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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19443/2022

ACPR/306/2024 du 26.04.2024 sur SEQMP/2731/2023 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);MANDAT DE PERQUISITION;SCELLÉS;TÉLÉPHONE MOBILE;CONDITION DE RECEVABILITÉ;RETARD
Normes : CPP.263; CPP.393.al1.leta; CPP.396; CPP.339.al2.letd

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19443/2022 ACPR/306/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 26 avril 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de perquisition et de séquestre rendue le 18 octobre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 6 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 octobre 2023, notifiée le 25 octobre 2023, par laquelle le Ministère public a ordonné la perquisition de son téléphone portable et la mise sous séquestre des données et documents qu'il contenait ou qui étaient accessibles à distance.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement à l'octroi de l'assistance judiciaire et à la désignation de Me B______ comme mandataire d'office pour la procédure de recours ; principalement, à l'annulation de l'ordonnance précitée, et, "partant", au constat de l'illégalité des actes d'enquête effectués, du séquestre et de la perquisition de son téléphone, du mandat d'actes d'enquête du 20 décembre 2022 et du rapport de police du 15 [recte : 4] août 2023. Il conclut en outre au retrait du dossier de tous les procès-verbaux et rapports relatifs aux actes d'enquête illégaux, à leur destruction ainsi qu'à celle du contenu de l'appareil séquestré et du rapport de police, à ce qu'il soit pris acte qu'il ne renonce pas à la répétition des actes d'enquêtes illégaux, et à ce que son téléphone lui soit restitué.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Les 24 août et 28 septembre 2021, C______, née le ______ 1981, et D______, née le ______ 1988, ont déposé plainte contre A______, reprochant à ce dernier de les avoir contraintes à divers actes d'ordre sexuel entre 1986 et 1995 pour la première, et entre 1993 et 1996 pour la seconde, soit une période durant laquelle le précité, né le ______ 1976, était mineur ou jeune majeur. Les actes se seraient déroulés à l'occasion de réunions régulières de plusieurs familles espagnoles, avec parents et enfants.

b. Auditionné par la police le 23 juin 2022, A______ a contesté les faits dénoncés, s'estimant victime d'une vengeance. À l'issue de l'audition, il a été informé que son téléphone portable était saisi à des fins d'analyse. Sur question du précité, la police a précisé avoir le droit d'agir ainsi et lui a remis un document l'autorisant à procéder à la fouille du téléphone. A______ a refusé de signer ledit document ainsi que de transmettre le code de déverrouillage de l'appareil. Ce dernier a été saisi.

Le même jour, il a accepté le prélèvement de ses données signalétiques et d'un échantillon d'ADN par le Ministère public.

c.a. Le 11 octobre 2022, le Ministère public a informé A______ de sa situation de défense obligatoire et lui a imparti un délai pour lui communiquer le nom de son défenseur privé, faute de quoi un défenseur d'office serait nommé.

c.b. Par courrier du 25 octobre 2022, Me E______ s'est constituée à la défense de A______ et a requis d'être nommée défenseure d'office du précité.

d. Le 20 décembre 2022, le Ministère public a ouvert une instruction contre A______ fondée sur les art. 187, 189, 190 et 191 CP, lui reprochant d'avoir, entre 1986 et 1995 à Genève, commis des attouchements sexuels sur C______, née le ______ 1981, de l'avoir pénétrée avec un doigt, obligée à le masturber et à lui prodiguer une fellation, avant de la contraindre à subir l'acte sexuel, ainsi qu'à une date indéterminée entre 1993 et 1996, commis des attouchements sexuels sur D______, née le ______ 1988.

e. Le même jour, le Ministère public a délivré à la police un mandat d'actes d'enquête portant sur l'extraction et l'analyse du téléphone portable de A______, sans rendre formellement d'ordonnance de séquestre.

f. Dans son rapport du 4 août 2023, la Brigade de criminalité informatique (ci-après : BCI) a indiqué que deux photos échangées sur la messagerie instantanée WhatsApp étaient susceptibles d'intéresser l'enquête. L'analyse de l'activité internet et les recherches de mots-clés n'avaient toutefois pas apporté d'éléments pertinents, notamment s'agissant des contacts de A______ avec les plaignantes.

g. Le 11 octobre 2023, A______ a requis, pour le cas où cela n'avait pas encore été fait, la mise sous scellés de son téléphone portable, à défaut de sa restitution immédiate, rappelant qu'il s'était opposé dès le début à sa saisie et à ce que ses données soient analysées.

h. Lors d'une audience de confrontation du 17 octobre 2023 devant le Ministère public, les plaignantes ont confirmé leurs plaintes respectives. Interrogé sur les motifs de la demande de mise sous scellés de son téléphone portable, A______ a, par son conseil, déclaré que son appareil, saisi il y avait plus d'une année, contenait des documents personnels et professionnels sans lien avec l'affaire pénale.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public retient qu'il y avait lieu de présumer que le téléphone portable du prévenu contenait des informations susceptibles d'être séquestrées en tant que moyens de preuve.

D. a. Le 24 octobre 2023, le Ministère public a saisi le Tribunal des mesures de contrainte en vue de la levée des scellés sur le téléphone portable de A______ et sur ses données, ainsi que sur le rapport de la BCI du 4 août 2023.

b. Par courriers des 6 et 27 novembre 2023, A______ s'est déterminé sur la requête du Ministère public.

c. Par ordonnance rendue le 28 novembre 2023, le Tribunal des mesures de contrainte a rejeté la requête de suspension de la procédure (chiffre 2 du dispositif), déclaré irrecevables les conclusions de A______ en inexploitabilité, au retrait, à la suppression et à la destruction de diverses pièces de la procédure pénale (ch. 3), constaté que la demande de levée de scellés sur le téléphone portable était sans objet, et ordonné la levée des scellés sur le rapport de police du 4 août 2023.

E. a. Dans son recours, A______ fait valoir que son acte est recevable car il porte sur la "validité même de l'ordonnance […] contestée", malgré l'existence d'une procédure de levée de scellés. Ses droits procéduraux avaient été violés : par son mandat d'actes d'enquête du 20 décembre 2022, le Ministère public avait ordonné la perquisition du téléphone saisi par la police, malgré son refus exprimé alors, sans l'assistance d'un avocat ni information adéquate de ses droits. L'accès au dossier n'ayant été autorisé que le 31 octobre 2023, un avocat n'avait pu, avant cette date, contrôler le respect de ses droits de procédure. Par ailleurs, l'instruction avait été matériellement ouverte dès les premières mesures de contrainte, à savoir dès le mandat de comparution adressé le 30 mai 2022 par la police pour l'audition du 23 juin suivant, la saisie de son téléphone à cette même date et l'établissement de son profil ADN le lendemain. Or, durant cette période, il n'était pas assisté d'un avocat, malgré sa situation de défense obligatoire. Ainsi, l'ensemble des actes d'enquête effectués subséquemment devaient être retirés du dossier et éventuellement répétés. S'agissant du séquestre de son téléphone portable, il était disproportionné car il s'apparentait à une "fishing expedition", rien n'indiquant que son contenu fût lié aux faits reprochés, datant de plus de 30 ans, à une époque où les téléphones portables n'étaient pas commercialisés à large échelle. À tout le moins, le téléphone avait été "séquestré" par la police du 23 juin au 20 décembre 2022 sans aucun contrôle, rendant cette mesure illégale.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. À considérer que le recourant ait entendu contester la saisie prétendument illégale de son téléphone portable le 23 juin 2022, son recours, interjeté plus de 16 mois après ladite saisie, serait tardif (art. 396 al. 1 CPP). En effet, le recourant, qui a bénéficié de l'assistance d'un défenseur dès octobre 2022, n'explique pas les raisons qui l'auraient contraint à attendre près d'une année avant de contester la saisie litigieuse.

2.2. En tant que le recours est dirigé contre l'ordonnance rendue le 18 octobre 2023, il convient de déterminer si cet acte est sujet à recours auprès de la Chambre de céans et si l'intéressé dispose de la qualité pour recourir. Ces questions devant être examinées d’office par l’autorité pénale, toute partie recourante doit s’attendre à ce que son recours soit examiné sous cet angle, sans qu’il en résulte pour autant de violation de son droit d’être entendue (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1207/2013 du 14 mai 2014 consid. 2.2).

2.2.1. À teneur de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, le recours est ouvert contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions.

2.2.1.1. Cette disposition implique qu'une ordonnance de perquisition et de séquestre – qui constitue une mesure de contrainte au sens de l'art. 196 CPP – est, en principe, sujette à recours auprès de la Chambre de céans (cf. art. 198 al. 1 let. a CPP ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 33 ad art. 393).

Cela étant, le recours n'est pas ouvert dans le cas où des mesures de contrainte débouchent sur une procédure d'apposition et de levée des scellés, celle-ci permettant à l'ayant droit d'invoquer ses objections, dont l'insuffisance de soupçons laissant présumer une infraction (art. 197 al. 1 let. b CPP), l'absence de pertinence des objets ou documents séquestrés pour la procédure pénale, la violation du principe de proportionnalité (art. 197 al. 1 let. c CPP) ou l'illicéité de l'ordre de perquisition, puisqu'il n'est en principe pas admissible de pouvoir présenter au cours d'une procédure pénale des preuves obtenues de manière illicite (art. 139 et 141 CPP ; ATF 143 IV 270 consid. 6-7 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_550/2021 du 13 janvier 2022 consid. 3.1.2 ; 1B_275/2020 du 22 septembre 2020 consid. 3.1.2).

En particulier, la contestation de la licéité d'un mandat de perquisition et de séquestre et les griefs relatifs à la violation du principe de proportionnalité (par exemple en cas de "fishing expedition") ou au comportement de la police dans le cadre de la perquisition (y compris le traitement et l'utilisation de données en violation des scellés) doivent être soulevés dans le cadre de la procédure de levée de scellés, qui "a le pas sur un éventuel recours formé contre ce mandat [de perquisition et de séquestre]" (arrêt du Tribunal fédéral 7B_253/2023 du 31 août 2023 consid. 3.2).

2.2.1.2. En l'espèce, le recourant a demandé la mise sous scellés du téléphone portable et des données qui y étaient contenues, ainsi que du rapport établi par la police sur la base de ces dernières, ce qui a conduit à une procédure de levée de scellés. Dans ce cadre, il a pu faire valoir ses griefs tirés de la violation du principe de proportionnalité et de l'absence de pertinence des données séquestrées.

Conformément à la jurisprudence susmentionnée, le recours contre l'ordonnance de perquisition et de séquestre n'est par conséquent pas ouvert.

2.2.2.1. Il convient enfin de déterminer si les conclusions du recourant tendant au constat de l'illégalité de plusieurs actes d'enquête (essentiellement les auditions de tiers des 28 juillet 2022 et 12, 23 et 31 août 2022) et au retrait de la procédure des procès-verbaux et des rapports relatifs aux actes d'enquête prétendument illégaux ainsi que à la destruction immédiate des copies du contenu du téléphone séquestré et du rapport de police du 4 août 2023 sont recevables devant la Chambre de céans.

2.2.2.2. En l'espèce, ces conclusions excèdent l'objet du recours, expressément limité, à teneur de l'ordonnance querellée, aux questions de la perquisition et du séquestre du téléphone portable du recourant.

À cet égard, les griefs du recourant – malgré ce qu'il soutient – ne sont pas dirigés contre la validité de l'ordonnance querellée, mais contre des actes de procédure antérieurs, contre lesquels il n'a pas recouru.

Or, les arguments relatifs à l'inexploitabilité des preuves recueillies à la suite de la perquisition "illégale" du téléphone relèvent du juge du fond (cf. art. 339 al. 2 let. d CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_198/2024 et 7B_226/2024 du 9 avril 2024 consid. 3.4 et 3.5.2). Même recevables, ils devraient être écartés, dès lors qu'il n'appartient pas à la Chambre de céans de se substituer à celui-ci dans le cadre de la pesée d'intérêts qu'implique l'art. 141 al. 2 CPP. Même à considérer que des circonstances particulières justifieraient une décision incidente immédiate sur l'exploitabilité de preuves – ce que le recourant n'allègue pas –, force est de constater que ce dernier n'a requis aucune décision du Ministère public, soulevant pour la première fois au stade du recours la problématique de l'exploitabilité des preuves. Faute de décision préalable du Ministère public, le recours est donc également irrecevable en tant qu'il a trait au constat de l'illégalité de certains actes d'enquête, dont la saisie par la police de son téléphone portable, et au retrait de la procédure des moyens de preuve ou actes d'enquêtes s'y rapportant (art. 393 al. 1 let. a CPP ; cf. ACPR/536/2023 du 18 juillet 2023 consid. 6.2.1).

3.             Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

5.             Il sera statué sur l'indemnité du défenseur d'office à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président ; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges ; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19443/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00