Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3046/2022

ATA/39/2023 du 17.01.2023 ( PRISON ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3046/2022-PRISON ATA/39/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Toni Kerelezov, avocat

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon du 29 janvier au 20 mai 2021 et du 23 août 2021 au 22 janvier 2022. Il a alors fait l’objet de respectivement seize et quinze sanctions disciplinaires.

2) Depuis le 4 mars 2022, il séjourne à nouveau dans cette prison, en exécution de peine.

Entre le 18 mars et le 2 août 2022, il a été sanctionné huit fois, pour injures et/ou menaces envers le personnel, trouble à l’ordre de l’établissement, refus d’obtempérer, voire possession d’un objet prohibé. Tous ces faits ont été sanctionnés de cellule forte, la durée variant de trois à dix jours.

3) En raison de la réitération régulière d’infractions aux dispositions réglementaires, M. A______ a été placé en régime de sécurité renforcée du 20 mai au 20 août 2022.

4) Selon le rapport d’incident du 16 août 2022, M. A______ avait averti, par interphone, un gardien que sa télévision était cassée. Lors du passage d’un gardien le même jour à 21h11 à la cellule, celui-ci avait constaté en regardant par le portillon que le son de la télévision fonctionnait, mais pas l’image. Avisé de la situation, le gardien-chef adjoint avait indiqué qu’il serait décidé d’une sanction ultérieurement.

Selon le rapport d’incident du 17 août 2022, le gardien-chef avait décidé, à 7h20, d’une sanction de mise en cellule forte, sans préciser la durée de celle-ci.

5) Le même jour, à 08h50, une décision de sanction de trois jours de cellule forte pour dégradation du mobilier et trouble à l’ordre public a été notifiée à M. A______. Elle était signée du directeur et du gardien chef adjoint. Sous « date et signature : A______ » figurait l’indication « refuse de signer ». La décision mentionnait que la mise en cellule forte avait eu lieu à 07h20 le même jour et que l’intéressé avait été entendu à 08h45.

La partie du rapport d’incident du 17 août 2022, établie après l’audition de M. A______ à 08h45, indique que celui-ci avait reconnu les faits et ri, en expliquant comment il avait cassé la télévision.

6) Par acte expédié le 16 septembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre cette sanction.

Il a exposé que la sanction ne lui avait pas été notifiée. Il n’avait pu que récemment s’entretenir avec son avocat, qui formulait donc un recours succinct et demandait à pouvoir le compléter. Il contestait avoir endommagé la télévision. Sa mise en cellule forte avait été effectuée par un agent de détention avant d’être signée par le directeur de la prison ; elle était donc nulle.

Il a conclu, préalablement, à ce que la décision non caviardée ainsi que les rapports y relatifs, les notes internes autorisant les agents de détention à placer un détenu en cellule forte avant qu’une décision soit prise par le directeur ainsi que celle autorisant la délégation prévue à l’art. 47 al. 7 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04) soient produits. La comparution personnelle des parties et tout acte d’instruction utile devaient être ordonnés.

Principalement, la décision querellée devait être déclarée nulle, subsidiairement annulée, et le caractère illicite de son placement en cellule forte devait être constaté.

7) Dans le délai imparti pour compléter son recours, M. A______ a relevé que depuis son incarcération, il faisait l’objet de comportements hostiles, vexatoires et désobligeants de la part des agents de détention. Ils recherchaient une réaction de sa part en vue de justifier ensuite un rapport d’incident. Il estimait être victime de mesures de représailles, depuis 2021, à la suite d’un incident lors duquel il avait blessé une agente de détention.

Les agents s’ingéraient de manière insupportable dans sa vie privée, en tentant d’obtenir des informations sur ses pratiques religieuses et sexuelles ainsi que sur ses visions politiques. Il refusait de répondre à ces questions, ce que les agents n’acceptaient pas. C’était en réaction à ce refus de répondre que les agents établissaient des rapports d’incident prétendant qu’il avait un comportement violant les règles de l’établissement.

Dans un premier temps, il n’avait pas contesté les sanctions, craignant que les agents « renchérissent avec le harcèlement qu’ils lui infligeaient ». Il avait d’ailleurs demandé un changement d’établissement pénitentiaire.

Lorsqu’il avait allumé la télévision le 16 août 2022, celle-ci ne fonctionnait pas ; l’image s’était figée et avait ensuite disparu. Il avait rallumé la télévision à trois reprises sans succès. Il avait alors essayé de la rallumer depuis sa base. En appuyant sur le bouton d’alimentation, la base de la télévision s’était fissurée. Il s’agissait d’une vieille télévision.

Il avait été placé en cellule forte le lendemain vers 07h00. Selon le rapport d’incident du 17 août 2022, ce placement avait été décidé par le gardien-chef adjoint la veille. La sanction ne lui avait été signifiée qu’oralement, sans explication. Il n’avait pas pu s’exprimer sur les faits. La sanction mentionnait également qu’il avait troublé l’ordre de l’établissement. Il n’avait pas admis les faits reprochés. La « fissure de l’écran » était la conséquence de la vétusté du matériel. La sanction était, en tout état, trop sévère.

Il a maintenu ses conclusions, concluant en sus à la production par la prison de l’ensemble des sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre de personnes détenues pour dégradation de mobilier et trouble à l’ordre de l’établissement.

8) La direction de la prison a conclu au rejet du recours.

La télévision avait été installée quelques mois seulement avant que le recourant la rende hors d’usage. Elle était d’une marque réputée pour sa qualité, et le personnel de la prison n’avait jamais eu de cas de rupture d’écrans à l’allumage de modèles identiques.

Il n’y avait pas lieu de donner suite aux actes d’instruction requis, qui n’étaient pas pertinents. En cas de demande de la chambre administrative, les rapports d’incident ayant donné lieu à la sanction querellée seraient transmis non caviardés à celle-ci. Il ressortait de ceux-ci que le recourant avait brisé le téléviseur et reconnu être à l’origine du dommage et s’en était amusé. Aucun élément ne justifiait de s’écarter de ces constats dûment documentés dans les rapports d’incident établis par des agents assermentés.

Pour le surplus, le droit d’être entendu du recourant avait été respecté et la sanction, qui respectait le principe de la proportionnalité, était fondée.

La direction a produit, notamment, un échange de courriel entre le directeur juridique de la prison et le gardien-chef opération. Il en ressort que M. A______ occupait seul la cellule au moment des faits, que la télévision avait été installée fin 2021/début 2022, que son prix à neuf en avril 2022 était de CHF 241.- et que le gardien-chef opération n’avait pas connaissance d’une rupture spontanée d’écrans du même modèle.

9) À la demande de la chambre administrative, la direction de la prison a en particulier produit les rapports d’incident concernant le recourant établis depuis le 16 août 2022 et la sanction querellée non caviardés.

Ces rapports ont été transmis au recourant, le caviardage des noms des agents étant maintenu. La décision querellée n’était pas caviardée.

10) Par courrier du 19 décembre 2022, le recourant a contesté le bien fondé du caviardage et requis la transmission des rapports non caviardés. Il avait déposé plainte pénale pour le traitement qu’il subissait. Sa plainte concernait, notamment, les sanctions des 23, 28 et 29 août, 12 et 14 octobre 2022. Il s’interrogeait ainsi sur l’éventuelle suspension des cinq procédures relatives à ces sanctions.

11) Dans sa réplique, le recourant a fait valoir que l’autorité intimée ne s’étant pas déterminée sur sa version des faits, celle-ci devait être considérée comme établie. Il avait été acquitté, le 6 décembre 2022, des faits ayant donné lieu à la sanction du 19 avril 2022. Il n’avait pas encore reçu les considérants des juges d’appel l’ayant déclaré coupable de violence en lien avec les faits à la base de la sanction disciplinaire du 1er mai 2022. Toutefois, la procédure pénale pour menaces retenues dans cette sanction avait été classée. Le rapport d’incident du 15 octobre 2022 était incomplet.

Vu la maltraitance dont il se plaignait, les rapports d’incident n’avaient pas de valeur probante. L’échange de courriels produit par l’autorité intimée ne démontrait pas que la télévision en question était neuve. En outre, son installation avait eu lieu avant son arrivée dans la cellule.

12) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Bien que la sanction ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire ou de demande de libération conditionnelle (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/498/2022 du 11 mai 2022 consid. 2 ; ATA/50/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2).

Le recours est donc recevable, sous réserve de ce qui suit.

En effet, en tant que le recourant fait valoir qu’il subirait des actes de malveillance de la part des gardiens, ses griefs sont irrecevables. L’objet de la présente procédure est limité à la question du bien-fondé de la sanction de trois jours de cellule forte qui lui a été infligée le 17 août 2022. La présente procédure ne peut donc s’étendre à d’autres questions.

En outre, les faits pour lesquels le recourant a été sanctionné se rapportent à la question de savoir si celui-ci est responsable de la dégradation de la télévision de sa cellule. Il ne s’agit donc pas de faits ayant trait à des échanges de propos qui auraient pu s’inscrire dans le cadre d’une provocation, comme l’allègue le recourant, qui se dit systématiquement poussé à la faute.

3) Le recourant sollicite différents actes d’instruction.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. En l'espèce, le recourant a été entendu par la prison, a pu présenter ses arguments dans son recours et a fait usage de son droit de réplique. Il n’explique pas quels autres éléments que ceux avancés dans son recours son audition permettrait d’établir. La décision querellée non caviardée ainsi que les rapports y relatifs caviardés ont été produits. La production par la prison de l’ensemble des sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre de personnes détenues pour dégradation de mobilier et trouble à l’ordre de l’établissement n’est pas pertinente, les sanctions tenant compte de l’ensemble des circonstances, y compris des antécédents disciplinaires des détenus, de sorte que la production de ces sanctions ne serait pas de nature à apporter un éclairage pertinent pour la solution du litige. L’ordre de service relatif à la délégation de compétence pour prononcer une sanction de trois jours de cellule forte ressort de la jurisprudence de la chambre administrative (consid. 5 ci-après), dûment publiée, de sorte que le recourant est supposé en avoir connaissance. Il en va de même des conditions auxquelles un détenu peut être placé en cellule forte avant qu’une décision soit prise (consid. 4 ci-dessous). Il n’y a donc pas lieu non plus d’ordonner la production de l’ordre de service ou de notes internes à cet égard. Pour le surplus, le dossier est complet et permet à la chambre de céans de trancher le litige sans procéder à d’autres actes d’instruction.

Il ne sera ainsi pas fait droit à la demande d’actes d’instruction complémentaires.

4) Dans un grief de nature formelle, le recourant se plaint de la violation de son droit d’être entendu.

a. Comme cela vient d’être évoqué, les art. 29 al. 2 Cst. et 41 LPA comprennent le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 133 I 270 consid. 3.1 ; 132 II 485 consid. 3.2). L’art. 47 al. 2 RRIP prévoit expressément qu’avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu.

La jurisprudence de la chambre de céans admet qu'en cas d'incident nécessitant une sanction se produisant après les horaires ordinaires d'activité de la prison, soit après 18h00, le droit d'être entendu puisse s'exercer de manière un peu différée, soit en particulier le lendemain matin à la première heure, ceci en raison des besoins du service, notamment dans les cas où l'autorité décisionnaire est le directeur ou un autre membre gradé du personnel, dont le nombre est restreint dès le soir, ou en cas d’urgence (ATA/318/2020 du 31 mars 2020 consid. 4b ; ATA/1846/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3c ; ATA/1597/2019 du 29 octobre 2019 consid. 2b ; ATA/500/2017 du 2 mai 2017 consid. 6a).

b. En l’espèce, les faits reprochés ont eu lieu le 16 août 2022, vers 21h00. Le gardien a indiqué dans son rapport du même jour que le recourant serait sanctionné ultérieurement par le « service de jour ». Le lendemain à 7h20, le gardien-chef adjoint a décidé du placement en cellule forte du recourant. Selon la décision de sanction, le recourant a pu s’exprimer le 17 août 2022 à 08h45 et la sanction lui a été notifiée à 08h50. À teneur du rapport d’incident du même jour, établi à 09h00, le recourant avait reconnu les faits et ri en expliquant comment la télévision s’était cassée.

Au vu de ce qui précède, il apparaît que le recourant a pu se déterminer sur la sanction litigieuse peu après avoir été conduit en cellule forte. Par ailleurs, il a pu, dans le cadre du présent recours, assisté d’un avocat, faire valoir sa version des faits et ses arguments. Ainsi, quand bien même une violation de son droit d’être entendu aurait dû être admise, celle-ci aurait été réparée dans la procédure de recours.

Le grief sera donc rejeté.

5) Le recourant conteste la compétence des personnes ayant prononcé la sanction.

a. À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, le directeur ou, en son absence, son suppléant sont compétents pour prononcer, notamment, le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g). Le directeur peut déléguer ces compétences à un membre du personnel gradé (art. 47 al. 7 RRIP). L'art. 47 al. 7 RRIP prévoit que le directeur peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions prévues à l'al. 3 à d'autres membres du personnel gradé. Les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service. L'ordre de service B 24 de la prison prévoit une telle délégation pour le placement en cellule forte de un à cinq jours en faveur du membre « consigné » de la direction (ATA/1115/2022 du 4 novembre 2022 consid. 4c ; ATA/498/2022 du 11 mai 2022 consid. 5c ; ATA/784/2021 du 27 juillet 2021 consid. 2c ; ATA/1631/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3).

b. En l’espèce, la décision de placement en cellule forte a été prise par un gardien-chef adjoint, selon le rapport établi par celui-ci le 17 août 2022, puis ratifiée formellement le même jour à 08h50 par le directeur et un gardien-chef adjoint, qui ont fixé la durée de la sanction à trois jours. La décision a donc été prise par les personnes habilitées à la prononcer. Par ailleurs, rien ne permet de douter que le recourant s’est vu notifier la décision querellée le 17 août 2022, comme cela figure sur cette décision, signée notamment du directeur de la prison.

Le grief sera ainsi rejeté.

6) Le recourant conteste les faits reprochés.

a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute (ATA/412/2022 du 13 avril 2022 consid. 4a ; ATA/43/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1108/2018 du 17 octobre 2018 et les références citées).

b. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04), dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 RRIP). En toute circonstance, ceux-ci doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il est interdit aux détenus, d’une façon générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de l’établissement (art. 45 let. h RRIP).

c. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

d. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation, le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limitant à l'excès ou l'abus de ce pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/97/2020 précité consid. 4f et les références citées).

e. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/284/2020 précité consid. 4f et les références citées).

f. En l’espèce, le recourant conteste être à l’origine du fait que la télévision de sa cellule ne fonctionnait plus. Il avait averti, dans la soirée du 16 août 2022, par interphone, que sa télévision « s’était cassée d’elle-même ». Selon le rapport d’incident du même jour, le gardien qui avait, à 21h11, regardé par le portillon de la cellule du recourant, avait constaté que le son de la télévision fonctionnait, mais pas l’image. Le dossier ne comporte pas d’autre indication relative à l’état de la télévision, en particulier quant aux causes de son dysfonctionnement. Selon le recourant, lorsqu’il avait allumé la télévision, celle-ci ne fonctionnait pas ; l’image s’était figée et avait ensuite disparu. Il avait rallumé la télévision à trois reprises sans succès. Il avait alors essayé de la rallumer depuis sa base. En appuyant sur le bouton d’alimentation, la base de la télévision s’était fissurée. Selon la partie du rapport d’incident du 17 août 2022 établie après l’audition du recourant, celui-ci avait « reconnu les faits » et ri, en expliquant comment il avait cassé la télévision. Cela étant, les « faits reconnus » ne sont pas décrits dans le rapport. Par ailleurs, le fait que le recourant ait ri en décrivant comment la télévision s’était cassée ne permet pas encore de conclure que ses agissements étaient à l’origine du dysfonctionnement de la télévision, puis de la fissure de l’écran de celle-ci.

Selon le recourant, il s’agissait d’une vieille télévision. Ce point est, certes, contredit par l’autorité intimée, dont le responsable « opération » a indiqué que la télévision en question avait été acquise et placée dans la cellule occupée par le recourant en décembre 2021 ou janvier 2022 et qu’aucun problème similaire n’avait été constaté avec ce type de modèle de télévision.

Cependant, faute de disposer de plus d’éléments permettant d’imputer le dysfonctionnement de la télévision, puis la fissure de l’écran de celle-ci au recourant, il ne peut être retenu qu’il en est responsable.

Dans ces circonstances, il convient d’admettre qu’il n’est pas établi à satisfaction de droit que le recourant est responsable du fait que la télévision de sa cellule est hors d’usage. Il en découle qu’il ne pouvait être sanctionné pour ces faits.

Partant, son recours sera partiellement admis et l'illicéité de la sanction prononcée sera constatée.

7) Au vu de la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). L’issue du litige justifie l’allocation d’une indemnité de procédure de CHF 1'000.- (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet partiellement, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 16 septembre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 17 août 2022 ;

constate le caractère illicite de la sanction de trois jours de cellule forte du 17 août 2022, au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Toni Kerelezov, avocat du recourant, ainsi qu'à la direction de la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. Deschamps

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :