Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3869/2021

ATA/1043/2023 du 26.09.2023 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3869/2021-FPUBL ATA/1043/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 septembre 2023

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Zoé SEILER, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé



EN FAIT

A. a. A______, née le ______1971, a été engagée le 1er septembre 2000 en qualité de suppléante dans l’enseignement primaire.

b. Elle a été nommée fonctionnaire le 1er décembre 2003.

c. Depuis le 1er janvier 2019, A______ était directrice de l’établissement primaire B______. Son traitement annuel brut s’élevait à CHF 153'563.-, en classe 24, position 10 de l’échelle de traitement.

B. a. Le 29 juin 2021 s’est déroulé un entretien de service. Diverses difficultés de gestion, communicationnelles, organisationnelles et managériales étaient reprochées à A______.

b. Par décision de la conseillère d’État alors en charge du département de l’instruction publique (ci-après : DIP) du 1er novembre 2021, après que A______ avait pu présenter des observations complémentaires le 19 juillet 2021, une procédure de reclassement a été ouverte.

c. Par arrêté du 3 novembre 2021, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d'État a libéré A______ de son obligation de travailler avec effet immédiat, sans incidence sur son traitement.

d. Il ressort de ces deux décisions qu’il existait des tensions et des dysfonctionnements dans l’établissement B______ entre les collaborateurs et leur directrice. Selon le compte rendu du service de médiation scolaire (ci-après : SMS) – Le Point, un rapport de confiance n’avait jamais pu se concrétiser avec l’équipe éducative de son précédent établissement, C______. Les relations interpersonnelles s’étaient détériorées. La posture professionnelle de la directrice était en inadéquation avec les attentes des collaborateurs relatives à la capacité à prendre et assumer des responsabilités et la gestion de situations complexes. Un second rapport, de l’entreprise privée D______, relevait qu’elle imposait son autorité de manière agressive et instaurait un climat de peur en « coinçant » les enseignants dans les couloirs pour critiquer leur comportement à son égard. Le niveau de confiance entre une majorité des collaborateurs et elle était extrêmement faible. Il constatait la « souffrance réelle chez la plupart des enseignants et également chez A______ ». Les conclusions du rapport consistaient à « ne pas voir quel processus d’accompagnement » elle pourrait proposer « pour revenir à une situation normale ». Il y avait eu des plaintes répétées des membres du personnel et des parents d’élèves ainsi que de nombreux départs. Les réactions de l’intéressée consistaient à minimiser les difficultés, à se faire attribuer des points positifs par le corps enseignant et à chercher à identifier les « trouble-fête ».

Dans ces conditions, il n’apparaissait pas souhaitable pour le bien-être des collaborateurs et de l’institution de lui permettre de poursuivre son activité professionnelle.

S’agissant de la décision d’ouverture de la procédure de reclassement, la direction des ressources humaines (ci-après : DRH) du DIP allait procéder pendant deux mois à la recherche d’un poste disponible au sein de l’administration répondant aux capacités de l’intéressée. Un bilan définitif serait dressé au terme des deux mois au cours d’un entretien de service.

C. a. Par actes du 12 novembre 2021, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les deux décisions précitées. Elle a conclu à leur annulation, à ce que soit constatée l’inexistence de motifs fondés de résiliation des rapports de service et de suspension provisoire, que sa réintégration à son poste de directrice de l’établissement scolaire B______ soit ordonnée et à ce qu’il soit renoncé à la procédure de reclassement. Préalablement, l’effet suspensif devait être octroyé aux recours et il devait être procédé à l’audition de dix témoins.

La présente procédure (A/3869/2021), qui concerne l’ouverture de la procédure de reclassement, devait être jointe avec celle ouverte (cause A/3870/2021) à la suite du dépôt du recours contre la décision la libérant de son obligation de travailler avec effet immédiat.

Les faits avaient été constatés de façon incomplète et inéquitable. L’instruction n’avait été que partielle et à charge. Elle n’avait pris en compte que les témoignages émanant des enseignants se plaignant, sans remettre en cause un quelconque de leurs propos, alors que ses propres explications étaient sans cesse remises en question. La décision attaquée contenait des erreurs factuelles, par exemple s’agissant de l’entretien d’évaluation et de développement du manager (ci-après : EEDM) du 1er novembre 2021 quant au degré de maîtrise des items. Le compte‑rendu relatif au rapport de D______ était totalement partial, puisque de nombreux éléments qui lui étaient favorables figuraient dans ledit rapport sans avoir été repris dans la décision (méfiance de l’équipe liée à des rumeurs en provenance de l’école C______, comportement de la précédente directrice de l’école B______, « tuilage » de quelques heures à son arrivée, changement de style managérial après une dizaine d’années de continuité, fronde d’enseignants engendrant un climat au sein de l’équipe enseignante et propre à la faire souffrir). Ces éléments étaient importants et avaient pour point commun de ne pas l’accabler. La direction générale de l’enseignement obligatoire (ci-après : DGEO) n’avait pas cherché à obtenir une certaine objectivité sur la situation sur le terrain.

Il était inexact que quatorze personnes auraient quitté l’établissement à la fin juin 2021. Seules trois avaient changé d’établissement et trois autres pris une pré-retraite prévue antérieurement à son arrivée. La décision retenait des faits qui n’étaient pas prouvés. Elle n’avait par exemple jamais demandé à ses collaborateurs de « noter son action ». Elle n’avait jamais indiqué à des parents avoirs des difficultés avec un enseignant. Ces accusations provenaient d’un enseignant en difficulté contraint de procéder à sa propre défense et perdaient dès lors toute crédibilité. Le reproche lié au fait qu’elle se serait dédite d’une promesse faite devant témoin apparaissait comme une approche partielle de la situation. S’il s’agissait de la situation de E______, elle n’était pas revenue sur sa parole mais avait été mal comprise par l’enseignante ; la personne des ressources humaines (ci-après : RH) était intervenue au-delà de ses prérogatives dans ce cas. Elle n’avait pas définitivement promis d’octroyer une classe de 1P, mais indiqué pouvoir probablement accéder à cette demande.

Il n’existait pas de motifs fondés permettant de justifier un licenciement, voire sa suspension, laquelle était soumise, par la jurisprudence, à des conditions strictes, non réunies en l’espèce. Elle contestait tout manquement. Elle n’avait jamais cessé de poursuivre un travail de cohésion et de construction de l’équipe enseignante et de l’École B______. Le prononcé de cette décision de suspension donnait du crédit à des enseignants, certes en souffrance, mais avec lesquels il convenait de dialoguer sur les règles en vigueur, plutôt que d’accéder à leur désir de changement de direction.

Enfin, les motifs avancés par le DIP étaient peu convaincants en plus d’être infondés et de reposer sur une instruction inéquitable.

Il résultait des pièces fournies, des témoignages reçus et de ses explications que le climat de travail s’était amélioré, de manière progressive, proactive et en privilégiant une mutation solide. De nombreux membres du corps enseignant étaient satisfaits de leurs conditions de travail et les difficultés exprimées étaient ressenties par un petit nombre d’entre eux, clairement identifiés.

La résiliation des rapports de service, outre qu’elle était infondée, violait le principe de proportionnalité. Le DIP avait renoncé à d’autres mesures propres à permettre le rétablissement définitif de la sérénité au sein de l’école B______, telle une médiation menée par le groupe de confiance. Le DIP l’avait accablée, accusée de manière inéquitable et avait négligé de protéger sa personnalité.

Elle faisait face à un préjudice irréparable qui imposait que la chambre administrative statue sur son recours. En effet, compte tenu de son âge, à savoir 50 ans, et de son parcours, soit plus de 20 ans au sein de la fonction publique dans le domaine de l’enseignement, ses chances de trouver un emploi en dehors de l’administration étaient extrêmement réduites. Si un poste pouvait lui être proposé dans le cadre de la procédure de reclassement, elle serait très probablement contrainte de l’accepter, afin de s’assurer de conserver un emploi, quand bien même il s’agirait d’une importante rétrogradation. De plus, l’admission de son recours éviterait la mise en place d’une procédure de reclassement coûteuse, voire en cas de licenciement, une procédure de recours supplémentaire.

b. Le 25 novembre 2021, la recourante a fait parvenir à la chambre de céans un courrier de soutien de F______, enseignante, daté du 22 novembre 2021. Celle-ci ne parvenait pas à cerner d’éventuels motifs factuels suffisamment graves qui justifieraient la décision d’écarter A______ de son poste.

c. Un délai de réponse au recours a été accordé au département au 13 mai 2022, compte tenu, selon lui, de la participation active de A______ à la procédure de reclassement.

d. Par arrêt ATA/219/2022 du 1er mars 2022, la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours déposé dans la cause A/3870/2021, après avoir refusé d’ordonner sa jonction à la présente cause.

e. Par décision du 20 décembre 2021, après réponse du DIP et réplique de la recourante sur cette question, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours déposé contre la décision d’ouverture de la procédure de classement.

f. Le 15 juin 2022, le DIP a conclu au rejet dudit recours.

Le 30 octobre 2017, les enseignants de l’école C______ avaient écrit à la directrice générale de la DGEO pour « expliquer les problématiques majeures qui étaient survenues depuis le début de l’année scolaire au sein d’établissement ». Après quatre situations problématiques, ils avaient demandé un temps de travail en commun (ci-après : TTC) extraordinaire. Cette demande avait pour cause un nombre trop important de malentendus et de dysfonctionnements. Tout le monde s’inquiétait pour l’avenir de l’école et de la manière dont elle était gérée. Les inquiétudes les plus importantes concernaient la gestion des conflits entre élèves, la communication et la relation avec l’équipe pédagogique et les rapports entre la directrice et les parents. Un coach avait été mandaté pour aider A______, de même que le service de médiation scolaire SMS – Le Point. Le 5 juillet 2018, celle-ci avait été informée de son détachement au service formation et développement de la DGEO dès le 1er août 2018, jusqu’à sa reprise de la direction de l’école B______ le 1er janvier 2019. Il avait été constaté que le rapport de confiance entre la directrice et l’équipe éducative n’avait jamais pu se concrétiser, que la situation générale était devenue très conflictuelle ce qui prenait une place démesurée, créant une atmosphère pesante.

De nombreux reproches émanant tant du personnel enseignant que des parents avaient émaillé la carrière de A______ après ce premier échec. De nouvelles plaintes du personnel enseignant étaient rapidement intervenues à son arrivée à l’école B______. Un nouveau mandataire, sans lien avec le premier, avait été nommé et avait conclu également à l’impossibilité de résoudre la situation. Il ne voyait pas quel processus d’accompagnement proposer pour garantir un retour durable à une situation normale. Les plaintes d’enseignants s’étaient poursuivies sur des thèmes identiques à ceux relevés dans le premier établissement, de même que des départs des enseignants en nombre inhabituellement élevé compte tenu de la taille de l’établissement. S’y étaient ajoutées des plaintes de parents d’élèves.

La recourante avait accepté, par lettre du 11 mai 2022, un poste de coordinatrice pédagogique au sein du DIP.

Au vu des documents produits et des nombreuses craintes de représailles exprimées par les enseignants, des multiples plaintes de leur part ou des parents et des deux rapports du SMS – Le Point et de D______, l’ouverture d’une procédure de reclassement était nécessaire et adéquate afin de rétablir une situation sereine au sein de l’établissement scolaire en cause.

g. Lors d’une audience le 12 janvier 2023 :

g.a A______ a indiqué avoir pris ses nouvelles fonctions en août 2022. Un entretien récent était tout à fait favorable.

Il devait y avoir 41 enseignants dans l’établissement B______ et environ 38 à C______.

g.b Les représentants du DIP ont indiqué qu’après les deux mesures de soutien et d’accompagnement, aucune médiation n’avait été tentée au sein de l’établissement B______ du fait que le lien de confiance était rompu. Il n’y avait pas eu de médiation avec les enseignants.

g.c G______, maîtresse adjointe au sein de l’établissement B______ depuis 2005, a indiqué que le climat dans cet établissement à l’arrivée de la recourante était correct. Les enseignants s’entendaient bien, mais il y avait des clans avec des « chouchous » de l’ancienne directrice qui obtenaient tout ce qu’ils voulaient. À l’annonce de l’arrivée de la recourante, certains collègues avaient reçu des messages de leurs homologues C______ selon lesquels c’était la « catastrophe ». Ils étaient donc « sur les pattes arrières ». A______ avait eu un temps de parole si réduit lors des TTC où elle s’était présentée qu’elle n’avait pas pu tout aborder, avec pour conséquence que certaines personnes n’avaient pas pu être rassurées faute d’avoir obtenu des réponses à toutes leurs questions. Les enseignants qui faisaient tout pour l’évincer étaient pour la plupart les « chouchous » de l’ancienne directrice. Ils s’étaient notamment permis d’exprimer leurs difficultés à certains parents qui à leur tour avaient écrit des courriers. Une autre partie avait des problèmes avec la hiérarchie.

À son sens, la recourante s’était rendue compte des difficultés et des réunions avaient été organisées. Elle était légitime et apte à diriger l’établissement. À la rentrée 2021, la situation était apaisée ; l’équipe renouvelée faisait preuve de bonne volonté. Ce qui était arrivé l’année précédente avait été très violent, car l’équipe se reconstruisait et il était dommage que l’accompagnement, par le biais de l’H______, axé sur le management d’équipe et l’intelligence collective, soit survenu si tard, soit en juin 2022, avec la direction ad intérim. Il y avait désormais une nouvelle directrice qui avait été bien présentée par le directeur ad intérim, avec une transition soignée, ce qui avait aidé à ce que cela se passe bien. Les personnes s’étaient senties rassurées dès le départ.

A______ avait changé leur façon de travailler, ce que tout le monde appréciait désormais ; à l’époque, cela n’avait pas convenu à certains qui ne supportaient pas le changement. Elle trouvait scandaleux que certains de ses détracteurs, notamment I______, l’un des plus véhéments, bien que ne travaillant plus dans l’établissement depuis juin 2020, se permette de continuer d’intervenir.

G______ avait eu un temps de parole très court devant D______ car du retard avait été pris dans les auditions précédentes. Elle avait l’impression d’avoir eu moins de temps que ceux qui exprimaient une opinion négative, ce qui ne lui semblait pas équitable.

g.d J______, ayant travaillé dans l’établissement B______ de 2005 à 2022 et depuis lors directrice de l’école des K______, a indiqué avoir rencontré quelques difficultés à l’arrivée de A______, mais rien de très inquiétant. Devenue maîtresse adjointe en août 2021, elle avait travaillé avec cette dernière durant quelques mois. Les enseignants qui étaient partis soit ne s’étaient pas adaptés au changement de direction, en particulier au style de management, soit avaient rencontré des problèmes personnels. Certains avaient également eu des soucis avec l’ancienne directrice. En automne 2021, la situation était « enfin » devenue stable, tout allait pour le mieux, ce qui était le cas jusqu’au départ de A______ en novembre 2021.

Elle avait constaté que la recourante faisait des efforts pour améliorer ses difficultés depuis juin 2020. Celle-ci était apte à diriger l’établissement B______. Avant son arrivée, les enseignants avaient entendu des choses qui avaient malheureusement conditionné la manière de penser et d’être de certains. L’ancienne directrice elle‑même n’était pas contente du choix. A______ était très contrôlante et ne laissait pas de marge de manœuvre tout en restant quelqu’un d’humain. Certains ne s’entendaient pas avec elle. Elle avait le souvenir d’un renvoi de séance parce que la personne avait mal parlé. Elle avait l’impression que le but de certains avait été de la faire partir plutôt que de partir eux-mêmes. Elle avait constaté leur changement d’attitude à l’arrivée du directeur ad intérim. Elle ne faisait plus partie depuis septembre 2021 des deux groupes WhatsApp « contre » A______. Avant qu’elle n’en sorte, une personne avait proposé de faire écrire une lettre aux parents.

g.e L______, éducatrice en milieu scolaire, a indiqué qu’elle travaillait dans l’établissement B______ depuis le 10 décembre 2018. Elle avait été bien accueillie par la recourante et avait eu une très bonne collaboration avec elle. Elle avait entendu des bruits de couloir mais n’avait pas voulu en savoir plus, car elle s’était considérée comme un « électron libre ». Elle avait refusé de signer les courriers que certains enseignants rédigeaient contre A______, pour ne pas péjorer sa collaboration avec les autres enseignants. En outre, A______ n’était pas sa supérieure hiérarchique. Elle n’avait pu que déduire, avec sa collègue infirmière, que les enseignants en question souhaitaient son départ. Elle avait l’impression qu’entre septembre 2020 et septembre 2021 il y avait moins de bruits de couloir et que ça allait donc mieux. À la rentrée 2021, elle avait cru comprendre que les histoires remontaient. Elle était alors en télétravail en raison de sa grossesse, puis en congé maternité au moment de l’arrivée du directeur ad intérim. Elle s’entendait bien avec la nouvelle directrice.

h. Lors de l’audience du 16 mars 2023 :

h.a M______, adjoint responsable RH à la DGEO a déclaré qu’avant l’arrivée de la recourante à C______, l’ancienne directrice, Madame N______, était comme une sorte de « maman » ; elle était très appréciée et le climat était bon. Ce n’était donc pas facile de lui succéder et la situation s’était assez vite tendue car l’équipe ne s’y retrouvait pas, notamment du point de vue relationnel. L’équipe s’en était plainte auprès des RH. Elle disait avoir de la peine à communiquer avec A______ qui était tantôt avenante, tantôt cassante ou ferme, voire avait une attitude pas forcément bienveillante et avait tendance à parler entre deux portes de choses importantes, voire confidentielles. Tous ces éléments avaient fait l’objet d’écrits et amené l’intervention du SMS. Il lui semblait qu’un coach était intervenu pour la recourante à C______, avec le soutien financier des RH dans un premier temps, avant que celle-ci ne le finance par ses propres moyens.

Quand la question s’était posée de savoir s’il fallait mettre fin au mandat ou donner à la recourante une deuxième chance dans un autre établissement en tenant compte notamment de ses remarques selon lesquelles « la planche avait été savonnée » avant son arrivée à C______, l’option d’un changement d’établissement avait été choisie pour voir si la problématique se représentait.

Avant l’arrivée de la recouranteà l’école B______, le climat était bon. Son ancienne directrice, Madame O______, était également une personne charismatique qui était là depuis longtemps, appréciée par l’essentiel des collaborateurs. Une passation avait été faite sur une courte durée et lui-même avait assisté A______ à certains de ces « petits moments ». Après trois mois, le climat s’était détérioré de manière similaire qu’à C______. Il avait été approché par une bonne partie du personnel, soit 28 personnes, ayant demandé un rendez-vous confidentiel. Ces personnes avaient dit ne pas se sentir en sécurité pour avoir un tel débat en présence de la recourante et avoir peur de représailles. La recourante prenait des décisions abruptes, difficilement discutables. Une certaine cristallisation s’était formée dans l’équipe avec les « pro » et « anti » directrice. Selon lui, A______ était très sur la défensive. Lorsqu’elle était critiquée, elle tendait à chercher qui étaient les meneurs pour les mettre hors d’état de nuire. Cette attitude avait renforcé le clivage des camps et même amené plusieurs personnes à demander à partir. Il avait été surpris de leur nombre et des éléments qui ressortaient de leurs explications. Tant le vocabulaire que l’attitude de A______ faisaient paraître de l’hostilité. Ce n’était pas une méthode de management de faire partir les mécontents. Il avait constaté une volonté de sa part de réussir et de parvenir à évoluer dans sa posture entre les deux écoles où elle avait officié. Néanmoins, au niveau relationnel, les problématiques revenaient et elle n’avait pas réussi à les maîtriser, malgré toute sa bonne volonté.

Il n’avait pas traité le suivi du rapport de D______ mais en avait eu connaissance. Avant sa reddition, ils avaient travaillé sur la problématique de clivage en recevant les uns et les autres, dont ceux qui ne se plaignaient pas, parmi lesquels la maîtresse adjointe venue pour défendre la recourante. Il n’avait pas cherché à entendre ceux qui ne le demandaient pas, car il ne s’agissait pas d’une enquête administrative.

h.b P______ a indiqué être enseignant à l’école B______ depuis 2019. Il avait constaté une homophobie latente au sein de cet établissement. Il avait entendu certains collègues, voire certaines personnes de l’extérieur, se référer à son orientation sexuelle de même qu’à celle de la directrice et à faire constamment un lien, notamment avec leur connivence, alors qu’il n’en était rien. Il avait trouvé cela extrêmement insultant.

A______ était « prise en sandwich » entre sa hiérarchie, qui lui mettait la pression, et une partie de l’équipe. Il n’avait pas été entendu par M______ mais n’avait pas demandé à l’être. En 2021, beaucoup d’enseignants étaient partis, soit pour se rapprocher de leur domicile, soit pour prendre leur retraite. Un vent nouveau s’était élevé. Il n’y avait plus d’a priori à l’endroit de la recourante. Quelque chose de nouveau s’était construit jusqu’au moment de sa mise à pied. On ne leur expliquait pas pourquoi il manquait treize enseignants qui étaient toujours en arrêt ou en burnout.

La recourante était apte à diriger l’établissement. Il n’avait rien eu à redire sur sa manière de le faire et avait le sentiment qu’elle appuyait les projets en laissant une grande liberté aux enseignants. Sa manière de diriger était en cohérence avec l’époque. Il avait ainsi pu pratiquer l’école en plein air, faire intervenir une association LGBT et pu organiser une semaine littéraire. Il avait entendu des collègues dire craindre d’aller vers A______. Il les encourageait à l’aborder ou à lui écrire un mail pour proposer leur projet mais ces personnes refusaient le dialogue. Il avait l’impression que c’était un moyen de justifier ensuite qu’ils ne pouvaient pas avoir confiance en elle. Il avait eu le sentiment que tout cela avait été orchestré par quatre ou cinq enseignants dont il était certain qu’ils avaient entendu des choses sur elle et qu’ils étaient homophobes de manière cachée et indirecte.

Il avait été entendu par D______ mais avait eu le sentiment d’un audit plutôt que d’une recherche de ce qui n’allait pas, car plus rien ne s’était passé ensuite.

h.c À l’issue de cette audience, les parties ont indiqué renoncer à l’audition d’autres témoins.

i. Dans ses observations finales du 6 avril 2023, A______ a relevé que les enquêtes avaient permis d’appuyer ses arguments et mis en lumière la défaillance du DIP dans la gestion des difficultés rencontrées par leurs collaborateurs dans ce dossier. Cela avait été un échec. Elle n’endossait pas la responsabilité des difficultés ayant existé au sein de l’école B______ au point de se trouver démise de ses fonctions de directrice et d’être reclassée. Elle avait été victime d’un acharnement injustifié de la part d’une partie de l’équipe enseignante qui avait été traité sans recul ni discernement par le DIP. Ce faisant, ce dernier avait négligé de protéger sa personnalité avant de prendre des mesures punitives à son encontre.

Ainsi, la DGEO avait manqué de soin à son introduction à la tête de l’établissement B______, alors même que les conditions y étaient encore plus difficiles qu’à C______. Elle avait succédé dans ces deux établissements à un style managérial décrit comme « maternel ». À B______, il y avait des clans, favorisés par la directrice qu’elle allait remplacer.

Il était ressorti des témoignages que plusieurs enseignants avaient manifestement agi dans le but de la faire partir. En revanche, aucune problématique concrète vécue par des enseignants n’était apparue. Enfin, elle avait été victime de biais liés à son orientation sexuelle. Le nombre de départs et d’absences n’était jamais qu’un symptôme du comportement des enseignants ne désirant pas travailler avec elle, étant relevé que treize personnes étaient absentes sans qu’il n’y ait de lien avec elle.

La DGEO n’avait pas cherché à s’informer de la situation auprès des enseignants qui ne se plaignaient pas et qui ne l’avaient pas sollicitée de manière répétée et spontanée. Le malaise qui était remonté à la DGEO ne pouvait raisonnablement être imputé à elle seule et imposait un examen de la situation mesuré, empreint d’un grand discernement, dans le respect de sa personne, non pas en se laissant porter par le flot de plaintes visant son départ, mais sans contenu concret. Lors du changement d’établissement, elle était « attendue au tournant » et n’importe quelle critique semblait avoir fait l’affaire, à entendre son responsable RH lui reprocher même des traits d’humour auxquels il n’avait pas assisté.

Aucun des enseignants entendus n’avait évoqué une quelconque action de la DGEO qui aurait permis d’aider à la résolution ou à l’amélioration de la situation. Il ressortait en revanche des témoignages et de l’ensemble de la procédure qu’il n’y avait pas matière à lui retirer son poste et à la reclasser. Elle devait au plus vite retrouver son poste de directrice d’établissement.

i. Le DIP a relevé que le reclassement de la recourante dans un nouveau poste de coordinatrice pédagogique était intervenu avec effet au 15 août 2022, avec une phase d’adaptation au 15 février 2023. Par lettre du 7 juillet 2022, la conseillère d’État chargée du DIP lui avait transmis son changement de fonction avec rétrogradation dès le 1er septembre 2022 (classe 18, position 22 de l’échelle de traitement) et un délai de six mois pour lui permettre d’assumer ses nouvelles fonctions.

Un entretien d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) s’était tenu le 2 décembre 2022. L’objectif consistant à s’adapter à son nouvel environnement et se montrer disponible pour chaque établissement dans le cadre de son cahier des charges avait été partiellement atteint. Elle pourrait se rendre davantage visible dans certaines écoles afin de créer du lien. Le critère d’adaptabilité était à développer. Elle avait rapidement réinvesti sa fonction dans deux établissements mais devait poursuivre son adaptation au sein du troisième. Elle devait encore adapter sa planification aux réalités du terrain.

Par courrier du 2 février 2023, le DIP avait constaté que la procédure de reclassement était réussie et formellement terminée, ce qui avait pour effet de clore la procédure de résiliation des rapports de service.

S’agissant de la résiliation des rapports de service, l’audition des témoins avait confirmé que la posture managériale de la recourante constituait une prestation insuffisante, dans la mesure où elle se voulait clivante au lieu d’être rassembleuse ; elle inspirait la crainte et avait connu des difficultés que n’avaient pas éprouvées ses prédécesseurs ni ses successeurs.

Il ressort d’un courrier de la DGEO du 11 juillet 2022 à la recourante que le mandat de coordinatrice pédagogique était renouvelable chaque année.

j. Les parties ont été informées le 17 avril 2023 que la cause était gardée à juger.

k. Dans d’ultimes observations du 5 mai 2023, A______ a fait le grief au DIP de chercher, dans les moindres détails, tous les reproches pouvant lui être faits afin de justifier sa position.

Bien que ce point ne fût pas directement pertinent, elle souhaitait préciser que son adaptation au sein du troisième établissement était plus difficile. À son arrivée, la direction lui avait d’emblée indiqué qu’il fallait qu’elle « traite les hommes comme les femmes », raison pour laquelle elle avait demandé à suivre une formation au mois de septembre 2022 afin de permettre de développer un milieu de travail inclusif, qui lui avait toutefois été refusée. L’effort de travail impartial, et non sur la base de rumeurs, et protecteur de la personnalité favorisant l’adaptation devrait donc tout d’abord être assuré par le DIP.

l. Les arguments des parties et la teneur des pièces du dossier seront pour le surplus repris ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du litige.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             L’objet du litige porte sur la décision incidente de l’intimé de l’ouverture d’une procédure de reclassement de la recourante.

2.1 Selon l'art. 57 let. c in initio LPA, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

2.2 L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Le préjudice irréparable visé par l’art. 93 al. 1 let. a et b LTF suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 138 III 46 consid. 1.2). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant. Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice. Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable. Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 147 III 159 consid. 4.1 ; 142 III 798 consid. 2.2).

2.3 La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

2.4 Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

2.5 La seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA suppose cumulativement que l’instance saisie puisse mettre fin une fois pour toutes à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou incidente et que la décision finale immédiate qui pourrait ainsi être rendue permette d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid. 2.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_413/2018 du 26 septembre 2018 consid. 3).

2.6 En matière de fonction publique, la chambre administrative a déclaré irrecevable, pour défaut de préjudice irréparable, un recours contre une décision d'ouverture d'une enquête administrative (ATA/16/2016 du 12 janvier 2016 ; ATA/657/2015 du 23 juin 2015 et les références citées), de même qu'un recours contre une décision de l'enquêteur administratif d'entendre en qualité de témoins des collaborateurs d'une autorité ayant requis du Conseil d'État l'ouverture de l'enquête administrative. Ce n'était qu'après le dépôt du rapport de l'enquêteur, dans l'hypothèse où une sanction serait prononcée à l'encontre du recourant, que la personne concernée pourrait, le cas échéant, contester les témoignages recueillis par l'enquêteur (ATA/715/2013 du 29 octobre 2013 consid. 3). Elle a également nié l'existence d'un préjudice irréparable en cas d'ouverture d'une procédure de reclassement, une telle décision étant au contraire destinée, dans l’hypothèse où le reclassement aboutirait, à éviter ou à atténuer les effets de la décision de licencier envisagée (ATA/1149/2015 du 27 octobre 2015 ; ATA/923/2014 du 25 novembre 2014). Enfin, la chambre de céans n'a pas retenu de préjudice irréparable contre une décision refusant de suspendre la procédure d’enquête administrative le temps que le recourant se rétablisse (ATA/621/2016 du 19 juillet 2016), ni contre celle de l’État de ne pas entendre les douze témoins dont l’audition était sollicitée par un fonctionnaire dans ses observations à la suite d’un entretien de service. Rien ne démontrait qu’une décision finale entièrement favorable à celui-ci ne pourrait pas intervenir (ATA/917/2016 du 1er novembre 2016 consid. 6b).

2.7 En particulier, les conditions de recevabilité d'un recours dirigé contre une décision incidente d'ouverture d'une procédure de reclassement sont restrictives (ATA/1260/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b ; ATA/923/2014 du 25 novembre 2014 ; ATA/825/2013 précité ; ATA/293/2013 du 7 mai 2013).

Le Tribunal fédéral a toutefois donné tort à la chambre administrative qui avait déclaré irrecevable le recours contre une telle décision visant un enseignant, âgé de 56 ans, qui s'était senti contraint d'accepter, dans le cadre d'une procédure de reclassement, un emploi nettement moins rémunéré. Du moment que le recourant ne pouvait pas faire contrôler par le juge la réalité d’un motif fondé de résiliation des rapports de service au sens des art. 22 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et 46A au règlement d'application de la LPAC du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) sans renoncer à un reclassement, il subissait un préjudice irréparable, qu’il soit d’ordre juridique ou à tout le moins de fait. Les travaux préparatoires à l’origine des modifications de l’art. 22 LPAC allaient dans le même sens. L’autorité compétente ordonnait l’ouverture d’une procédure de reclassement en se fondant sur un examen a priori de la situation conflictuelle, sans avoir à procéder à une instruction complète. Le nouvel art. 31 al. 2 LPAC prévoyait désormais que si la chambre administrative retenait que la résiliation des rapports de service ne reposait pas sur un motif fondé, elle ordonnait à l'autorité compétente la réintégration. Dans ce contexte juridique, l’arrêt d'irrecevabilité se révélait incompatible avec la garantie constitutionnelle d'accès au juge prévue par l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). La Confédération et les cantons ne pouvaient, par la loi, exclure l'accès au juge que dans des cas exceptionnels. Dans ce cas, l’arrêt attaqué revenait à subordonner le droit du recourant de demander sa réintégration à la condition qu'il renonce au préalable à un reclassement professionnel. Selon l'interprétation donnée par la chambre administrative de l'art. 57 let. c LPA, l'intéressé n'avait pas la possibilité de soumettre au juge le bien-fondé des griefs formulés à son endroit par son employeur pour justifier son changement d'affectation, malgré les lourdes conséquences que ce changement entraînait pour une personne de plus de 50 ans et qui avait conduit l’ensemble de sa carrière professionnelle au sein de l’enseignement public genevois (ATF 143 I 344 consid. 8 et les références citées).

2.8 En l’espèce, l’ouverture de la procédure de reclassement querellée a été ordonnée le 1er novembre 2021. Le 11 mai 2022, la recourante a accepté un poste de coordinatrice pédagogique au sein du DIP, avec effet au 15 août 2022. Une phase d’adaptation a eu cours jusqu’au 15 février 2023 avec rétrogradation durant cette période, dès le 1er septembre 2022 (classe 18, position 22 de l’échelle de traitement, alors qu’elle se trouvait au 1er janvier 2019, comme directrice d’établissement primaire, en classe 24, position 10). Un EEDP s’est tenu le 2 décembre 2022 aux termes duquel le DIP, sans être contredit alors par la recourante, a relevé que l’objectif consistant à s’adapter à son nouvel environnement et se montrer disponible pour chaque établissement dans le cadre de son cahier des charges avait été partiellement atteint. Elle pourrait se rendre davantage visible dans certaines écoles afin de créer du lien. Le critère d’adaptabilité était à développer. Elle avait rapidement réinvesti sa fonction dans deux établissements mais devait poursuivre son adaptation au sein du troisième. Elle devait encore adapter sa planification aux réalités du terrain.

Par courrier du 2 février 2023, le DIP a constaté que la procédure de reclassement était réussie et formellement terminée, ce qui avait pour effet de clore la procédure de résiliation des rapports de service.

Dans ses ultimes écritures du 5 mai 2023, la recourante a indiqué que l’adaptation au sein du troisième établissement était « plus difficile ». À son arrivée, la direction lui avait d’emblée indiqué qu’il fallait qu’elle « traite les hommes comme les femmes », raison pour laquelle elle avait demandé à suivre une formation au mois de septembre 2022, qui lui avait toutefois été refusée. L’effort de travail impartial, et non sur la base de rumeurs, et protecteur de la personnalité favorisant l’adaptation devait selon elle être en premier lieu assuré par le DIP.

Il ressort de ces éléments que quand bien même la procédure de reclassement a tendu à amenuiser les effets d’une résiliation des rapports de service, la recourante a enduré une rétrogradation pendant six mois. Ainsi, même si la procédure de reclassement a abouti, elle a subi un préjudice de nature économique. S’y ajoute que comme il sera vu ci-dessous, le poste de coordinatrice pédagogique compte moins de responsabilités que celui de directrice d’établissement. Pour ces deux motifs déjà, il se justifie qu’il soit entré en matière sur le recours. Il y a d’autant plus lieu de traiter le recours que la recourante se plaint déjà d’une situation problématique dans le troisième établissement où elle est active dans sa nouvelle fonction.

Partant, le recours est recevable.

3.             La recourante a sollicité, préalablement, la production de l'intégralité de son dossier administratif et l’audition de témoins.

Le DIP ayant produit ce dossier et plusieurs témoins ayant été entendus avant que les parties n’aient renoncé à en entendre davantage à l’issue de l’audience du 16 mars 2023, ces requêtes sont sans objet.

La demande de jonction des causes A/3869/2021 et A/3870/2021 a fait l’objet d’un refus le 1er mars 2022 selon arrêt ATA/2019/2022 précité rendu dans la seconde de ces causes.

4.             La recourante conteste l'existence de motifs fondés pouvant justifier la résiliation des rapports de service et, partant, l’ouverture d’une procédure de reclassement.

4.2 En tant que fonctionnaire, le recourant est soumis à la LPAC, au RPAC ainsi qu’au règlement relatif à la protection de la personnalité à l'Etat de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10).

Les devoirs de service du corps enseignant sont en règle générale de même contenu que ceux prévus pour les membres du personnel régis par la LPAC à savoir, notamment, le devoir de respecter l'intérêt de l'État (ATA/1221/2022 du 6 décembre 2022).

4.3 La loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) s'applique, notamment, aux membres du corps enseignant primaire de l'instruction publique (art. 1 al. 4 LIP). La LIP a pour objet de définir les objectifs généraux de l'instruction publique. À ce titre, elle régit en particulier les principes généraux en matière de personnel enseignant (art. 2 let. j LIP).

4.4 Les membres du personnel enseignant doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux missions, notamment d'éducation et d'instruction, qui leur incombent (art. 123 al. 1 LIP). Ils sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 123 al. 2 LIP et 20 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04), applicable aux enseignants du primaire selon l'art. 13 du règlement de l'enseignement primaire du 7 juillet 1993 - REP - C 1 10.21).

4.5 L'enseignement est assuré par le corps enseignant sous la responsabilité du directeur d'établissement scolaire (art. 7 REP). Le directeur est responsable de la direction pédagogique et administrative de l'établissement scolaire dont la direction lui est confiée.

4.5.1 Selon l’art. 10 al. 1 REP, les dispositions relatives aux droits et devoirs du directeur d'établissement scolaire figurent dans le RPAC et dans règlement sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale du 22 décembre 1975 (RCSAC – B 5 05.03).

L’al. 2 de cette disposition prévoit que le directeur d’établissement scolaire est chargé, sur les plans administratif et pédagogique, de mettre en œuvre les conditions d'une formation des élèves efficace et équitable. À cette fin et en fonction des objectifs pédagogiques du projet d'établissement, il est responsable : a) du bon fonctionnement et de l'évolution de l'établissement dans le domaine de l'enseignement ; b) du suivi collégial des élèves par les enseignants ; c) de la gestion des ressources humaines ; d) de la gestion administrative, financière et des services ; e) de la gestion des relations, de la collaboration et de la communication internes et externes à l'établissement scolaire.

Ses attributions sont précisées dans un cahier des charges (art. 10 al. 4 REP).

Dans chaque école composant un établissement scolaire, un maître adjoint, subordonné au directeur d’établissement, est désigné (art. 11A al. 1 REP).

4.5.2 L’art. 12 REP traite des attributions du coordinateur pédagogique. Ainsi, la coordination pédagogique est assurée par des enseignants du primaire temporairement détachés de leur classe (al. 1). Le coordinateur pédagogique intervient sur mandat dans les établissements pour : a) accompagner le changement ; b) développer la diversité des approches pédagogiques ; c) relayer les normes institutionnelles ; d) aider à l’application du plan d’études romand et de ses spécificités cantonales et à l’utilisation des moyens d’enseignement ; e) soutenir les équipes enseignantes en tant que référent de l’école inclusive ; f) contribuer au développement des compétences et à la formation des enseignants (al. 2).

Les membres du corps enseignant se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 21 al. 1 RStCE).

4.6 L'art. 21 RPAC prévoit que les membres du personnel se doivent, par leur attitude, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de permettre et faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), ainsi que d'établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (let. b).

Ils se doivent notamment de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC).

Le fonctionnaire doit s'acquitter de sa tâche, dans la mesure qui correspond à ses fonctions, en respectant notamment la légalité et l'intérêt public. Il est important que le travail s'accomplisse dans une atmosphère de courtoisie réciproque, aussi bien à l'égard des collègues que des tiers. Le fonctionnaire doit par ailleurs veiller à la conformité au droit de ses actes ; il lui appartient d'informer ses supérieurs des problèmes qui pourraient se poser et des éventuelles améliorations à apporter au service (Pierre MOOR/François BELLANGER/ Thierry TANQUEREL, op. cit., n° 7.3.3.1).

L'obligation de gestion, appelée aussi devoir de fonction, impose aux collaborateurs d'exécuter leur travail personnellement et avec soin. Cette obligation est définie concrètement par le cahier des charges attribué à chaque poste, les instructions et les ordres de service donnés par le pouvoir hiérarchique. L'obligation de suivre les instructions de l'employeur est un élément fondamental du devoir de fonction. Si l'employé ne respecte pas les instructions de son employeur, il viole ses obligations de service (Pierre MOOR/ François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit., n° 7.3.2.1).

4.7 Sont nommés en qualité de cadres supérieurs les fonctionnaires appelés, par leurs responsabilités hiérarchiques ou fonctionnelles, à préparer, proposer ou prendre toute mesure ou décision propre à l’élaboration et à l’exécution des tâches fondamentales de pouvoir exécutif (art. 2 al. 1 RCSAC).

Selon l'art. 3 RCSAC, les fonctions de cadre supérieur exigent de leurs titulaires, outre la préoccupation constante des intérêts de l’État et l’accomplissement des devoirs généraux liés à l’exercice de la fonction publique, le maintien d’un haut niveau de qualification et un sens élevé de la mission confiée (al. 1). En collaboration avec les cadres intermédiaires, les cadres supérieurs élaborent les objectifs des services qui leur sont subordonnés (al. 2). Les cadres supérieurs donnent aux cadres intermédiaires qui leur sont subordonnés toute information nécessaire à l’exercice de leur fonction (al. 3).

Leur fonction se situe à compter de la classe 23 de l’échelle fixée par la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait ‑ B 5 15 ; art. 2 al. 2 RCSAC).

Il ressort de l’art. 5 al. 1 et 2 RCSAC que dès l'âge de 50 ans et après 4 ans d'activité à leur poste, les cadres supérieurs peuvent solliciter une autre affectation ou demander d'être chargés d'une mission spéciale. Le chef du département peut, dans les mêmes conditions, leur confier un autre poste ou les charger de tâches particulières en rapport avec leur formation ou leur expérience professionnelle. En règle générale, les cadres supérieurs conservent dans les deux cas leur rémunération antérieure.

5. 5.1 Aux termes de l'art. 141 LIP, le Conseil d'État peut, pour motif fondé, résilier les rapports de service d'un membre du corps enseignant. Il peut déléguer cette compétence au conseiller d'État chargé du département agissant d'entente avec l'office du personnel de l'État. La décision est motivée (al. 1). L'autorité compétente est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont définies par règlement (al. 2).

5.2 Il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration scolaire, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (art. 141 al. 3 let. a LIP). Le délai de résiliation est de trois mois pour la fin d'un mois (art. 141 al. 4 LIP). Lorsque l'intérêt des élèves l'exige, le conseiller d'État chargé du département agissant d'entente avec l'office du personnel de l'État peut prendre des mesures provisoires et en particulier éloigner le membre du corps enseignant de son lieu de travail. Ces mesures ne peuvent entraîner une diminution de traitement de l'intéressé (art. 141 al. 5 LIP). L'art. 64 RStCE a la même teneur que l'art. 141 LIP.

5.3 L’entretien de service entre le membre du personnel enseignant et son supérieur hiérarchique a pour objet les manquements aux devoirs du personnel (art. 40 al. 1 RStCE).

5.4 L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1471/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/674/2017 du 20 juin 2017 ; MGC 2005-2006/XI A 10420).

5.5 Des manquements dans le comportement de l'employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu'ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l'employé perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012 consid. 6.3.2 ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean-Philippe DUNAND/ Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, p. 161-162).

5.6 En matière de rapports de service, l'employeur public dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que la chambre administrative ne peut intervenir qu'en cas de violation du droit, y compris d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation, ou de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA).

5.7 Au vu de la diversité des agissements susceptibles de constituer une violation des devoirs de service, le Tribunal fédéral admet le recours par le législateur cantonal genevois à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020 consid. 4.2.2 et les références citées).

Selon la jurisprudence, les motifs fondés de renvoi des fonctionnaires ou d'employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_585/2014 du 29 mai 2015 consid. 5.2).

5.8 L'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. Les rapports de service étant soumis au droit public (ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015 consid. 8 ; ATA/82/2014 du 12 février 2014 consid. 11 et les références citées), la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) et de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst. ; ATA/993/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4e ; ATA/562/2020 du 9 juin 2020 consid. 6e et les références citées).

6. 6.1 Préalablement à la décision de résiliation, l'autorité compétente est tenue de proposer au fonctionnaire qu'elle entend licencier des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé (art. 21 al. 3 LPAC).

La procédure de reclassement est réglée à l’art. 46A RPAC, qui prévoit que lorsque les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d’entretiens de service, un reclassement selon l’art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d’une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). En cas de refus, d’échec ou d’absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6).

6.2 Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise. La loi n’impose toutefois pas à l’État une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (ATA/1782/2019 du 10 décembre 2019 consid. 13e).

7.             En l’espèce, la décision d’ouverture de la procédure de reclassement retient, au titre de motifs fondés d’une résiliation des rapports de service, des lacunes managériales, soit une insuffisance des prestations.

Il ressort de la procédure que la recourante a été promue, le 1er août 2017, directrice de l’établissement primaire C______. Le 16 octobre 2017 toutefois, une séance extraordinaire s’est tenue en présence de 31 enseignants de ladite école, à la suite d’une lettre de doléances adressée à la recourante. Ladite séance n’a manifestement pas calmé les esprits, puisque le 30 octobre 2017, sous la signature « les enseignants C______ », ceux-ci se sont plaints auprès de la DGEO notamment de problèmes de gestion des conflits entre élèves, de communication, de relations avec l’équipe pédagogique et des rapports entre les parents et la recourante. À la suite de cette plainte, la DGEO a mandaté le SMS – le Point ainsi qu’un coach amené à accompagner la recourante individuellement. En mars 2018, le constat a été fait que le rapport de confiance n’avait jamais pu se concrétiser entre la recourante et l’équipe éducative et que les relations interpersonnelles s’étaient détériorées. Il était reproché à celle-là une posture professionnelle que certains n’estimaient pas en adéquation avec leurs attentes en lien avec sa capacité à prendre et assumer des responsabilités et la gestion de situations complexes. Face à ce constat, la recourante a été affectée à la DGEO, du 1er août au 31 décembre 2018.

Une seconde possibilité a été offerte à la recourante comme directrice d’établissement dès le 1er janvier 2019, à l’école B______. À l’isssue des trois premiers mois, moins quelques jours, à savoir le 25 mars 2019, l’EEDM a retenu que trois items étaient non maîtrisés, à savoir la dynamique d’équipe, les relations interpersonnelles et le sens de l’adaptation. Il a été fixé à la recourante les objectifs de soigner la communication orale, adopter une communication bienveillante, contenir son humour parfois mal perçu et être plus présente dans les entretiens. Dans la mesure où l’équipe enseignante de cet établissement montrait des premiers signes d’insatisfaction, une séance s’est tenue le 28 mai 2019, en présence des enseignants, de la directrice générale ad interim de la DGEO, d’un responsable de secteur des RH et de la requérante, en vue d’entamer « la progression vers un mieux travailler ensemble ». Les enseignants ont fait état d’une communication peu claire et différente en fonction du destinataire, d’un humour parfois ambigu et déstabilisant, d’une impulsivité et de réactions disproportionnées. Ce nonobstant, la recourante a été confirmée dans cette nouvelle fonction le 15 juillet 2019.

Le 3 octobre 2019, un membre du personnel enseignant a envoyé un courriel au responsable du secteur RH pour signaler la souffrance de l’équipe depuis le début de l’année scolaire 2019 – 2020. Une nouvelle rencontre s’est tenue le 19 novembre 2019 en présence du directeur général de la DGEO, lequel a ensuite mandaté la société D______ afin « d’accompagner le personnel dans la restauration de la sérénité au sein de l’établissement et redonner du leadership à sa directrice ». Le 14 mai 2020, 28 enseignants ont écrit au directeur général de la DGEO pour se plaindre de problèmes persistants de communication avec la recourante, surtout oralement. Il était notamment question de triangulation, du fait d’aborder des sujets dans des contextes inappropriés ou de réactions agressives. Selon un rapport intermédiaire de D______ en juin 2020, la recourante imposait son autorité de manière agressive, instaurait un climat de peur en « coinçant » les enseignants dans les couloirs pour critiquer leur comportement à son égard ; le niveau de confiance entre la majorité des collaborateurs et la recourante était extrêmement faible. Il existait une souffrance réelle chez la plupart des enseignants, mais aussi chez la recourante. La société concluait ne pas savoir quel processus d’accompagnement elle pourrait proposer pour revenir à une situation normale.

S’en sont suivis une séance avec le directeur général de la DGEO le 22 juin 2020 et des entretiens de suivi les 2 septembre, 15 octobre et 18 novembre 2020 avec la directrice des RH de la DGEO. Il en est ressorti que la recourante minimisait la souffrance exprimée par son équipe, avait de la peine à prendre la mesure de la détérioration du climat de l’établissement et à entendre qu’elle pouvait avoir une part de responsabilité. Elle voulait démontrer tout ce qu’elle mettait en place de positif et semblait davantage intéressée à identifier les « trouble-fête ».

Entre-temps, l’équipe enseignante de l’établissement B______ avait, par une lettre du 1er juillet 2020, exprimé son découragement et son inquiétude en vue de la rentrée scolaire 2020 – 2021, position une nouvelle fois dénoncée à la DGEO par un courriel du 22 septembre 2020, ce qui a conduit celle-ci à en recevoir une délégation le 15 octobre 2020 en présence de la directrice RH de la DGEO. Les enseignants reçus ont fait part à cette occasion de leur malaise, du mauvais climat de travail, du management inadéquat qui clivait les équipes et qui générait de la souffrance. Il fallait s’attendre à de nombreux départs.

En janvier 2021, onze enseignants ont demandé à changer d’établissement pour la rentrée scolaire suivante et trois demandes de pré-retraite ont été formulées. Le directeur général de la DGEO a convoqué les onze premiers de ces enseignants le 11 mai 2021, lesquels lui ont fait part de sérieuses difficultés de communication, de problèmes d’attitude dans les aspects relationnels, d’un climat délétère dans l’établissement, où la défiance régnait et des clans se formaient, ce qui générait stress et souffrance. Bien que très attachés à cette école, ils se voyaient contraints de la quitter.

Il découle de ce qui précède, comme retenu à juste titre par le DIP, que les difficultés de gestion, de communication, organisationnelles et managériales, ont été constatées coup sur coup dans deux établissements distincts. Le DIP doit également être suivi lorsqu’il estime avoir mis en place des mesures et un important soutien pour l’ensemble des acteurs, à commencer par la recourante, par un coaching individuel, l’intervention d’une médiation SMS-Le Point, de la société privée D______, ayant eu pour mandat « d’accompagner le personnel dans la restauration de la sérénité au sein de l’établissement et redonner du leadership à sa directrice », et de nombreuses séances réunissant notamment la recourante et les enseignants se plaignant de son style managérial. La problématique s’est répétée dans deux établissements successifs et il apparaît que la recourante, malgré les mises en garde et aides mises en place, n’a pas été en mesure de prendre les dispositions qui s’imposaient, à commencer par une remise en question de ses méthodes.

Lors de l’entretien de service du 29 juin 2021, la recourante a concédé que s’agissant de l’école C______, son manque d’expérience et de nombreux changements survenus l’avaient empêchée de poser les bases d’une saine collaboration. Elle avait apprécié le coaching offert pour lui permettre d’affirmer sa posture. Pour l’école B______, elle a reproché à son ancienne directrice de ne pas avoir fait le nécessaire pour l’y intégrer correctement, dont l’organisation d’une séance pour s’assurer de la bonne passation dans cet établissement. Elle a regretté ne pas avoir été associée au choix de D______. Elle s’est inscrite en faux sur le contenu des plaintes des enseignants et a produit un plan d’action du 15 avril 2021 démontrant tout ce qu’elle avait entrepris pour restaurer le climat dans l’établissement. Elle a regretté que les enseignants « triangulent » en écrivant directement à la DGEO sans l’impliquer dans le processus. Elle a rappelé qu’elle avait demandé l’intervention d’un nouveau coach, ce qui lui avait été refusé. Les plaintes n’étaient que subjectives et, en réalité, quatre cinquièmes de l’équipe étaient contents du fonctionnement de l’école. Dans des observations complémentaires du 19 juillet 2021, elle a insisté sur les témoignages positifs de G______ et J______, deux maîtresses adjointes, qui confirmaient l’amélioration du climat de travail et ses efforts pour établir des relations saines et constructives. Elle a contesté une par une les plaintes des parents d’élèves du 21 juin 2021.

À cet égard, il ressort dudit courrier et d’une liste de signataires jointe, que 39 parents d’élèves ont soulevé trois problèmes majeurs à leur sens, exemples détaillés à l’appui, à savoir le manque de communication ou une mauvaise communication de la direction avec les parents d’élèves et avec ces derniers, une augmentation inquiétante du nombre de cas de harcèlements entre enfants et un départ massif des enseignants les deux dernières années scolaires. Ils avaient l’impression d’une absence de soutien par une direction bienveillante tant à l’égard des enseignants, des élèves, que de leurs parents et craignaient que les conséquences « n’aillent trop loin ».

Face à cette situation, il n’est pas nécessaire de reprendre dans le détail chacune des situations ayant posé problème et les explications données à leur sujet par la recourante à sa hiérarchie. Le constat doit être posé qu’elle n’a pas répondu aux attentes de la fonction dans les deux postes occupés successivement dans deux écoles du canton, avec une pause intermédiaire de quelques mois, durant laquelle elle n’a manifestement pas su ou pu prendre le recul nécessaire et opérer la remise en question indispensable pour ne pas répéter le schéma lui ayant valu une sortie de la première école.

Vu le nombre et la récurrence des doléances dans ces deux établissements, c’est vainement que la recourante essaie de tirer parti des témoignages de deux maîtresses adjointes G______ et J______, de l’enseignant P______ et de l’éducatrice en milieu scolaire L______, ou encore du fait qu’il aurait été difficile de succéder à une directrice ayant été une « maman » pour les enseignants.

La chambre administrative retient de ce qui précède que c'est à bon droit que le Conseil d'État a ouvert une procédure de reclassement, laquelle a favorablement abouti, les incidents reprochés étant avérés et d'une gravité justifiant une telle mesure, laquelle est proportionnée. Un EEDM pour recadrer les objectifs ou toute autre mesure d’aide, en supplément à celles déjà intervenues, n'était plus suffisant vu en particulier la rupture du lien de confiance entre le corps enseignant et la recourante, ainsi que la souffrance évoquée de part et d’autre. L’insuffisance de prestations de la recourante dans ce poste de directrice est avérée et c’est à tort qu’elle fait le grief au DIP de ne pas l’avoir suffisamment soutenue face aux difficultés qu’elle rencontrait.

C’est ainsi conformément au droit et sans abuser de son large pouvoir d’appréciation que l’intimé est parvenu au constat d’une insuffisance de prestations justifiant le cas échéant la résiliation de rapports de service.

Le recours sera partant rejeté.

8.             Au vu de l'issue du litige, de l'ampleur de l'instruction menée et de la décision sur effet suspensif, un émolument de CHF 1'800.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l'intimée étant de taille à posséder un service juridique (ATA/79/2020 du 28 janvier 2020 consid. 9).

9.             La valeur litigieuse n’est pas déterminée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 novembre 2021 par A______ contre la décision de la conseillère d’État en charge du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 1er novembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'800.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Zoé SEILER, avocate de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :