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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20956/2020

ACPR/590/2022 du 25.08.2022 sur OCL/568/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);PREUVE
Normes : CP.144

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20956/2020 ACPR/590/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 25 août 2022

 

Entre

A______, domicilié ______[GE], comparant par Me Gabriele SÉMAH, avocat, rue des Eaux-Vives 49, case postale 6213, 1211 Genève 6,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 6 mai 2022 par le Ministère public,

et

 

B______, ______[GE], comparant en personne

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 21 mai 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 6 mai 2022, notifiée le 12 suivant, par laquelle le Ministère public a classé la procédure à l'égard de B______.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il procède à un nouvel examen de la cause en tenant compte de son courrier du 7 août [recte, mars] 2022. Préalablement, il conclut à être mis au bénéfice de l'assistance juridique.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 29 septembre 2020, A______ a déposé plainte contre B______ pour dommage à la propriété lui reprochant d'avoir, le 3 septembre 2020, manipulé la caméra de surveillance, qui se trouvait au-dessus de l'entrée de son atelier mécanique. Le système de fixation de la caméra avait été endommagé et le son ne fonctionnait plus. Les dégâts étaient estimés à CHF 350.- environ. Il avait formellement reconnu le mis en cause sur les images de la caméra.

b. Entendu par la police le 1er octobre 2020, B______ a contesté les faits, précisant avoir uniquement voulu dévier l'axe de la caméra vers le haut ou le bas pour que A______ cesse de les filmer, lui et son frère. Il n'avait toutefois causé aucun dégât.

c. Selon le rapport de renseignements du 23 octobre 2020, A______ a fourni à la police des images de vidéosurveillance sur lesquelles on voit le champ de la caméra passer de l'extérieur de l'atelier à l'intérieur. On aperçoit ensuite le prévenu manipuler la caméra qui se décroche et se balance en filmant en direction du sol, puis le prévenu s'éloigner.

d. Par ordonnance pénale du 17 juin 2021, le Ministère public a déclaré B______ coupable de dommages à la propriété. Ce dernier a fait opposition.

e. Lors de l'audience du 4 novembre 2021 devant le Ministère public, à laquelle le plaignant, avisé, n'était pas présent, B______ a déclaré que la caméra n'avait pas été endommagée. Il avait demandé à plusieurs reprises à A______ de rediriger la caméra qui surveillait sans interruption le parking de son frère notamment. Il avait utilisé un balai pour déplacer la caméra vers le haut, mais comme il y avait une butée, il avait tenté de la rediriger vers le bas. Cependant, les vis, de la taille d'une pièce de 5ct, n'avaient pas tenu et la caméra s'était décrochée faisant "un décalage de 6 ou 7 cm". La caméra fonctionnait toujours, après qu'elle se soit décrochée. Il a produit une photographie de la caméra décrochée, de nuit, laquelle montre que l'appareil fonctionnait. Il était convaincu que le son fonctionnait également; il avait dit devant la caméra décrochée qu'il allait bloquer l'entrée de la rampe avec une voiture et le lendemain avait remarqué que la rampe était déjà bloquée avec le véhicule de A______. Après les faits, le plaignant avait fixé à nouveau la caméra. Il a produit une capture d'écran faisant état de la valeur de la caméra (USD 59.99/69.99), une photo de la caméra décrochée sur 7 cm montrant qu'elle fonctionnait de nuit.

f. Par avis de prochaine clôture du 20 janvier 2022, le Ministère public a informé les parties qu'une ordonnance de classement serait rendue et leur a imparti un délai pour faire valoir des éventuelles réquisitions de preuves ainsi que des demandes d'indemnisations.

g. Par courrier du 7 mars 2022, A______ a considéré que le prévenu avait pris le risque, par ses coups de balai, d'endommager la caméra, réunissant les éléments constitutifs du dommage à la propriété par dol éventuel. Il affirme que la caméra avait été endommagée, plus aucun son n'étant audible. Il conteste l'application de l'art. 172ter CP au vu du prix de la caméra. Lors des faits, le prévenu avait à tout le moins accepté d'endommager la caméra, sans se soucier de sa valeur marchande, de nombreux modèles de caméras de surveillance ayant une valeur dépassant CHF 300.-. Il conclut à ce que le prévenu soit condamné à lui rembourser le prix de la caméra, dont le prix actuel serait en USD 60.-, soit CHF 55.-.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public, après avoir constaté qu'aucune des parties n'avait sollicité de réquisitions de preuves ni d'indemnisations, a retenu que les éléments constitutifs de l'infraction de dommage à la propriété n'étaient pas réunis, la caméra, qui ne s'était décrochée que sur quelques centimètres, fonctionnant toujours.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public une constatation incomplète et erronée des faits et un déni de justice au motif que l'ordonnance querellée ne traitait ni même ne mentionnait aucun des griefs formulés dans son courrier du 7 mars 2022.

b. Dans ses observations, le Ministère public, constate que les faits tels que retenus dans l'ordonnance de classement n'étaient pas contestés. Le seul reproche concernait le silence vis-à-vis du courrier du 7 mars 2022. Ce vice pouvait être réparé par la Chambre de céans, ledit courrier n'apportant aucun élément utile permettant de modifier sa décision de classement. En effet, les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'infraction de dommages à la propriété n'étaient pas réunis, dans la mesure où la caméra fonctionnait toujours.

Le recourant, qui estimait initialement son dommage à environ CHF 350.-, concluait désormais à un préjudice d'environ CHF 55.-. La plainte apparaissait ainsi purement chicanière et s'inscrivait dans un contexte très conflictuel, dont l'intérêt légitime du lésé à agir semblait réservé. Pour le surplus, les faits pouvaient être classés sous l'angle de l'art. 52 CP cum 8 al. 1 CPP, vu le peu de gravité objective.

c. Dans sa réplique, le recourant affirme que la caméra ne fonctionnait plus. Le Ministère public commettait un abus de pouvoir d'appréciation en retenant le contraire sans autre acte d'instruction. Il soutient avoir acheté la caméra pour CHF 350.- mais admet revoir le dommage à la baisse compte tenu du prix d'achat actuel.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant se plaint d'un déni de justice formel et d'une violation de son droit d'être entendu.

2.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 136 I 229 consid. 5.2; 135 I 265 consid. 4.3 et 126 I 97 consid. 2b). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs fondant sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause ; l'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sans être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; ATF I 232 consid. 5.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_146/2016 du 22 août 2016 consid. 1.1 et 1B_62/2014 du 4 avril 2014 consid. 2.2). Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à prendre (ATF 138 IV 125 consid. 2.1 et 133 III 234 consid. 5.2.)

Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1).

2.2. En l'espèce, la motivation de l'ordonnance querellée permet de comprendre les motifs du classement. Le Procureur n'avait pas à répondre point par point aux observations du recourant lequel n'avait pas présenté de réquisition de preuve.

Partant, ces griefs doivent être rejetés.

3.             3.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP et en vertu du principe "in dubio pro duriore", s'il ressort de la dénonciation, du rapport de police ou – même si l'art. 310 al. 1 CPP ne le mentionne pas – de la plainte que les éléments constitutifs d'une infraction ou les conditions de l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière.

3.2.       Selon l'art. 144 al. 1 CP, se rend coupable de dommage à la propriété celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui et sera puni sur plainte.

L'art. 144 CP institue une infraction intentionnelle, l'auteur doit avoir la conscience et la volonté, au moins sous la forme du dol éventuel, de s'en prendre à la chose d'autrui (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op. cit., n. 16 ad art. 144 CP), les dommages causés par négligence n'étant pas punissables.

3.3.       En l'espèce, contrairement à ce que soutient le recourant, il n'est pas établi à satisfaction que la caméra ne fonctionnait plus. Certes, la caméra s'est détachée de son support mais n'est pas tombée et le prévenu soutient, photo à l'appui, qu'elle fonctionnait encore après son intervention. S'agissant du son, aucune preuve n'est apportée et le prévenu a fourni un indice de son fonctionnement que le recourant n'a pas démenti.

D'autre part, même à supposer qu'elle fût endommagée, les explications du recourant ne permettent pas de retenir qu'il aurait intentionnellement causé les dégâts.

Enfin, le Ministère public considère, à juste titre, que l'art. 52 CP permettait le classement de la procédure, ce d'autant plus au regard de la valeur de l'objet (le prix d'achat n'étant pas prouvé).

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant conclut à l'octroi de l'assistance judiciaire.

5.1. À teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.

L'art. 136 CPP concrétise les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire pour la partie plaignante dans un procès pénal (arrêt du Tribunal fédéral 1B_317/2021 du 9 décembre 2021 consid. 4.1). Selon l'alinéa 1 de cette disposition, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante indigente pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles si l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec.

La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. La demande d'assistance judiciaire gratuite doit être rejetée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).

5.2. En l'espèce, la question de l'indigence du recourant peut souffrir de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

Contrairement à ce que soutient le recourant, au vu des motifs susmentionnés, ses griefs étaient dénuées de fondements tout comme son action civile.

La requête ne peut dès lors qu'être rejetée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), émolument de décision compris, étant précisé que la procédure relative à l'assistance judiciaire est gratuite.

7.             Le prévenu, qui a gain de cause, ne sollicite pas d'indemnité, à raison, n'étant pas assisté d'un conseil.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, à B______ et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/20956/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

800.00