le recourant ne se plaint pas de représailles de la part dudit agent de détention.

L’audition de l’autre agent n’apparait pas pertinente, celui-ci ayant déjà indiqué les éléments dont il avait connaissance dans le rapport.

Il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction.

4.             Le recourant invoque une violation de son droit d’être entendu avant le prononcé de la sanction.

4.1 Il ne peut être suivi puisqu’il a lui-même indiqué que lorsque la sanction lui avait été notifiée il avait pu discuter avec le sous-chef qui lui aurait alors donné des indications sur le détenu 2. Ceci prouve l’existence d’un moment d’échange entre le détenu et le représentant de l’autorité intimée et démontre que le recourant a pu faire valoir sa version des faits sur l’épisode de la douche. À défaut, le sous‑chef n’aurait aucune raison, à suivre le recourant, ni de fournir des informations sur le détenu 2 ni de « se couvrir ».

4.2 S’agissant de la motivation de la sanction, celle-ci satisfait aux exigences jurisprudentielles, le recourant ayant pu se rendre compte de la portée de la décision prise à son égard et recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; ATF 138 I 232 consid. 5.1), conformément aux considérants qui suivent.

Le grief de violation du droit d’être entendu sera écarté.

5.             Est litigieuse la sanction de cinq jours de suppression de promenades collectives.

5.1 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

5.2 Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute (ATA/412/2022 du 13 avril 2022 consid. 4a ; ATA/43/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1108/2018 du 17 octobre 2018 et les références citées).

5.3 Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le RRIP. Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP (art. 42 RRIP). Il doit en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP).

Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP). À teneur de l’art. 47 al. 3 RRIP, le directeur ou, en son absence, son suppléant sont compétents pour prononcer, notamment suppression des promenades collectives (let. b). Le directeur peut déléguer ces compétences à un membre du personnel gradé (ATA/1631/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3).

5.4 En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/90/2024 du 26 janvier 2024 consid. 3.2 ; ATA/50/2023 du 20 janvier 2023 consid. 7b).

5.5 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé ‑, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public
(ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/679/2023 précité consid. 5.6).

5.6 En l’espèce, il est reproché au recourant une attitude incorrecte envers le personnel. Le recourant conteste le déroulement des faits tels qu’ils ressortent du rapport d’incident. Ce dernier mentionne deux citations des propos tels que tenus par le recourant. La première phrase s’adressant à l’autre détenu est sans importance en l’espèce, puisque le recourant a été sanctionné pour une attitude incorrecte envers le personnel. S’agissant de la seconde phrase, le détenu se serait adressé, avec un ton « élevé » à l’agent de détention lui disant « t’as pas honte de mettre quelqu’un comme ça sous la douche, je suis pas un PD moi ! ». Le recourant ne se serait ensuite pas calmé malgré la demande du gardien mais aurait continué de s’énerver contre ce dernier avec un ton agressif. Dans son complément de recours, l’intéressé confirme avoir demandé à l’agent s’il n’avait pas honte de le mettre en contact avec une personne comme le détenu 2. Il ne conteste pas ne pas s’être calmé et avoir continué de s’énerver à l’encontre du gardien et adopté un ton agressif.

Contrairement à ce que soutient le recourant, l’autorité intimée s’est déterminée sur le droit du détenu 2 à se trouver dans des douches collectives, relevant que tant l’allégation d’inculpation de meurtre que du fait qu’il aurait été interdit de douches collectives étaient fausses. Cette affirmation contredit les dires du recourant quant au déroulement des faits, singulièrement sur les propos qu’il impute au sous-chef.

Partant, compte tenu de la jurisprudence portant sur la valeur probante des constatations figurant dans un rapport établi par des agents assermentés, la chambre administrative retiendra les éléments qui figurent dans ledit rapport.

À teneur de ce dernier, le recourant s’est énervé verbalement à l’encontre de l’agent de détention, ne s’est pas calmé à la demande de celui-ci et a continué à se montrer agressif à son encontre, ce qu’il ne contredit au demeurant pas comme mentionné ci-dessus. Or, il lui appartenait de s’abstenir d’adopter une telle attitude. Ayant ainsi contrevenu à son obligation d’adopter une attitude correcte à l’égard du personnel, son comportement justifiait une sanction.

Celle infligée, à savoir la suppression de cinq jours de promenades collectives, ne prive pas l’intéressé de son droit à des promenades qu’il a pu effectuer, toutefois seul. Il s’agit d’une des sanctions les plus légères de la liste de l’art. 47 al. 3 RRIP. La durée de cinq jours se situe dans le bas de la fourchette, la sanction pouvant aller jusqu’à six mois (art. 47 al. 5 RRIP). Aussi, tant le choix de la sanction que sa quotité étaient aptes, nécessaires et proportionnés au sens étroit pour garantir la sécurité et la tranquillité de l’établissement et s’avèrent conformes au droit, étant rappelé le large pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée. En soutenant que seul le sursis aurait respecté le principe de la proportionnalité, le recourant substitue sa propre appréciation à celle de l’autorité intimée, ce qui n’est pas admissible.

Il sera enfin précisé que le statut de « personne handicapée » ne ressort, à teneur des pièces au dossier, que d’une décision du 28 avril 2017 de la commission de l’autonomie des personnes handicapées et évoque un statut de « travailleur handicapé », orientant alors l’intéressé vers un établissement ou service d’aide par le travail. Le recourant ne peut en conséquence rien en déduire en l’espèce.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA cum art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), ni aucune indemnité de procédure allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette en tant qu’il est recevable le recours interjeté le 2 octobre 2023 par A______ contre le décision de la prison de Champ-Dollon du 1er septembre 2023 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Toni KERELEZOV, avocat du recourant, ainsi qu’à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :