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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/17387/2022

AARP/467/2023 du 14.12.2023 sur OPMP/7254/2022 ( REV ) , TOTAL

Normes : LEI.115
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17387/2022 AARP/467/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 14 décembre 2023

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______ [GE],

demandeur en révision,

 

contre l’ordonnance pénale OPMP/7254/2022 rendue le 18 août 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 

 


EN FAIT :

A. a. Par ordonnance pénale du 18 août 2022, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 45 jours-amende, à CHF 90.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), ainsi qu'aux frais de la procédure, en CHF 510.-. L'ordonnance lui a été notifiée le 27 août 2022.

Il lui est reproché d'avoir, entre le 20 août 2021 et le 9 août 2022, à Genève, séjourné sur le territoire suisse, alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires, son permis B étant échu depuis le 19 août 2021.

b. A______ a formé opposition à cette ordonnance pénale le 18 octobre 2022, contestant l'infraction de séjour illégal. Il avait déposé une demande de renouvellement de son permis de séjour en juin 2021 et était sans réponse lors de son audition du 9 août 2022. Depuis, il avait reçu son titre de séjour, valable jusqu'en 2024.

c. Par ordonnance du 30 novembre 2022, le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité de l'opposition formée par A______ pour cause de tardiveté.

B. a. Entendu le 9 août 2022 par la police, A______ a déclaré être arrivé en Suisse en mars 2012. Il avait bénéficié d'un permis F puis d'un permis B. Il était employé dans un EMS, dans lequel il travaillait depuis 2015 et où il s'était formé. "L'OCPM [Office cantonal de la population et des migrations] lui avait dit que son titre de séjour allait être renouvelé. [Il] ne compren[ait] pas" et contestait tout séjour illégal.

À teneur du formulaire "Mesures d'éloignement – droit d'être entendu", il pensait que son permis B était valide. On lui avait expliqué que lors du dépôt d'une demande de permis C, le permis B était renouvelé pendant la procédure.

b. Selon le rapport de renseignements du 15 août 2022, les contrôles effectués auprès de l'OCPM avaient révélés que A______ avait déposé une demande de permis C, laquelle avait été refusée. Aucune demande de prolongation de son titre de séjour B n'avait été enregistrée.

c. Par courriel du 24 octobre 2022, l'OCPM a informé le MP de ce que A______ avait déposé une demande de permis C le 21 juillet 2021, soit avant l'échéance de son permis B. Durant la procédure d'examen de cette demande, il était "toléré sur le territoire" et ne s'était jamais trouvé en situation de séjour illégal. Son permis B avait été renouvelé, les conditions d'octroi du permis C n'étant pas remplies.

C. a. Devant la CPAR, A______ conclut implicitement à l'annulation de l'ordonnance pénale rendue à son encontre le 18 août 2022, ne s'étant jamais trouvé en situation de séjour illégal, mais en attente du renouvellement de son titre de séjour.

b. Le MP conclut à l'irrecevabilité de la demande de révision dès lors que A______ n'invoquait aucun fait ou moyen de preuve nouveaux dans sa demande. En particulier, le courriel de l'OCPM ne constituait pas un élément nouveau, même s'il ne figurait pas au dossier au moment de la notification de l'ordonnance pénale, puisque le demandeur avait indiqué à la police que son permis allait être renouvelé.

EN DROIT :

1. 1.1. La CPAR est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b du Code de procédure pénale suisse [CPP] cum art. 130 al. 1 let. a de la loi d'organisation judiciaire [LOJ]).

1.2. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

La révision est un moyen de droit instauré dans l'intérêt de la justice et la recherche de la vérité matérielle. Elle a pour fonction de ne pas laisser subsister un jugement entré en force de chose jugée qui constitue en réalité une erreur judiciaire résultant d'une erreur de fait (ATF 127 I 133 consid. 6 ; A. KUHN / Y. JEANNERET, Commentaire romand du code de procédure pénale, 2ème édition, Bâle, 2019, N 3 ad art. 410).

La révision ne sert toutefois pas à remédier aux erreurs ou omissions de l'intéressé dans la procédure précédente close par un jugement entré en force. Une révision ne doit pas servir à remettre sans cesse en cause une décision entrée en force, à détourner les dispositions légales sur les délais de recours ou celles sur la restitution desdits délais, voire à introduire des faits non présentés dans le premier procès en raison d'une négligence procédurale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_22/2018 du 15 mars 2018 consid. 5 ; 6B_866/2014 du 26 février 2015 consid. 1.2 ; A. KUHN / Y. JEANNERET, op. cit., N 22 ad art. 410).

1.3. L'autorité saisie peut refuser d'entrer en matière lorsque les motifs de révision invoqués sont manifestement non vraisemblables ou infondés ou lorsque la demande de révision apparaît abusive (art. 412 al. 2 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1126/2019 du 4 novembre 2019 consid. 1.1).

Les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux. Les faits ou moyens de preuve sont inconnus lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 ; ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2 et 5.1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_688/2020 du 15 octobre 2020 consid. 1.1).

Le fait invoqué doit déjà exister avant l'entrée en force du premier jugement ; un fait postérieur ne saurait entrer en considération (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1083/2021 du 16 décembre 2022 consid. 2.3 non publié à l'ATF 149 IV 105).

Celui qui invoque, à l'appui d'une demande de révision, un moyen de preuve qui existait déjà au moment de la procédure de condamnation et dont il avait connaissance doit justifier de manière détaillée de son abstention de produire le moyen de preuve lors du jugement de condamnation. À défaut, il doit se laisser opposer qu'il a renoncé sans raison valable à le faire, fondant ainsi le soupçon d'un comportement contraire au principe de la bonne foi, voire constitutif d'un abus de droit, excluant qu'il puisse se prévaloir du moyen de preuve invoqué dans la nouvelle procédure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_866/2014 du 26 février 2015 consid. 1.2).

1.4. La procédure pénale suisse est régie par le principe de la maxime inquisitoire (art. 6 al. 1 CPP).

La procédure pénale a pour objectif la recherche de la vérité matérielle (autrement dit l'établissement des faits tels qu'ils se sont déroulés) ; cet objectif a pour corollaire que les autorités pénales ne peuvent se satisfaire des déclarations des parties ni administrer les preuves sur la base des seules propositions de celles-ci (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 p. 1105).

Par conséquent, les autorités pénales doivent établir l'état de fait d'elles-mêmes et indépendamment des plaintes, explications et autres comportements des parties et procurer les moyens de preuves correspondants (ACPR/478/2012 du 6 novembre 2012 ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2011, N 65 ad art. 6).

1.5. L'art. 115 al. 1 let. b LEI punit quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l’expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé.

1.6. En l'espèce, le courriel de l'OCPM du 24 octobre 2022 établit la vérité matérielle, soit que le demandeur n'était pas en situation irrégulière pendant la période pénale.

Demeure la question de la recevabilité de la demande en révision, soit qu'elle ne doit pas être abusive et doit reposer sur des faits ou moyens de preuve nouveaux et sérieux.

Lors du prononcé de l'ordonnance pénale, le dossier ne contenait aucun document émanant de l'OCPM. Le rapport de renseignements indiquait seulement qu'à teneur du contrôle effectué auprès de l'autorité administrative, le demandeur n'était plus au bénéfice d'un titre de séjour. Le courriel de l'OCPM révèle ainsi une erreur de fait manifeste dans la teneur de ce rapport et constitue un fait nouveau.

Le demandeur a constamment relevé cette erreur, déjà lors de son audition par la police. Il a manifesté son incompréhension et indiqué que les reproches qui lui étaient faites ne correspondaient pas aux explications reçues des autorités administratives. Dès lors, on ne saurait lui reprocher de s'être abstenu de faire valoir cet élément de fait. Il n'a pas été cru, faute de preuve de ses dires, laquelle n'est parvenue qu'après le prononcé de l'ordonnance.

La tolérance du demandeur par les autorités administratives sur territoire suisse pendant l'examen de sa demande de permis C est un fait qui existait avant l'entrée en force de l'ordonnance pénale, mais n'a été établi qu'après.

La demande en révision est fondée et sera admise.

2. Vu ce qui précède, il ne sera pas perçu de frais (art. 428 CPP a contrario).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit la demande en révision formée par A______ contre l'ordonnance pénale OPMP/7254/2022 rendue le 18 août 2022 par le Ministère public dans la procédure P/17387/2022.

L'admet.

Annule l'ordonnance pénale du 18 août 2022 à l'encontre de A______.

Acquitte A______ d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI.

Ordonne, en conséquence, la radiation de la mention de l'ordonnance pénale du 18 août 2022, valant jugement, au casier judiciaire de A______.

Laisse les frais de la cause à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.