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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1022/2023

ATA/663/2023 du 20.06.2023 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE;PRESTATION D'ASSISTANCE;AIDE FINANCIÈRE;BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS D'ASSISTANCE;DEVOIR DE COLLABORER;REMBOURSEMENT DE FRAIS(ASSISTANCE);RESTITUTION(EN GÉNÉRAL);DESSAISISSEMENT DE FORTUNE;MAXIME INQUISITOIRE;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : Cst.12; LIASI.1.al1; LIASI.2; LIASI.9; LIASI.11.al1; LIASI.21.al1; LIASI.23.al1; LRDU.6.letc; RIASI.1.al1.leta; LIASI.40; LIASI.32.al1; LIASI.33.al1; Cst.9; Cst.5.al3; LIASI.36
Résumé : Examen des conditions de la remise. La recourante, placée sous curatelle concomitamment à sa demande de prestation d’aide sociale financière, doit être considérée comme ayant été de bonne foi. Bien qu’elle n’ait pas mentionné ses comptes bancaires espagnols, son représentant légal l’a fait et l’hospice n’a pas fait usage de la maxime inquisitoire, alors qu’il était informé de son état de santé. Les créanciers n’ont pas à être désintéressés, directement ou indirectement par l’aide sociale. À défaut pour l’hospice d’avoir pris en considération, dans l’établissement de son décompte et de sa demande de remboursement, les éléments relatifs à la situation financière de la recourante, soit le montant des avoirs des comptes bancaires espagnols, le solde restant à la fin de la mesure de curatelle et le besoin de couvrir ses charges courantes, la cause doit lui être renvoyée pour nouvelle décision, notamment quant au montant sujet à restitution. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1022/2023-AIDSO ATA/663/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 juin 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. Du 1er mars 2017 au 30 septembre 2020, A______, née le ______ 1978 et mère d’un enfant né le ______ 2007, a été au bénéfice de prestations de l’aide sociale auprès de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) pour un montant total de CHF 142'083.60.

b.a. Dès le 7 février 2017, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci‑après : TPAE) l’a placée sous curatelle pour un mandat limité.

b.b. Selon attestation du 16 juin 2017, la docteure B______, psychiatre, a indiqué avoir vu A______ à trois reprises depuis le 20 mars 2017, trois autres consultations étant prévues à raison d’une fois par mois.

b.c. Par ordonnance du 26 juin 2018, le TPAE a placé A______ sous curatelle de gestion et de représentation, exercée par le service de protection de l’adulte (ci‑après : SPAD).

Estimant être apte à gérer seule sa situation administrative, l’intéressée a contesté cette décision, que la chambre de surveillance de la Cour de justice a confirmée.

b.d. Dès le 1er janvier 2020, elle a été mise au bénéfice d’une rente d’invalidité à 100 %, s’élevant à CHF 2'237.- par mois, puis à CHF 2'256.- à partir du 1er janvier 2021.

b.e. Par ordonnance du 11 mars 2022, le TPAE a prononcé la mainlevée de la curatelle de représentation et de gestion instituée en faveur de A______.

B. a. Le 16 mars 2017, A______ a déposé une demande de prestations d’aide sociale financière auprès de l’hospice.

Elle a alors signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » (ci-après : le document « Mon engagement »), lequel prévoit notamment qu’elle s’engageait à « donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de [sa] situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune » et d’ « informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de [ses] prestations d’aide financière, notamment de toute modification de [sa] situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger ».

Selon le formulaire de demande, elle avait indiqué disposer d’un compte bancaire auprès de la banque C______.

b. Le 31 octobre 2019, A______ a déposé une nouvelle demande de prestations d’aide sociale et financière, dans laquelle elle a notamment indiqué être titulaire de deux comptes bancaires en Suisse, dont un auprès de la D______.

c. Par courriel du 13 novembre 2020, le SPAD a informé l’hospice qu’à la suite d’un échange automatique d’informations avec l’Espagne, il avait été découvert que A______ y disposait de deux comptes bancaires auprès de la banque E______. Ceux-ci avaient été récemment clôturés et ses avoirs, de l’ordre de CHF 95'294.70 avaient été transférés sur son compte bancaire auprès de la D______. L’intéressée avait été informée qu’elle ne devait pas toucher cette somme jusqu’à nouvel avis.

d. Par décision du 30 août 2021, l’hospice a réclamé à A______ la restitution de la somme de CHF 147'088.60 au titre de prestations perçues indûment pour la période du 1er mars au 30 septembre 2020.

Si les montants se trouvant sur ses comptes bancaires E______ avaient été déclarés à l’ouverture de son dossier, elle n’aurait pas eu droit à l’aide sociale.

e. Le 28 septembre 2021, A______, représentée par le SPAD, a formé opposition contre la décision précitée, en concluant à son annulation et à la remise totale du remboursement du montant de CHF 147'088.60. Subsidiairement, elle sollicitait la remise partielle du remboursement de ce montant, à hauteur du solde restant des deux comptes bancaires E______.

Le décompte auquel renvoyait la décision querellée pour détailler le montant demandé en restitution de CHF 147'088.60 n’était pas annexé.

Elle était de bonne foi lorsqu’elle avait demandé l’aide sociale. L’argent placé sur les comptes E______ était destiné à l’entretien futur de son fils. Elle ne pensait pas devoir déclarer cet argent comme fortune. La restitution demandée la mettrait dans une situation difficile puisque les sommes versées par l’hospice étaient supérieures à celles qui figuraient sur les deux comptes bancaires E______.

f. Le 30 septembre 2021, l’hospice a transmis à A______ l’attestation d’aide financière et le détail du montant réclamé en restitution.

g. Par pli du 1er novembre 2021, l’intéressée a complété son opposition, en concluant à ce que la somme de CHF 142'083.60 soit retenue à titre de restitution.

Le décompte de prestations remis ne prenait pas en considération le versement de CHF 5'005.- versé à l’hospice à la suite de la décision du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) du 27 juillet 2021. Il convenait de le porter en déduction de sa dette.

Le SPC ne prenait pas en considération sa dette envers l’hospice. Les primes d’assurance-maladie n’étaient pas prises en compte dans les plans de calcul du SPC, alors que l’hospice demandait la restitution des subsides. Toutefois, le SPC retenait à titre de fortune les comptes bancaires E______. Ainsi, il n’octroyait pas de prestations rétroactives pour les prestations telles que les subsides, dont l’hospice demandait la restitution, puisqu’il ne tenait pas compte de ses charges totales et lui retenait une fortune sans lui appliquer la dette y afférente. Le SPC devait rendre de nouveaux plans de calcul qui permettraient un rétroactif des prestations complémentaires venant diminuer sa dette auprès de l’hospice.

Si elle devait restituer le montant réclamé, elle se retrouverait dans une situation financière très difficile puisque ses seuls éléments de fortune étaient un capital de prévoyance professionnelle destiné à sauvegarder ses intérêts financiers dès l’âge de la retraite et l’épargne de ses comptes bancaires E______ d’un montant de CHF 84'337.18. Elle devait payer, à titre de loyer, des frais d’hôtel de CHF 2'730.- par mois, auxquels s’ajoutaient ses différentes charges. Elle ne recevait qu’une rente AI de CHF 2'256.- et son assurance-maladie était prise en charge par le SPC. Ses « revenus » ne couvrant pas ses charges, elle devait utiliser son épargne à cette fin. Si une restitution entière ou partielle devait être faite, elle ne pourrait plus subvenir à ses besoins vitaux sans se mettre dans une situation de surendettement ou entamer son capital de prévoyance professionnelle. Elle souhaitait pouvoir retourner dans la vie active, trouver un logement pour son fils et elle, et commencer ses nouveaux projets de vie sur des fondations saines.

h. Par courrier du 25 avril 2022, le SPAD s’est enquis de la suite de la procédure.

Le TPAE avait prononcé la mainlevée de la curatelle instituée en faveur de A______. Les prestations complémentaires de cette dernière étaient suspendues dans l’attente de la décision de l’hospice. Elle devait payer certaines de ses factures avec le solde restant de sa fortune et souhaitait savoir si elle pouvait rembourser le montant de ses dettes auprès de l’office des poursuites (ci-après : OP) avec le solde restant du compte bancaire litigieux. Cela lui permettrait de repartir sur des bases saines et d’éviter une augmentation du montant de ses dettes. En cas de refus de la demande de remise, il demandait quelles étaient les modalités de remboursement de la dette et les arrangements possibles.

i. Par courrier du 19 mai 2022, l’hospice a demandé à A______ de lui remettre une copie des relevés portant sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020 des comptes bancaires E______, dans un délai au 17 juin 2022.

j. Le 27 mai 2022, A______ lui a répondu avoir demandé au SPAD lesdits documents. Ses comptes bancaires E______ étant clôturés et elle-même ayant alors été sous curatelle, le SPAD avait géré la somme récupérée sur le compte bancaire de la D______ ouvert par ses curateurs. Elle-même ne percevait que CHF 700.- par mois. Le SPAD avait utilisé la somme en question pour son entretien. Elle sollicitait une prolongation du délai pour remettre les documents demandés.

k. Le 31 mai 2022, l’hospice a prolongé le délai jusqu’au 30 juillet 2022.

l. Par courrier du 9 juin 2022, A______ a informé l’hospice que les seuls documents qu’elle avait pu obtenir du SPAD concernant ses comptes bancaires E______ étaient la « balance générale du compte SPAD au 31 décembre 2020 et l’attestation fiscale E______ 2020 ». Les dépenses effectuées par le SPAD étaient indiquées.

m. Par pli du 16 août 2022, l’hospice a constaté que A______ n’avait pas produit les documents demandés. Ceux-ci étant nécessaires à l’instruction de son dossier et en possession du SPAD, il les lui demanderait, sauf avis contraire de sa part au 10 septembre 2022, ce qu’il a fait le 22 septembre 2022. Il l’a relancé le 15 novembre 2022, courrier demeuré sans réponse de la part du SPAD.

n. Par décision du 10 mars 2023, l’hospice a rejeté l’opposition et refusé la demande de remise.

En ne déclarant pas détenir deux comptes bancaires en Espagne, la bénéficiaire avait violé son obligation de renseigner, qu’elle connaissait parfaitement, ainsi qu’en attestaient ses signatures en bas du document « Mon engagement ». Elle avait ainsi conduit l’hospice à lui verser des prestations d’aide sociale financière auxquelles elle ne pouvait prétendre puisqu’elle n’en remplissait pas les conditions. Ses explications quant à l’argent placé sur les comptes bancaires en Espagne ne pouvaient être retenues, dès lors qu’il n’appartenait notamment pas au bénéficiaire d’apprécier la pertinence des informations à communiquer à l’hospice. Le fait qu’elle ne disposait plus de sa fortune n’était pas de nature à remettre en cause ces considérations. Le demande de restitution était justifiée dans son principe.

En raison de son défaut de collaboration du fait de l’absence de remise des relevés de ses anciens comptes bancaires E______, l’hospice n’était pas en mesure d’établir la période à partir de laquelle sa fortune la plaçait en dehors des barèmes prévus. C’était donc à bon droit que la restitution de l’intégralité des prestations d’aide sociale versées pour la période allant du 1er mars 2017 au 30 septembre 2020 lui était demandée. Compte tenu des rétroactifs versés en sa faveur et encaissés par l’hospice, y compris celui de CHF 5'005.-, le montant des prestations d’aide sociale qui lui avaient été allouées s’élevait désormais à CHF 142'083.60.

La demande subsidiaire de remise était rejetée, sa bonne foi ne pouvant être admise.

Étaient joints l’attestation financière d’aide sociale et le décompte des prestations perçues pour la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2020.

C. a. Par acte du 20 mars 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant à son annulation.

Au bénéfice d’une rente AI en raison d’un « problème psychiatrique », elle avait été hospitalisée à l’hôpital F______ du 23 novembre 2018 au 11 avril 2019, avec un suivi thérapeutique qui se poursuivait encore. Sa curatelle avait été levée entièrement en avril 2022. Elle n’était donc pas en état au mois de mars 2017.

La somme de CHF 95'294.70 sur ses comptes bancaires E______ avait été transférée au SPAD. À la levée de sa curatelle, celui-ci lui avait transféré la somme de CHF 62'858.40 sur son compte bancaire, après avoir utilisé la différence manquante. Le 20 janvier 22023, elle avait acquitté ses dettes auprès de l’OP pour un montant total de CHF 11'662.-.

Bien que son état de santé se fût stabilisé, il lui était impossible, dans l’état actuel, de payer la somme réclamée. Sa seule ressource était sa rente AI et elle était encore suivie en psychothérapie.

Étaient notamment joints les documents suivants :

-          un relevé de son compte bancaire D______ au 4 mai 2022, indiquant un solde de CHF 62'858.40 ;

-          un contrat de bail depuis le 15 décembre 2021 pour un loyer mensuel de CHF 1'002.-.

b. L’hospice a conclu au rejet du recours.

Les difficultés d’ordre psychologique dont souffrait la recourante durant la période litigieuse ne pouvaient constituer un obstacle insurmontable à la compréhension de ses obligations envers l’aide sociale. Elle possédait sa capacité de discernement et, de manière générale, était apte à gérer les démarches administratives relatives à son suivi à l’hospice. Elle s’était également elle-même chargée de faire clôturer ses comptes bancaires E______ et de faire transférer son capital depuis l’étranger sur son compte bancaire auprès de la D______. Elle savait que l’hospice se fondait sur les relevés bancaires remis par ses soins et sur le montant de l’ensemble de sa fortune pour établir son droit aux prestations d’aide sociale financière, étant rappelé qu’elle avait signé le document « Mon engagement » et qu’elle était accompagnée dans ses diverses démarches par son assistant social, sa curatrice, puis par ses curateurs du SPAD. Malgré cela, pendant trois ans, elle n’avait rien dit de ses deux comptes bancaires en Espagne.

En application du principe de la subsidiarité, elle n’avait pas de droit à la sauvegarde de ses économies personnelles ou à la prise en charge de ses dettes et aurait dû consacrer ses capitaux à ses besoins essentiels, afin de ne pas solliciter l’aide sociale financière. Plusieurs occasions lui avaient été accordées pour produire les relevés de ses deux comptes bancaires E______, ce qu’elle n’avait pas fait, alors que les documents étaient ou pouvaient être en sa possession. En raison de son défaut de collaboration, l’hospice n’avait pas été en mesure d’établir la date à partir de laquelle sa fortune la plaçait en dehors des barèmes prévus.

Au vu de son omission de déclarer l’existence de son importante fortune sise en Espagne, lors de sa demande d’aide sociale financière et durant toute la période d’assistance, elle ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi. Pour ce seul motif déjà, elle ne pouvait prétendre à la remise de la somme demandée en remboursement.

c. La recourante a répliqué, en précisant qu’elle avait ouvert le compte bancaire auprès du G______sur demande de l’hospice afin de percevoir l’aide sociale. Celui-ci avait été clôturé par la première curatrice du SPAD pour ouvrir un compte bancaire auprès de la D______. Elle n’avait pas choisi d’être sous curatelle ; c’était le TPAE qui l’avait ordonné. Depuis le mois de juillet 2019, elle avait cessé son traitement médicamenteux. Son fils était sous curatelle du SPMi depuis le mois de novembre 2008. Il avait été placé en foyer d’octobre 2016 à mai 2021. Depuis cette date, il vivait avec son père qui en avait la garde. L’autorité parentale était conjointe. Elle avait récemment demandé l’assistance juridique pour faire une demande de garde partagée. Lorsqu’elle avait été expulsée de son appartement, ses parents avaient refusé de l’héberger. Ils voulaient obtenir la garde exclusive de son fils, ce qui leur avait été refusé. Depuis que celui-ci vivait chez son père, ils avaient cessé de le voir.

Elle était suivie en psychothérapie à raison d’une fois par mois et bénéficiait toujours d’une rente entière AI.

Étaient notamment joints les documents suivants :

- deux conventions d’objectifs pour les mesures de réinsertion conclues entre l’office AI, le prestataire et A______ pour la période du 22 août 2022 au 26 février 2023 pour un poste d’« assistante administration des ventes » ;

- une décision du SPC du 4 octobre 2022 concernant l’établissement de son droit rétroactif pour la période du 1er janvier au 31 octobre 2022 et de son droit futur à partir du 1er novembre 2022. Au titre d’épargne, était pris en considération un montant de CHF 97'331.55 pour la période du 1er janvier au 30 juin 2022 et de CHF 11'404.80 à partir du 1er juillet 2022 ;

- un acte de défaut de biens du 1er février 2023 ;

- un décompte de l’OP au 4 mai 2022, indiquant des actes de défauts de biens pour un montant total de CHF 17'562.10 et une poursuite en cours pour un montant de CHF 3'998.55.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 10 mars 2023 par laquelle l’hospice a confirmé la décision ordonnant à la recourante de rembourser la somme de CHF 142'083.60, correspondant au montant des prestations financières d’aide sociale remboursables allouées entre le 1er mars 2017 et le 30 septembre 2020, et refusant de lui accorder une remise.

3) 3.1 Aux termes de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Ce droit à des conditions minimales d’existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l’État. Il ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d’une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. L’art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 142 I 1 consid. 7.2.1 ; 136 I 254 consid. 4.2 ; 135 I 119 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; ATA/878/2016 du 18 octobre 2016 ; ATA/761/2016 du 6 septembre 2016).

3.2 En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

À teneur de son art. 1 al. 1, la LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel. Conformément à l'art. 9 al. 1 in initio LIASI, les prestations d'aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu.

3.3 Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI).

3.4 L’aide sociale est subsidiaire à toute autre source de revenu, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004 (LPart - RS 211.231), ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles (art. 9 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI).

La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/878/2016 précité). L’aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource, mais elle est aussi subsidiaire à tout revenu que le bénéficiaire pourrait acquérir par son insertion sociale ou professionnelle (MGC 2005-2006/I A p. 259 ; ATA/4/2015 du 6 janvier 2015).

3.5 Selon l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a) ; ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) ; répondent aux autres conditions de la loi (let. c), soit celles des art. 21 à 28 LIASI, ces conditions étant cumulatives.

Selon l’art. 21 al. 1 LIASI, ont droit aux prestations d’aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d’État. L’art. 23 al. 1 LIASI prévoit que sont prises en compte la fortune et les déductions sur la fortune prévues aux art. 6 et 7 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aides financière étant fixées par règlement du Conseil d’État (art. 23 al. 5 LIASI).

Le revenu déterminant le droit aux prestations sociales comprend notamment, au titre de la fortune prise en compte, l’argent comptant, les dépôts dans les banques, les soldes de comptes courants ou tous titres représentant la possession d’une somme d’argent (art. 6 let. c LRDU).

L’art. 1 al. 1 let. a RIASI prévoit que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure.

3.6 Selon l’art. 40 LIASI, intitulé « dessaisissement et gains extraordinaires », si des prestations d'aide financière prévues par la présente loi ont été accordées alors que le bénéficiaire s'est dessaisi de ses ressources ou de parts de fortunes, les prestations d'aide financière sont remboursables (al. 1). Il en est de même lorsque le bénéficiaire est entré en possession d'une fortune importante, a reçu un don, réalisé un gain de loterie ou d'autres revenus extraordinaires ne provenant pas de son travail, ou encore lorsque l'équité l'exige pour d'autres raisons (al. 2). L'action en restitution se prescrit par 5 ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard 10 ans après la survenance du fait (al. 3).

Par ailleurs, la chambre de céans a déjà considéré à plusieurs reprises qu'il n'appartenait pas à l'État et indirectement à la collectivité, de désintéresser d'éventuels créanciers. En effet, tel n'est pas le but de la loi, qui poursuit celui de soutenir les personnes rencontrant des difficultés financières, en les aidant à se réinsérer socialement et professionnellement, étant rappelé que l'aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource. Il n'est ainsi pas acceptable d'être au bénéfice d'une aide sociale ordinaire et d'utiliser sa fortune personnelle et récemment acquise pour désintéresser ses créanciers (ATA/815/2021 précité consid. 5e ; ATA/26/2021 précité consid. 4f ; ATA/479/2018 du 15 mai 2018 consid. 6 et les références).

3.7 La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement (ATA/768/2015 du 28 juillet 2015 consid. 7a).

Le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a).

Le document intitulé « Mon engagement » concrétise notamment l'obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l’hospice toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, informe l’hospice immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière et de se soumettre en tout temps à une enquête de l’hospice sur sa situation personnelle et économique et en autorisant en tout temps un contrôle à domicile.

3.8 La maxime inquisitoire, applicable à la procédure en matière d’aide sociale, ne dispense pas le requérant de l’obligation d’exposer les circonstances déterminantes pour fonder son droit. Son devoir de collaborer ne libère pas l’autorité compétente de son devoir d’établir les faits mais limite son obligation d’instruire, ce qui conduit à un déplacement partiel du fardeau de la preuve du côté des requérants d’aide sociale. Ceux-ci supportent le fardeau objectif de la preuve qu’ils sont en partie ou entièrement tributaires d’une telle aide en raison d’un manque de moyens propres. Le devoir de collaborer ne peut toutefois être soumis à des exigences trop grandes. C’est pourquoi on ne peut exiger des intéressés qu’ils fournissent des documents qu’ils n’ont pas ou qu’ils ne peuvent se procurer sans complication notable. La preuve exigible doit porter sur l’état de besoin. Dès lors, comme c’est le manque de moyens suffisants qui doit être démontré, l’intéressé doit pour ainsi dire prouver un fait négatif. La preuve appropriée consiste donc à démontrer un fait positif dont on peut déduire un fait négatif. Il appartient à l’autorité compétente en matière d’aide sociale d’établir, sur la base de faits positifs (comme la résiliation des rapports de travail, l’évolution de la fortune sur un compte d’épargne, l’état de santé, les obligations familiales), s’il existe un état de nécessité. De son côté, le requérant est tenu de collaborer en ce sens qu’il donne les informations nécessaires et verse les documents requis au dossier. Comme il est naturellement plus aisé de prouver l’avoir que l’absence d’avoir, il y a lieu de poser une limite raisonnable à l’obligation légale d’apporter la preuve, ainsi qu’à l’exigence relative à la présentation d’un dossier complet (arrêts du Tribunal fédéral 8C_702/2015 du 15 juin 2016 consid. 6.2.1 ; 8C_50/2015 du 17 juin 2015 consid. 3.2.1).

3.9 Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1 ; ATA/393/2018 du 24 avril 2018 consid. 6b). Ne peut prétendre à être traité conformément aux règles de la bonne foi que celui qui n'a pas lui-même violé ce principe de manière significative. On ne saurait ainsi admettre, dans le cas d'espèce, de se prévaloir de son propre comportement déloyal et contradictoire (arrêt du Tribunal fédéral 2A.52/2003 du 23 janvier 2004 consid. 5.2, traduit in RDAF 2005 II 109 ss, spéc. 120 ; ATA/112/2018 du 6 février 2018 consid. 4 ; ATA/1004/2015 du 29 septembre 2015 consid. 6d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 580).

Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1, in RDAF 2005 I 71 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 569 s.). Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit (ATA/252/2018 du 20 mars 2018 consid. 8f ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 569). La protection de la bonne foi ne s'applique pas si l'intéressé connaissait l'inexactitude de l'indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1).

3.10 Selon l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3c et les références citées).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d).

Le bénéficiaire de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). Les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l'assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

3.11 Dans son arrêt ATA/357/2017 du 28 mars 2017 (consid. 8), la chambre de céans a retenu que dans le cas soumis, il appartenait, à titre exceptionnel, à l’hospice d’interpeller, ou de faire interpeller, par l’intermédiaire d’un mandataire, les autorités étrangères compétentes afin d’établir les éventuels droits de propriété de la personne concernée sur les biens immobiliers ayant appartenu à ses parents. En effet, il ne s’agissait clairement pas en l’occurrence, d’une dissimulation volontaire de biens immobiliers justifiant la suppression de prestations sociales, comme cela avait considéré dans d’autres cas. Dans le cas d’espèce, la personne concernée avait fait le maximum de ce que l’on pouvait attendre d’elle, notamment compte tenu de son état de santé et sa toxicodépendance.

Précédemment, dans son arrêt ATA/843/2014 du 28 octobre 2014 (consid. 6), la chambre administrative avait déjà pris en considération la situation du recourant, placé sous curatelle en matière de gestion du patrimoine, d’administration des affaires courantes et dans les rapports juridiques avec les tiers dans les limites du mandat comprenant la procédure de divorce à laquelle il participait. Si ce placement était postérieur à la décision litigieuse, il fallait admettre que le recourant souffrait déjà de difficultés administratives nécessitant d’être soutenu par une tierce personne au moment où l’hospice avait tenté, sans y parvenir, d’obtenir tous les renseignements nécessaires pour établir la situation réelle de l’intéressé et notamment le montant de la fortune.

3.12 En l’espèce, la recourante demande principalement la remise de la somme de CHF 142'083.60 en sa faveur. Il s’agit donc d’examiner si les conditions cumulatives de celle-ci, à savoir la bonne foi et la condition financière difficile, sont remplies.

Dans ses écritures sur opposition, la recourante a d’abord fait valoir que la somme placée sur les comptes bancaires E______ était destinée à l’entretien futur de son fils. Puis, dans son acte de recours, elle s’est prévalue de son état de santé pour justifier de son incapacité à apprécier la nécessité de fournir les renseignements relatifs auxdits comptes.

In casu, dès le 7 février 2017, le TPAE a placé la recourante sous curatelle pour un mandat limité, avant de confirmer et d’étendre cette mesure le 26 juin 2018. En dépit des revendications de l’intéressée à pouvoir gérer seule sa situation administrative, la chambre de surveillance a confirmé son maintien sous curatelle. En parallèle, depuis le 20 mars 2017, le recourante a consulté un médecin psychiatre, de sorte que son état a justifié l’octroi d’une rente AI entière à compter du 1er janvier 2020.

Les éléments précités montrent que lors du dépôt de sa demande de prestations d’aide sociale financière auprès de l’hospice le 16 mars 2017, la capacité de gestion de la recourante de sa situation administrative et financière se trouvait déjà altérée.

Alors que l’intimé n’était pas sans ignorer cette situation, il n’a entrepris aucune démarche pour s’assurer de disposer de l’ensemble des éléments relatifs à la situation financière de la recourante. Au contraire, c’est bien le SPAD, soit le représentant légal de l’intéressée, qui l’a informé le 13 novembre 2020 de l’existence des deux comptes bancaires E______ en Espagne.

L’hospice se prévaut notamment du fait que, bien qu’il ait requis de la recourante, par courrier du 19 mai 2022, une copie des relevés bancaires portant sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020, celle-ci n’y aurait pas donné suite. Il lui reproche ainsi son défaut de collaboration. Toutefois, l’intimé ne prend pas en considération le fait que les comptes bancaires E______ ont été clôturés à la demande du SPAD durant la période où la recourante était placée sous curatelle. Ce n’est en effet que depuis le 11 mai 2022 que celle-ci peut à nouveau gérer elle‑même sa situation administrative et financière. En sollicitant auprès de la recourante, seulement huit jours après la levée de sa curatelle, des documents en lien avec des comptes bancaires E______ dont le SPAD avait géré l’avoir transféré, l’hospice ne pouvait ignorer que la recourante n’était pas en mesure de lui fournir les documents requis. Il l’a d’ailleurs confirmé dans son courrier du 16 août 2022, en soulignant que ceux-ci étaient en possession du SPAD. Le fait que ce dernier ait laissé dite demande sans réponse ne saurait être reproché à la recourante.

Au vu de ce qui précède, il s’ensuit que la recourante, en état d’incapacité de gérer la situation administrative lors du dépôt de sa première demande d’aide sociale financière, doit être considérée comme étant de bonne foi.

3.13 En ces circonstances, il convient d’examiner la seconde condition cumulative, soit celle de la condition financière difficile, pour déterminer si la remise de la somme de CHF 142'083.60 peut lui être accordée.

Selon les informations transmises par le SPAD le 13 novembre 2020, non contredites, les avoirs de la recourante sur ses comptes bancaires E______ s’élevaient à CHF 95'294.70 au moment de leur clôture. Dite somme a été transférée sur son compte bancaire D______ ouvert à la demande du SPAD et géré par celui-ci.

D’après les documents joints au courrier de la recourante du 9 juin 2022 à l’hospice, à savoir la balance générale du SPAD pour son compte bancaire au 31 décembre 2020, ainsi que l’extrait du compte bancaire D______ du 18 mars 2023, le SPAD a effectué un versement de CHF 62'858.40 le 4 mai 2022. Par conséquent, à la suite de la levée de sa curatelle, la recourante disposait d’un solde de CHF 62'858.40 sur le montant initial de CHF 95'294.70. Le SPAD a justifié la différence par le paiement des charges courantes de l’intéressée, sa rente AI n’étant pas suffisante à cette fin.

Cela étant dit, de jurisprudence constante, les créanciers n’ont pas à être désintéressés, directement ou indirectement par l’aide sociale. Par conséquent, la recourante ne saurait faire valoir que cette fortune lui a servi à rembourser ses dettes, d’autant plus qu’elle invoquait simultanément la nécessité de l’utilisée pour faire face à son entretien courant.

Il n’en demeure pas moins que, selon les décomptes joints à la décision litigieuse, la demande de remboursement concerne la totalité des prestations d’aide sociale financière versées entre le 1er mars 2017 et le 30 septembre 2020, sans tenir compte de l’état de santé de la recourante durant cette période, ni du montant réel annoncé le 13 novembre 2020, soit CHF 95'294.70 et du solde y relatif de CHF 62'858.40 au 4 mai 2022.

Il résulte de ce qui précède que, dans l’établissement de son décompte et de sa demande de remboursement, l’hospice n’a pas pris en considération les éléments précités, relatifs à la situation financière de la recourante, à savoir le montant des avoirs des comptes bancaires E______, le solde restant à la fin de sa mesure de curatelle et le besoin de couvrir ses charges courantes.

Dans ce contexte, il apparaît que le montant de CHF 142'083.60 réclamé en remboursement à la recourante doit être rectifié, pour qu’une remise, à tout le moins partielle, lui soit accordée.

Le recours sera ainsi partiellement admis et la décision querellée annulée. La cause sera renvoyée à l’hospice pour nouvelle décision au sens de considérants, s’agissant en particulier du montant sujet à restitution.

4) Vu la gratuité de la procédure, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante, qui plaide en personne (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 mars 2023 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 10 mars 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de l’Hospice général du 10 mars 2023 et lui renvoie la cause pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :