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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2825/2022

ATA/421/2023 du 25.04.2023 ( FPUBL ) , SANS OBJET

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT ACTUEL;DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE;FRAIS DE LA PROCÉDURE;DÉPENS
Normes : LPA.60.al1.letb; LPA.87.al1; LPA.87.al3; RFPA.1; RFPA.2; LPA.86.al1; LPA.87.al2; RFPA.6
Résumé : Recours devenu sans objet. Dans la mesure où l’issue de la procédure était prévisible dès son introduction compte tenu d’une libération temporaire de l’obligation de travailler, le recourant, assisté d’un avocat, devait avoir connaissance des faibles chances de succès de son recours. Ce d’autant plus que celui-ci, dirigé contre une décision incidente, aurait été déclaré irrecevable, faute de préjudice irréparable. En ces circonstances, il revient au recourant de supporter les frais de la procédure, sans se voir allouer d’indemnité de procédure.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2825/2022-FPUBL ATA/421/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 avril 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1962, a été engagé le 1er février 1987 en qualité de maître suppléant d’enseignement général ou technique dans l’enseignement secondaire. Fonctionnaire dès le 1er septembre 1995, il a été nommé comme doyen le 1er septembre 2008, puis à la direction générale de l’office
médico-pédagogique le 1er février 2011. Le 4 juillet 2016, il a été promu en qualité de directeur d’établissement secondaire I au collège B______
(ci-après : le collège), auprès de la direction générale de l’enseignement obligatoire
(ci-après : DGEO).

2) Selon l’entretien d’évaluation et de développement du manager (ci-après : EEDM) du 8 février 2018, portant sur la période du 1er septembre 2016 au 31 janvier 2018, les objectifs étaient atteints, les compétences maîtrisées et le bilan général positif. Sa promotion était confirmée.

3) Les 21, 26 mars et 6 avril 2021, Monsieur C______, doyen démissionnaire, Madame D______, doyenne entre 2016 à 2019, et Madame E______, ancienne conseillère sociale du CO à la retraite, ont demandé un entretien à Madame F______, directrice de ressources humaines (ci-après : RH) de la DGEO, lequel a eu lieu les respectivement 12, 14 et 15 avril 2021.

Tous dénonçaient un climat de pression et de dénigrements, comprenant des propos à caractère sexiste ou sexuel, émanant de M. A______, alcoolisé à certaines occasions ou pendant la journée. Le binôme qu’il formait avec Madame G______, doyenne, était également problématique.

4) Par courrier du 28 avril 2021, le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département ou DIP) a convoqué M. A______ à un entretien de service dans le but de l’entendre au sujet d’une situation délétère au sein du conseil de direction du CO, en lien avec des propos et attitudes inadéquats de sa part, des dénigrements et des pressions qu’il aurait exercées, en sus d’une problématique d’alcool, relevés par plusieurs membres du CO.

S’ils étaient avérés, ces faits étaient susceptibles de conduire à une résiliation des rapports de service et une saisine du groupe de confiance et du service de santé était envisageable, ainsi qu’une libération de l’obligation de travailler.

Étaient joints les résumés des entretiens précités.

5) Le 12 mai 2021, la DGEO a transmis à M. A______ une copie complète de son dossier.

6) Par courrier du 9 juin 2021, la secrétaire générale du département a convoqué M. A______ à un entretien de service prévu le 30 juin 2021.

Celui-ci a été reporté à plusieurs reprises à la demande de l’intéressé, qui a notamment demandé la récusation du directeur de la DGEO.

7) Lors de l’entretien de service du 30 juin 2021, M. A______ a contesté les faits reprochés.

8) Dans ses déterminations consécutives du 2 août 2021, M. A______ a décidé de saisir le groupe de confiance.

9) Par courrier du 16 septembre 2021, la conseillère d’État en charge du DIP a sollicité du groupe de confiance l’ouverture d’une investigation, aux fins de déterminer s’il y avait eu atteinte à la personnalité, voire harcèlement de l’un ou l’autre des membres du personnel du CO qui avaient été entendus préalablement.

10) À la suite de l’ouverture de la procédure d’investigation le 30 septembre 2021, M. A______ a derechef contesté toutes les accusations formulées à son encontre le 25 octobre 2021, en sollicitant l’extension de l’investigation à M. C______, Mmes D______ et E______.

11) a. Le 27 octobre 2021, le groupe de confiance l’a informé de la possibilité de déposer personnellement une demande d’ouverture d’investigation et de pouvoir ainsi bénéficier des droits et obligations liés au statut de partie à la procédure.

b. Le 29 octobre 2021, il lui a rappelé que sa demande d’investigation n’était pas conforme aux dispositions réglementaires applicables, en l’invitant à la compléter.

12) Le 10 novembre 2021, M. C______ a déposé une demande d’ouverture d’investigation, complétée le 19 novembre 2021, à l’encontre de M. A______ et de Mme G______.

13) Le 1er décembre 2021, le groupe de confiance a ouvert une nouvelle procédure à l’encontre de M. A______, qu’il a jointe à la précédente. Il en a informé le département et l’intéressé qui a pu se déterminer à cet égard. Ce dernier a conclu au rejet de la demande d’investigation de M. C______, « formulée à son encontre à des fins stratégiques ».

14) Entre les 21 octobre et 22 décembre 2021, le groupe de confiance a instruit le dossier, procédé à l’audition de MM. A______ et C______, ainsi que celle de seize témoins.

15) Le 23 décembre 2021, M. A______ a répondu à la demande d’ouverture d’investigation de M. C______, en contestant les faits reprochés.

16) Après avoir permis aux parties de solliciter des mesures d’instruction complémentaires et auditionné un témoin supplémentaire, le groupe de confiance a notifié, le 7 mars 2022, la clôture définitive de l’instruction à MM. A______ et C______, ainsi qu’au département, en leur fixant un dernier délai pour faire valoir leurs déterminations.

17) Les 17 mars et 8 avril 2022 respectivement, MM. C______ et A______ ont maintenu leurs positions et conclusions.

18) Le 9 mai 2022, le groupe de confiance a rendu son rapport, aux termes duquel il a constaté l’existence d’un harcèlement sexuel sous la forme d’un climat hostile imposé par M. A______ à l’encontre de M. C______.

Préalablement à son analyse, le groupe de confiance indiquait avoir intégré des faits anciens concernant notamment Mmes D______ et E______, lesquels étaient périmés et ne pouvaient ainsi être retenus comme des atteintes de M. A______ à leur encontre. Ces faits pouvaient toutefois être des indices d’un éventuel harcèlement psychologique ou d’un harcèlement sexuel plus récent.

19) À la suite de la transmission du rapport précité, par courrier de la conseillère d’État en charge du DIP du 20 mai 2022, M. A______ a persisté, le 7 juin 2022, dans ses conclusions et précédents développements, en demandant le classement de la procédure. Il contestait l’existence d’un harcèlement sexuel à l’endroit de M.  C______.

20) Par décision du 7 juillet 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, la conseillère d’État en charge du DIP a constaté l’existence d’un harcèlement sexuel sous la forme d’un climat de travail hostile imposé par M. A______ à l’encontre de M. C______, en faisant siens les motifs développés par le groupe de confiance. Elle invitait le Conseil d’État à examiner la question d’une éventuelle libération de son obligation de travailler, en réservant la suite de la procédure administrative intentée avant l’ouverture de la procédure d’investigation.

21) Par acte du 15 juillet 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant principalement à son annulation et au constat de l’inexistence de « harcèlement sexuel » de sa part (enregistré sous la cause n° A/2351/2022).

22) À la demande de M. A______, le département lui a encore transmis une copie complète de son dossier le 9 août 2022.

23) Par arrêté du 24 août 2022, le Conseil d’État a libéré M. A______ de son obligation de travailler. La conseillère d’État en charge du DIP était autorisée à la lever le moment venu.

Compte tenu du rapport du groupe de confiance du 9 mai 2022 et de la décision du département du 7 juillet 2022 constatant l’existence d’un harcèlement sexuel de type climat de travail hostile, de l’absence depuis le mois de mars 2021 de M. C______ pour ce motif, des déclarations de plusieurs collaborateurs quant au climat de travail (plaisanteries à caractère sexuel, proximité entre le directeur et une doyenne), des dénégations de M. A______ et l’absence de prise de conscience de sa part de la gravité des faits reprochés, ainsi que de l’obligation de l’État de veiller à la protection de la personnalité du personnel, il n’apparaissait pas souhaitable pour le bien-être des collaborateurs et de l’institution, de lui permettre de poursuivre son activité professionnelle de directeur au sein du CO.

Cette mesure était sans incidence sur son traitement. Il était néanmoins tenu de rester à la disposition de sa hiérarchie, tout en veillant à prendre son solde de vacances dues. À cet effet, il informerait sa hiérarchie de ses souhaits. Son droit aux vacances était compensé au fur et à mesure dès sa naissance.

24) Le 30 août 2022 a eu lieu le second entretien de service de M. A______, portant sur la sanction disciplinaire envisagée par le département, assortie d’un changement d’affectation, en lieu et place d’une résiliation, compte tenu de son ancienneté et de ses états de service. M. A______ s’y était opposé, évoquant la procédure en cours par-devant la chambre administrative.

25) Par acte du 5 septembre 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre l’arrêté précité, en concluant à son annulation. Préalablement, il sollicitait la production de l’intégralité du dossier de la part du Conseil d’État, la suspension de cette procédure jusqu’à droit jugé dans la cause A/2351/2022, ainsi que l’ouverture d’enquêtes, soit la comparution personnelle des parties et du plaignant, et l’audition de témoins. Il demandait également la restitution de l’effet suspensif au recours.

Il invoquait plusieurs violations de son droit d’être entendu et de l’art. 20 al. 2 du règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10). Sa demande d’ouverture d’investigation aurait dû être instruite en parallèle, sous peine de violer les principes de la bonne foi et de coordination. En outre, le Conseil d’État avait commis un excès et un abus du pouvoir d’appréciation, une appréciation arbitraire des preuves, une violation des art. 31 al. 1 et 29A de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ainsi que de l’art. 3 RPPers.

26) La demande de mesures superprovisionnelles a été rejetée le 12 septembre 2022.

27) Par courrier du 22 septembre 2022, la DGEO a informé les membres du personnel du CO et du cycle d’orientation des Colombières (ci-après : CO) de la nouvelle fonction de M. A______ en tant que directeur de ce dernier dès le 31 octobre 2022.

28) Le département, représentant le Conseil d’État, a conclu au rejet de la requête en restitution d’effet suspensif.

29) Par courriel du 11 octobre 2022, le recourant a informé le département qu’il était disposé à reprendre ses fonctions au sein d’un nouvel établissement dès le 31 octobre 2022. Il ne s’opposerait pas à cette mesure.

Le jour même, le département en a pris acte, en relevant que le délai prolongé pour transmettre ses observations à la suite de l’entretien de service du 30 août 2022 était échu.

30) Par décision du 12 octobre 2022, la conseillère d’État en charge du DIP a notifié à M. A______ la sanction disciplinaire prise à son encontre en raison des faits reprochés, soit une diminution de son traitement et une nouvelle affectation au sein du CO. La libération de l’obligation de travailler était levée dès réception.

31) Dans ses écritures responsives, le département a conclu au rejet du recours, sous réserve de sa recevabilité.

La question de l’intérêt actuel au recours pouvait se poser, dans la mesure où il était d’ores et déjà prévu que le recourant prenne la direction du CO dès le 31 octobre 2022, ce qui impliquait une levée de la libération de l’obligation de travailler, même si celle-ci n’avait pas encore été formellement prononcée.

Le département avait produit quatre fois l’intégralité du dossier du recourant. Au surplus, son droit d’être entendu avait été respecté.

Sur le fond, le recourant reprenait son argumentation figurant dans son recours dans la cause A/2351/2022, alors qu’il s’agissait d’un recours contre un arrêté du Conseil d’État le libérant de son obligation de travailler. Il avait correctement appliqué l’art. 20 al. 2 RPPers et le département en avait fait de même dans sa décision du 7 juillet 2022. Le grief lié au respect du principe de la bonne foi et de la coordination des procédures ne relevait pas de la compétence du département, mais de celle du groupe de confiance. La libération de l’obligation de travailler du recourant était propre et apte à permettre la protection de la personnalité des autres collaborateurs, puisqu’ils ne seraient plus confrontés au climat de travail hostile imposé par lui. Il s’agissait d’une mesure temporaire dans l’attente du changement d’affectation du recourant, associé à une sanction disciplinaire, propre à permettre le retour de la victime dans son environnement précédent tout en protégeant sa personnalité. Le recourant continuait de percevoir son traitement. Il était dans l’intérêt public de libérer le recourant de son obligation de travailler, jusqu’à ce qu’un changement d’affectation et une sanction disciplinaire fussent prononcés.

32) Le 18 novembre 2022, M. A______ a indiqué que l’intimé avait révoqué la libération de son obligation de travailler, de sorte que la cause était devenue sans objet et qu’il y avait lieu de la rayer du rôle. L’intimé ayant rendu une nouvelle décision qui allait matériellement dans le sens de ses conclusions, il obtenait ainsi gain de cause. Les frais devaient donc être laissés à la charge de l’État et une indemnité à titre de dépens devait lui être octroyée.

33) Le département a conclu au rejet de la conclusion du recourant en octroi de frais et indemnités et à ce que la cause soit rayée du rôle.

La levée de la libération de l’obligation de travailler n’avait aucun lien avec le dépôt du recours. Le recourant savait que celle-ci était provisoire, dans l’attente d’une décision quant à la sanction disciplinaire. La libération provisoire ne pouvait donc s’entendre que jusqu’au changement d’affectation futur. Le recourant aurait pu retirer son recours dès le 22 septembre 2022, notamment pour limiter les frais d’avocat, ce qu’il n’avait pas fait. Le Conseil d’État n’avait pas à couvrir les frais d’actes qui, au final, n’avaient pas eu d’utilité pour aboutir au résultat obtenu. C’était en réalité le Conseil d’État qui avait obtenu gain de cause.

34) Le recourant a persisté dans ses conclusions et précédents développements.

35) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

36) Par arrêt du 14 mars 2023 (ATA/242/2023), la chambre administrative a rejeté le recours de M. A______ du 15 juillet 2022, confirmant que c’était sans abus ni excès de son pouvoir d’appréciation et dans le respect de la législation que la conseillère d’État en charge du DIP avait retenu que le comportement du recourant à l’encontre de M. C______ était effectivement constitutif d’une atteinte à la personnalité, en raison de l’existence d’un harcèlement sexuel sous la forme d’un climat de travail hostile imposé au plaignant.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Initialement le présent litige portait sur la conformité au droit de l’arrêté du 24 août 2022, par lequel l’intimé a libéré le recourant de son obligation de travailler à compter de cette date. Vu la décision de la conseillère d’État en charge du DIP du 12 octobre 2022, se pose la question de la recevabilité du recours sous l’angle de l’art. 60 al. 1 let. b LPA, en sus de celle de la recevabilité du recours contre une décision incidente au sens de l’art. 57 let. c LPA.

b. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

c. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ; si l'intérêt s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; ATA/322/2016 du 19 avril 2016).

d. La condition de l’intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, par exemple, la décision ou la loi est révoquée ou annulée en cours d’instance (ATF 111 Ib 182 consid. 2 ; 110 Ia 140 consid. 2 ; 104 Ia 487 consid. 2 ; ATA/124/2005 du 8 mars 2005 consid. 2), la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4 ; 120 Ia 165 consid. 1a et les références citées ; ATA/328/2009 du 30 juin 2009 consid. 3), le recourant a payé sans émettre aucune réserve la somme d’argent fixée par la décision litigieuse (ATF 106 Ia 151 ; 99 V 78) ou encore, en cas de recours concernant une décision personnalissime, lorsque le décès du recourant survient pendant l’instance (ATF 113 Ia 351 consid. 1 ; Pierre MOOR, op.cit., p. 642 s., n. 5.6.2.3).

e. En l’occurrence par décision du 12 octobre 2022, la conseillère d’État en charge du département a notifié au recourant la sanction disciplinaire prise à son encontre en raison des faits reprochés et a levé la libération de son obligation de travailler, et les parties s’accordent dorénavant sur le fait que le recours concerné a perdu son objet.

Cet aspect est confirmé par le courriel du 11 octobre 2022 par lequel le recourant a informé le département qu’il était disposé à accepter le changement d’affectation en question à partir du 31 octobre 2022.

Ainsi, force est de constater que le recours visé est devenu sans objet. La cause sera rayée du rôle. Par conséquent, à ce stade, seules demeurent litigieuse les questions de la répartition des frais de cette procédure et de l’allocation d’une indemnité en faveur du recourant.

3) a. La chambre de céans statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/779/2022 du 9 août 2022 consid. 2a ; ATA/510/2016 du 14 juin 2016 consid. 2). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les décisions des tribunaux en matière de frais et dépens n'ont pas à être motivées, l'autorité restant néanmoins liée par le principe général de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 114 Ia 332 consid. 2b ; 111 Ia 1).

b. Selon l’art. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les frais de procédure qui peuvent être mis à la charge de la partie comprennent l’émolument d’arrêté au sens de l’art. 2 RFPA et les débours au sens de l’art. 3 RFPA. En règle générale, l’émolument d’arrêté n’excède pas CHF 10'000.- (art. 2 al. 1 RFPA) ; toutefois, dans les contestations de nature pécuniaire, l’émolument peut dépasser cette somme, sans excéder CHF 15'000.- (art. 2 al. 1 RFPA).

c. Un principe général de procédure administrative veut que les frais soient supportés par la partie qui succombe et dans la mesure où elle succombe (René RHINOW et al., Öffentliches Prozessrecht, 3ème éd., 2021, n. 971 ; Regina KIENER/Bernhard RÜTSCHE/Mathias KUHN, Öffentliches Prozessrecht, 3ème éd., 2021, n. 1673 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 642).

Il est de jurisprudence constante que la partie qui succombe doit supporter une partie des frais découlant du travail qu’elle a généré par sa saisine (ATA/182/2018 du 27 février 2018 consid. 2). Les frais de justice sont des contributions causales qui trouvent leur fondement dans la sollicitation d'une prestation étatique et, partant, dépendent des coûts occasionnés par le service rendu. Il est cependant notoire que, en matière judiciaire, les émoluments encaissés par les tribunaux n'arrivent pas, et de loin, à couvrir leurs dépenses effectives (ATF 143 I 227 consid. 4.3.1 ; 141 I 105 consid. 3.3.2 ; 133 V 402 consid. 3.1).

d. La chambre administrative dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à la quotité de l'émolument qu’elle met à charge de la partie qui succombe. Cela résulte notamment de l'art. 2 al. 1 RFPA dès lors que ce dernier se contente de plafonner – en principe – l'émolument d'arrêté à CHF 10'000.- (ATA/230/2022 du 1er mars 2022 consid. 2b ; ATA/1185/2018 du 6 novembre 2018 consid. 2b).

e. Selon l’art. 86 al. 1 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables.

f. En l’espèce, le recourant n’a pas retiré son recours, si bien qu’il n’y a pas lieu de renoncer à la perception d’un émolument.

Contrairement à ce que soutient le recourant, le recours est devenu sans objet en raison de la décision de la conseillère d’État en charge du DIP du 12 octobre 2022. Cela ne résultait pas de son fait, mais bien d’une issue prévisible depuis l’introduction de son recours, étant donné que l’arrêté du 24 août 2022 prévoyait que la libération de son obligation de travailler était temporaire.

Ceci est d’autant plus vrai que, dirigé contre une décision incidente sans preuve d’un dommage irréparable ni que son admission aurait pu conduire immédiatement à une décision finale qui aurait permis d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse, le recours aurait été déclaré irrecevable pour l’un de ces motifs déjà.

Bien que le recourant, assisté de son conseil, pût avoir connaissance des faibles chances de succès de son recours, à tout le moins dès le 22 septembre 2022, il l’a maintenu.

En ces circonstances, c’est bien le recourant qui est à l’origine de la présente procédure et n’y a pas mis un terme lorsqu’il l’aurait pu, alors qu’il devait savoir que la libération de son obligation de travailler serait levée.

Cette action n’a pas été sans générer un travail certain pour la chambre de céans, compte tenu des divers échanges d’écritures produits avant que les parties ne s’accordent sur le fait que le recours avait perdu son objet.

En conséquence, c’est bien au recourant qu’il reviendra de s’acquitter de l’émolument relatif à cette procédure induite par son recours contre l’arrêté ayant expressément vocation à être temporaire. La décision du 12 octobre 2022 ne résulte pas d’un revirement du département ou du Conseil d’État quant à sa situation, mais au contraire de la notification d’une sanction disciplinaire, confirmant ce qui avait été annoncé au recourant dès le courrier du 28 avril 2021.

4) a. La chambre administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA). L'art. 6 RFPA, intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

b. La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/1191/2022 du 29 novembre 2022 consid. 2b ; ATA/46/2022 du 18 janvier 2022 consid. 1 ; ATA/1042/2021 du 5 octobre 2021 ; ATA/1484/2017 du 14 novembre 2017), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA, dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-.

c. En l’espèce, compte tenu des considérants précédents et du fait que la procédure s’est éteinte par la notification de la décision du 12 octobre 2022 résultant de la poursuite de la procédure disciplinaire ouverte à l’encontre du recourant et tel qu’annoncé dès son ouverture, il ne peut être retenu que celui-ci a obtenu gain de cause. Ainsi, il n’a en réalité été fait droit à aucune des conclusions du recourant, de sorte qu’aucune indemnité de procédure ne saurait lui être allouée.

Il en ira de même de l’autorité intimée qui dispose de son propre service juridique.

5) Il résulte de ce qui précède que la requête de restitution de l’effet suspensif est également devenue sans objet.

6) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 [LTF - RS 173.110]).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

dit que le recours interjeté le 5 septembre 2022 par Monsieur A______ contre l’arrêté du Conseil d'État du 24 août 2022 est devenu sans objet ;

raye la cause du rôle ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :