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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/661/2023

ATA/690/2023 du 27.06.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/661/2023-AIDSO ATA/690/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juin 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Francesco LA SPADA, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : la bénéficiaire), née le ______ 1994, a épousé D______ le ______ 2020. De cette union est née E______, le ______ 2020.

b. Les époux ont divorcé le 7 novembre 2022.

B. a. Le 11 juin 2019, la bénéficiaire s’était présentée à un entretien d’accueil à l’hospice en vue d’une demande d’aide financière.

Lors de cet entretien, elle a signé un document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » (ci-après : « mon engagement »), par lequel elle a pris acte de la subsidiarité des prestations d’aide financière versées par l’hospice à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune et de prestations sociales. Elle s’est notamment engagée à faire valoir immédiatement tous les droits auxquels elle pouvait prétendre en matière de prestations sociales (exemple : allocations de logement) et tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière, notamment en recherchant activement une activité rémunérée ou en participant à un stage d’évaluation à l’emploi et/ou aux mesures d’insertion professionnelle qui lui seraient proposées. Elle a également pris acte qu’en cas de violation de ses engagements, l’hospice se réservait le droit de réduire ou de supprimer les prestations d’aide financière qu’il lui accordait et, le cas échéant, de déposer une plainte pénale à son encontre.

b. Elle ne s’est toutefois plus manifestée après cet entretien.

c. Par appel du 24 mars 2020, l’intéressée a une nouvelle fois sollicité l’aide financière de l’hospice.

d. Le 3 avril 2020, la bénéficiaire et son époux ont complété et signé le document « demande de prestations d’aide sociale financière », dans lequel ils ont notamment indiqué qu’ils ne percevaient pas de revenus provenant d’une quelconque activité salariée ou indépendante, qu’ils n’étaient pas propriétaires d’un bien immobilier en Suisse ou à l’étranger, qu’ils ne détenaient qu’un seul compte bancaire, soit un compte à l’UBS, dont la bénéficiaire était titulaire et qu’ils ne détenaient pas d’assurance-vie.

e. Le 5 mai 2020, sur demande de leur assistant social du Centre d’action sociale (ci-après : CAS) des Eaux-Vives, les époux ont transmis un nouvel exemplaire de leur demande, précisant que l’époux avait un emploi salarié auprès de B______, qu’il percevait des revenus à ce titre et qu’il était titulaire d’un compte POSTFINANCE. S’agissant d’une assurance-vie au nom de l’époux, les intéressés ont indiqué « oui non ».

f. Au mois de juillet 2020, l’hospice a accordé aux intéressés des prestations d’aide sociale financière avec effet au 1er avril 2020.

g. Le 10 juin 2021, les époux ont remis à l’hospice le document « demande de prestations d’aide sociale financière / Réévaluation » complété et signé par leurs soins, dans lequel ils n’ont annoncé aucun autre changement dans leur situation personnelle et financière.

h. Ils ont bénéficié de prestations d’aide sociale financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) pour les mois d’avril 2020 à novembre 2022, l’intéressée ayant encore bénéficié desdites prestations pour le mois de décembre 2022.

C. a. Le 29 septembre 2022, une enquête du service des enquêtes et conformités de l’hospice (ci-après : SEC) a été activée pour contrôler la situation personnelle et économique de la bénéficiaire.

La lecture des divers relevés bancaires de la bénéficiaire laissait apparaître des dépenses importantes, notamment en boutiques de luxe.

b. Le 12 décembre 2022, le SEC a rendu son rapport d’enquête.

La bénéficiaire avait perçu des revenus provenant d’activités lucratives durant la période d’aide sociale financière, notamment en travaillant pour la société C______ au cours de l’année 2021. Elle avait également perçu des entrées de salaire de provenance non identifiée dans le courant de l’année 2022. Elle était titulaire de trois comptes bancaires qui n’avaient jamais été déclarés à l’hospice, soit un compte épargne jeunesse UBS n° 1______, dont le solde s’élevait à CHF 35'396.06 en date du 1er avril 2020 et à CHF 5'825.80 en date du 30 septembre 2022, un compte d’épargne BCGE n° 2______, dont le solde s’élevait à CHF 38'844.45 au 21 octobre 2022 et un compte privé POSTFINANCE n° 3______, dont le solde s’élevait à CHF 43'493.07 en date du 1er avril 2020 et à CHF 50'570.32 au 31 octobre 2022.

c. Par courriel du 15 décembre 2022, l’assistante sociale a annoncé à la bénéficiaire qu’au vu des éléments ressortis durant l’enquête, et de son défaut de collaboration, l’aide financière accordée par l’hospice prendrait fin au 31 décembre 2022.

d. Le 21 décembre 2022, la bénéficiaire s’est présentée à son entretien périodique, accompagnée de sa mère et de sa fille. Confrontée aux résultats du rapport d’enquête, elle a indiqué qu’elle n’avait pas connaissance des comptes bancaires non déclarés, enregistrés à son nom. Elle n’avait pas non plus connaissance des biens immobiliers dont son ex-époux était propriétaire. Concernant les revenus et activités non déclarés de ce dernier, elle ignorait qu’il n’avait pas remis les documents y relatifs à l’hospice.

e. Par décision du 23 décembre 2022, le CAS des Eaux-Vives a mis fin au versement des prestations d’aide sociale financière de la bénéficiaire avec effet « au 1er avril 2020 », au motif qu’elle avait caché des éléments de revenus et de fortune qui n’avaient pas pu être pris en compte dans l’évaluation de son droit aux prestations d’aide sociale. Il l’a avertie qu’une « décision de versements indus » lui parviendrait ultérieurement.

f. Par courrier du 30 décembre 2022, la bénéficiaire a formé opposition, faisant valoir qu’elle n’avait jamais souscrit d’assurance-vie. L’argent sur le compte POSTFINANCE appartenait à sa mère, raison pour laquelle elle ne l’avait pas déclaré. Depuis, elle avait clôturé le compte et sa mère avait récupéré son argent (soit CHF 50'580.-). Le compte BCGE avait été ouvert par sa mère alors qu’elle était encore mineure. Il avait été utilisé pour payer ses études. Par la suite, sa mère y avait déposé de l’argent en vue de payer des travaux. Cet argent ne lui appartenait donc pas. Elle avait également clôturé ce compte. Quant au compte épargne jeunesse UBS, il avait été automatiquement ouvert dans la mesure où elle détenait un compte courant auprès de la banque UBS. Les rentrées d’argent provenaient d’un compte en France au nom de sa mère. Le montant de CHF 34'161.05 appartenait à sa mère, étant précisé que celle-ci n’avait pas de compte en Suisse « à part celui pour le paiement du loyer » et qu’elle ne pouvait faire autrement que placer son argent sur son compte pour effectuer ses paiements en Suisse. Le compte présentait un solde nul, mais elle ne pouvait le clôturer car il était lié son compte courant.

g. Par décision du 10 février 2023, l’hospice a rejeté l’opposition formée par la bénéficiaire et confirmé la décision du CAS du 23 décembre 2022 en tant qu’elle mettait fin au versement des prestations d’aide sociale financière au 31 décembre 2022.

La bénéficiaire et son ex-époux avaient reçu des prestations d’aide sociale financière sans déclarer l’ensemble de leurs revenus et de leur fortune. En agissant ainsi, ils avaient gravement violé leur obligation de renseigner. Ils avaient ainsi conduit l’hospice à leur verser des prestations d’aide sociale auxquelles ils ne pouvaient prétendre, puisqu’ils ne remplissaient pas les conditions posées par la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04). La bénéficiaire n’avait notamment pas déclaré être titulaire des trois comptes bancaires UBS, BCGE et POSTFINANCE. Le solde de compte postal la plaçait en dehors des barèmes de fortune prévus par la loi. Il y avait lieu de considérer les sommes figurant sur le compte d’un bénéficiaire comme lui appartenant, et cela indépendamment des explications qu’il pouvait donner. Le fait qu’elle ne disposait plus des montants litigieux n’était pas pertinent.

D. a. Par acte expédié le 27 février 2023, la bénéficiaire a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à la poursuite du versement de ses prestations d’aide sociale.

Le 3 avril 2020, elle avait mentionné qu’elle détenait un compte UBS et que son ex-mari détenait un compte POSTFINANCE. Durant la crise sanitaire, toutes ses cartes bancaires étaient à découvert et ses dettes s’élevaient à CHF 6’000.-. Il n’avait jamais été caché que son ex-mari et elle-même vivaient dans l’appartement de sa mère. Les dépenses en boutiques de luxe étaient des achats spontanés dus à son moral fragilisé suite à de nombreux décès survenus entre 2018 et 2021. Ces dépenses isolées ne reflétaient aucunement un mode de vie général et elle ne comptait en aucun cas sur les services de l’hospice pour les rembourser. Elle n’avait pas remis les décomptes bancaires en temps et en heure car elle devait les imprimer à ses frais. Elle n’avait jamais dit qu’elle n’en avait pas connaissance, mais avait simplement souligné que l’argent ne lui appartenait pas. Enfin, le comportement de l’inspectrice avait été inacceptable.

b. Par réponse du 28 mars 2023, l’hospice a conclu au rejet du recours.

Dès qu’une somme était versée sur le compte d’un bénéficiaire, elle était considérée comme lui appartenant. Admettre que des sommes déposées sur un compte puissent appartenir à un tiers ouvrirait la porte à des abus qu’une institution gérant des deniers publics ne pouvait tolérer. Il incombait à celui qui acceptait de recevoir sur son compte des sommes qui n’étaient pas les siennes d’en assumer les conséquences sur le plan juridique.

Au-delà de l’omission initiale de la recourante de ne pas déclarer l’existence de ces comptes bancaires, elle avait persisté à ne pas communiquer les informations utiles durant une longue période.

La recourante avait agi dans l’unique but d’entrer dans les barèmes d’aide sociale et de pouvoir bénéficier de prestations de l’hospice. Ce comportement déloyal violait le principe de la bonne foi et était constitutif d’un abus de droit.

c. Le 25 mai 2023, la recourante a ajouté qu’elle n’arrivait plus à subvenir à ses besoins élémentaires depuis le mois de décembre 2022. Elle a produit une attestation datée du 8 mai 2023, indiquant qu’elle avait emprunté à une amie la somme mensuelle de CHF 3'500.- de décembre 2022 à avril 2023.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 52 de loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 [LIASI - J 4 04]).

2.             Est litigieux le bien-fondé de la décision de l’hospice mettant fin au versement des prestations d’aide sociale financière au 31 décembre 2022.

2.1 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA).

2.2 Aux termes de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

2.3 En droit genevois, la LIASI et le règlement d’exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

À teneur de son art. 1 al. 1, la LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel. Conformément à l’art. 9 al. 1 in initio LIASI, les prestations d’aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu.

Ont droit à des prestations d'aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (art. 8 al. 1 LIASI). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (art. 8 al. 2 LIASI). L’art. 11 al. 1 LIASI précise que ces personnes doivent avoir leur domicile et leur résidence effective sur le territoire genevois (let. a), ne pas être en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) et répondre aux autres conditions de la loi (let. c).

Les prestations d'aide financière sont accordées aux personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 1 LIASI). L'art. 1 al. 1 RIASI prévoit que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure (let. a), de CHF 8'000.- pour un couple (let. b) et de CHF 2'000.- pour chaque enfant à charge (let. c). Le total de la fortune ne peut en aucun cas dépasser la somme de CHF 10'000.- pour l’ensemble du groupe familial (art. 1 al. 2 RIASI).

2.4 Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. Le bénéficiaire doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI).

La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement (ATA/768/2015 du 28 juillet 2015 consid. 7a ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/864/2014 du 4 novembre 2014).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » concrétise notamment l’obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il mette tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière.

2.5 L’art. 35 al. 1 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque le bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la LIASI (let. a), ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI (let. c) ou refuse de donner les informations requises, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (let. d).

2.6 La chambre de céans a déjà considéré à plusieurs reprises qu'il n'appartenait pas à l'État et indirectement à la collectivité, de désintéresser d'éventuels créanciers. En effet, tel n'est pas le but de la loi, qui poursuit celui de soutenir les personnes rencontrant des difficultés financières, en les aidant à se réinsérer socialement et professionnellement, étant rappelé que l'aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource. Il n'est ainsi pas acceptable d'être au bénéfice d'une aide sociale ordinaire et d'utiliser sa fortune personnelle et récemment acquise pour désintéresser ses créanciers (ATA/1001/2022 du 4 octobre 2022 consid. 5 ; ATA/815/2021 du 10 août 2021 consid. 5e ; ATA/26/2021 du 12 janvier 2021 consid. 4f ; ATA/479/2018 du 15 mai 2018 consid. 6 et les références citées).

2.7 Selon la jurisprudence, la suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit au surplus être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 ; ATA/1271/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6c ; ATA/357/2017 du 23 mars 2017).

Le bénéficiaire des prestations d'assistance est tenu de se conformer au principe de la bonne foi dans ses relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps (ATA/1237/2018 précité consid. 2e ; ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 15b).

2.8 En l'espèce, il ressort du dossier que la recourante a omis de déclarer les trois comptes bancaires mentionnés dans le rapport d’enquête dont elle était titulaire, soit un compte épargne jeunesse UBS n° 1______, dont le solde s’élevait à CHF 5'825.80 en date du 30 septembre 2022, un compte d’épargne BCGE n° 2______, dont le solde s’élevait à CHF 38'844.45 au 21 octobre 2022 et un compte privé POSTFINANCE n° 3______, dont le solde s’élevait à CHF 50'570.32 au 31 octobre 2022.

La recourante détenait ainsi plus de CHF 90'000.- en octobre 2022, de sorte que sa fortune dépassait largement les seuils prévus à l’art. 1 al. 1 RIASI à partir duquel l’aide financière ne peut plus être accordée.

Dans ses écritures, la recourante fait valoir que l’argent déposé sur ces comptes ne lui appartenait pas. Il n’est cependant pas contesté qu’elle en était titulaire. Or, ainsi que l’a relevé l’intimé, dès lors qu’une somme est versée sur le compte d’un bénéficiaire, elle doit être considérée comme lui appartenant, n'étant ni individualisée, ni individualisable (ATA/405/2021 du 13 avril 2021 consid. 5). Le fait que ces comptes aient été par la suite clôturés n’est pas non plus pertinent. Conformément à la jurisprudence précitée, il n’appartient pas à l’État et indirectement à la collectivité, de désintéresser d’éventuels créanciers. En effet, tel n’est pas le but de la loi, qui poursuit celui de soutenir les personnes rencontrant des difficultés financières, en les aidant à se réinsérer socialement et professionnellement, étant rappelé que l’aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource. Il n’est ainsi pas acceptable d’être au bénéfice d’une aide sociale ordinaire et d’utiliser sa fortune personnelle pour désintéresser ses créanciers (ATA/479/2018 du 15 mai 2018 consid. 6).

C’est partant à juste titre, qu’en application de l’art. 35 al. 1 let. a LIASI, l’hospice a mis fin à ses prestations d’aide financière.

S’ajoute à cela que la recourante ne s’est pas acquittée de son obligation de collaborer et a donné des indications incomplètes.

En effet, en signant les formulaires de demande de prestations et les documents « Mon engagement », la recourante a attesté de ce que les informations qu'elle avait fournies étaient exactes et complètes. Or, dans sa demande du 3 avril 2020, elle n'a déclaré que son compte bancaire auprès de l’UBS. Contrairement à ce qu’elle soutient dans son recours, elle n’a pas mentionné l’existence d’un compte POSTFINANCE détenu par son mari. Ce n’est que dans leur demande du 5 mai 2020 que les époux ont évoquée le compte postal, précisant que le mari en était titulaire. La recourante n’a toutefois jamais signalé l’existence des trois autres comptes dont elle était titulaire, soit le compte épargne jeunesse UBS, le compte d’épargne BCGE et le compte privé POSTFINANCE. Ce n’est qu’à réception du rapport d’enquête que l’intimé en a eu connaissance. La recourante ne conteste pas n’avoir jamais signalé l’existence de ces comptes. Elle fait toutefois valoir qu’elle n’avait pas à le faire puisque l’argent s’y trouvant ne lui appartenait pas. Or, contrairement à ce qu’elle prétend, son obligation consistait à informer l'hospice de tous ses éléments de fortune, en particulier de l'existence de tous ses comptes bancaires ou postaux. L'appréciation de la situation financière appartient à l'hospice ; il n'incombe pas au bénéficiaire de décider de la pertinence de ses éléments de fortune pour la détermination des prestations d'aide sociale. La recourante doit donc se voir reprocher d'avoir violé son devoir de renseigner en ne signalant pas qu'elle détenait d’autres comptes que celui ouvert auprès de l’UBS, seul compte déclaré dans sa demande de prestations du 3 avril 2020.

Il ressort par ailleurs de l'analyse des relevés de compte, en particulier du compte épargne jeunesse UBS n° 1______, que de nombreuses transactions intitulées « entrée salaire » ont été versées, pour un montant total de CHF 44'082.- de janvier à novembre 2022. Par ailleurs, selon l’extrait de compte individuel de la recourante, des cotisations AVS ont été enregistrées à son nom entre décembre 2020 et juillet 2021. Celle-ci, qui avait pourtant indiqué à l’intimé qu’elle ne percevait pas de revenus provenant d’une quelconque activité salariée ou indépendante, n’a jamais expliqué la provenance des revenus versés sur son compte, ni la nature de l’activité soumise à cotisations.

La suppression des prestations litigieuses se justifiait également sur la base des let. c et d de l’art. 35 al. 1 LIASI, ce qu’a retenu à juste titre l’intimé.

Enfin, dans une argumentation confuse, la recourante conteste les constats réalisés par l’inspecteur lors de la visite domiciliaire et fait valoir que les dépenses de luxe étaient des achats spontanés dus à son état de santé fragilisé. Ces griefs n’ont toutefois aucune incidence sur l’issue du litige, la décision litigieuse étant fondée, comme on l’a vu, sur les éléments de revenus et de fortune non déclarés par la recourante.

Au vu de ce qui précède, l’hospice a, à juste titre, mis fin à ses prestations d’aide financière au 31 décembre 2022. Le recours est donc mal fondé.

3.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la recourante succombant (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 février 2023 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 10 février 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Francesco LA SPADA, avocat de la recourante ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. DIKAMONA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :