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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/86/2022

ATA/375/2022 du 05.04.2022 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/86/2022-AIDSO ATA/375/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 avril 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1995, a bénéficié des prestations de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 1er juillet au 31 août 2020, puis à nouveau du 1er novembre 2020 au 30 septembre 2021 pour un montant total de CHF 18'541.40.

Lors de sa demande de prestations, signée le 26 juin 2020, il a indiqué être domicilié chez sa mère, avec son frère, au______, chemin B______,
C______. Le loyer de cet appartement était pris en charge par sa mère.

M. A______ a aussi déclaré dans ce document être titulaire de deux comptes bancaires, un auprès de D______ à Genève, et l’autre auprès de la E______
(ci-après : E______) à Lyon, en France.

Il a signé à cette occasion le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », par lequel il s’est notamment engagé à donner immédiatement et spontanément à celui-ci toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune, d’informer immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière.

Ce document a été à nouveau signé le 8 juin 2021, aucune modification de sa situation n’étant à signaler, à l’exception d’un nouvel élément de santé (changement de lunettes).

2) Entre le 14 septembre et le 12 octobre 2020, date à laquelle il a perdu son travail en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19, M. A______ a travaillé à Lyon, dans le domaine de la restauration. Selon le contrat de travail signé pour cette activité, il résidait au F______, à Lyon, en France.

Ces éléments ont été pris en compte dans le montant de l’aide financière allouée en novembre 2020.

3) Le 12 novembre 2020, M. A______ a remis une attestation du 11 novembre 2020, signée par sa mère, Madame G______, selon laquelle cette dernière était contrainte de lui demander une participation financière de CHF 500.- par mois depuis janvier 2020 (soit la fin de ses études universitaires), au titre de participation aux frais de loyer, d’abonnement téléphonique et à ses frais d’entretien.

Cet élément a été pris en compte dans la prestation d’aide financière octroyée à partir de novembre 2020, une charge de loyer de CHF 391.65 étant retenue dans le budget de M. A______.

4) Deux montants crédités par la caisse de compensation, correspondant à l’assurance perte de gain militaire pour le service civil, ont été déduits des prestations versées à M. A______ au mois de février 2021, soit un montant de CHF 548.15.

5) Le 13 avril 2021, M. A______ a été informé que son suivi se ferait auprès du service de réinsertion professionnelle (ci-après : SRP), avec Madame H______, conseillère en insertion professionnelle.

6) Entre le 8 mars et le 1er avril 2021, M. A______ a effectué un stage d’évaluation à l’emploi auprès des établissements publics pour l'intégration
(ci-après : EPI). Le bilan était très positif. Il avait accompli toutes ses tâches à satisfaction complète des formateurs et était motivé. M. A______ souhaitait reprendre des études en informatique. Il avait travaillé dans le domaine de la restauration en 2020, mais avait perdu son emploi en raison de la crise sanitaire.

7) Le 20 août 2021 à 9h15, un contrôle de terrain a été effectué par un inspecteur du service des enquêtes de l’hospice (ci-après : le service des enquêtes), au______, chemin B______. Ce dernier a constaté que ne figurait « sur aucune boîte aux lettres le nom de l’usager, ni sur une porte palière ». L’immeuble était doté d’un service de conciergerie, lequel n’a pas été contacté lors de la visite à teneur du rapport de contrôle. La régie était aussi connue du contrôleur et indiquée dans ledit rapport.

8) Le 2 septembre 2021, un second contrôle de terrain a été réalisé, par un inspecteur du service des enquêtes, à la même heure, qui a précisé que « le nom A______ ne figurait sur aucune boîte aux lettres ni porte palière. Par ailleurs, quatre appartements sur six situés au 1er étage avaient la mention VACANT indiqué [sic] sur les portes palières ».

Il ressort du rapport de contrôle établi à cette occasion que dans l’impossibilité de constater un lieu de vie effectif du bénéficiaire sur le territoire genevois, le rapport était rendu sans délai. En outre, dans la rubrique « information », l’inspecteur a souligné que le rapport de contrôle du 20 août 2021 avait été livré avec le même constat et que des relevés bancaires de la E______ étaient enregistrés dans le dossier informatisé (ci-après : GED) et adressés à l’usager au ______, rue I______, à Lyon, en France.

9) Par décision du 22 septembre 2021 déclarée exécutoire nonobstant recours, l’hospice a mis fin aux prestations d’aide financière de M. A______ et lui a réclamé la restitution des prestations indûment perçues depuis juillet 2020, soit la somme de CHF 18'541.40.

Il ressortait des rapports du service des enquêtes de l’hospice, des 20 août et 2 septembre 2021, que sa résidence effective à Genève n’avait pas pu être établie. Le nom A______ ne figurait sur aucune boîte aux lettres ou porte palière de l’immeuble contrôlé et quatre des six appartements du 1er étage de cet immeuble étaient indiqués comme « vacants ».

Il ressortait en outre des relevés des comptes bancaires transmis, que la majorité des transactions avait été effectuée les derniers mois en France. Son projet personnel était également centré sur un accès à une formation professionnelle en France et il avait déclaré le 16 août 2021 à son assistant social, Monsieur J______, avoir conclu un pacte civil de solidarité (ci-après : PACS) avec sa compagne, en France, celle-ci ne disposant pas de titre de séjour.

Cette décision retenait que lors des entretiens de suivi, sa conseillère lui avait recommandé d’effectuer un CFC en Suisse et non un BTS en France, s’il souhaitait trouver un emploi en Suisse par la suite. En juillet 2021, il l’avait informée s’être inscrit pour un CFC d’informatique et avoir eu des entretiens en France pour des emplois dans la région d’Annemasse. Son assistant social avait essayé de le joindre en vain le 14 septembre 2021 pour lui faire part des constats du contrôleur.

Au regard de ces éléments, sa résidence effective à Genève n’avait pas été prouvée, de sorte qu’il avait décidé de mettre fin à ses prestations d’aide financière à partir du 30 septembre 2021. Cette décision impliquait que les prestations avaient été indûment perçues, de sorte qu’il lui était demandé de restituer la somme de CHF 18'541.40.

10) Par courriel du 23 septembre 2021, Mme A______ s’est adressée au centre d’action sociale (ci-après : CAS) des Trois-Chêne, exprimant sa surprise et sa colère face au contenu de la décision précitée, expliquant qu’elle était domiciliée au ______, chemin B______ depuis 1998, avec ses deux fils, désormais majeurs. Sa porte était juste en face de l’escalier. Elle s’interrogeait sur la manière dont l’enquête avait été menée et invitait l’hospice à venir vérifier sur place.

11) Le 25 septembre 2021, M. A______ a rempli le formulaire d’annonce de départ auprès de l’office cantonal de la population et des migrations
(ci-après : OCPM), indiquant quitter Genève à destination de Lyon, le 29 octobre 2021. Sa nouvelle adresse n’était pas encore connue.

12) Par courrier recommandé du 27 septembre 2021, M. A______ a formé opposition à la décision du 22 septembre 2021, avec sa mère, joignant à cet effet le courriel envoyé le 23 septembre 2021.

13) Par courriel portant comme intitulé son numéro de dossier du 27 septembre 2021, M. A______ s’est adressé à son assistant social, M. J______. Il ne comprenait pas comment l’enquête avait déterminé que sa résidence effective n’était pas prouvée.

Il n’avait pas reçu le message téléphonique du 14 septembre 2021, n’ayant pas configuré sa messagerie vocale. Il avait toutefois essayé de joindre le CAS et son assistant social à plusieurs reprises, en vain. Il s’était rendu au CAS des
Trois-Chêne mais n’avait pas été reçu. En outre, comme il l’avait déjà expliqué à Mme J______, il avait « enfin trouvé un apprentissage en informatique » et débutait en alternance en entreprise à Lyon. Malgré ses efforts, il n’avait pas trouvé d’apprentissage en Suisse, son passé scolaire français en étant responsable. Il s’était dès lors vu contraint de s’inscrire en France pour s’émanciper de son foyer familial et pour devenir entièrement autonome.

Cette opposition a été reçue le 30 septembre 2021.

14) À la même date, M. A______ a transmis au CAS des Trois-Chêne une attestation de la société K______, qui indiquait avoir embauché ce dernier à partir du 1er octobre 2021 jusqu’au 28 juillet 2023 dans le cadre d’un apprentissage.

15) Le 28 septembre 2021, le service des enquêtes de l’hospice s’est adressé à la Caisse primaire d’assurance-maladie de Haute-Savoie (ci-après : CPAM) s’agissant de la résidence effective de M. A______.

16) Le même jour, cette dernière lui a répondu que le dernier domicile connu de ce dernier était sis rue L______à Lyon, mais que cette adresse n’était plus d’actualité. Elle a joint des documents, dont il ressort que le bénéficiaire était affilié à la CPAM de Lyon en tant que salarié, embauché le 2 septembre 2021 selon une des attestations par l’entreprise M______, sise chemin du N______, à Dardilly, en France. Une seconde attestation fait état d’une embauche, toujours par cette société, à partir du 1er octobre 2021.

17) Toujours le 28 septembre 2021, le service des enquêtes a également requis des informations de la caisse d’allocations familiales (ci-après : CAF) de l’Ain. Cette dernière lui a répondu le 30 septembre 2021 que M. A______, étudiant, avait déposé une demande auprès de la CAF du Rhône et avait perçu une aide au logement jusqu’au 31 décembre 2019. Le bailleur avait signalé son départ du logement le 10 février 2020. Son adresse de l’époque était______, rue I______, à Lyon.

18) Le 26 novembre 2021, Mme A______ a sollicité le CAS des Trois-Chêne pour obtenir des attestations fiscales, qu’elle a reçues le 1er décembre 2021.

19) Par décision sur opposition du 14 décembre 2021, notifiée à M. A______ au F______, à Lyon, le directeur général de l’hospice a rejeté l’opposition.

La déclaration jointe à son opposition, émanant de sa mère, devait être relativisée au regard des liens les unissant, ainsi que des autres éléments du dossier. Il ressortait de l’examen de ses relevés bancaires que l’intégralité du montant de la prestation d’aide était retirée chaque mois et versée sur son compte français, avec lequel il faisait l’essentiel de ses transactions, en France, ce qui indiquait qu’il y résidait. Il n’avait jamais sérieusement envisagé d’effectuer sa formation à Genève, alors que c’était une condition nécessaire pour y trouver un emploi. Il avait conclu un PACS en France et était officiellement domicilié à Lyon depuis fin octobre 2021. La demande de restitution du montant de CHF 27'152.45 (recte : CHF 18'541.40) était justifiée. Il n’avait pas contesté le montant réclamé.

20) Par acte expédié le 11 janvier 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ et sa mère ont formé « opposition » à cette décision, souhaitant connaître les éléments des enquêtes n’ayant pas permis d’établir le lieu de leur domicile au chemin B______, ainsi que la prétendue embauche par M______, car il ne s’était annoncé auprès de la CPAM qu’à compter du 3 novembre 2021. Il n’avait pas d’assurance-maladie en France avant cette date.

Il revenait dans son courrier sur la chronologie de sa situation ainsi que sur les accusations portées à son encontre par l’hospice. Il n’avait pas donné de fausses informations ni perçu de manière malhonnête des prestations financières de la part de l’hospice. Il contestait les éléments des enquêtes. Il n’avait pas les moyens de faire appel à un conseiller et s’excusait de la teneur peu juridique de son courrier.

Il a joint de nombreuses pièces à son courrier, notamment les copies des courriers échangés avec l’hospice ainsi que des documents liés à ses études, des copies de ses documents fiscaux et sa police d’assurance-maladie suisse. Tous ces documents avaient été envoyés à l’adresse chemin B______, à C______. Il a également transmis une copie du bail, divers documents liés à la situation financière de sa mère, notamment ses dernières fiches de salaire et des photographies de la porte de leur appartement et de la boîte aux lettres, sur laquelle on devine les mots « Famille G. A______», ainsi qu’un courrier de la régie O______, intitulé « rénovation ( ) » concernant les travaux prévus dans les immeubles ______ et ______, chemin B______, dont il ressort que des rocades étaient prévues entre les logements, en raison de travaux importants dans les appartements et parties communes.

21) L’hospice a conclu au rejet du recours.

Seule était litigieuse la demande de restitution de CHF 18'541.40, le recourant ne contestant plus dans le cadre de son recours la décision mettant fin aux prestations au 30 septembre 2021.

La résidence effective du recourant à Genève n’était pas établie durant la période où il avait bénéficié des prestations d’aide financière. Lors des contrôles sur place, sa présence n’avait pas été constatée. Son nom ne figurait ni sur les portes palières ni sur les boîtes aux lettres. Il était inexplicable qu’il verse à sa mère le montant du loyer depuis son compte en France, au vu de la perte de change en résultant. En outre, il n’avait commencé à verser ce montant « qu’à partir de fin décembre 2021 ». Son compte français était régulièrement crédité par Madame P______, sa compagne, qui résidait à Lyon. Il s’agissait d’un indice de concubinage. En outre, l’adresse de cette dernière, rue Q______, était l’adresse figurant dans le contrat signé le 14 septembre 2020. Ils avaient conclu en France un PACS, ce qui indiquait que le centre de vie du recourant était dans ce pays et non à Genève.

Il avait déjà bénéficié d’une aide française au logement jusqu’au 31 décembre 2019, ce qui démontrait qu’il ne faisait pas les allers-retours durant sa période universitaire. En outre, les photographies produites ne prouvaient pas que le nom A______ figurait sur la porte. Il était d’ailleurs possible qu’elles aient été prises après coup. Bien qu’inscrit auprès de l’OCPM comme domicilié à Genève, le recourant avait en réalité toujours eu sa résidence effective à Lyon.

Il a pour le surplus repris le contenu de sa décision sur opposition.

22) Dans la réplique, signée par Mme A______, cette dernière a insisté sur la résidence effective de la famille et de son fils à C______. Durant ses années universitaires, son fils était à Genève au domicile familial chaque semaine entre trois et quatre nuits. Lyon ne se trouvait qu’à 2h30 de Genève. Son fils et elle n’avaient pas formalisé les versements de l’aide financière qu’il lui apportait pour le loyer commun. Cette aide était parfois apportée sous la forme de courses alimentaires et d’autres achats pour l’entretien du foyer familial. Toutes les informations avaient été transmises à l’hospice depuis son inscription en juillet 2020.

La référence faite par l’hospice à la société M______ était erronée, son fils n’y avait jamais travaillé, et il ressortait d’un extrait internet du répertoire français du système national d’identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements (ci-après : SIRENE) que cet établissement avait cessé toute activité depuis le 30 mars 2009.

23) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/1718/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2 ; ATA/1243/2017 du 29 août 2017 consid. 2a ; ATA/518/2017 du 9 mai 2017 consid. 2a). Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/1243/2017 précité consid. 2a).

b. En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision sur opposition. Il a simplement mentionné faire « opposition » à la décision. Contrairement à l’hospice, la chambre de céans constate que le recourant conteste à la fois le résultat des enquêtes, expliquant être domicilié à Genève, et de manière implicite le remboursement qui en découle. On comprend ainsi clairement de ses écritures qu'il est en désaccord avec la décision précitée et souhaite son annulation. Il s'ensuit que le recours est recevable.

3) Le litige a trait à la résidence effective à Genève du recourant, niée par l’hospice et à la demande de restitution des prestations d'aide financière accordées par ce dernier d'un montant total de CHF 18'541.40, lequel n'est pas contesté en tant que tel.

a. Selon l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L'art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

b. En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et le règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l'aide sociale individuelle sont l'accompagnement social, des prestations financières et l'insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n'est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI). Elles sont subsidiaire à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

c. Ont droit à des prestations ordinaires d'aide financière instaurées par l'art. 2 let. b LIASI, les personnes majeures ayant leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (art. 11 al. 1 let. a LIASI).

La condition du domicile et de la résidence effective sur le territoire du canton de Genève est une condition cumulative qui a pour effet que des prestations d'aide financière complète ne sont accordées qu'aux personnes autorisées à séjourner dans le canton de Genève, soit aux personnes d'origine genevoise, aux confédérés et aux étrangers bénéficiant d'un titre de séjour (ATA/817/2019 du 25 avril 2019 ; ATA/1232/2017 du 29 août 2017).

La notion de domicile est, en droit suisse, celle des art. 23 et 24 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), soit le lieu où une personne réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 in initio CC). La notion de domicile contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; 136 II 405 consid. 4.3 ; 134 V 236 consid. 2.1). Ce n'est pas la durée du séjour à cet endroit qui est décisive, mais bien la perspective d'une telle durée (arrêts du Tribunal fédéral 5A.398/2007 du 28 avril 2008 consid. 3.2 ; 5A.34/2004 du 22 avril 2005 consid. 3.2). Du point de vue subjectif, ce n'est pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette volonté (ATF 137 II 122 consid. 3.6 = JdT 2011 IV 372 ; 133 V 309 consid. 3.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.398/2007 précité consid. 3.2).

Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles (art. 23 al. 2 CC), mais chacun doit avoir un domicile. Ainsi, en l'absence d'un domicile volontaire et légal, l'art. 24 CC établit des règles subsidiaires qui permettent de définir un domicile fictif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.4). Toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau (art. 24 al.1 CC).

d. Le demandeur doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a). Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

e. L’art. 35 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque le bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la LIASI (art. 35 al. 1 let. a LIASI), lorsqu'il ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI ou lorsqu’il refuse de donner les informations requises, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. d LIASI).

f. Selon la jurisprudence, la suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit au surplus être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 ; ATA/1271/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6c ; ATA/357/2017 du 23 mars 2017).

g. Selon l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3c et les références citées).

h. De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d).

Le bénéficiaire de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l'assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

4) a. En l'espèce, il convient, en premier lieu, de relever que le recourant a spontanément transmis toutes les informations pertinentes à l’hospice lors de son inscription et des divers entretiens avec son assistant social et sa conseillère en insertion professionnelle. Lors de sa demande d’aide financière, il a indiqué spontanément être titulaire d’un compte en France, avoir effectué deux années universitaires interrompues à Lyon et être en couple avec une personne habitant cette ville, à qui il rendait régulièrement visite, sans être domicilié chez elle.

Il a invariablement indiqué résider au domicile familial avec sa mère et son frère, au chemin B______, à C______. Tous les documents administratifs de l’intéressé (certificat pour confédérés, documents militaires et fiscaux), tout comme la base de donnée de l’OCPM « Calvin », mentionnent son domicile à cette adresse. Il existe en conséquence une présomption que le domicile de l’intéressé se trouve à cette adresse.

b. L’hospice fait état de plusieurs éléments à même, selon lui, de renverser la présomption du domicile de l’intéressé au chemin B______. Il se prévaut tout d’abord des deux rapports d’enquête rédigés à la suite du passage de ses inspecteurs sur place, qui retiennent que le nom « A______ » ne figurait pas sur les boîtes aux lettres ou les portes palières. Ces deux passages ont eu lieu à la même heure, à deux semaines d’intervalle.

Si de tels éléments étaient, certes, propres à susciter des interrogations de la part de l’hospice, celui-ci se devait de procéder à des investigations complémentaires avant de mettre fin à ses prestations et ne pouvait se contenter, comme il soutient l’avoir fait, de tenter de joindre son bénéficiaire par téléphone à une unique reprise, le 14 septembre 2021.

L’hospice s’est uniquement fondé sur les deux passages dans l’immeuble en question pour conclure que le recourant résidait à Lyon, déjà au moment de la demande de prestations en juillet 2020. Il n’a pas étoffé davantage l’affirmation selon laquelle le recourant n’était plus domicilié depuis cette date à Genève. Il n’a, en particulier, pas interpellé la régie, pourtant connue, ni le concierge de l’immeuble, qui auraient été à même de fournir plus d’explications sur l’occupation du logement en question. Or, il ressort des pièces produites que les travaux prévus dans les immeubles ______ et ______, attestés par un courrier de la régie O______ adressé aux locataires, expliquaient l’absence de noms des locataires sur les boîtes aux lettres et portes palières, ainsi que le nom inscrit sur un autocollant et non une plaquette officielle. La mère du recourant elle-même figure dans la base de données officielle « Calvin » sous cette adresse, et tous les documents transmis, soit notamment les fiches de salaire émises par son employeur, un établissement public autonome, mentionnent cette adresse. Le logement n’a en outre pas été visité par l’hospice, alors que la mère du recourant l’a expressément invité à le faire.

L’absence de l’intéressé lors des visites doit dès lors être nuancée, compte tenu de ce qui précède et en particulier du courrier de la régie transmis dans le cadre de la présente procédure. Dans ces conditions, aucune conclusion ne peut être déduite de l’absence du nom « A______ » sur les boîtes aux lettres et les portes palières au moment du passage des inspecteurs de l’hospice.

c. Ce dernier invoque ensuite l’examen des relevés du compte du recourant, lesquels révèleraient selon lui un domicile à Lyon.

L’étude des relevés bancaires révèle, certes, des dépenses courantes en France, à Lyon, mais aussi à Genève, et pas uniquement dans des commerces proches de la gare. Des dépenses ont également eu lieu dans le quartier de C______, à Rive ou à Carouge, notamment durant la semaine. Certaines dépenses en Suisse ont été effectuées depuis le compte français, tandis que certains jours, des dépenses sont répertoriées tant dans des commerces suisses que français. Il est donc difficile d’en tirer des conclusions en faveur du domicile du recourant en Suisse ou en France.

d. La chambre de céans constate également que l’historique du dossier révèle un processus évolutif et dynamique. Il n’est pas contesté que le recourant se rendait régulièrement à Lyon et y avait une relation stable depuis plusieurs années, ce dont il avait d’ailleurs spontanément informé l’hospice. Encore en juillet 2021, le recourant a effectué des recherches d’emplois en France, ayant eu des entretiens à Annemasse, ce dont sa conseillère était informée. Il lui avait également annoncé s’être inscrit à un CFC en Suisse.

La référence aux pièces de la CAF et de la CPAM ne permet pas d’arriver à une autre conclusion. En effet, il ressort des pièces fournies par la CPAM, d’ailleurs contestées par le recourant, qu’il aurait été employé en septembre ou octobre 2021 par une société identifiée dans le SIRENE comme sans activité depuis 2009. Par ailleurs, les éléments apportés par la CAF sont tous antérieurs à la demande d’aide financière et ne sont donc pas pertinents en l’espèce.

En conséquence, les éléments mis en avant par l’hospice ne sont pas suffisamment probants, même cumulés, pour renverser la présomption du domicile de l’intéressé au ______, chemin B______ à partir de juillet 2020. L'autorité intimée ne pouvait dès lors pas considérer comme établi que le recourant n'avait pas son domicile effectif à Genève depuis juillet 2020.

La situation est toutefois différente à compter du mois d’août 2021. En effet, il ressort du dossier que le recourant a conclu un PACS en août 2021 avec sa compagne de longue date, lequel suppose, selon l’art. 515-4 du Code civil français, une vie commune. On peut donc en déduire qu’au moment de la conclusion du PACS, le recourant avait transféré son centre de vie à Lyon, où réside sa compagne. Cet élément est également corroboré par la signature d’un contrat d’apprentissage en septembre 2021 et la conclusion d’une assurance-maladie en France valable à partir de novembre 2021.

En conclusion, il est constaté que le recourant était domicilié et résidait de manière effective à Genève, en tout cas jusqu’à la conclusion d’un PACS avec sa compagne française, en août 2021. Jusqu’à cette date, l'élément objectif du domicile était rempli. L'élément subjectif et interne était aussi rempli, au moment où il a formé sa demande d’aide financière et jusqu’en juillet 2021 à tout le moins, puisqu’il ressort du dossier qu’il a encore indiqué à sa conseillère en insertion professionnelle s’être inscrit à un CFC en informatique et avoir passé des entretiens dans la région d’Annemasse en juillet 2021. Le recourant avait ainsi la volonté de rester durablement à Genève. D’après ses explications, en raison de son parcours scolaire français, il n’a réussi à trouver un apprentissage qu’en France, à compter du 1er octobre 2021. Il a ainsi annoncé son départ de Genève pour la fin du mois d’octobre 2021.

Dans ces conditions, au vu de l'ensemble de ces éléments et indices, objectivement perceptibles, il apparaît que le recourant n'a pas modifié son centre de vie lequel se trouvait à Genève avant le mois d’août 2021.

Le recours sera ainsi partiellement admis et la décision querellée annulée. La cause sera renvoyée à l'autorité pour nouvelle décision au sens des considérants, s’agissant en particulier du montant sujet à restitution.

5) Vu la gratuité de la procédure, aucun émolument ne sera perçu
(art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui plaide en personne (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 janvier 2022 par Monsieur A______ contre la décision sur opposition de l’Hospice général du 14 décembre 2021 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision sur opposition de l’Hospice général du 14 décembre 2021 et lui renvoie la cause pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :