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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2750/2022

ATA/50/2023 du 20.01.2023 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2750/2022-PRISON ATA/50/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Léna Nussbaumer-Laghzaoui, avocate

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ C______



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1982, est incarcéré dans l’établissement fermé de C______ (ci-après : C______ ou l’établissement) en exécution anticipée de peine, depuis le début du mois d’avril 2022.

2) a. Le 10 mai 2022, il a signé un contrat de prestations avec l’établissement. L’incarcération à C______ entraînait l’obligation de travailler. En signant le contrat, il s’engageait, notamment, à respecter les règles de vie, les horaires en vigueur et le règlement de l’atelier dans lequel il travaillerait. En cas de non-respect du règlement des ateliers et selon la gravité de la situation, il pourrait être sanctionné et renvoyé en cellule, privé d’activités telles que le sport, les visites, les loisirs, notamment, voire perdre sa place en atelier et retourner en régime « Évaluation » ou « Arrivants ». Selon les besoins de l’établissement ou son comportement, il pourrait être déplacé temporairement ou définitivement dans un autre atelier en tout temps, sans préavis.

Un cahier des charges, spécifique à chaque atelier où le détenu était affecté, valant avenant, complétait le contrat précité.

b. Par avenant du 20 juin 2022, M. A______ a été affecté à l’atelier « emballage ».

Celui-ci consiste à trier, puis emballer des couverts, notamment destinés aux Hôpitaux universitaires genevois (ci-après : HUG). Une machine (ci-après : la machine) permet de fermer les emballages en plastique. Dix à douze détenus sont affectés à cet atelier, la moitié étant chargée du tri et l’autre de l’emballage. Les rôles sont alternés chaque jour. Les horaires de travail sont, du lundi au vendredi, de 7h à 10h15, puis de 12h30 à 16h15. Les détenus sont rémunérés CHF 33.- par jour de travail desquels les frais afférents à leur pension, soit CHF 9.- sont déduits. Ils perçoivent en conséquence CHF 24.- net par jour, répartis entre différents comptes (disponible, réservé ou bloqué) du détenu.

3) a. Durant le printemps et l’été 2022, le surveillant en charge de l’atelier « emballage » a permis aux détenus d’ouvrir les fenêtres afin d’aérer l’atelier durant la matinée. Ceci permettait de rafraichir l’atelier, notamment compte tenu de la chaleur produite par la machine, la température extérieure étant plus fraîche que celle de l’intérieur.

b. L’atelier comprend quatre fenêtres, sur un même mur qui donne sur le parking. Une clé spéciale, que seul le gardien a en sa possession, est nécessaire pour les ouvrir.

4) Les détenus ont droit à une promenade quotidienne. Ils ont accès à une salle de sport tous les deux jours et à un terrain de football tous les quatre jours. Pour les repas, des plateaux, avec ou sans viande, sont délivrés. Les détenus ont par ailleurs accès à une cuisine commune pour y préparer des repas avec des ingrédients qu’ils reçoivent ou achètent. Ils ont accès à une bibliothèque une fois par semaine. Un parloir hebdomadaire est autorisé, voire deux si le détenu a des enfants mineurs.

5) a. Le 16 juin 2022, le service du médecin cantonal a déclenché la première alerte canicule de l’année 2022. Ledit service y a mis fin le 21 juin 2022.

b. Les températures extérieures des jours pertinents pour le présent litige ont été de 36,4 ° le 14 juillet 2022 et 32,9° le lendemain.

c. La deuxième alerte canicule a duré du 18 au 25 juillet 2022.

6) Le surveillant habituellement en charge de l’atelier « emballage » a été absent et remplacé dès le 14 juillet 2022.

7) Selon un rapport d’incident du 14 juillet 2022, M. A______, ainsi que huit autres détenus de l’atelier « emballage », avaient cessé de travailler le même jour à 15h20. Ils considéraient avoir « beaucoup travaillé » et ne « [feraient] plus rien le jour même ». Le gardien chef leur avait expliqué que l’établissement avait une mission pour les HUG, lesquels comptaient sur leur travail. Le détenu C. avait répondu « on travaille trop, surveillant. On a déjà demandé pour entrer en cellule lorsque le travail est terminé. Et les groupes de travail ça va pas. On veut une chaîne hi-fi et des ventilateurs ».

Le responsable avait indiqué ne pas pouvoir intervenir pour les horaires, la chaîne hi-fi et les ventilateurs. Il leur avait soumis une liste mettant à jour les groupes de travail. Il avait rappelé ses attentes et exigé que les détenus n’arrêtent pas leur travail au prétexte qu’un membre de leur groupe fournirait moins d’efforts. Les sanctions étaient réservées. Ces règles avaient convenu à l’ensemble des détenus présents.

8) a. Le 15 juillet 2022, M. A______ a fait l’objet d’une sanction disciplinaire sous la forme d’une suppression des activités « de formation, sports, loisirs et repas en commun » pour une durée de sept jours, du 15 juillet 2022 à 8h45 au 22 juillet 2022 à 8h45. La promenade quotidienne d’une durée d’une heure, avec possibilité de téléphoner, était maintenue.

La sanction était motivée par un refus d’obtempérer, l’adoption d’un comportement contraire au but de l’établissement et un trouble à l’ordre ou la tranquillité de celui-ci.

M. A______ a été auditionné, par écrit, le jour même à 14h40. Le procès-verbal mentionne : « pas de déclaration ». Il avait refusé de le signer, à l’instar du document intitulé « notification de la sanction » qui lui avait été soumis à 14h45.

b. Selon le rapport d’incident du 15 juillet 2022, le même jour à 8h15, un gardien, après avoir ramené les chariots des couverts depuis le quai, avait constaté que les détenus ne s’étaient pas mis au travail. Il s’était rendu au local de pause et leur avait demandé de le faire. Le détenu C., porte-parole des détenus, avait indiqué : « on est descendu au travail alors vous pouvez rien faire. On refuse tous de travailler on veut voir le directeur ou Madame B______ ou le grand chef ». Le gardien leur avait ordonné de sortir du local de pause et de se mettre au travail, ce qu’ils avaient refusé. À 8h35, le sous-chef s’était rendu au local de pause pour entendre les exigences des détenus, lesquels revendiquaient l’ouverture permanente de la fenêtre du local de pause ainsi qu’un ventilateur. Ils se plaignaient d’avoir trop de travail. La fenêtre du local de pause étant fermée pour absence momentanée du responsable, le sous-chef leur avait proposé son ouverture s’ils se remettaient au travail. Face au refus catégorique des détenus de se remettre au travail malgré la proposition, le sous-chef avait déclenché l’alarme. Les gardiens avaient ramené les détenus de l’atelier à leur cellule, sous réserve de deux personnes qui avaient désiré rester pour travailler.

9) a. Par acte posté le 29 août 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Il a conclu au constat de sa nullité et à l’allocation d’une indemnité de CHF 3'000.- au titre de participation à ses honoraires d’avocat. Subsidiairement, la décision devait être annulée, le caractère illicite de la sanction constaté, la violation de l’art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) constatée. Préalablement, les images de vidéosurveillance de l’atelier « emballage », du 8 au 29 juillet 2022 devaient être produites, huit détenus et deux surveillants auditionnés, la production de plusieurs documents ordonnée et il devait être procédé à un transport sur place durant les heures de travail pendant lesquelles la machine produisait de la chaleur.

Il conservait un intérêt au recours malgré sa libération conditionnelle prononcée le 22 août 2022 et son extradition le 26 du même mois. Il était probable que l’établissement où il serait transféré prenne en compte la sanction litigieuse.

b. Dans sa description des faits, le recourant indique que : « Le lendemain, soit le 15 juillet 2022, les détenus ont à nouveau demandé l’ouverture des fenêtres, subsidiairement la mise en place d’un ventilateur, ce que le gardien surveillant a, à nouveau, refusé. Ce jour-là, une température maximale de 32,9° a été enregistrée par Météosuisse à Genève. Les détenus ont alors signifié qu’ils refusaient de travailler avec les fenêtres fermées au vu de la chaleur importante dans l’atelier émise par la machine de scellage. Le surveillant remplaçant leur a indiqué qu’il allait transmettre la demande à la direction. Toutefois, au lieu de cela, il a appelé une dizaine de surveillants qui sont intervenus pour les faire sortir de l’atelier et les placer en cellule ». Il indique que la machine utilisée pour fermer les emballages plastique « doit atteindre une température d’environ 120°».

La sanction avait impliqué que, du 15 au 22 juillet 2022, il n’avait plus eu accès aux activités sportives ni à la bibliothèque. Il n’avait pas pu aller à la cuisine commune se préparer ses propres repas, devant se contenter des plateaux déjà prêts. Il avait droit à une heure de promenade, mais uniquement avec les autres détenus sanctionnés. Elle se déroulait dans un espace utilisé par des personnes placées en cellule forte, soit un endroit sans ombre alors que la canicule régnait et qu’aucune protection solaire n’était mise à disposition des détenus. Il n’avait pas été payé. Hormis pour la promenade quotidienne et le parloir hebdomadaire dont il n’avait pas pu bénéficier faute de visiteur, il n’avait pas eu le droit de sortir de sa cellule.

Par ailleurs, depuis que les détenus avaient médiatisé ce litige, l’établissement semblait avoir décidé de leur faire subir des représailles. Il n’avait ainsi plus droit aux biens de première nécessité lorsque son compte ne disposait pas du solde suffisant, alors que préalablement des avances étaient accordées.

c. Il était impératif de pouvoir visionner les images des jours précédant l’incident afin de pouvoir corroborer ses allégations selon lesquelles le surveillant habituel leur permettait d’ouvrir les fenêtres. De même, le visionnage des images de la semaine du 22 juillet 2022 s’imposait afin d’apprécier l’évolution des conditions de détention au sein de l’atelier suite à cet épisode. Les signataires de la décision querellée devaient être entendus tout comme les autres détenus présents dans l’atelier le 15 juillet 2022. Le transport sur place était justifié aux fins d’analyser les conditions de travail dans l’atelier, de la température qui y régnait et de la production de chaleur par les machines. Enfin, la production de l’ordre de service instituant une délégation pour le prononcé de la décision entreprise devait, notamment, être ordonnée.

d. La décision avait été signée par le sous-chef atelier et le surveillant sous-chef alors qu’à teneur du règlement seul le directeur de l’établissement ou, en son absence, son suppléant était compétent pour prononcer la suppression des loisirs. Elle était en conséquence nulle, ce que la chambre administrative devait constater.

e. Son droit d’être entendu avait été violé au vu de la motivation lacunaire, générale et standardisée de la décision. Elle ne permettait pas de comprendre le comportement qui lui était reproché et pouvait viser des comportements divers. Elle avait un contenu type et toute individualisation faisait défaut, donnant l’impression qu’il s’agissait d’une punition collective, contraire à l’art. 3 CEDH.

f. La sanction violait le principe de la proportionnalité. Il ne contestait pas avoir refusé de travailler le 15 juillet 2022. Le refus était toutefois justifié par un motif légitime. La température de 32° était majorée par le fonctionnement d’une machine chauffant à 120°, la fermeture des fenêtres de l’atelier et le refus de mettre en place un ventilateur. Dès que la température extérieure dépassait la température intérieure, à moins d’aérer, les détenus ne demandaient plus d’ouvrir les fenêtres. Durant l’été 2022, deux alertes canicule avaient été émises par le canton. Or, un surveillant remplaçant était arrivé à l’atelier le 14 juillet 2022 et avait refusé d’ouvrir, comme à l’accoutumée, les fenêtres de l’espace de travail empêchant l’aération et le rafraîchissement indispensables de la pièce, alors que la température enregistrée à Genève pour cette journée était de 36.4°, chaleur qui se ressentait dans le bâtiment. Le lendemain, le recourant et d’autres détenus avaient à nouveau requis l’ouverture de la fenêtre ou à tout le moins un ventilateur. Le surveillant remplaçant avait à nouveau refusé. Les détenus lui avaient signifié ne pas pouvoir travailler dans ces conditions. Ils avaient été raccompagnés dans leur cellule, puis sanctionnés. Il incombait à l’établissement de prendre des mesures pour leur assurer un environnement de travail sûr et protéger leur bien-être et leur santé, ce qu’il n’avait pas fait. Il appartenait aussi aux autorités d’entreprendre des efforts pour garantir une aération, l’entrée d’air frais et la baisse des températures, conformément au plan caniculaire s’appliquant à toutes les autres personnes du territoire genevois. Le recourant avait tenté de discuter avec le surveillant, la veille de l’incident et le jour même, pour tenter de trouver une solution pour protéger sa santé. Face au refus persistant du surveillant, vu les températures élevées et l’urgence de la situation, il n’avait pas eu d’autres choix que de refuser de travailler « pour se préserver ».

10) Suite à la demande de la juge déléguée d’obtenir les images de vidéosurveillance de l’atelier « emballage » du 8 au 29 juillet 2022, l’établissement a précisé ne pas être en mesure de faire parvenir celles hors incident, celles-ci ayant été effacées après sept jours, en l’absence de sanction disciplinaire ordonnée à l’encontre d’un détenu ou d’allégations de mauvais traitements.

Les images de vidéosurveillance de l’incident du 15 juillet 2022 étaient transmises.

11) a. Par écriture ultérieure, l’établissement a relevé que le recours était devenu sans objet, l’intéressé ayant été libéré le 26 août 2022 et renvoyé en France. Aucun élément du dossier ne laissait penser qu’l serait à nouveau incarcéré dans un établissement pénitentiaire genevois, d’autant moins qu’il avait fait l’objet d’une décision d’expulsion pour une durée de dix ans. Le préavis du 15 août 2022 de l’établissement, en vue de l’examen de la libération conditionnelle, décrivait le détenu comme une personne désagréable à l’atelier, non motivée et qui tentait d’influencer ses codétenus à ne pas travailler.

Il a conclu au rejet du recours. Au vu du refus des détenus de se mettre au travail, le GP avait appelé le sous-chef (ci-après : SC) B. Celui-ci avait écouté leurs revendications. Les détenus savaient que les fenêtres ne pouvaient être ouvertes qu’en présence du responsable d’atelier, pour des raisons de sécurité. Au vu du refus des détenus de se mettre au travail, le SC B avait dû sonner l’alarme Le recourant avait été auditionné par le SC B qui lui avait exposé les faits, soit qu’il n’avait pas voulu suivre les injonctions du personnel. Il ne s’agissait pas d’une sanction collective. Tous les détenus, à l’exception de deux, avaient refusé de reprendre le travail. La quotité de sept jours s’expliquait, d’une part, par le refus d’obtempérer du recourant. D’autre part, un nombre important d’agents de détention avaient dû se rendre à l’atelier, entrainant temporairement et légèrement un affaiblissement du dispositif de sécurité.

b. Les consignes édictées pour les fenêtres des ateliers, produites avec la réponse, étaient contenues dans un courriel du 9 février 2022 envoyé par la gardienne cheffe adjointe de l’établissement à une liste de destinataires caviardée dans le dossier. Elles étaient applicables immédiatement pour les fenêtres des ateliers.

Elles faisaient suite à de nombreux « parachutages », le dernier étant intervenu la veille. Il avait été décidé que tous les responsables des ateliers recevraient une clé de fenêtre. Chacun pourrait évaluer la nécessité de les ouvrir, selon les besoins, dans les ateliers respectifs. Il en allait de la responsabilité de chacun de s’assurer que les détenus n’essaient pas de récupérer des colis ou de communiquer par les fenêtres. Les gardiens devaient être présents et surveiller les détenus lorsque les fenêtres étaient ouvertes. Les fenêtres devaient être fermées à clé en cas d’absence, à l’instar du local de pause si la fenêtre y était ouverte. Ces mesures étaient absolument nécessaires pour endiguer les réceptions des colis par les fenêtres des ateliers. Des contrôles seraient effectués et, le cas échéant, un rapport d’événement systématiquement demandé au responsable atelier concerné. L’aération des locaux restait possible durant les périodes où les détenus n’étaient pas présents.

12) Dans sa réplique, le recourant a relevé que selon jugement du Tribunal d’application des peines du 23 août 2022, il devait être reconduit au poste frontière à sa libération afin d’exécuter une autre peine en France. Il était actuellement détenu au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse. Il conservait un intérêt actuel à l’annulation de la sanction.

Il contestait avoir reçu une motivation orale de la décision. Cela ne ressortait en tous les cas pas du procès-verbal d’audition, de sorte qu’on ne pouvait pas en tenir compte.

La directive n° 02.06 prévoyait que les sous-chefs étaient autorisés à prononcer la suppression du travail, des loisirs et la possibilité de disposer des ressources financières. Or, la sanction querellée consistait notamment en la suppression des formations, sports et repas en commun. La décision était en conséquence nulle.

Il était faux d’affirmer que le contrat de prestations prévoyait la sanction litigieuse en cas de non-respect. La suppression des activités de sport et de loisirs, effectivement mentionnée dans le document, n’était possible que « durant la journée ». Le recourant ignorait qu’il risquait d’être sanctionné pendant sept jours.

Dans une récente affaire, la chambre administrative avait considéré qu’un refus de travailler au motif de ne pas pouvoir prendre sa tubeuse à tabac justifiait la suppression des formations, sports, loisirs et repas en commun pour une journée. Le principe de proportionnalité était violé.

13) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

14) Les images de vidéosurveillance produites portent sur les faits du 15 juillet 2022 à 8h28 sous deux angles différents, dans l’atelier d’emballage (extrait 1) et depuis le local de repos (extrait 3). Un troisième extrait montre l’atelier d’emballage, avec des mouvements en arrière-plan, dans le local de pause (extrait 2).

a. Le premier extrait montre l’atelier avec au fond le local de pause. Il commence à 8h22 et dure cinq minutes et vingt-cinq secondes (ci-après : 5’25’’). Au début de la séquence, un détenu (ci-après détenu 1 avec un tee-shirt noir) travaille dans un coin de l’atelier emballage, soit une pièce spacieuse et lumineuse, dont la taille doit approximativement être de plus de 100 m2. Quelques chariots et quelques tables sont visibles. Une petite machine (environ 4 m2 sur 2 m de hauteur) est sise au milieu de la pièce. Deux autres détenus (ci-après détenus 2 et 3) sont assis devant une porte-fenêtre fermée. Des chariots cachent la poignée de la fenêtre et partiellement le détenu 3. Le « surveillant, que l’établissement indique être, sans être contredit, le gardien principal, chef d’atelier (ci-après : le GP), se trouve au milieu de la pièce avec un chariot. Environ trois personnes sont visibles au fond, dans le local de pause. À 0’19’’, le détenu 2 interpelle le GP. Le détenu 1 se rapproche de la fenêtre. À 0’55’’ le GP et le détenu 1 sont debout devant la fenêtre, alors que les détenus 2 et 3 sont toujours assis à côté de celle-ci. Il y a une discussion, calme. À 0’57’’, le GP s’éloigne après avoir ouvert la fenêtre. Le GP rejoint le local de pause et, en passant, ouvre deux autres fenêtres. À 1’59’’, le GP revient vers les détenus 2 et 3, le détenu 1 étant retourné travailler. Le GP discute puis s’éloigne. Entre 3’00’’ et 3’30’’, le GP ferme les trois fenêtres, en commençant par celle du local et en terminant par celle devant les détenus 2 et 3, assis. Le détenu 1 est debout, mais ne travaille pas. Les détenus 2 et 3 se lèvent et se dirigent vers le local de pause. Le détenu 2 revient prendre une chaise et retourne vers le local de pause. Le détenu 1 s’assoit dans l’atelier. Aucune machine n’est utilisée par les détenus ni ne semble être en marche.

b. Le deuxième extrait montre l’atelier emballage avec, au premier plan, le détenu 1, assis. Il commence à 8h27 et fait suite au film 1. Il dure 8’05’’. À 0’10’’, deux gardiens supplémentaires entrent dans l’atelier et se dirigent vers la salle de repos. Dans ledit local, le détenu 2 du film précédent donne des explications au GP, gestes à l’appui. Deux autres détenus vont se mêler à la conversation avec les gardiens. Celle-ci dure toute la durée du film. Le détenu 1 les rejoint à 3’35’’. Un agent de détention s’éloigne pour faire un appel téléphonique à 4’50’’. La même personne fait l’objet d’un appel à 5’50’’. Un agent de détention les rejoint à la fin du film, lequel se termine vers 8h35, quelques minutes avant l’extrait n° 3.

c. Le troisième extrait, de six minutes, montre l’atelier emballage. À 8h41, trois gardiens et un détenu s’y trouvent. Les images montrent la sortie, à tour de rôle, de dix détenus du local de pause, accompagnés un à un hors de l’atelier par des gardiens, dans le calme, certains détenus dialoguant avec les gardiens.

15) Il ressort du dossier que M. A______ a fait l’objet de trois autres sanctions, toutes postérieures au 15 juillet 2022.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous ces aspects (art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b).

b. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ; si l'intérêt s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4).

c. La jurisprudence admet toutefois que, dans des circonstances particulières, il se justifie d'examiner le recours au fond malgré la perte d’actualité du recours durant la procédure devant la juridiction saisie (ATF 137 I 296 consid. 4.2 et 4.3). En particulier, l'autorité de recours doit entrer en matière dans la mesure où le recourant invoque de manière défendable un grief fondé sur la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 – ATF 137 I 296 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 consid. 2.1 ; ATA/432/2017 du 12 avril 2017 consid. 5c).

En l’espèce, le recourant, bien que plus détenu à Genève, invoque de manière défendable un grief fondé sur la CEDH. Son recours doit ainsi être déclaré recevable sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner la question de son éventuelle détention à l’étranger.

2) Le recourant sollicite préalablement l’apport des images de vidéosurveillance du 8 au 29 juillet 2022 ainsi que l’audition de huit détenus et deux agents de détention, la production de plusieurs documents ainsi qu’un transport sur place.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1 ; ATA/631/2020 du 30 juin 2020 consid. 2a).

b. En l’espèce, les images de vidéosurveillance du 15 juillet 2022 ont été produites. L’établissement indique que celles des jours précédents auraient été détruites car aucun incident n’avait été signalé. Aucun élément ne permet de remettre en cause cette affirmation. Les images de vidéosurveillance peuvent être supprimées, dans un délai de sept jours au plus tôt et de cent jours au plus tard (art. 23 al. 2 du règlement sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 22 février 2017 ; ROPP - F 1 50.01). L’al. 3 précise les cas où la conservation des images est ordonnée, soit notamment lorsqu’une allégation de mauvais traitement parvient à la connaissance de l’établissement, notamment sous la forme d’un constat de lésions traumatiques ou d’un signalement par le lésé, par un membre du personnel pénitentiaire ou par un tiers (let. d), lors de rixes, de violences ou de toute autre situation analogue qui le requiert (let. e), en cas de sanction disciplinaire prise à l'encontre d'une personne détenue ou d'un membre du personnel pénitentiaire (let. f).

En conséquence, en l’absence de sanction disciplinaire les autres jours ou d’allégation de mauvais traitement, il ne peut être reproché à l’établissement d’avoir procédé à la destruction des bandes concernées après sept jours, soit avant que l’avocate d’un autre détenu ne lui écrive, le 29 juillet 2022.

L’audition des autres détenus et du personnel pénitentiaire n’est pas de nature à modifier l’issue du litige conformément à ce qui suit. Les faits pertinents ne sont pas contestés, la principale question étant de déterminer si le refus de travailler est fautif, ce que le recourant conteste au vu des conditions.

Les documents sollicités ont été produits par l’autorité intimée.

Enfin, un transport sur place ne permettrait pas d’attester des conditions de chaleur du 15 juillet à 8h30.

Les mesures d’instructions seront en conséquence rejetées.

3) Le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu, la décision querellée n’étant, selon lui, pas suffisamment motivée.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend le droit d'obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid 3.2.1). L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid 3.2.1). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1).

La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 141 V 495 consid.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_740/2017 du 25 juin 2018 consid. 3.2). Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_46/2020 du 5 mai 2020 consid. 6.2). La réparation dépend cependant de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 3.1). Elle peut se justifier en présence d'un vice grave notamment lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2). Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/538/2020 du 29 mai 2020 consid. 2b ; et les références citées). 

b. Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA).

c. Aux termes de l’art. 46 du règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d’exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), applicable à C______ (art. 1 let. c REPSD), si une personne détenue enfreint ce texte ou contrevient au plan d'exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (al. 1). Avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue. Elle peut s'exprimer oralement ou par écrit (al. 2).

d. En l’espèce, le document intitulé « notification de sanction », comporte au titre de motivation « refus d’obtempérer ; adopter un comportement contraire au but de l’établissement ; trouble à l’ordre ou la tranquillité dans l’établissement ou les environs immédiats », ainsi que les dispositions règlementaires pertinentes. Il a été établi le 15 juillet 2022, date de l’incident et évoque l’audition du détenu, en l’occurrence sous forme écrite, le même jour.

L’intéressé considère que les faits ne sont pas mentionnés dans la décision querellée. Si, certes, le document ne détaille effectivement pas les faits, se contentant de mentionner les infractions commises, celui-ci est notifié le jour même de l’incident. Sauf à sous-entendre que le détenu aurait commis plusieurs infractions le même jour, il est évident que la décision porte sur les faits du 15 juillet 2022, tels qu’exposés au détenu au moment du différend entre celui-ci et l’établissement, puis au moment où ce dernier a la possibilité d’exercer son droit d’être entendu.

Par ailleurs, si une référence au rapport d’incident, versé au dossier et rédigé antérieurement à la prise de décision, permettrait de mieux respecter le droit à une décision motivée, cette seule informalité ne suffit pas à considérer que le droit d’être entendu du recourant aurait été violé par un défaut de motivation. Enfin, ce dernier a produit un recours fouillé contre ladite décision et a ainsi eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'il aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse.

e. Dans sa motivation de ce grief, le recourant invoque l'art. 3 CEDH, se plaignant d'une punition collective.

À teneur de l’art. 3 CEDH, nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Il n'expose toutefois pas, même de manière succincte, en quoi consisterait la garantie qu'il entend tirer de l'art. 3 CEDH. Il ne conteste pas avoir refusé de travailler et d’obtempérer, mais se prévaut de faits justificatifs. Or, le fait que plusieurs détenus, auteurs d’un même comportement interdit, soient punis pour le même contexte de faits ne répond pas à la définition d’une punition collective.

Le grief sera écarté.

4) Le recourant conclut à la nullité de la sanction, au motif qu’elle aurait été prise par une autorité incompétente.

a. Selon l’art. 46 al. 3 REPSD, le directeur de l'établissement et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer : un avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximum de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b) ; l'amende jusqu'à CHF 1'000.- (let. c) ; les arrêts pour dix jours au plus (let. d).

Le directeur de l’établissement peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions prévues à l'al. 3 à d'autres membres du personnel gradé de l’établissement. Les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service. Le placement d'une personne détenue en cellule forte pour une durée supérieure à 5 jours est impérativement prononcé par le directeur de l’établissement ou, en son absence, par son suppléant ou un membre du conseil de direction chargé de la permanence.

b. Selon la directive n° 02.06, dans sa version du 3 novembre 2021, est entendu comme personnel gradé de l’établissement au sens de l’art. 46 al. 7 REPSD, le gardien-chef (ci-après : GC), les gardiens-chefs adjoints (ci-après : GCA) et les SC, tous officiers à teneur de l’art. 40 al. 1 let. f et g ROPP.

c. En l’espèce, la sanction décidée pouvait être déléguée au sens de l’art. 46
al. 7 REPSD. Les signataires de la sanction appartenaient au personnel gradé de l’établissement au sens de l’art. 46 al. 7 REPSD, s’agissant du SC atelier et du surveillant SC.

Le recourant en peut être suivi lorsqu’il prétend que la directive n° 02.06 prévoyait que les sous-chefs étaient autorisés à prononcer la suppression du travail, des loisirs et la possibilité de disposer des ressources financières, mais non la suppression des formations, sports et repas en commun. Le contrat de prestation que le détenu a signé prévoit qu’en cas de violation des règles, il peut être privé des activités, telles que sports, visites, loisirs, etc Les formations, sports, et repas en commun font manifestement partie des loisirs au sens de l’art. 46 al. 3 let. b REPSD, et donc sont de la compétence des SC. Ils se distinguent enfin clairement des autres sanctions prévues à l’art. 46 al. 3 REPSD, soit l’avertissement (let. a), l’amende (let. c) et les arrêts (let. d).

La décision a été prise par l’autorité compétente. Le grief de nullité de la sanction sera écarté.

5) Le recourant conteste la légalité de la sanction.

a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs – la faute étant une condition de la répression – qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/43/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1108/2018 du 17 octobre 2018 et les références citées).

b. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c ; ATA/888/2015 du 1er septembre 2015 consid. 7b).

c. En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b).

De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/63/2021 précité consid. 3d), sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 LOPP), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers.

6) a. Les personnes détenues ont l'obligation de respecter les dispositions du présent règlement, les instructions du directeur général de l'office cantonal de la détention, ainsi que les ordres du directeur de l'établissement et du personnel pénitentiaire (art. 42 REPSD).

La personne détenue doit observer une attitude correcte à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers (art. 43 REPSD).

Aux termes de l’art. 44 REPSD, il est notamment interdit de troubler l'ordre ou la tranquillité dans l'établissement ou les environs immédiats (let. i) et d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement (let. j).

b. Lorsqu'une personne détenue a une requête ou une remarque à présenter, elle s'adresse au directeur de l'établissement, verbalement ou par écrit. Si un différend subsiste, le directeur de l’établissement transmet les requêtes et remarques au directeur général de l'office cantonal de la détention (art. 47 REPSD).

En application de l’art. 48 al. 1 REPSD, en tout temps, la personne détenue peut adresser, sous pli fermé, une dénonciation ou une pétition au directeur de l’établissement, à l'autorité de placement, au directeur général de l'office cantonal de la détention ou encore au chef du département. L'autorité saisie est compétente pour connaître de la dénonciation ou de la plainte, sous réserve des al. 3 et 4 du présent article, non pertinents en l’espèce.

c. En l’espèce, le recourant ne conteste pas ne pas s’être mis au travail et ne pas s’être soumis aux injonctions du personnel pénitentiaire le jour litigieux.

Par ailleurs, le rapport d’incident a été établi par un agent de détention assermenté. Conformément à la jurisprudence constante, pleine valeur probante peut être accordée à ce rapport, aucun élément ne permettant de s’en écarter.

Il ressort des images de vidéosurveillance que le matin en question, aucun détenu ne travaille, que la seule machine qui se trouve dans la pièce n’est pas en marche et que le GPa ouvert les fenêtres environ une minute et demie entre 0’58’’ et 3’30’’.

En conséquence, il est établi que le détenu a refusé de travailler alors qu’il y était tenu conformément au contrat de prestation qu’il avait signé et aux injonctions du personnel qui le lui avaient rappelé, ce qui n’est pas contesté. Il a ainsi contrevenu aux art. 42, 43 et 44 let. i et j REPSD.

La faute du recourant est établie.

7) Le recourant se prévaut de faits justificatifs, à savoir que ses conditions de détention auraient violé l’art. 3 CEDH.

a. Selon la jurisprudence de la Cour européenne, l’art. 3 CEDH consacre l’une des valeurs les plus fondamentales des sociétés démocratiques. Il prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, quels que soient les circonstances et le comportement de la victime. Un mauvais traitement doit atteindre un seuil minimum de gravité pour tomber sous le coup de l’art. 3. L’appréciation de ce minimum est relative ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime. Un mauvais traitement qui atteint un tel seuil minimum de gravité implique en général des lésions corporelles ou de vives souffrances physiques ou mentales. Toutefois, même en l’absence de traitements de ce type, dès lors que le traitement humilie ou avilit un individu, témoignant d’un manque de respect pour sa dignité humaine ou la diminuant, ou qu’il suscite chez l’intéressé des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité propres à briser sa résistance morale et physique, il peut être qualifié de dégradant et tomber ainsi également sous le coup de l’interdiction énoncée à l’art. 3. Pour ce qui est des mesures privatives de liberté, la Cour a toujours souligné que, pour relever de l’art. 3, la souffrance et l’humiliation infligées doivent en tout cas aller au-delà de celles que comporte inévitablement la privation de liberté. L’État doit s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate.  Le fait que les mauvaises conditions subies par le détenu ne soient pas imputables à une intention de l’humilier ou de le rabaisser doit être pris en compte mais n’exclut pas de façon définitive un constat de violation de l’art. 3 CEDH. En effet, il incombe à l’État défendeur d’organiser son système pénitentiaire de manière à assurer le respect de la dignité des détenus, indépendamment de difficultés financières ou logistiques. Lorsqu’on évalue les conditions de détention, il y a lieu de tenir compte de leurs effets cumulatifs ainsi que des allégations spécifiques du requérant. La durée de détention d’une personne dans des conditions particulières doit elle aussi être prise en considération (arrêt CourEDH, Mursic c/ Croatie [GC], n° 7’334/13, du 20 novembre 2016, § 96 à 101 et les nombreuses références citées).

En relation avec l'interdiction des traitements inhumains et dégradants stipulée par l'art. 3 CEDH, ainsi que s'agissant de l'épuisement des recours internes (art. 35 CEDH), la CourEDH distingue les recours préventifs de ceux qui n'ont qu'un caractère compensatoire. Le recours préventif concernant des allégations de mauvaises conditions de détention doit permettre à la personne intéressée d'obtenir des juridictions internes un redressement direct et approprié, de nature à empêcher la continuation de la violation alléguée ou de lui permettre d'obtenir une amélioration de ses conditions matérielles de détention (arrêt CEDH Yengo c. France, requête no 50494/12, du 21 mai 2015, § 59 et les références citées). Ce redressement peut, selon la nature du problème en cause, consister soit en des mesures ne touchant que le détenu concerné ou - lorsqu'il y a surpopulation - en des mesures plus générales propres à résoudre les problèmes de violations massives et simultanées de droits des détenus résultant de mauvaises conditions dans tel ou tel établissement pénitentiaire (arrêt CEDH Yengo, précité, § 63; arrêt Ananyev et autres contre Russie, requêtes nos 42525/07 et 60800/08, du 10 juin 2012, § 219). Pour qu'un système de protection des droits des détenus garantis par l'art. 3 CEDH soit effectif, les remèdes préventifs et compensatoires doivent exister de façon complémentaire. L'importance particulière de cette disposition impose que les États établissent, au-delà d'un simple recours indemnitaire, un mécanisme effectif permettant de mettre rapidement un terme à tout traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêt CEDH Yengo, précité, § 50).

b. Selon les Recommandations Rec (2006) sur les règles pénitentiaires européennes, adoptées en 2006 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit, doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d’hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l’espace au sol, le volume d’air, l’éclairage, le chauffage et l’aération (règle 18.1). Dans tous les bâtiments où des détenus sont appelés à vivre, à travailler ou à se réunir : les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que les détenus puissent lire et travailler à la lumière naturelle dans des conditions normales, et pour permettre l’entrée d’air frais, sauf s’il existe un système de climatisation approprié (règle 18.2 let. a).

c. En l’espèce, est litigieux un refus de travailler à 8h30 du matin, une journée pendant laquelle la température a atteint 32,9° dans l’après-midi.

Aucune partie ne précise si la machine était en fonction à 8h30. Il est toutefois relevé que, sur les images de vidéosurveillance, aucun détenu ne l’utilise ni ne se trouve dans ses abords. Aucun n’est même en activité, à l’exception du détenu 1 qui procède à de la manutention de caisses. Le GP se déplaçant au sein de l’atelier ne cherche à aucun moment à éviter la proximité de la machine, se trouvant même longuement à ses abords, alors même qu’il est vêtu d’un uniforme comprenant une veste à manches longues, contrairement aux détenus, éloignés de plus de deux mètres de la machine pour ceux qui en sont les plus proches, lesquels sont en tee-shirt, short et nu-pieds. Ceci tend à démontrer que la machine ne fonctionnait pas.

Même à retenir que tel aurait alors été le cas, de sorte qu’elle aurait diffusé de la chaleur, il est impossible d’établir a posteriori la température précise qu’il faisait à 8h30 le 15 juillet 2022 dans l’atelier, la température devant même différer selon les endroits de la pièce au vu de la taille de celle-ci. La température à l’extérieur, à 8h30, était toutefois inférieure au pic de 32,9°.

Selon les explications du détenu, les fenêtres étaient ouvertes le matin pour rafraîchir l’intérieur et fermées plus tard dans la journée pour éviter de subir la chaleur de l’extérieur. Ainsi, en aucun cas l’intérieur de l’atelier n’a atteint l’après-midi, dans ses heures les plus chaudes, la température extérieure de 32,9°. Sans nier le problème, faire travailler le détenu dans ces conditions, au vu de l’espace que comprend l’atelier, ne peut être assimilé à un traitement violant l’art. 3 CEDH.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le détenu, les images de vidéosurveillance montrent le GP ouvrir trois fenêtres. Certes, l’aération a été brève, entre une minute et une minute et demi selon l’endroit de la pièce et n’a pas pu suffire à rafraichir la température à l’intérieur, objectif de l’aération matinale selon le détenu. Les fenêtres ont toutefois bien été ouvertes.

De surcroît, conformément aux directives, elles ne pouvaient pas l’être qu’en présence du responsable d’atelier. Les fenêtres devaient être fermées s’il s’absentait. Des raisons de sécurité, à savoir d’endiguer les réceptions des colis par les fenêtres des ateliers, justifiaient cette mesure. L’aération des locaux restait possible lorsque les détenus n’étaient pas présents.

Le recourant ne conteste pas que les fenêtres ont pu être ouvertes jusqu’au 13 juillet 2022 en matinée. Il indique que les problèmes sont survenus lors du remplacement du GP, le 14 juillet 2022. Il avait essayé de discuter de la problématique avec ce dernier. Un accord semblait avoir été trouvé la veille. Or, contrairement à ce que soutient le recourant, il avait d’autres moyens plus proportionnés d’intervenir, dès le 14 juillet 2022, soit, conformément au règlement, en faisant application des art. 47, voire 48 REPSD, ce qu’il n’a pas fait préférant choisir le refus de travailler dès les premières heures de la journée du 15 juillet 2022. Ceci est d’autant plus vrai que, par son argumentation, le recourant semble vouloir soumettre à la chambre administrative une question de principe sur la légalité du fonctionnement de la machine litigieuse en période de canicule. Or, le respect de la procédure précitée aurait permis d’établir les faits avec plus de précision et de traiter la problématique dans sa globalité, non sous le seul angle restreint du prononcé d’une sanction pour refus d’obtempérer à 8h30 du matin.

Il est enfin rappelé qu’en application de l’art. 81 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), les détenus en exécution de peine sont astreints au travail.

La jurisprudence citée par le recourant n’est pas pertinente, la configuration et l’usage de l’atelier n’étant pas comparable à des cellules.

Dans ces conditions, compte tenu du fait que le détenu n’a pas fait usage de la procédure prévue aux art. 47 et 8 REPSD, que l’établissement n’opposait pas un refus catégorique à l’ouverture de fenêtres conformément à ce qui s’était pratiqué jusqu’au 13 juillet 2022, des directives sur la fermeture des fenêtres, de la taille de la pièce, du fait que le refus a été opposé avant même que la machine ne soit en marche, que la température ne monte et que les conditions ne deviennent éventuellement critiquables, le détenu n’avait aucun motif justificatif de s’opposer à travailler le 15 juillet 2022 à 8h30.

Le principe de la sanction est donc acquis.

8) Le recourant invoque une violation du principe de la proportionnalité.

a. Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public
(ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

b. La sanction porte sur la suppression de loisirs, expressément mentionnée à l’art. 46 al. 3 let. b REPSD.

Parmi les quatre sanctions, la suppression des loisirs est deuxième dans l’ordre de gravité après l’avertissement. Il ressort toutefois du dossier que le recourant avait déjà refusé de travailler la veille mais qu’un accord avait pu être trouvé avec les détenus, notamment à la suite du remaniement des groupes. En conséquence le choix d’une punition plus grave que le seul avertissement est proportionné.

L’autorité intimée justifie la quotité de la sanction d’une part, par le refus d’obtempérer du recourant. D’autre part, un nombre important d’agents de détention avaient dû se rendre à l’atelier, entrainant temporairement et légèrement un affaiblissement du dispositif de sécurité. Le premier critère justifie la prise d’une sanction et permet de qualifier la faute de grave. Le second n’est pertinent qu’en ce que le recourant a adopté, délibérément, de façon concomitante avec plusieurs autres détenus, un comportement violant le règlement de l’établissement. Enfin, à juste titre, l’établissement ne tient pas compte des sanctions survenues ultérieurement.

Le recourant ne peut être suivi lorsqu’il soutient qu’il ne s’attendait pas à être sanctionné plus d’un jour au vu de la teneur du contrat de prestation. Celui-ci mentionne la suppression d’activités durant la journée, non pendant une journée comme il le soutient.

La durée de sept jours s’avère courte par rapport au maximum possible de trois mois. Par ailleurs, la suppression de loisirs n’a été que partielle et non complète comme l’art. 46 al. 3 let. b REPSD l’autorise, le recourant ayant pu conserver une promenade quotidienne, avec les autres détenus, d’une durée d’une heure avec possibilité de téléphoner. Les visites, la possibilité d’accéder librement au téléphone, d’emprunter des livres, d’accéder aux soins et à l’aumônerie n’étaient pas concernés. La sanction a ainsi été limitée aux formations, sports, loisirs et repas en commun.

Le recourant se prévaut d’une jurisprudence de la chambre de céans (ATA/434/2021 du 20 avril 2021), dans le cadre de laquelle un refus de travailler n’avait été sanctionné que d’un jour de suppression d’activités. La situation était toutefois différente, la chambre administrative relevant notamment qu’il était possible que l'intéressé ait précédemment été autorisé à prendre sa tubeuse à tabac. Le détenu a par ailleurs agi seul.

Cette sanction était apte à atteindre le but d’intérêt public au respect de l’ordre et de la sécurité au sein de l’établissement, nécessaire pour ce faire et proportionnée au sens étroit, l’intérêt public au bon fonctionnement de l’établissement et au respect de la loi (art. 81 CP) primant sur l’intérêt privé du recourant à pouvoir bénéficier de formations, sports, loisirs et repas en commun pendant la durée de sept jours.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

9) La procédure est gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu d’allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 août 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l’établissement fermé C______ du 15 juillet 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Léna NUSSBAUMER-LAGHZAOUI, avocate du recourant ainsi qu'à l'établissement fermé C______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. Hugi

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :