Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1217/2015

ATA/322/2016 du 19.04.2016 ( AMENAG ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ ; QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR ; INTÉRÊT ACTUEL
Normes : LPA.60.al1.letb
Parties : TAVELLI TOLERIE INDUSTRIELLE SA / CONSEIL D'ETAT, LA VILLE DE GENEVE
Résumé : Irrecevabilité, pour absence d'intérêt pratique et actuel, du recours d'un locataire de bâtiments inclus dans le périmètre d'une modification de limites de zones et d'un plan localisé de quartier, la résiliation du bail ayant déjà déployé ses effets.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1217/2015-AMENAG ATA/322/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 avril 2016

 

dans la cause

 

TAVELLI, TÔLERIE INDUSTRIELLE SA, en liquidation
représentée par Me Bénédict Fontanet, avocat

contre

CONSEIL D'éTAT

et

VILLE DE GENèVE, appelée en cause

 



EN FAIT

1) Les parcelles nos 2'165 et 5'478, de la commune de Genève, section
Petit-Saconnex, sont situées rue Chandieu, avenue Giuseppe-Motta et rue du Grand-Pré et propriétés de la Ville de Genève (ci-après : la ville). Depuis le
23 janvier 1997, ces parcelles sont sises en zone de développement 3, affectée à de l’équipement public.

2) Tavelli tôlerie industrielle SA (ci-après : Tavelli) louait à la ville la totalité de la parcelle no 5'478, y compris trois bâtiments selon un contrat de bail à loyer conclu le 15 octobre 1973.

3) Le 20 avril 2011, la ville a résilié le bail pour le 31 décembre 2012. Tavelli a contesté la résiliation auprès du Tribunal des baux et loyers.

4) Le 19 mars 2013, la ville s’est vu délivrer une autorisation définitive de construire une école, une crèche, une piscine et des espaces publics, notamment sur la parcelle no 5'478. La construction de l’école impliquait la démolition des bâtiments occupés par Tavelli.

5) Le 11 décembre 2013, sur demande du département de l’urbanisme devenu depuis lors le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie
(ci-après : le département) et sur proposition du Conseil administratif, le Conseil municipal de la ville a approuvé le projet de modification des limites de zone
(MZ 29’900-215) situé à l’angle de la rue Chandieu et de l’avenue
Giuseppe-Motta portant sur un périmètre de 961 m2 des parcelles nos 2'165 et 5'478.

L’implantation de l’école et des différents bâtiments d’équipement public ayant été définie, le reliquat de zone n’était plus nécessaire à ces projets et la construction de logements était prévue sur ce périmètre.

6) Parallèlement à cette procédure, la ville a établi un projet de plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) n° 29’731-215 le 31 mars 2009, modifié les 17 décembre 2012, 8 mars et 6 juin 2013.

Le projet prévoyait la modification d’un PLQ existant pour permettre la réalisation de 10'700 m2 de surfaces brutes de plancher, dont 1'530 m2 correspondaient à deux immeubles déjà existants qui seraient maintenus, 1'970 m2 destinés aux commerces et activités et 7'200 m2 aux logements.

7) Le projet de modification de limites de zone et celui du PLQ ont été soumis à enquête publique du 19 juillet au 14 septembre 2013.

8) Le 25 mars 2014, le conseil municipal de la ville a préavisé favorablement le projet de modification de zone ainsi que le projet de PLQ.

9) Les procédures d’oppositions ont été ouvertes du 1er juillet au 1er septembre 2014.

10) Tavelli s’est opposée par deux courriers du 1er septembre 2014 adressés au Conseil d’État au projet de PLQ n° 29’731-215 et au projet de modification de limites de zone MZ n° 29’900-215.

11) Par arrêtés du 25 février 2015, publiés dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) dans son édition du 27 février 2015, le Conseil d’état a approuvé la modification des limites de zone
n° 29’900-215 et le PLQ n°29’900-215. Les arrêtés étaient déclarés exécutoires nonobstant recours.

Par arrêtés du même jour, le Conseil d’état a rejeté les oppositions de Tavelli.

12) a. Par envoi mis à la poste le 13 avril 2015, Tavelli a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l’arrêté approuvant le PLQ.

En tant que locataire, elle avait qualité pour recourir. La démolition des bâtiments signifierait la cessation brutale des activités engendrant le licenciement de l’entier des dix-huit collaborateurs. L’autorité avait effectué une mauvaise pesée des intérêts en prévoyant la démolition des bâtiments dont elle était locataire et en prévoyant de conserver d’autres bâtiments. Aucun rapport de conformité aux exigences découlant de la législation fédérale sur la protection de l’environnement n’avait été établi. Le PLQ litigieux modifiait un PLQ en vigueur depuis le 1er mars 2006 seulement. Les circonstances n’étaient pas modifiées au point de justifier l’abrogation du PLQ en vigueur.

Le recours a été enregistré sous numéro de cause A/1217/2015.

b. Le même jour, Tavelli a également recouru contre l’arrêté approuvant la modification des limites de zone n° 29’900-215 en concluant à la restitution de l’effet suspensif et à l’annulation de l’arrêté et de la loi modifiant les limites de zones. Le recours a été enregistré par la chambre de céans sous numéro de cause A/1219/2015.

13) Le 16 avril 2015, le juge délégué a appelé en cause la ville.

14) Le 27 avril 2015, le Conseil d’État, soit pour lui le département, s’est déterminé contre la restitution de l’effet suspensif au recours.

15) Le 27 avril 2015, la ville, appelée en cause, s’est également déterminée contre la restitution de l’effet suspensif au recours.

16) Par décision du 21 mai 2015, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours.

17) Le 8 juin 2015, le Conseil d’État a répondu au recours en concluant à son rejet.

18) Le 18 mai 2015, la ville a déposé ses observations. Tavelli n’avait plus qualité pour recourir, le Tribunal des baux et loyers ayant confirmé la résiliation du bail prolongé au 31 mars 2016, par jugement du 24 avril 2015 (JTBL/506/2015).

Les griefs étaient pour le surplus infondés.

19) Invitée à répliquer, Tavelli a renoncé à déposer des observations et la cause a été gardée à juger.

20) Le 25 novembre 2015, Tavelli est entrée en liquidation.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, et après avoir épuisé la procédure d’opposition (art. 35 al. 1 et 4 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30), le recours est à cet égard recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l’art. 60 al. 1 let. b LPA, a qualité pour recourir toute personne touchée directement par une décision et qui a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée.

b. L'intérêt digne de protection implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, répondant ainsi à l’exigence d’être particulièrement atteint par la décision. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_56/2015 consid. 3.1 ; 1C_152/2012 consid. 2.1 ; ATA/902/2015 du
1er septembre 2015 ; François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Le contentieux administratif, 2013, pp. 115-116).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23
consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_892/2011 du 17 mars 2012
consid. 1.2 ; 1B_201/2010 du 1er juillet 2010 consid. 2 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 449 n. 1367). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ;
136 II 101 consid. 1.1).

d. En matière de construction, la qualité pour recourir est en principe donnée lorsque le recours émane du propriétaire ou du locataire d’un terrain directement voisin de la construction ou de l’installation litigieuse (ATA/557/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/577/2014 du 29 juillet 2014). En matière de PLQ, la qualité pour recourir est reconnue pour le locataire d’un bâtiment sis dans le périmètre visé (ATA/532/2012 du 21 août 2012).

Toutefois, s’agissant d’un recourant, tiers locataire, il convient d’apprécier l’enjeu de la procédure pour le recourant concerné en fonction de sa situation concrète, soit d’apprécier la gravité de l’atteinte apportée par le projet à ses intérêts (RDAF 2001 I 344 p. 348). Le Tribunal fédéral a jugé que s’il existait un moyen de droit privé, même moins commode, à disposition de l’intéressé pour écarter le préjudice dont il se plaint, la qualité pour agir fondée sur l’intérêt digne de protection devait lui être niée (ATF 101 1b 212 ; 100 Ib 119 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.70/2005 du 22 avril 2005). Les intérêts du locataire dans ses rapports avec le bailleur sont plus spécifiquement protégés par les dispositions spéciales du droit du bail complétées, le cas échéant, par certaines règles de droit public cantonal (ATF 131 II 649 consid 3.4).

e. La chambre de céans a déjà jugé de façon constante qu’en matière de qualité pour recourir des locataires, lorsque la décision litigieuse implique la démolition de locaux qui font l’objet d’un bail à loyer, le locataire ne peut plus se prévaloir d’un intérêt digne de protection à l’annulation de l’autorisation de démolition, dès lors qu’il a reçu son congé. En effet, quand bien même il conteste ce dernier, la procédure ouverte à ce sujet ne peut aboutir qu’à deux solutions alternatives : si la résiliation du bail est annulée, la démolition ne peut plus avoir lieu et le locataire perd son intérêt au recours ; si, au contraire, le congé est confirmé, le locataire, qui doit quitter les lieux, n’est plus concerné par le projet de démolition et n’a ainsi plus d’intérêt pratique à recourir (ATA/581/2014 du
29 juillet 2014 ; ATA/51/2013 du 29 janvier 2013 ; ATA/139/2006 du 14 mars 2006).

En l’espèce, la recourante était locataire des bâtiments sis dans le périmètre du PLQ. La question de sa qualité pour recourir lors du dépôt du recours peut rester ouverte puisque la résiliation de son bail a déployé ses effets à ce jour et qu’en conséquence, elle n’a de toute manière plus d’intérêt actuel au recours.

En l’absence de qualité pour recourir, le recours sera déclaré irrecevable.

3) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de Tavelli (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 13 avril 2015 par Tavelli, tôlerie industrielle SA, en liquidation contre l’arrêté du Conseil d’État du 25 février 2015 approuvant le plan localisé de quartier 29’731-215 situé à l’angle de la rue Chandieu et de l’avenue Giuseppe-Motta, sur le territoire de Ville de Genève, section Petit-Saconnex ;

met à la charge de Tavelli, tôlerie industrielle SA, en liquidation un émolument de
CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bénédict Fontanet, avocat de la recourante, au Conseil d'État, à la Ville de Genève, ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :