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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/1065/2023

ACPR/275/2024 du 22.04.2024 sur OTCO/19/2024 ( TCO ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT D'OFFICE;RELATION DE CONFIANCE
Normes : CPP.134; CPP.133

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1065/2023 ACPR/275/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 22 avril 2024

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______, agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de remplacement du défenseur rendue le 11 mars 2024 par la direction de la procédure du Tribunal correctionnel,

 

et

 

LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte reçu le 15 mars 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 précédent, notifiée le jour-même, par laquelle la direction de la procédure du Tribunal correctionnel a refusé de relever son défenseur d'office, Me C______.

Le recourant, sans prendre de conclusions formelles, déclare recourir contre ladite ordonnance.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______ a été arrêté le 15 janvier 2023 et prévenu le 17 suivant de tentative de meurtre (art. 111 CP cum art. 22 CP), subsidiairement de tentative de lésions corporelles graves (art. 122 CP cum art. 22 CP), et d'infraction à l'art. 19a LStup.

Il lui est reproché d'avoir, à Genève, le jour de son arrestation, asséné à D______, qui était au sol, des coups de pied au ventre et sur le dos en lui disant "je vais te tuer, je vais te finir", puis, à tout le moins un coup de couteau au côté droit de l'abdomen, avec l'intention de le tuer, lui causant des lésions ayant nécessité son hospitalisation d'urgence et une laparoscopie.

a.b. Par ordonnance du 5 avril 2023, le Ministère public a joint à la présente cause la procédure P/13763/2022 dans laquelle A______ est prévenu de lésions corporelles simples pour être soupçonné d'avoir frappé son épouse à plusieurs reprises, entre le 15 mai 2020 et le 23 juillet 2021, lui causant des blessures.

b. Lors de ses auditions par la police les 18 mai 2023 et 15 janvier 2023, le prénommé, de nationalité marocaine, a déclaré être de langue maternelle française, ne pas avoir besoin d'un interprète, et a répondu aux questions des policiers.

c. Une défense d'office en sa faveur, en la personne de Me C______, a été ordonnée par le Ministère public le 15 juillet 2022, respectivement le 16 janvier 2023.

d. Au cours de la procédure préliminaire, le défenseur d'office a assisté A______ aux cinq audiences d'instruction, a formulé des réquisitions de preuves et a consulté à plusieurs reprises le dossier de la procédure. Par ailleurs, la Chambre de céans a admis, par arrêt ACPR/373/2023 du 22 mai 2023, le recours formé par l'avocat contre l'ordonnance du Ministère public du 14 avril 2023 refusant au recourant l'exécution anticipée de peine.

e. Par acte d'accusation du 9 novembre 2023, A______ a été renvoyé par-devant le Tribunal correctionnel pour les préventions décrites ci-dessus.

f. Par jugement du 14 février 2024, le Tribunal correctionnel a condamné le précité – lequel était assisté de Me C______ – pour tentative de meurtre (art. 22 CP cum art. 111 CP), lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et ch. 2 al. 4 CP) et infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup.

g. Les 16 et 19 février 2024, A______ a annoncé faire appel du jugement.

h. Par courriers des 23 et 27 février 2024, le précité a en outre sollicité un changement d'avocat, invoquant un conflit d'intérêts et une perte de confiance. Son conseil ne lui avait pas mis à disposition un interprète et avait "préféré de […] suspendre" les visites de son fils en prison. Par ailleurs, Me C______ avait échangé avec le conseil de son ex-épouse durant les procédures civiles.

Il souhaitait que Me E______ assure sa défense.

i. Dans sa détermination du 7 mars 2024, Me C______ a fait part de sa surprise, son client ne lui ayant à aucun moment fait part d'un quelconque reproche. Il ne s'opposait toutefois pas à être relevé de son mandat d'office.

C. Dans l'ordonnance querellée, la direction de la procédure du Tribunal correctionnel a refusé de relever Me C______ de sa mission, dès lors que la relation de confiance entre le prévenu et son défenseur n'était pas, de fait, gravement perturbée et qu'une défense efficace était toujours assurée.

D. a. Dans son recours, A______ expose avoir fait part à son avocat de son souhait de mettre fin à leur collaboration. Ce dernier lui aurait dit pouvoir "s'arranger avec tout le monde pour [lui] obtenir un a[c]quittement de chef d'accusati[o]n", mais "je ne le crois pas".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche à la direction de procédure du Tribunal correctionnel d'avoir refusé de remplacer son défenseur d'office.

3.1.       À teneur de l'art. 134 al. 2 CPP, si la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur d'office est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée pour d'autres raisons, la direction de la procédure confie la défense d'office à une autre personne.

Le simple fait que la partie assistée n'a pas confiance dans son conseil d'office ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie (ATF 138 IV 161 consid. 2.4; 114 Ia 101 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 1B_375/2012 du 15 août 2012 consid. 1.1).

De simples divergences d'opinion quant à la manière d'assurer la défense des intérêts du prévenu dans le cadre de la procédure ne constituent à cet égard pas un motif justifiant un changement d'avocat. Il appartient en effet à l'avocat de décider de la conduite du procès; ce dernier dispose d'un important pouvoir d'appréciation dans la manière d'organiser la conduite du procès; sa mission ne consiste donc pas seulement à endosser le rôle de porte-parole sans esprit critique de l'accusé, qui se limiterait à se faire simple interprète des sentiments et des arguments de son client (ATF 126 I 194 consid. 3d; 116 Ia 102 consid. 4b/bb; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1047/2021 du 25 juillet 2022 consid. 1.1.3.; 105 Ia 296 consid. 1; ACPR/518/2012 du 23 novembre 2012). Sont en revanche dignes d'être pris en considération des griefs précis touchant à la personne du défenseur ou à un comportement de ce dernier qui montre à l'évidence que toute relation de confiance est exclue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_187/2013 du 4 juillet 2013 consid. 2.2 et 2.3; A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019. n. 20-22 ad art. 134).

3.2.       En l'espèce, le recourant invoque une perte de confiance en son défenseur, mais on peine à voir dans les exemples qu'il donne un motif objectif de rupture du lien, pas plus qu'une violation objective, par l'avocat, des devoirs découlant de son mandat.

En effet, même si le recourant allègue ne pas maîtriser parfaitement la langue française, il ressort du dossier qu'il a été en mesure de s'exprimer devant le police et le Ministère public sans le concours d'un interprète. Sa connaissance du français est plutôt satisfaisante, étant précisé qu'il a correspondu avec le Tribunal pénal et rédigé l'acte de recours dans cette langue. Par ailleurs, le fait pour un défenseur d'échanger avec le conseil de la partie adverse ne représente pas, à lui seul, un conflit d'intérêts. En outre, aucun élément au dossier ne laisse entrevoir que le défenseur d'office aurait "préféré de suspendre" le droit de visite du recourant sur l'enfant – acte au demeurant exorbitant aux prérogatives d'un avocat –. Au contraire, l'avocat a, avec succès, contesté le refus du Ministère public d'accéder à la demande du recourant d'exécuter sa peine de manière anticipée. Que le recourant ne croie pas son défenseur lorsqu'il pense pouvoir plaider avec succès un acquittement en appel ne constitue pas un motif suffisant, objectif, de rupture du lien de confiance.

C'est donc à bon droit que la direction de la procédure du Tribunal correctionnel a refusé de révoquer le défenseur d'office.

4. Infondé, le recours sera donc rejeté.

5. Le recourant, bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4 et 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6), qui seront fixés en totalité à CHF 500.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (en personne) et au Tribunal correctionnel.

Le communique, pour information, à Me C______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/1065/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00